Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement n° 0800041 que cette juridiction a rendu le 2 septembre 2010.
Par un jugement n° 1205001 du 26 juin 2013, le tribunal administratif de Rennes a enjoint à l'administration, dans un délai de 4 mois à compter de la notification du jugement, de placer rétroactivement M. B...dans une position statutaire conforme à sa situation pour la période du 16 février 2004 et le 3 janvier 2013, et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires à la reconstitution de ses droits sociaux.
Procédure devant la cour :
Par une demande, enregistrée le 26 février 2016 au greffe du tribunal administratif de Rennes et transmise à la cour administrative d'appel de Nantes le 26 octobre 2016, sous le n° 695, M. C...B...a saisi la cour d'une demande tendant à l'exécution de ce jugement n°1205001 du 26 juin 2013.
Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2016, le ministre de l'intérieur indique qu'en exécution des jugements précités du tribunal administratif de Rennes, M. B...a, par un arrêté du 18 juin 2012, été juridiquement réintégré et a été invité à contacter une médecin conventionné de l'école pour établir son aptitude physique ; que cette aptitude physique ayant été médicalement constatée le 14 novembre 2012, un arrêté du même jour a prononcé sa réintégration effective aux fins de poursuite de sa scolarité à l'école nationale de la police de Nîmes à compter du 3 janvier 2013 ; que M. B...a été nommé gardien de la paix stagiaire le 1er janvier 2014, titularisé le 1er janvier 2015 et affecté à la compagnie républicaine de sécurité de Chassieu ; le ministre estime qu'en revanche, compte tenu de sa situation d'élève gardien de la paix à la date des décisions annulées, aucune reconstitution de la carrière de l'intéressé avec effet rétroactif n'est possible et que M. B...ne peut en particulier prétendre aux dispositions de l'article 2 du décret n°94-874 du 7 octobre 1994 ; qu'ainsi en l'absence de service accompli entre le 16 février 2004 et le 3 janvier 2013, l'intéressé ne peut davantage prétendre à la reconstitution de ses droits sociaux.
Par une ordonnance du 28 novembre 2016, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé l'ouverture de la procédure juridictionnelle d'exécution, prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative, sur la demande de M.B....
Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2016, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer ses droits sociaux et notamment à pension dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions juridictionnelles des 2 septembre 2010 et 26 juin 2013 sont, faute d'avoir été contestées par le ministre, devenues définitives et sont revêtues de l'autorité de chose jugée ; le ministre ne justifie d'aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait susceptible de faire obstacle à leur exécution ;
- contrairement à ce que soutient le ministre, l'éviction de M. B...n'est aucunement justifiée au fond, l'appréciation portée sur le caractère définitif de son inaptitude était erronée ;
- l'annulation de la décision irrégulière d'éviction entraîne sa disparition rétroactive et par suite le ministre ne peut se prévaloir d'une rupture du lien entre l'intéressé et l'administration ;
- les élèves fonctionnaires doivent être assimilés à des fonctionnaires stagiaires au sens des dispositions de l'article 1er du décret n°94-874 du 7 octobre 1994 ; le statut d'élève correspond d'ailleurs à une échelle de grade de gardien de la paix, donne lieu à l'exercice de services actifs et à une rémunération mensuelle ;
- la demande d'astreinte est justifiée par le particulier mauvais vouloir de l'administration.
Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2017, le ministre de l'intérieur conclut :
à titre principal, au rejet de la requête ;
à titre subsidiaire, à ce que la cour éclaire l'administration sur les modalités d'exécution nécessaires du jugement n°1205001 rendu le 28 juin 2013 par le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
en ce qui concerne la situation administrative et personnelle de M.B... :
- l'accident survenu le 18 octobre 2002 n'a pas été reconnu imputable au service ;
- le comportement de l'intéressé, employé pendant plus d'un an comme adjoint de sécurité, n'a pas été satisfaisant ;
- son inaptitude physique définitive n'a pas été remise en cause par le jugement du 2 septembre 2010 qui n'a annulé la décision de licenciement qu'en raison d'un vice de procédure ;
en ce qui concerne l'exécution du jugement du 26 juin 2013 :
- le jugement du 2 septembre 2010 a reçu entière exécution par l'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 juin 2012 procédant à la réintégration juridique de M. B...et l'invitant à faire vérifier son aptitude physique par un médecin conventionné, et par l'arrêté du 24 décembre 2012 autorisant l'intéressé à reprendre sa scolarité à compter du 3 janvier 2013 ;
- le jugement du 26 juin 2013 a également été entièrement exécuté, dès lors que M. B...avait le statut d'élève gardien de la paix à la date de la décision annulée, et non de stagiaire, qu'il ne pouvait prétendre à la titularisation qu'après une période de deux ans (école puis stage), et que la décision de licenciement pour inaptitude physique définitive a rompu son lien avec le service, nonobstant le vice de procédure ayant conduit à son annulation ; qu'ainsi les dispositions de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires faisait obstacle à la reconstitution des droits sociaux de l'intéressé entre le 16 février 2004 et le 3 janvier 2013.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...a été nommé élève gardien de la paix par arrêté ministériel du 15 janvier 2003, à compter du 1er janvier 2003 et affecté à l'école nationale de police (ENP) de Périgueux ; qu'à la suite d'une agression ayant engendré un stress post-traumatique, il a été placé en congé de maladie puis a obtenu un report de scolarité et a été autorisé à reprendre son stage à l'école nationale de police de Saint-Malo à compter du 25 août 2003, par un arrêté ministériel du 30 janvier 2004 ; que par arrêté du 10 mars 2004, le ministre de l'intérieur a, toutefois, mis fin à sa scolarité à compter du 16 février 2004 en se fondant sur son inaptitude totale et définitive à l'emploi des services actifs ; qu'après avoir obtenu, par un jugement n°0501076 du 10 juillet 2007 du tribunal administratif de Rennes, l'annulation du " procès-verbal de notification de mise à fin de scolarité pour inaptitude définitive " daté du 19 mars 2004, seul document qu'il avait alors reçu, l'intéressé a obtenu, par un jugement n°0800041 du 2 septembre 2010 du même tribunal, l'annulation de l'arrêté précité du 10 mars 2004, finalement notifié par l'administration le 5 novembre 2007 ; que par ce dernier jugement, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision contestée pour vice de procédure, M. B...n'ayant pas été mis à même de solliciter au préalable la communication de son dossier médical, et a enjoint au ministre de l'intérieur, d'une part, de procéder à la réintégration juridique de M. B...et à la reconstitution de ses droits à compter du 16 février 2004, et d'autre part, de se prononcer, après vérification de l'aptitude physique de l'intéressé, sur sa reprise de scolarité en tant qu'élève gardien de la paix ; que sur demande de M. B...tendant à l'exécution du jugement du 2 septembre 2010, ce tribunal a, par un jugement n°1205001 du 26 juin 2013, enjoint au ministre de l'intérieur de le placer dans une position statutaire conforme à sa situation pour la période du 16 février 2004 au 3 janvier 2013 et de prendre, dans un délai de quatre mois, les mesures nécessaires à la reconstitution de ses droits sociaux ; qu'après transmission à la cour administrative d'appel de Nantes, de la nouvelle demande de M. C...B...tendant à l'exécution de ce dernier jugement, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, par une ordonnance du 28 novembre 2016, décidé l'ouverture de la procédure juridictionnelle, prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte " ;
3. Considérant que, sur le plan administratif, l'annulation de la décision mettant fin à la scolarité à l'école de police étant fondée sur un vice de procédure et M. B...n'ayant pas la qualité de fonctionnaire titulaire, elle impliquait seulement la réintégration juridique de l'intéressé en qualité d'élève gardien de la paix pour la période entre la date d'effet de la décision d'éviction irrégulière et la date de la nouvelle décision statuant sur sa situation, non une réintégration effective avec reconstitution de carrière ; que, sur le plan pécuniaire, l'annulation de cette décision d'éviction implique la régularisation de ses droits sociaux entre la date à laquelle il a perdu le bénéfice de ceux-ci et la date de la décision prononçant sa réintégration juridique ; que M. B...a ainsi droit à la reconstitution de ses droits sociaux entre le 16 février 2004, date d'effet de la décision mettant fin à sa scolarité pour inaptitude physique, et le 18 juin 2012, date de l'arrêté ministériel prononçant sa réintégration juridique, comme s'il avait été durant cette période élève gardien de la paix ; que compte tenu de ce qu'il n'a pas été réintégré avant le 3 janvier 2013 uniquement en raison de la nécessité de vérifier son aptitude physique, comme s'il avait été élève en congé de maladie, il a droit à la reconstitution de ses droits sociaux également pour la période du 18 juin 2012 au 3 janvier 2013 ; que ces droits impliquent, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution ; qu'ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 octobre 1994 susvisé fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Le présent décret s'applique aux personnes qui ont satisfait à l'une des procédures de recrutement (...) et qui ont vocation à être titularisées après la période probatoire ou la période de formation qui est exigée par le statut particulier du corps dans lequel elles ont été recrutées. Pour l'application du présent décret, les personnes mentionnées à l'alinéa précédent sont désignées ci-après sous l'appellation de "fonctionnaires stagiaires" " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n°68-92 du 29 janvier 1968 relatif au statut particulier du corps des gradés et gardiens de la paix de la police nationale, en ses dispositions applicables à la date de la décision contestée mettant fin aux fonctions de M.B... : " le corps des gradés et gardiens de la paix de la police nationale (PN) comprend, indépendamment des emplois d'élèves et de stagiaires, les grades de sous-brigadier et gardien, de brigadier et brigadier-chef " ; que l'article 4 de ce décret prévoit que les gardiens de la paix sont recrutés par concours et qu'en vertu de l'article 7, les candidats reçus sont nommés élèves dans un centre d'instruction et de formation de la police nationale et que " les élèves gardiens qui, à l'issue de la période d'instruction et de formation, ont satisfait aux épreuves d'un examen d'aptitude sont nommés gardiens de la paix stagiaires pour une durée d'un an " ; qu'il résulte de ces dispositions que les élèves gardiens de la paix, qui ont été nommés dans un échelon de ce corps mais n'ont pas encore été titularisés, doivent être regardés comme des fonctionnaires stagiaires, au sens des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 7 octobre 1994 qui définit ceux-ci comme des agents de l'Etat nommés à un emploi permanent mais dont la titularisation dans un grade donnant vocation définitive à occuper cet emploi n'a pas encore été prononcée ; que le ministre de l'intérieur n'est ainsi pas fondé à soutenir que M. B...n'aurait pas droit à la reconstitution de ses droits sociaux au motif qu'il n'avait pas la qualité de fonctionnaire stagiaire ;
5. Considérant que s'il résulte de l'instruction que le ministre a procédé à la réintégration juridique de M. B...par arrêté du 18 juin 2012 et l'a, après que son aptitude physique a été établie par certificat médical du 14 novembre 2012, autorisé par un arrêté du 24 décembre 2012 à poursuivre sa scolarité à compter du 3 janvier 2013, il n'a pas procédé à la reconstitution de ses droits sociaux, et notamment de ses droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale pour la période d'éviction illégale sus-rappelée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de s'acquitter, dans un délai de deux mois courant de la notification du présent arrêt, de la reconstitution des droits sociaux de M. B... par la prise en charge des cotisations afférentes aux droits à pensions de l'intéressé, incluant tant la part salariale que la part patronale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. B... tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de s'acquitter auprès des organismes sociaux compétents des cotisations afférentes aux droits à pension de M. B...pour la période du 16 février 2004 au 3 janvier 2013 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mai 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT03848