La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2020 | FRANCE | N°18LY01652

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 10 mars 2020, 18LY01652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, la société civile (SC) Simba a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Talloires-Montmin a refusé de lui accorder un permis de construire une maison individuelle au lieudit " Rovagny " ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par une seconde demande, la SC Simba a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de reconsid

rer favorablement sa demande de permis de construire formée par lettre du 30 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, la société civile (SC) Simba a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Talloires-Montmin a refusé de lui accorder un permis de construire une maison individuelle au lieudit " Rovagny " ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par une seconde demande, la SC Simba a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de reconsidérer favorablement sa demande de permis de construire formée par lettre du 30 mars 2017, d'enjoindre au maire de Talloires de lui délivrer le permis sollicité et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Talloires à lui verser une somme de 720 879 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts légaux à compter du 30 mars 2017.

Par un jugement n° 1600143-1704212 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, la SC Simba, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2015 par lequel le maire de Talloires-Montmin lui a refusé un permis de construire ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux des 18 septembre 2015 et 30 mars 2017 ;

3°) de condamner la commune de Talloires-Montmin à lui verser la somme de 720 879 euros, outre intérêts au taux légal et de l'anatocisme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Talloires-Montmin la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire ne pouvait refuser de lui délivrer un permis de construire dès lors qu'elle bénéficiait d'un certificat d'urbanisme opérationnel positif garantissant que sa demande de permis de construire serait instruite au regard du PLU approuvé par délibération du 4 février 2013 ; la circonstance que ce PLU ait été annulé par jugement ultérieur du tribunal administratif est sans effet sur les droits acquis résultant du certificat d'urbanisme ; de même, l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, qui n'était pas mentionné dans ce certificat d'urbanisme, ne pouvait lui être opposé au moment de la demande de permis de construire ;

- le refus de permis de construire méconnaît les articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 1er de son protocole additionnel ;

- son préjudice résulte de comportements fautifs du maire qui a méconnu les droits à construire attachés au certificat d'urbanisme et a, faute de mentionner sur ce certificat d'urbanisme l'existence de recours contentieux contre le PLU nouvellement adopté en 2013, favorisé le vendeur du terrain à son détriment ;

- elle doit être indemnisée de la perte de la valeur du terrain, acheté au prix de terrain à bâtir à hauteur de 670 000 euros et désormais inconstructible ;

- elle a exposé en vain des frais et honoraires d'un montant de 21 000 euros, qui doivent être également indemnisés.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2019, la commune de Talloires-Montmin, représentée par CLDAA avocats, conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de la SC Simba du versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour administrative d'appel de Lyon a, dans son arrêt du 19 mars 2019, confirmé l'illégalité du classement en zone Ui des parcelles d'assiette du projet au motif que ce classement méconnaissait les dispositions de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme ;

- la société requérante ne conteste pas que son projet méconnaît l'article UH 10 du règlement du POS, remis en vigueur à la suite de l'annulation du PLU ;

- aucun droit à construire résultant du certificat d'urbanisme n'a pu être conservé du fait de l'annulation du PLU ; le maire n'était pas tenu d'indiquer sur ce certificat l'existence de recours contentieux contre le PLU ;

- le refus de permis de construire en litige étant légal, aucune faute n'a été commise par la commune ; en tout état de cause, il n'existe pas de lien de causalité entre une prétendue faute de la commune et le préjudice subi par la société requérante ; le certificat d'urbanisme dont elle se prévaut avait en effet pour objet la construction d'une dépendance à usage de stockage de matériel et non une maison d'habitation comme le projet en litige ;

- les préjudices invoquées ne sont pas justifiés.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 octobre 2019 par une ordonnance du 19 septembre précédent prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me E... substituant Me C... pour la commune de Talloires-Montmin ;

Considérant ce qui suit ;

1. La société civile Simba relève appel du jugement du 8 mars 2018, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Talloires-Montmin a refusé de lui délivrer un permis de construire un chalet au lieudit Rovagny à Talloires et des décisions implicites rejetant ses recours gracieux contre ce refus, ainsi que sa demande indemnitaire dirigée contre la commune de Talloires-Montmin et tendant à la réparation de divers préjudices résultant des fautes commises par le maire de cette commune en refusant de lui délivrer le permis en litige.

Sur la légalité du refus de permis de construire du 30 juillet 2015 :

2. Il ressort des pièces du dossier que le refus de permis de construire en litige porte sur la réalisation par la société civile Simba d'un chalet d'habitation d'une surface de 299 m² de surface plancher sur les parcelles d'assiette cadastrées E n° 392 et 1443 classées en zones Ui et Ap du PLU adopté par délibération du conseil municipal du 4 février 2013. Ces parcelles avaient fait l'objet, le 30 janvier 2014, d'un certificat d'urbanisme positif pour la réalisation d'une grange à usage de stockage de matériels divers, obtenu par le gérant de la société Simba, M. B..., sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le classement en zone Ui de l'ensemble des parcelles situées dans le secteur de Rovagny en considérant que ce classement n'était pas compatible avec les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Ce jugement a été confirmé sur ce point par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 19 mars 2019.

3. Le maire de Talloires, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par la société Simba, visant l'annulation du PLU de Talloires prononcée par le tribunal administratif de Grenoble, s'est fondé d'une part, sur la circonstance que le projet, situé au lieu-dit Rovagny qui n'est pas considéré comme une agglomération ni un village au sens des dispositions de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme, constitue une extension de l'urbanisation contraire à ces mêmes dispositions, et d'autre part, sur la circonstance que le projet présente une hauteur maximale au faîtage par rapport au terrain naturel supérieure à 9.5 mètres en méconnaissance de l'article UH 10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Talloires.

4. Pour contester le refus opposé à sa demande de permis, la société Simba se prévaut du certificat d'urbanisme positif que le maire de Talloires a délivré le 30 janvier 2014 à M. B... indiquant que les terrains d'assiette étaient soumis aux dispositions du plan local d'urbanisme de la commune, approuvé le " 13 février 2013 ", lesquelles ne faisaient pas obstacle à la réalisation de l'opération envisagée.

5. Aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " I -L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l'accord du préfet après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. ". Aux termes de l'article L. 410-1 du même code : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : (...) b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ".

6. Si l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme prévoit notamment que, lorsqu'une demande d'autorisation est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme ou les limitations administratives au droit de propriété tels qu'elles existaient à la date du certificat ne peuvent en principe être remises en cause, cet article n'a ni pour objet ni pour effet de conférer au titulaire d'un certificat d'urbanisme un droit acquis au bénéfice de dispositions d'urbanisme mentionnées dans ce certificat dans le cas où celles-ci n'étaient pas légalement applicables à la date à laquelle il a été délivré ou si le certificat était fondé sur une appréciation erronée de l'application de ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 6 du présent arrêt, que pour refuser le permis sollicité, le maire de Talloires-Montmin était fondé à opposer à la société requérante le motif suivant lequel le projet constitue une extension de l'urbanisation contraire aux dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors même que le gérant de la société requérante avait obtenu un certificat d'urbanisme opérationnel positif le 30 janvier 2014, lequel portait au demeurant sur l'édification d'une grange et non sur le projet du permis de construire de litige.

8 Par ailleurs, la société Simba ne conteste pas en appel le motif tiré de la méconnaissance de l'article UH 10 du règlement du POS. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le permis litigieux, le maire de Talloires-Montmin a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

9. En second lieu, la société Simba réitère en appel son moyen tiré de ce que, faute de respecter les droits acquis au bénéfice des dispositions d'urbanisme mentionnées dans ce certificat du 30 janvier 2014, le refus opposé à sa demande de permis de construire par le maire de Talloires-Montmin méconnaît les articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel de cette convention. Toutefois, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Simba n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 30 juillet 2015 lui refusant un permis de construire ainsi que les décisions implicites confirmant ce refus.

Sur la responsabilité de la commune de Talloires-Montmin :

11. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 à 8 de l'arrêt, le maire de Talloires-Montmin, en refusant le permis de construire en litige, n'a commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune.

12. En second lieu, la société Simba recherche la responsabilité pour faute de la commune de Talloires-Montmin au motif que le maire a omis de mentionner dans le certificat d'urbanisme du 30 janvier 2014 les recours contentieux dont faisait l'objet le PLU de la commune adopté le 4 février 2013 et aurait ainsi favorisé le vendeur à son détriment. Toutefois, il ne résulte d'aucune disposition législative que le certificat d'urbanisme pris en application de l'article L. 410-1 b) précité du code de l'urbanisme devrait mentionner d'éventuels recours dirigés contre le PLU dont il est fait application. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les omissions invoquées caractérisent une faute de la commune.

13. Il en résulte que la société Simba n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Simba dirigées contre la commune de Talloires-Montmin, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Simba le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société civile Simba est rejetée.

Article 2 : La société Simba versera à la commune de Talloires-Montmin la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile Simba et à la commune de Talloires-Montmin.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... H..., présidente de chambre ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme F... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

2

N° 18LY01652

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01652
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : WTA-avocats (R. WEYL- F. WEYL - F. WEYL - E. TAULET)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-10;18ly01652 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award