Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société MAC a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le maire de Saint-Lager a refusé de lui délivrer un permis de construire et la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ce refus ainsi que la décision du 5 février 2019 par laquelle le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a rejeté son recours dirigé contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France défavorable à son projet.
Par un jugement n° 1902750 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint au maire de Saint-Lager de délivrer à la société Mac le permis de construire qu'elle a demandé dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour
I - Par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20LY03296, la commune de Saint-Lager, représentée par la Selarl Adamas Affaires Publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2020 et de rejeter la demande de la société MAC ;
2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société MAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le motif opposé par le maire et tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur d'appréciation ; le projet, par ses caractéristiques, porte atteinte au château de Saint-Lager et à ses abords.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2021, la société MAC, représentée par Me Albisson, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Lager au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen soulevé n'est pas fondé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les autres moyens soulevés en première instance.
Par un mémoire en intervention enregistré le 30 avril 2021, la ministre de la culture conclut à ce que les instances n° 20LY03525 et n° n° 20LY03296 fassent l'objet d'une jonction, à titre principal, à l'annulation du jugement du 24 septembre 2020 et à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement en tant qu'il enjoint au maire de Saint-Lager de délivrer le permis de construire demandé par la société MAC sans conditionner cette délivrance à une nouvelle consultation de l'architecte des Bâtiments de France et de rejeter les conclusions à fin d'injonction formulées par la société MAC sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement, qui ne mentionne pas les dispositions précises législatives et réglementaires dont il est fait application en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est irrégulier ;
- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé une injonction de délivrer le permis de construire au maire de Saint-Lager alors que l'architecte des Bâtiments de France aurait dû être à nouveau saisi de la demande de la société MAC ; seule une injonction de réexamen de la demande de permis pouvait être prononcée ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le projet porte atteinte au château de Saint-Lager, pour partie classé à l'inventaire des monuments historiques, et à ses abords.
La clôture de l'instruction est intervenue le 7 septembre 2021 suite à une ordonnance prise le même jour sur le fondement des dispositions combinées de l'article R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 2 décembre 2020 sous le n° 20LY03525 et le 4 octobre 2021, la ministre de la culture conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ses observations présentées sous la requête n° 20LY03296.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2021, la société MAC, représentée par Me Albisson, conclut au rejet de la requête et à ce que le ministre lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la ministre de la culture n'est fondé.
L'instruction a été close en dernier lieu le 8 octobre 2021 par une ordonnance du 23 septembre précédent prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Dans les deux instances, par un courrier du 1er octobre 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de rejeter comme irrecevables les conclusions de la société MAC tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2019 par laquelle le préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a confirmé l'avis de l'architecte des Bâtiments de France.
Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2021, dans les deux instances la société Mac a présenté ses observations relatives à ce courrier.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Untermaier, substituant Me Petit, pour la commune de Saint-Lager, ainsi que celles de Me Albisson pour la société MAC ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 octobre 2018, le maire de Saint-Lager a refusé à la société MAC la délivrance du permis de construire six maisons individuelles groupées sur la parcelle cadastrée AK 145, située 258 route des Brouilly. La commune de Saint-Lager ainsi que la ministre de la culture relèvent chacun appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ce refus de permis, ainsi que la décision implicite de la société pétitionnaire rejetant le recours gracieux contre ce refus et la décision du 5 février 2019 par laquelle le préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a confirmé l'avis de l'architecte des Bâtiments de France.
Sur la jonction :
2. Les requêtes de la commune de Saint-Lager et de la ministre de la culture sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de l'intervention du ministre à l'instance n° 20LY03296 :
3. La ministre de la culture, qui a, au demeurant, fait appel de la décision du tribunal administratif dans l'instance n° 20LY03296, a intérêt à l'annulation du jugement et au rejet de la demande de la société MAC. Son intervention au soutien de la requête de la commune de Saint-Lager est ainsi recevable.
Sur le bien-fondé du motif d'annulation :
4. Il est constant que le projet de la société intimée s'inscrit en co-visibilité d'éléments du château de Saint-Lager, inscrits au titre des monuments historiques selon un arrêté du 12 décembre 1975, notamment, sa façade Est, donnant sur le parc du château et la toiture correspondante, les façades et les toitures du donjon et de la tour.
5. Pour refuser de délivrer le permis de construire en litige, le maire, qui a repris les termes de l'avis défavorable émis par l'architecte des Bâtiments de France (ABF) le 3 août 2018, s'est fondé sur la méconnaissance par le projet de l'article " R. 111-21 du code de l'urbanisme " et sur la circonstance que les caractéristiques du projet portaient atteinte à la qualité urbaine du bourg et aux abords du château de Saint-Lager. La société intimée a alors contesté l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France devant le préfet de Région, lequel a confirmé cet avis par décision du 5 février 2019 puis devant le tribunal administratif, lequel a censuré ce motif et annulé le refus de permis de construire ainsi que la décision précitée du préfet de Région.
En ce qui concerne la décision du préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes du 5 février 2019 :
6. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I.- (...) La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...)". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues à l'article L. 632-2 du présent code ". L'article L. 632-2 de ce code précise : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. (...) "
7. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé (...) dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire s'il n'est pas l'autorité compétente, et à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme. / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région ".
8. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un permis de construire est subordonnée, lorsque les travaux envisagés sont situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit et en co-visibilité avec celui-ci, à l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France ou, lorsque celui-ci a été saisi, du préfet de région. Si l'avis de celui-ci se substitue alors à celui de l'architecte des Bâtiments de France, l'ouverture d'un tel recours administratif, qui est un préalable obligatoire à toute contestation de la position ainsi prise au regard de la protection d'un édifice classé ou inscrit, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre l'exercice d'un recours contentieux contre cet avis. La régularité et le bien-fondé de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ou, le cas échéant, de la décision du préfet de région ne peuvent être contestés qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus du permis de construire et présenté par une personne ayant un intérêt pour agir. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes du 5 février 2019 dont la légalité ne peut être contestée que par la voie de l'exception d'illégalité à l'encontre de la décision de refus du permis de construire.
En ce qui concerne l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le maire de Saint-Lager a refusé de délivrer un permis de construire à la société MAC et la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ce refus :
9. Pour contester cet arrêté, les requérants font valoir que le projet porte atteinte aux abords du château. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante au centre bourg et aux abord du château de Saint-Lager, à l'extrémité non bâtie de la parcelle triangulaire, cadastrée AK n° 45 d'une superficie globale de 8 646 m², dans la continuité du front de bâti composé de bâtiments industriels partiellement désaffectés le long de la route des Ravatys et d'immeubles d'habitation le long de la route des Brouilly et qu'il prévoit la construction pour une surface plancher globale de 672,14 m² de six logements individuels. Il ressort des pièces du dossier que le projet présente, au contraire des bâtiments immédiatement voisins, des façades dissymétriques d'aspect discontinu avec une rupture franche de la ligne de faîtage à l'emplacement des stationnements de l'autre côté de la façade sur rues, ainsi que des ouvertures de taille variée disposées aléatoirement le long de ces façades. De plus, le projet prévoit la démolition plus que partielle du mur d'enceinte en pierres qui donnait une unité à l'ensemble architectural présent sur la parcelle et répondait aux autres murs de soubassement de pierres ou entièrement en pierres ceignant les propriétés voisines. Ainsi, et alors même que l'architecte des Bâtiments de France s'est fondé à tort dans son avis, confirmé par décision du préfet de Région, sur l'absence de projet global d'aménagement à l'échelle de la totalité des bâtiments non protégés présents sur la parcelle ainsi que sur l'impossibilité de rénover la globalité du site suite aux aménagements projetés, le projet en litige, compte tenu de ses caractéristiques, particulièrement de son aspect extérieur, ne s'intègre pas dans l'environnement bâti aux abords immédiats du château et porte atteinte à l'intérêt général du patrimoine protégé.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Lager ainsi que la ministre de la culture sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que le motif de refus du permis de construire en litige était entaché d'erreur d'appréciation.
11. Il appartient à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par la société MAC tant en première instance qu'en appel.
12. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. A..., adjoint au maire à l'urbanisme qui détenait une délégation régulière en vertu de l'article 2122-18 du code général des collectivités territoriales et n'est donc pas entaché d'incompétence.
13. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées aux points 4 et 5 que le maire était tenu, en conséquence de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France sur le projet, confirmé par décision du préfet de Région, de refuser le permis de construire demandé. Dans ces conditions, la circonstance que le maire se soit fondé à tort sur l'article R. 111-21 alors en vigueur du code de l'urbanisme pour refuser le permis en litige est sans influence sur la légalité de ce refus.
14. En troisième lieu, la société pétitionnaire fait valoir que l'avis de l'architecte des Bâtiments de France a été rendu sans tenir compte des éléments demandés par la commune et transmis par le pétitionnaire à l'appui de sa demande le 17 octobre 2018. Toutefois, ces compléments ont nécessairement été transmis au préfet de Région, dont la décision du 5 février 2019 s'est substituée à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. Dans ces conditions, la société MAC n'est pas fondée à soutenir que le permis a été refusé à la suite d'un avis entaché d'erreur de fait et basé sur un dossier de demande incomplet.
15. En quatrième et dernier lieu, la société pétitionnaire soutient que l'avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) consultée par le préfet de Région avant que celui-ci ne rende sa décision se substituant à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, le maire et l'architecte des Bâtiments de France ayant été entendus sans la pétitionnaire.
16. Aux termes de l'article R. 611-28 du code du patrimoine : " La commune (...), ainsi que l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme sont informées de l'ordre du jour qui les concerne et sont entendues par la commission si elles en font la demande. / L'architecte des Bâtiments de France et le conservateur des antiquités et objets d'art sont entendus par la commission lorsqu'elle procède à l'examen d'affaires relevant de leur compétence. ".
17. Il résulte des dispositions précitées au point 4, 5 et 16 que la commission régionale du patrimoine et de l'architecture a rendu un avis purement consultatif avant que le préfet de Région ne statue sur la demande du pétitionnaire. Dans ces conditions, la société MAC ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle n'aurait pas été invitée à présenter ses observations devant cette commission à l'appui de sa contestation du refus de permis de construire en litige.
18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Saint-Lager ainsi que la ministre de la culture sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé le refus de permis de construire du 22 octobre 2018 et, partant, à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité, ainsi que le rejet de la demande de la société MAC.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la somme que la société MAC demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Saint-Lager et de la ministre de la culture, qui ne sont pas parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MAC le versement de la somme que demande la commune de Saint-Lager au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 septembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande ainsi que les conclusions d'appel de la société MAC sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI MAC, à la ministre de la culture ainsi qu'à la commune de Saint-Lager.
Copie en sera adressée au préfet la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.
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N° 20LY03296, 20LY03525