Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1907721 du 1er avril 2020, le président du tribunal administratif de Grenoble, a, en application des articles R. 311-5 et R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la requête de l'association Vivre à Soyans et autres tendant à l'annulation du transfert de permis de construire délivré le 3 janvier 2008 par le préfet de la Drôme à la société Bellane Énergie.
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 novembre 2019 et 15 juillet 2020, l'association Vivre à Soyans, l'association pour la protection des paysages sud de la Drôme, M. B... E... et Mme D... A... épouse E..., représentés par Me Lamamra, demandent à la cour :
1°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Drôme rejetant leur demande de retrait pour fraude de l'arrêté du 3 janvier 2008 portant transfert du permis de construire délivré le 14 novembre 2002 de la société Albatros à la société Bellane Énergie ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de retirer l'arrêté du 3 janvier 2008 dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'État et de la société Bellane Énergie le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de permis de construire du 23 juillet 2004 traduit une volonté non équivoque du pétitionnaire de renoncer à son projet autorisé par le permis tacite du 13 novembre 2002 et de lui substituer un nouveau projet réduit à une éolienne ; la manœuvre frauduleuse intervient au moment du transfert sollicité puis accordé le 3 janvier 2008, d'un permis obtenu le 13 novembre 2002 pour un projet de ferme éolienne abandonné en 2004 et en tout état de cause mis en place dans des conditions propres à tromper l'administration sur sa légalité ; le transfert du permis de construire du 13 novembre 2002 en litige autorise la réalisation d'une des deux éoliennes en sus de celle autorisée en 2004 alors que le permis du 23 octobre 2004 n'a pu être légalement accordé que dans la mesure de l'abandon du projet autorisé le 13 novembre 2002 ; les deux permis de construire des 13 novembre 2002 et 23 octobre 2004 étant insusceptibles de recevoir l'exécution l'un et l'autre ;
- les sociétés Albatros et Bellane Énergie ont frauduleusement organisé le transfert d'un permis de construire inexistant, dans des conditions propres à contourner les règles applicables aux fermes éoliennes d'une puissance supérieure à 2500 kW ou 2,5 MW et s'affranchir de l'obligation de réaliser une étude d'impact et une enquête publique conformément à l'article L. 553-2 du code de l'environnement.
Par un mémoire enregistré le 27 mai 2020, la société Bellane Énergie, représentée par Me Guiheux, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car présentée tardivement, en méconnaissance des articles L. 600-1-1 et R. 600-4 du code de l'urbanisme, en l'absence de délégation de pouvoir du président de l'association pour intenter un tel recours, faute d'intérêt à agir de ces co-auteurs ;
- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable compte tenu de la méconnaissance des dispositions des articles L. 600-1-1, pour défaut d'intérêt à agir et en raison de sa tardiveté ;
- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Combaret, substituant Me Lamamra, pour les requérants ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2022, pour l'association Vivre à Soyans et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier qu'un permis de construire a été tacitement délivré le 13 novembre 2002 à M. C..., autorisant l'installation de deux éoliennes et deux bâtiments techniques, chacune d'une capacité maximale de production de 1 500 kW, au lieudit " La Combe de Géry " à La Repara-Auriples (26400) sur les parcelles cadastrées section .... Ce permis de construire a été transféré une première fois à la société Albatros Énergie par arrêté du 12 mai 2003, puis une deuxième fois par arrêté du 12 décembre 2007 à la société Bellane Industrie, puis, compte tenu d'une erreur matérielle, un nouvel arrêté de transfert en date du 3 janvier 2008 a été édicté au profit de la société Bellane Énergie. Le 23 juillet 2004, la société Albatros Énergie a déposé une nouvelle demande de permis de construire relative à l'implantation d'une éolienne sur la parcelle cadastrée section ... à la Combe de Géry, permis tacitement délivré au 23 octobre 2004. Par un jugement n° 1005020 du 14 mai 2013, rendu sur la requête de M. E..., le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les arrêtés de transfert des 12 mai 2003 et 12 décembre 2007 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. E... et notamment s'agissant de l'arrêté du 3 janvier 2008, en raison de sa tardiveté. Par un arrêt n° 13LY01881 du 13 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a, entre autre, confirmé l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions présentées contre l'arrêté du 3 janvier 2008. Par une décision n° 387106 du 22 janvier 2016, le Conseil d'État a annulé l'article 2 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour pour qu'elle y statue à nouveau. Par un arrêt du 18 avril 2017 n° 1600303 la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le permis tacite délivré le 13 novembre 2002. Sur pourvoi de la société pétitionnaire, le Conseil d'État par une décision du 26 juin 2019 n° 411602 a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et a rejeté les conclusions présentées par M. E..., impliquant que le permis tacitement délivré en 2002 est revenu dans l'ordonnancement juridique. Compte tenu de cette dernière circonstance, les requérants ont saisi le préfet de la Drôme le 24 juillet 2019 d'une demande tendant au retrait pour fraude de l'arrêté de transfert du 3 janvier 2008. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née le 24 septembre 2019 dont les requérants demandent l'annulation.
2. Les requérants soutiennent que la demande de permis de construire du 23 juillet 2004 traduit une volonté non équivoque du pétitionnaire de renoncer à son projet autorisé par le permis tacite du 13 novembre 2002 afin de lui substituer un nouveau projet réduit à une éolienne et que cette manœuvre frauduleuse intervient au moment du transfert du permis de construire tacitement délivré le 13 novembre 2002, transfert accordé le 3 janvier 2008, pour en conclure que les sociétés Albatros et Bellane Énergie ont frauduleusement organisé le transfert d'un permis de construire inexistant, dans des conditions propres à contourner les règles applicables aux fermes éoliennes d'une puissance supérieure à 2 500 kW ou 2,5 MW et s'affranchir de l'obligation de réaliser une étude d'impact et une enquête publique conformément aux dispositions de l'article L. 553-2 du code de l'environnement.
3. Toutefois, le permis de construire précité du 23 octobre 2004, qui n'a pas le même objet que le permis du 13 novembre 2002, dès lors qu'il autorise la construction d'une seule éolienne sur une parcelle distincte comme l'indiquent les dossiers de demandes de permis produits au dossier, ne peut être regardé comme ayant eu implicitement pour effet de retirer le permis de construire de novembre 2002 dont le refus de retrait du transfert est contesté. De plus et ainsi qu'il a été confirmé à l'instance, la délivrance d'un permis de construire une éolienne, le 23 juillet 2004, n'a pas emporté l'abandon du projet autorisé par le permis de construire du 13 novembre 2002. Il suit de là que l'administration n'a pas pu se méprendre ni être induite en erreur sur la portée de cet arrêté tendant à transférer un permis de construire de la société Albatros à la société Bellane Énergie. Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une fraude doit être écarté.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la requête de l'association Vivre à Soyans et autres doit être rejetée.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État et de la société Bellane Énergie le versement de la somme que demande les requérants à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vivre à Soyans, l'association pour la protection des paysages sud de la Drôme, M. et Mme E... le versement à la société Bellane Énergie de la somme de 1 500 euros sur ce même fondement.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de l'association Vivre à Soyans, l'association pour la protection des paysages sud de la Drôme et de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : L'association Vivre à Soyans, l'association pour la protection des paysages sud de la Drôme, M. et Mme E... verseront à la société Bellane Énergie la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vivre à Soyans, l'association pour la protection des paysages sud de la Drôme, M. B... E... et Mme D... A... épouse E..., à la société Bellane Énergie, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 août 2022.
La rapporteure,
C. BurnichonLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 20LY01259
ap