Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1706466 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY04681 du 8 avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé ce jugement, a fait droit à la demande de l'association.
Par décision n° 453368 du 4 octobre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 21LY03199.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, l'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie, représentée par la SELARL Alerion, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association soutient que :
- elle ne peut pas être assujettie aux impôts commerciaux ni à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; les comparables retenus par l'administration ne sont pas pertinents dès lors qu'ils n'appartiennent pas plus qu'elle au secteur commercial ;
- au surplus, elle participe à une véritable mission d'intérêt général et de service public éducatif, la fixation des prix des programmes répond à une logique budgétaire et non lucrative et elle ne pratique pas la publicité commerciale mais développe une information sur son activité d'enseignement supérieur.
Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par l'association appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie, dont l'objet statutaire est l'enseignement supérieur et la recherche en gestion et en management des organisations, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 2011 au 30 juin 2014, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, selon la procédure de taxation d'office, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des exercices clos le 31 août 2011, le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013. Par un jugement du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes. Par un arrêt du 8 avril 2021, la cour, après avoir annulé ce jugement, a fait droit à la demande de l'association. Par une décision du 4 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour pour qu'elle y statue de nouveau.
2. Aux termes du 1 de l'article 1586 ter du code général des impôts : " Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". En vertu des dispositions de l'article 1447 du même code : " I -La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) II -La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa (...) ". Aux termes du premier alinéa du 1 bis de l'article 206 de ce code : " Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 € (...) ".
3. Il résulte, d'une part, des dispositions précitées de l'article 1586 ter du code général des impôts, éclairées par leurs travaux préparatoires que, pour définir les redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le législateur a entendu renvoyer à la définition des redevables de la cotisation foncière des entreprises telle qu'elle résulte de 1'ensemble des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts et, d'autre part, que les associations sont exonérées, en vertu du premier alinéa du 1 bis de l'article 206 de ce code, auquel renvoie l'article 1447 précité, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dès lors que leur gestion présente un caractère désintéressé et que la part de leurs activités non lucratives est prépondérante.
4. Par suite, en vertu des dispositions combinées des articles cités au point 2, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 sont exonérées de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dès lors que, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et que, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle continue de bénéficier de l'exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.
5. Il résulte de l'instruction que pour estimer que l'activité de la requérante entrait dans le champ du secteur concurrentiel et présentait ainsi un caractère lucratif, l'administration qui ne conteste pas le caractère désintéressé de l'association, s'est fondée sur le fait que des organismes en charge de la gestion d'établissements d'enseignement supérieur proposaient des formations de même type que celles proposées par l'intéressée en région Rhône-Alpes en évoquant précisément les cas de l'ESC Saint-Etienne, alors gérée par la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Etienne dans les conditions prévues par l'article L. 753-1 du code de l'éducation, de l'Association de gestion de l'école supérieure de commerce de Dijon-Bourgogne, de l'IDRAC Business School de Lyon, de l'école supérieure de commerce et management de Lyon, et de l'ISEG Business et Finance School de Lyon et qu'elle délivrait ainsi des services offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique.
6. Pour contester le fait que les prestations qu'elle offre ne sont pas comparables à celles émanant de ces organismes, la requérante fait valoir d'une part, que ces organismes disposent du statut d'établissements publics ou d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901, dont l'activité n'entre pas, par principe, dans le champ des impôts commerciaux, et ne constituent ainsi pas des " entreprises commerciales " exerçant leur activité de formation dans un secteur concurrentiel. En se bornant à opposer cette seule circonstance, sans contester le fait qu'eu égard aux conditions dans lesquelles elles exercent leur propre activité, ces entités qui relèvent du secteur commercial et s'acquittent à ce titre des impôts commerciaux, doivent être regardées comme des entreprises commerciales, la requérante n'établit pas que c'est à tort qu'en application des principes rappelés précédemment, l'administration a estimé qu'elle pouvait être regardée comme intervenant dans un champ concurrentiel, en comparant sa situation à celle de ces organismes. D'autre part, la requérante fait valoir que les organismes dont l'administration fait état ne délivrent pas des formations similaires aux siennes dès lors qu'elle bénéficie d'une accréditation à délivrer des diplômes et qu'elle participe à la conférence des grandes écoles. Toutefois, il résulte de l'instruction que les autres organismes précités délivrent des formations similaires dans les domaines de la gestion et du commerce, proposent une formation professionnelle et / ou une formation initiale avec des conditions d'admission parfois sélectives et pour certains d'entre eux, bénéficient d'une accréditation pour délivrer des diplômes dont il n'est pas établi qu'elle ne serait pas équivalente à la sienne et font partie de la conférence des grandes écoles. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'intervient pas dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales.
7. Subsidiairement, la requérante se prévaut de ce qu'elle s'adresse à un public spécifique et pratique notamment des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel. Toutefois, il résulte de l'instruction que, pour les enseignements délivrés au cours de la période, l'association a pratiqué des tarifs annuels de frais de scolarité variant entre 7 600 et 8 150 euros, soit en moyenne, 7 875 euros par an, alors que pour les mêmes années, l'administration fait valoir sans être contredite que les frais annuels de scolarité s'élevaient en moyenne à 7 500 euros pour l'ESC Saint-Etienne, à 8 100 euros pour l'école supérieure de commerce de Dijon-Bourgogne, à 8 330 euros pour l'IDRAC Business School à Lyon, à 8 300 euros pour l'ISEG Business et Finance School à Lyon et à 8 000 euros pour un étudiant intégrant le programme grande école en 1ère année en 2015/2016. En égard à la faiblesse de ces écarts, il n'apparaît pas que les tarifs pratiqués par la requérante puissent caractériser le fait pour cet organisme de vouloir cibler un public particulier ne pouvant " normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales ", la requérante ne pouvant utilement sur ce point se prévaloir de ce qu'elle se trouverait en situation déficitaire. Enfin, la requérante ne peut pas plus utilement faire valoir qu'elle gérait un cursus pour les sportifs de haut niveau et qu'elle a assuré des mesures de publicité destinée à informer ce public spécifique, dès lors qu'il n'est pas établi que ce public présenterait des caractéristiques sociales particulières. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son activité ne présente pas un caractère lucratif la faisant entrer dans le champ d'application du 1 de l'article 1586 ter du code général des impôts précité, alors même que sa gestion présenterait un caractère désintéressé.
8. Il résulte de ce qui précède que l'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2022.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. Langlet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03199
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