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25/01/2023 | FRANCE | N°22LY01692

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 janvier 2023, 22LY01692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 263 087,95 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 10 mars 2004 mettant fin à sa scolarité en école de police.

C... un jugement n° 1511054 du 6 juin 2018, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 155 000 euros.

Procédure devant la cour

I°) C... une requête enregistrée le 13 août 201

8, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 263 087,95 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 10 mars 2004 mettant fin à sa scolarité en école de police.

C... un jugement n° 1511054 du 6 juin 2018, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 155 000 euros.

Procédure devant la cour

I°) C... une requête enregistrée le 13 août 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2018 en tant qu'il a condamné l'Etat à indemniser le préjudice financier de M. A... ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées C... M. A... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à la réparation d'un préjudice financier.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, d'une part, en ce que le tribunal a analysé de manière erronée les écritures en défense dans les visas et, d'autre part, en ce qu'il est insuffisamment motivé, s'agissant de la méthode de calcul employée pour déterminer le montant du préjudice financier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré comme certain le préjudice financier de M. A..., en considérant ce dernier comme apte à reprendre sa scolarité dès juillet 2004 et en le considérant ensuite comme ayant des chances sérieuses d'être titularisé dès juillet 2005, alors que ni la nomination d'un élève gardien comme gardien de la paix stagiaire, ni la titularisation d'un stagiaire ne constituent des droits mais supposent la reconnaissance préalable d'une aptitude et qu'en l'espèce, étaient hautement improbables, d'une part, l'aptitude de M. A... à reprendre sa scolarité en juillet 2004 et, d'autre part, son aptitude à être titularisé à l'issue de sa scolarité ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a considéré que le préjudice financier invoqué pouvait s'étendre à l'évolution de carrière dont M. A... aurait dû bénéficier à compter de sa titularisation en juillet 2005, alors qu'un élève gardien de la paix, qui se trouve dans une situation probatoire et provisoire, n'a aucun droit à une reconstitution de carrière en cas d'éviction illégale en cours de scolarité et que les sommes dont il a été privé du fait de son éviction illégale ne peuvent s'apprécier que C... rapport à la rémunération d'un élève gardien de la paix, et jusqu'au jugement, la période d'éviction illégale de M. A... ayant cessé à la date de reprise de sa scolarité le 3 janvier 2013.

C... trois mémoires enregistrés le 28 juin 2019, le 26 juillet 2019 et le 3 septembre 2020 et une note en délibéré enregistrée le 14 septembre 2020, M. A..., représenté C... Me Saumet (AARPI Alternatives avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, à titre incident :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2018 en tant qu'il a limité à la somme de 155 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de ses préjudices ;

2°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 263 087,95 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015 et la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, d'une part, de procéder au versement de cette indemnité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros C... jour de retard, et, d'autre part, de s'acquitter de la part salariale et de la part patronale des cotisations en vue de la retraite afférentes à la rémunération dont il a été illégalement privé pour l'ensemble de la période en litige, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros C... jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions d'appel C... lesquelles le ministre conclut désormais au rejet des demandes indemnitaires tendant à la réparation de son préjudice financier constituent des conclusions nouvelles irrecevables, dès lors que l'Etat s'était borné, en première instance, à solliciter la réduction de l'indemnisation réclamée sans remettre en cause ni sa responsabilité, ni la réalité des préjudices ;

- les moyens soulevés au soutien de l'appel du ministre ne sont pas fondés ;

- les premiers juges ont insuffisamment évalué ses préjudices.

C... un arrêt n° 18LY03150 du 1er octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2018 en tant qu'il condamne l'Etat à verser une indemnité de 140 000 euros au titre du préjudice financier subi C... M. A... et rejeté l'appel incident de ce dernier.

C... une décision n° 446020 du 31 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Lyon en tant que celui-ci condamne l'Etat à verser à M. A... la somme de 140 000 euros au titre de son préjudice financier et a renvoyé à la cour, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, le jugement de l'affaire.

II°) C... courriers du 7 juin 2022, les parties ont été informées du renvoi, dans la mesure de la cassation, de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 22LY01692, à la cour administrative d'appel de Lyon.

C... un mémoire enregistré le 8 juillet 2022, M. A..., représenté C... Me Saumet, demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel principal ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2018 en tant qu'il a limité à la somme de 140 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de son préjudice financier ;

3°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 243 087,95 euros en réparation de son préjudice financier, outre intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;

4°) d'enjoindre à l'Etat de procéder au versement de cette indemnité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros C... jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient en outre que :

- il a subi un préjudice de carrière, qui s'étend sur toute sa carrière, même postérieurement à l'arrêt à intervenir, qui doit être évalué à 25 000 euros ;

- les premiers juges ont, à tort, soustrait l'allocation de maîtrise et l'indemnité spécifique " ARTT " de l'indemnisation de son préjudice, celles-ci n'étant pas destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liées à l'exercice effectif des fonctions ;

- subsidiairement, son préjudice financier pourra être évalué à 196 279,15 euros, compte tenu de la perte de chance de bénéficier d'un déroulement de carrière normal, laquelle s'élève à 90 %.

C... ordonnance du 11 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 septembre 2022.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, des pièces ont été demandées pour compléter l'instruction le 13 septembre 2022 et le 3 octobre 2022.

Un mémoire, enregistré le 3 janvier 2023, a été présenté C... le ministre de l'intérieur et des outre-mer et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2001-722 du 31 juillet 2001 ;

- le décret n° 2003-402 du 29 avril 2003 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Saumet, avocat, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., élève gardien de la paix, a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude totale et définitive à un emploi dans les services actifs de la police nationale C... un arrêté du 10 mars 2004 du ministre de l'intérieur. C... un jugement du 2 septembre 2010, le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. A..., annulé cet arrêté pour vice de procédure. Après avoir été déclaré apte physiquement aux fonctions, M. A... a été réintégré comme élève gardien de la paix, puis nommé gardien de la paix stagiaire le 1er janvier 2014 et titularisé le 1er janvier 2015. C... un jugement du 6 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à lui verser une indemnité en réparation, d'une part, du préjudice financier résultant de son éviction illégale pour un montant de 140 000 euros, et, d'autre part, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ayant résulté du retard pris dans sa réintégration, pour un montant de 15 000 euros. C... un arrêt du 1er octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a toutefois, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à M. A... une indemnité au titre de son préjudice financier et, d'autre part, rejeté l'appel incident C... lequel M. A... demandait la majoration du montant alloué au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. C... une décision du 31 mai 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Lyon en tant que celui-ci condamne l'Etat à verser à M. A... la somme de 140 000 euros en réparation du préjudice financier et a renvoyé, dans la seule mesure de la cassation ainsi prononcée, le jugement de l'affaire à la cour.

Sur la fin de non-recevoir soulevée C... M. A... :

2. La partie défenderesse en première instance est recevable à invoquer pour la première fois en appel les moyens et arguments lui permettant de contester le principe ou le montant de la condamnation mise à sa charge C... le tribunal. Dès lors, le ministre de l'intérieur est recevable à contester dans la présente instance le principe même d'une indemnisation du préjudice financier dont M. A... demande réparation, en dépit de la circonstance qu'en première instance, il s'était borné à en contester le montant.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, si le ministre de l'intérieur reproche aux premiers juges de s'être mépris sur la portée de ses conclusions, en retenant à tort, dans les visas du jugement attaqué, que son mémoire en défense concluait au " rejet de la requête ", le jugement n'a pas fait droit à de telles conclusions. En tout état de cause, les conclusions du ministre de l'intérieur, telles que rédigées dans son mémoire en défense, n'auraient pas fait obstacle à ce que les premiers juges rejettent dans leur totalité, s'ils l'estimaient justifier, les conclusions indemnitaires présentées C... M. A.... C... suite, l'erreur qui affecte ainsi les visas du jugement attaqué n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Pour justifier l'indemnité de 140 000 euros mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice financier subi C... M. A..., le tribunal administratif de Lyon a d'abord retenu que " la décision illégale (...) l'a empêché de reprendre sa scolarité en juillet 2004 et lui a fait perdre une chance sérieuse d'être titularisé dès juillet 2005 ", puis a précisé la méthode de calcul appliquée, en indiquant que " l'indemnité à laquelle il peut prétendre doit être calculée compte tenu du montant net des rémunérations dont il a été privé depuis juillet 2004 et de l'évolution de carrière dont il aurait dû bénéficier à compter de sa titularisation en juillet 2005, incluant l'indemnité de résidence et l'indemnité de sujétion spécifique de police mais à l'exclusion des indemnités qui sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions " et déduction faite du " montant net des rémunérations perçues C... M. A... au cours de cette même période " et a enfin indiqué se fonder sur " des bulletins de paye et des éléments chiffrés produits C... le requérant, non sérieusement contestés en défense ". Alors même que le jugement attaqué ne précise pas ces différents éléments chiffrés, il est ainsi suffisamment motivé, contrairement à ce que prétend le ministre de l'intérieur.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué quant au préjudice financier subi C... M. A... :

6. En premier lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative intervenue au terme d'une procédure irrégulière, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits C... les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, C... l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise C... l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure qui entachait la décision administrative illégale.

7. Comme indiqué précédemment, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 mars 2004 prononçant le licenciement pour inaptitude totale et définitive de M. A..., pour vice de procédure, celui-ci n'ayant pas été mis à même de solliciter au préalable la communication de son dossier médical. Il résulte de l'instruction que la plupart des avis médicaux présents dans ce dossier médical ne concluaient pas au caractère définitif de l'inaptitude et envisageaient la possibilité que l'incapacité soit temporaire, sous réserve d'une prise en charge appropriée. Ainsi, la même décision n'aurait pu légalement intervenir et n'aurait pas, dans les circonstances de l'espèce, été prise C... l'autorité compétente. C... suite, l'impossibilité pour l'intéressé d'accéder à ces avis médicaux et de présenter ses observations présente un lien direct avec le préjudice né de la décision de licenciement illégale.

8. En second lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer C... son travail au cours de la période d'éviction.

9. D'une part, et comme indiqué au point 7, les avis médicaux versés au dossier ne permettaient pas d'établir une inaptitude définitive de M. A... à l'exercice des fonctions de gardien de la paix, mais seulement une inaptitude temporaire, dont la durée ne peut pas être fixée avec certitude à défaut pour l'autorité administrative d'avoir attendu les résultats de l'examen médical prévu en juillet 2004, mais qui, d'après ces avis, avait des chances sérieuses d'être limitée à six mois et ainsi de ne plus faire obstacle à la reprise de la scolarité de M. A... à compter du mois de juillet 2004.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction que la scolarité de M. A..., en tant qu'élève gardien de la paix, n'a été interrompue, à compter du mois de mai 2003, qu'en raison de l'état d'anxiété dont il souffrait à la suite d'une agression et de menaces subies le 18 octobre 2002 alors qu'il était adjoint de sécurité du département de la Haute Garonne. Il résulte C... ailleurs du carnet de suivi qu'il produit, établi pendant les cinq premiers mois de sa scolarité, qu'il donnait jusqu'alors pleinement satisfaction en qualité d'élève gardien de la paix. Le ministre de l'intérieur ne fait valoir aucun motif tenant à son aptitude professionnelle, à sa manière de servir ou, plus généralement, à son comportement, qui aurait alors pu faire obstacle à sa nomination comme stagiaire, puis à sa titularisation comme gardien de la paix, au terme du délai de deux ans habituellement applicable, avancement dont il a d'ailleurs bénéficié à compter de sa réintégration en janvier 2013. Ainsi, et nonobstant les évaluations d'aptitude auxquelles sont subordonnées l'avancement à l'échelon de stagiaire et la titularisation comme gardien de la paix, il est établi que M. A... aurait pu prétendre à une progression normale de sa carrière, dès juillet 2004, tant C... son avancement comme stagiaire au terme d'une année, que C... sa titularisation au terme de l'année suivante, puis C... des avancements d'échelon réguliers au terme des délais normalement applicables. Le préjudice financier dont il se prévaut revêt ainsi un caractère certain.

11. En conséquence, et contrairement à ce que prétend le ministre, la seule qualité d'élève ou de stagiaire, qui était celle de M. A... lors de son éviction, ne saurait faire obstacle à ce qu'il soit tenu compte, dans l'évaluation du préjudice financier subi, du retard pris dans la progression normale de sa carrière. C... suite, son préjudice financier n'a pas à être fixé en fonction du seul niveau du traitement et des primes attribués à un élève gardien de la paix, ni à prendre fin au 1er janvier 2013, date de sa réintégration effective, compte tenu du retard pris dans le déroulement de la carrière qui a suivi.

12. S'agissant du préjudice financier subi pendant la période de son éviction, soit antérieurement au 1er janvier 2013, il y a lieu de tenir compte du traitement qui aurait été le sien entre le mois de juillet 2004 et le mois de décembre 2012, date à laquelle il aurait atteint le quatrième échelon de son grade s'il avait repris sa scolarité en juillet 2004, ainsi que des primes et indemnités afférentes à ses fonctions, dont il avait une chance sérieuse de bénéficier, lesquelles incluent l'indemnité de résidence, l'indemnité de sujétion spécifique de police ainsi que l'allocation de maîtrise, prévue C... le décret du 31 juillet 2001, qui n'est pas destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, à la différence de l'indemnité spécifique compensant certains jours de repos travaillés, prévue C... le décret du 29 avril 2003. Au vu des éléments financiers apportés C... M. A..., relatifs à la reconstitution de ses traitements et primes, lesquels doivent toutefois être retraités en revenus nets, et aux revenus perçus pendant cette période, non contestés en défense C... le ministre, il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi en lui accordant une indemnité de 140 000 euros.

13. S'agissant du préjudice financier subi C... M. A... à compter de sa réintégration, le 1er janvier 2013, celui-ci est fondé à se prévaloir d'un préjudice financier tenant au retard de plus de huit années pris dans le déroulement de sa carrière, lequel n'a vocation à être résorbé, à défaut de promotion dans un grade supérieur, qu'au terme d'une trentaine d'années de carrière lors de l'avancement au dernier échelon du grade de gardien de la paix, au vu de la durée des échelons prévue C... le décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Si le ministre invoque des promotions susceptibles d'être obtenues C... la voie d'examens professionnels, il n'apporte, à l'appui de cette affirmation, aucune justification quant au nombre moyen d'agents concernés, à la durée moyenne de carrière constatée chez les agents lauréats de ces examens et aux incidences financières qui en résultent. Ainsi, il ne démontre pas que ces examens auraient été de nature à remettre en cause l'existence ou le montant du préjudice de carrière subi C... M. A.... C... suite, ce préjudice doit être évalué C... comparaison entre le montant des traitements et primes que l'intéressé a vocation à recevoir au cours de sa carrière et ceux auxquels il aurait pu prétendre sans un tel retard, en tenant compte du nombre et de la durée des échelons de son grade, de la grille indiciaire qui leur est applicable et de la différence entre l'échelon auquel il pourra prétendre en fin de carrière et celui auquel il aurait pu prétendre sans un tel retard, sur le fondement de la reconstitution des traitements et indemnités qu'il a versée au dossier et dont le bien-fondé n'est pas contesté.

14. D'une part, les premiers juges ont partiellement fait droit à ces conclusions en tenant compte, pour fixer l'indemnité accordée à M. A... au titre de son préjudice financier, de " l'évolution de carrière dont il aurait dû bénéficier à compter de sa titularisation en juillet 2005 " et en se fondant sur la période entre le mois de juillet 2005 et la date de leur jugement. Toutefois, il résulte de ce qui a été indiqué au point 12 qu'en limitant à 140 000 euros l'indemnité totale accordée à M. A..., ce préjudice de carrière a été sous-évalué. Il sera fait une juste appréciation du préjudice de carrière subi C... M. A... sur cette période en lui accordant une indemnité supplémentaire de 15 000 euros.

15. D'autre part, s'agissant du reste de sa carrière, il sera fait une juste appréciation du préjudice de carrière subi en lui accordant l'indemnité de 25 000 euros qu'il demande à ce titre.

16. Il suit de là que l'appel principal du ministre de l'intérieur doit être rejeté et que, C... la voie de l'appel incident, M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser au titre de son préjudice financier soit portée de la somme de 140 000 euros à la somme de 180 000 euros.

17. Cette somme emportera intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015, date de réception de la réclamation préalable de M. A.... La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 30 décembre 2015, ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 20 octobre 2016, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

18. Le présent arrêt prononçant la condamnation de l'Etat à verser une indemnité à M. A..., il n'y a pas lieu d'enjoindre en outre au ministre de procéder à un tel versement, ni, dès lors, de fixer un délai et une astreinte pour qu'il soit procédé à son exécution.

19. En revanche, l'indemnité accordée à M. A... n'incluant pas la reconstitution de ses droits sociaux, il y a lieu, ainsi qu'il le demande, d'enjoindre au ministre en charge de l'intérieur de s'acquitter des cotisations, incluant la part salariale et la part patronale, nécessaires à la régularisation des droits à pension de retraite de l'intéressé, afférentes à la condamnation prononcée C... le présent arrêt, dont sera déduit le versement de 103 558,36 euros déjà opéré à ce titre et constaté C... l'arrêt n° 16NT03848 de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés C... l'Etat. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 2 500 euros à M. A..., en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : La somme de 155 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. A... C... le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2018 est portée à 195 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015. Ces intérêts seront capitalisés au 20 octobre 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Il est enjoint au ministre en charge de l'intérieur de s'acquitter des cotisations, incluant la part salariale et la part patronale, nécessaires à la régularisation des droits à pension de retraite de M. A..., afférentes à la condamnation prononcée C... l'article 2 du présent arrêt, dans les conditions fixées au point 19.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public C... mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01692
Date de la décision : 25/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SAUMET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-25;22ly01692 ?
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