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15/06/2021 | FRANCE | N°19LY03588

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 15 juin 2021, 19LY03588


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. et Mme D... et M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 novembre 2016 par lequel le maire de Thorens-Glières a délivré à M. et Mme H... un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 139,48 m² sur une parcelle cadastrée section A n° 693, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux, d'autre part, l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel le maire délégué d'Evires, par dé

légation du maire de Fillière leur a délivré un permis de construire modificati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. et Mme D... et M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 novembre 2016 par lequel le maire de Thorens-Glières a délivré à M. et Mme H... un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 139,48 m² sur une parcelle cadastrée section A n° 693, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux, d'autre part, l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel le maire délégué d'Evires, par délégation du maire de Fillière leur a délivré un permis de construire modificatif pour la création d'un abri voiture et d'une place de stationnement supplémentaire ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1702530, 1801130 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2019, 28 novembre 2019 et 15 octobre 2020, M. et Mme D... et M. et Mme C..., représentés par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires publiques, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 7 novembre 2016 et 1er septembre 2017 ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge solidaire de la commune de Thorens-Glières et de M. et Mme H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ;

- le permis de construire méconnaît l'article A 1 du règlement du PLU en ce qu'il prévoit la création d'un accès au sein d'une zone soumise à risques naturels forts où toute nouvelle occupation et utilisation du sol est interdite ;

- le permis de construire méconnaît l'article A 3 du règlement du PLU compte tenu de l'étroitesse de la voie d'accès, accès qui présente par ailleurs une pente supérieure à 8% sur une longueur de cinq mètres ;

- le permis de construire méconnaît l'article UD 11 du règlement du PLU en ce qu'il prévoit une toiture terrasse qui n'est pas justifiée par le projet architectural et n'est pas nécessaire à l'installation d'un dispositif favorisant la retenue d'eaux pluviales ;

- le permis de construire méconnaît l'article UD 12 du règlement du PLU ; ce vice n'est pas régularisé par le permis de construire modificatif, qui est illégal ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté comme inopérant leur moyen critiquant par voie d'exception la légalité du PLU approuvé le 27 janvier 2014 classant le terrain d'assiette du projet en zone UDi alors que le classement précédent en zone NC du plan d'occupation des sols faisait obstacle au projet de construction ; ce classement est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ; il ne répond pas aux objectifs affichés pour l'ouverture à l'urbanisation par la délibération du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien du 2 octobre 2013 ; il est incohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ; le terrain fait partie d'un vaste ensemble agricole ;

- le permis de construire modificatif est illégal compte tenu de l'illégalité du PLU et du permis de construire initial.

Par des mémoires en défense, enregistré les 6 février 2020 et 6 novembre 2020 ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme H..., représentés par la SELARL Gaillard Oster Associés, concluent au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et demandent qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir ;

- le moyen critiquant, par voie d'exception, la légalité du classement du terrain d'assiette du projet est inopérant et infondé ;

- les autres moyens soulevés sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, la commune nouvelle de Fillière, représentée par Me J..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen critiquant, par voie d'exception, la légalité du classement du terrain d'assiette du projet, en l'absence de toute argumentation de nature à démontrer que les dispositions d'urbanisme remises en vigueur interdisent la délivrance de l'autorisation ; ce moyen est en tout état de cause infondé ;

- les autres moyens soulevés sont infondés.

La clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2020 par une ordonnance du 9 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme K... I..., première conseillère ;

- les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique ;

- les observations de Me A... pour M. et Mme D... et M. et Mme C..., celles de Me J... pour la commune nouvelle de Fillière et celles de Me G... pour M. et Mme H... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... et M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 7 novembre 2016 et 1er septembre 2017 délivrant à M. et Mme H... un permis de construire une maison d'habitation et un permis de construire modificatif pour la création d'un abri voiture et d'une place de stationnement supplémentaire, ainsi que les décisions rejetant leur recours gracieux.

Sur l'intérêt pour agir des requérants :

2. Les requérants, qui ont la qualité de voisins immédiats et qui ont fait état d'atteintes dans leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens, justifient suffisamment de leur intérêt pour agir.

Sur la légalité des permis de construire :

3. Aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur ". Aux termes de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige est la seule parcelle non bâtie d'une zone Udi, de taille relativement modeste, formée d'un ensemble de sept parcelles. Restée à l'état naturel, elle s'ouvre sur une vaste zone agricole à laquelle elle peut être rattachée en dépit de la présence de végétation en limite parcellaire. Les photographies versées au dossier permettent d'établir que du foin y est récolté et, par suite, son potentiel agricole. Pour justifier son classement en zone UDi, la commune ne peut utilement se prévaloir de la délibération du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien du 2 octobre 2013, prise pour déroger à l'urbanisation limitée en application des dispositions alors applicables de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme et qui a entendu ajuster le périmètre constructible de l'ancienne zone NAd du plan d'occupation des sols, dont ne faisait pas partie cette parcelle, classée en zone NC par ce document d'urbanisme comme le soutiennent les requérants. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques de la parcelle en litige et eu égard à l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables de pérenniser et conforter l'activité agricole, le classement en zone UDi de cette parcelle apparaît entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité du classement en zone Udi, qui est un motif de légalité interne non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet au sens des dispositions de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, fait renaître les dispositions du plan d'occupation des sols immédiatement antérieures.

6. Ainsi qu'il a été dit, les dispositions du plan d'occupation des sols remises en vigueur classent le terrain d'assiette en zone NC, dont le règlement n'autorise que les habitations indispensables à l'exploitation agricole sous réserve d'être implantées à proximité immédiate des bâtiments de l'exploitation préexistante et ne permet donc pas l'implantation du projet autorisé par le permis de construire en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes et à demander l'annulation des arrêtés des 7 novembre 2016 et 1er septembre 2017 et des décisions de rejet de leurs recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les intimés demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune nouvelle de Fillière le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants. Il n'y a pas lieu de faire droit à leurs conclusions présentées au même titre et dirigées contre M. et Mme H....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2019, les arrêtés des 7 novembre 2016 et 1er septembre 2017 et les décisions de rejet de recours gracieux sont annulés.

Article 2 : La commune nouvelle de Fillière versera la somme de 2 000 euros aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D..., à la commune nouvelle de Fillière et à M. et Mme L...-J... et Sylvie H....

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme K... I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

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N° 19LY03588


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Effets des déclarations d'illégalité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 15/06/2021
Date de l'import : 06/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY03588
Numéro NOR : CETATEXT000043753537 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-15;19ly03588 ?
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