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07/04/2022 | FRANCE | N°21LY00511

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 07 avril 2022, 21LY00511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, la délibération du 20 avril 2018 du conseil municipal de la commune de Beaulieu autorisant le maire à émettre des titres exécutoires à son encontre pour le recouvrement des frais de démolition de l'immeuble lui appartenant implanté sur la parcelle cadastrée section A n° 446 et des honoraires d'expertise et, d'autre part, les titres exécutoires n°s 204 et 205 de 40 874,40 euros et 1 128 euros émis à son encont

re le 27 novembre 2018 par le maire de la commune de Beaulieu.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, la délibération du 20 avril 2018 du conseil municipal de la commune de Beaulieu autorisant le maire à émettre des titres exécutoires à son encontre pour le recouvrement des frais de démolition de l'immeuble lui appartenant implanté sur la parcelle cadastrée section A n° 446 et des honoraires d'expertise et, d'autre part, les titres exécutoires n°s 204 et 205 de 40 874,40 euros et 1 128 euros émis à son encontre le 27 novembre 2018 par le maire de la commune de Beaulieu.

Par un jugement nos 1801391, 1900180 du 31 décembre 2020, ce tribunal, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 février 2021 sous le n° 21LY00511, Mme A..., représentée par la SCP Collet de Rocquigny-Chantelot-Brodiez-Gourdou et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, cette délibération et ces titres exécutoires ;

2°) d'annuler la mise en demeure du 20 janvier 2021 de payer la somme de 42 002,40 euros ;

3°) subsidiairement, de ramener le montant du titre exécutoire n° 204 à un montant de de 13 060,32 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Beaulieu la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- la commune de Beaulieu ne pouvait, pour émettre les titres exécutoires contestés, se fonder sur la théorie de l'enrichissement sans cause, puisqu'elle s'est appauvrie, la démolition de son bâtiment ayant pour origine l'état de ruine du bâtiment mitoyen ;

- l'état de ruine du bâtiment mitoyen résulte de l'inaction fautive de la commune qui l'a empêchée d'accéder au sien et de le sauver ;

- elle ne peut lui faire supporter le coût de démolition des deux immeubles mitoyens ;

- l'expert judicaire désigné à sa demande le 28 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a évalué le coût de démolition de sa maison à la somme de 13 060,32 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2022, la commune de Beaulieu, représentée par Me Bonicel-Bonnefoi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la requête de Mme A... qui ne comporte aucune critique du jugement attaqué est irrecevable ;

- la démolition de son bâtiment était la seule solution envisageable compte tenu de son état de ruine ;

- elle s'est enrichie à son détriment.

II. Par une requête enregistrée le 3 novembre 2021 sous le n° 21LY03564, Mme A..., représentée par la SCP Collet de Rocquigny-Chantelot-Brodiez-Gourdou et associés, demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens qu'elle soulève au fond sont sérieux et l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables sur sa situation économique.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2021, la commune de Beaulieu, représentée par Me Bonicel-Bonnefoi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la requête est devenue sans objet puisque le jugement au fond a été pleinement exécuté ;

- Mme A... n'établit pas se trouver dans une situation financière de grande précarité ;

- les moyens qu'elle soulève dans sa requête au fond ne sont pas sérieux.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Gourdou pour Mme A... et de Me Lambert pour la commune de Beaulieu.

Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 22 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision.

2. À la suite de désordres apparus sur l'immeuble implanté sur la parcelle cadastrée section A n° 446 située rue de la Fumille au lieudit Fenier à Beaulieu, le maire de la commune a pris un arrêté de péril imminent le 31 décembre 2013 prescrivant à Mme A..., propriétaire de l'immeuble, de prendre toutes les mesures pour garantir la sécurité publique en procédant à la démolition de l'immeuble. La commune a fait exécuter d'office et aux frais du propriétaire les travaux de démolition. Par un jugement du 2 février 2017 non frappé d'appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les titres exécutoires émis par le maire le 18 décembre 2015 à l'encontre de Mme A... pour le recouvrement des frais de démolition de l'immeuble et des honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. Le conseil municipal de la commune de Beaulieu a, par une délibération du 20 avril 2018, autorisé le maire à émettre des titres exécutoires à l'encontre de Mme A... afin d'obtenir le remboursement des sommes versées. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler cette délibération ainsi que les titres exécutoires nos 204 et 205 émis le 27 novembre 2018 pour des montants de 40 874,40 euros et 1 128 euros. Par la requête n° 21LY00511, elle relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande et demande en outre l'annulation de la mise en demeure du 20 janvier 2021 de payer la somme de 42 002,40 euros. Par la requête n° 21LY03564, elle demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Sur la requête n° 21LY00511 :

En ce qui concerne la délibération du 20 avril 2018 :

3. L'article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Les produits des communes (...) qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'État en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés (...) en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires par le maire en ce qui concerne la commune (...). ".

4. Le maire de Beaulieu a agi, en signant les titres de recettes émis le 27 novembre 2018, en sa qualité d'ordonnateur de la commune, pour recouvrer les sommes versées. Aucune autorisation du conseil municipal n'était requise. Par suite, la délibération du 20 avril 2018 revêt un caractère superfétatoire et est en conséquence insusceptible de faire grief à Mme A..., ainsi que l'a justement relevé le tribunal dans le jugement attaqué.

En ce qui concerne les titres exécutoires nos 204 et 205 émis le 27 novembre 2018 :

5. Il résulte de l'instruction que le bâtiment implanté sur la parcelle cadastrée section A n° 446 acquis en 1965 par l'époux de Mme A... partageait un mur mitoyen avec l'immeuble implanté sur la parcelle cadastrée section A n° 445 appartenant à M. C.... En 1995, une fissure est apparue sur le mur mitoyen séparant les deux immeubles au niveau du 1er étage de l'immeuble de M. A.... La fissure n'a cessé de s'aggraver au fil du temps et d'autres désordres sont apparus. Par lettre du 11 avril 2008, le maire de la commune de Beaulieu a vainement mis en demeure M. A... d'intervenir en vue de prévenir les chutes de pierres et un effondrement de son bâtiment. En 2011, un premier expert judiciaire a été désigné à la demande de M. A... par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. L'expert a constaté le 30 septembre 2011 que le mur mitoyen était affecté de fissures verticales traversantes mesurant 2 à 3 cm de large. Il a précisé, d'une part, que l'immeuble de M. C... présentait un risque imminent d'effondrement sur la voie publique et de dégradations connexes sur les propriétés voisines et, d'autre part, que l'escalier d'accès de l'immeuble de M. A... présentait un risque imminent d'effondrement avec un effet d'entraînement sur la structure du bâtiment. Par un jugement du 19 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a condamné M. C... à faire réaliser dans le délai de trois mois les travaux de démolition et réfection sur son immeuble, celui des époux A... et le mur mitoyen prescrits par l'expert judiciaire. M. C... n'a pas exécuté le jugement. Saisi par le maire de la commune de Beaulieu sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la constriction et de l'habitation, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par une ordonnance du 11 avril 2013, a désigné un deuxième expert judiciaire qui a rendu son rapport le 15 avril 2013. Il a décrit l'immeuble de la parcelle n° 445 en état de ruine et émis l'avis qu'il risquait de s'effondrer du jour au lendemain sur le domaine public et la propriété de Mme A..., dont il a constaté le mauvais état. Il a conclu à l'existence d'un péril grave et imminent et préconisé la démolition de l'immeuble de la parcelle n° 445. En ce qui concerne le bâtiment de la parcelle n°446, il a estimé qu'il pourrait être probablement réhabilité et a préconisé dans l'attente, des mesures de sécurisation provisoires. Face à l'inertie des deux propriétaires, le maire de Beaulieu a de nouveau saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 13 décembre 2013 à fin de désignation d'un expert sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. Cet expert a décrit l'immeuble de Mme A... dans son rapport rendu le 17 décembre 2013 en état de ruine inéluctable et a préconisé sa déconstruction. Le dernier expert désigné à la demande de Mme A... par le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a repris dans son rapport du 28 février 2014 la conclusion de la précédente expertise.

6. Il résulte de ce qui précède que des experts judiciaires ont constaté au mois de septembre 2011 que le bien de Mme A... était affecté de désordres et au mois de décembre 2013 son état de ruine. Compte tenu de l'utilité pour Mme A..., qui n'a entrepris aucuns travaux de sauvegarde de son bien, des travaux de démolition exécutés d'office par la commune de Beaulieu, celle-ci est fondée à invoquer pour le recouvrement des sommes versées pour la démolition du bâtiment, en dépit de l'inaction alléguée de son maire et de celle de M. C..., l'enrichissement sans cause du propriétaire.

7. La commune de Beaulieu établit par la production des factures de l'entreprise avec laquelle elle a conclu un marché public de travaux pour la démolition des deux bâtiments mitoyens qu'elle a versé à l'entreprise en 2015 la somme de 40 874,40 euros pour la démolition du bien de Mme A... et la somme de 21 357,60 euros pour la démolition du bien de M. C.... La commune pouvait donc mettre en recouvrement la somme de 40 874,40 euros alors même que l'expert judicaire désigné à la demande de Mme A... le 28 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a évalué le coût de démolition de sa maison à la somme de 13 060,32 euros au vu d'un seul devis partiel et estimatif des travaux. Mme A... n'est donc pas fondée à demander, à titre subsidiaire, que le montant du titre exécutoire n° 204 soit ramené à 13 060,32 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Beaulieu, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ni, en tout état de cause, à demander l'annulation de la mise en demeure du 20 janvier 2021 de payer la somme de 42 002,40 euros.

Sur la requête 21LY03564 :

9. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement nos 1801391, 1900180 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, les conclusions de la requête n° 21LY03564 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Beaulieu qui n'est pas, dans l'instance au fond, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... les sommes demandées au même titre par la commune de Beaulieu.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY03564.

Article 2 : La requête n° 21LY00511 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Beaulieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Beaulieu.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

La présidente rapporteure,

C. MichelL'assesseure la plus ancienne,

A. Duguit-Larcher

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 21LY00511 et 21LY03564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00511
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP COLLET-DE ROCQUIGNY CHANTELOT-ROMENVILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;21ly00511 ?
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