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15/01/2020 | FRANCE | N°19LY02740

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 janvier 2020, 19LY02740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'acte du 26 juin 2012 par lequel le directeur du service départemental d'incendie et de secours du Rhône l'a affecté à la caserne de Rillieux-la-Pape, d'enjoindre à ce directeur de le réaffecter sur l'emploi qu'il occupait à la caserne de Saint-Priest et de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Rhône une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administr

ative.

Par un jugement n° 1207189 du 2 décembre 2015, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'acte du 26 juin 2012 par lequel le directeur du service départemental d'incendie et de secours du Rhône l'a affecté à la caserne de Rillieux-la-Pape, d'enjoindre à ce directeur de le réaffecter sur l'emploi qu'il occupait à la caserne de Saint-Priest et de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Rhône une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1207189 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16LY00320 du 9 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement.

Par une décision n° 417168 du 11 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 19LY02740.

Procédure devant la cour

I - Par une requête n° 16LY00320 enregistrée le 25 janvier 2016, M. A... D..., représenté par Me Bacha, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207189 du 2 décembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'acte du 26 juin 2012 par lequel le directeur du service départemental d'incendie et de secours du Rhône l'a affecté à la caserne de Rillieux-la-Pape ;

3°) d'enjoindre au directeur du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône de le réaffecter sur l'emploi qu'il occupait à la caserne de Saint-Priest ;

4°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône les entiers dépens, notamment les 35 euros acquittés au titre de la contribution pour l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à tort que les juges de première instance ont considéré que l'acte en litige constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen de légalité tiré de l'absence de publication d'un avis de vacance de poste en méconnaissance de l'article 2.5 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours du Rhône ;

- l'acte litigieux est illégal car entaché d'incompétence de son auteur ;

- il est illégal du fait de l'absence de publication d'un avis de vacance de poste en méconnaissance de l'article 2.5 précité ;

- il est illégal du fait de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire en méconnaissance de l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- M. D... n'a pas bénéficié de son droit à communication de son dossier avant l'intervention de l'acte litigieux ;

- cet acte est illégal en ce qu'il constitue une sanction disciplinaire déguisée, laquelle est irrégulière dès lors que le conseil de discipline n'a pas été consulté préalablement, que les droits de la défense n'ont pas été respectés, qu'elle n'est pas motivée, qu'aucune faute disciplinaire n'est établie, qu'elle n'est pas justifiée par l'intérêt du service et qu'elle procède d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2016, le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône, représenté par Me C... (F... et Associés), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 19 mai 2017 et présenté pour M. D..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Une note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2017 et présentée pour le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône, n'a pas été communiquée.

Une note en délibéré, enregistrée le 4 novembre 2017 et présentée pour M. D..., n'a pas été communiquée.

II - Par courriers du 17 juillet 2019, les parties ont été informées du renvoi, dans la mesure de la cassation, à la cour administrative d'appel de Lyon de l'affaire qui a été enregistrée sous le n° 19LY02740.

Par un mémoire enregistré le 14 août 2019, le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône, représenté Me C... (F... et Associés), avocat, conclut au rejet de la requête.

Il expose que M. D... était tenu de changer de lieu d'affectation à la suite de son changement de grade, ainsi qu'il en avait été informé, et qu'il y avait consenti antérieurement.

Par un mémoire enregistré le 15 août 2019, M. D..., représenté par Me Bacha, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207189 du 2 décembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'acte du 26 juin 2012 par lequel le directeur du service départemental d'incendie et de secours du Rhône l'a affecté à la caserne de Rillieux-la-Pape ;

3°) d'enjoindre au directeur du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône les entiers dépens, notamment les 35 euros acquittés au titre de la contribution pour l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à tort que les juges de première instance ont considéré que l'acte en litige constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen de légalité tiré de l'absence de publication d'un avis de vacance de poste, en méconnaissance de l'article 2.5 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours du Rhône ;

- l'acte litigieux est illégal car entaché d'incompétence de son auteur ;

- il est illégal du fait de l'absence de publication d'un avis de vacance de poste, en méconnaissance de l'article 2.5 précité ;

- il est illégal du fait de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire, en méconnaissance de l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- il n'a pas bénéficié de son droit à communication de son dossier avant l'intervention de l'acte litigieux ;

- cet acte est illégal en ce qu'il constitue une sanction disciplinaire déguisée, laquelle est irrégulière dès lors que le conseil de discipline n'a pas été consulté préalablement, que les droits de la défense n'ont pas été respectés, qu'elle n'est pas motivée, qu'aucune faute disciplinaire n'est établie, qu'elle n'est pas justifiée par l'intérêt du service et qu'elle procède d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Par ordonnance du 10 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Bacha, avocat, représentant M. D..., et celles de Me Leroy, avocat, représentant le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., sapeur-pompier professionnel titulaire du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Rhône, devenu depuis lors service départemental et métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône, a été nommé au grade d'adjudant le 31 décembre 2011, alors qu'il était affecté à la caserne de Saint-Priest. A la suite de cet avancement, il a été affecté, par une décision du directeur du SDIS du 26 juin 2012, à la caserne de Rillieux-la-Pape. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette mesure, par un jugement du 2 décembre 2015, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 novembre 2017. Celui-ci a toutefois été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 11 juillet 2019, lequel a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales : " Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé "service départemental d'incendie et de secours", qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers, composé dans les conditions prévues à l'article L. 1424-5 et organisé en centres d'incendie et de secours ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 1424-1 du même code : " L'organisation territoriale du service départemental d'incendie et de secours tient compte du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques. Elle comprend des centres d'incendie et de secours qui sont classés en centres de secours principaux, centres de secours et centres de première intervention. Ces services et ces centres peuvent être organisés au sein de groupements, qui exercent des missions opérationnelles, administratives ou techniques dans les conditions fixées par le règlement opérationnel mentionné à l'article R. 1424-42 et par le règlement intérieur du corps départemental mentionné à l'article R. 1424-22 ".

3. En l'absence de toute disposition légale définissant la résidence administrative d'un agent, il appartient à l'autorité compétente de déterminer, sous le contrôle du juge, les limites géographiques de la résidence administrative. Si la résidence administrative s'entend en général de la commune où se trouve le service auquel est affecté l'agent, il en va différemment dans le cas où l'activité du service est organisée sur plusieurs communes. Dans cette hypothèse, il incombe à l'autorité compétente, sous le contrôle du juge, d'indiquer à ses services quelles communes constituent une résidence administrative unique. Lorsque l'autorité compétente n'a pas procédé à cette délimitation, la résidence administrative s'entend, par défaut, de la commune où se trouve le service auquel est affecté l'agent.

4. Il est constant qu'à la date de la mesure litigieuse, l'autorité administrative compétente n'avait pas déterminé les limites géographiques de la résidence administrative des agents du SDIS du Rhône. Dès lors, la décision prononçant la mutation de M. D... de la caserne de Saint-Priest à la caserne de Rillieux-la-Pape emportait également changement de résidence de l'intéressé. M. D... est par suite fondé à soutenir que cette mesure, qui comportait les effets d'une mutation entraînant un changement de résidence, ne pouvait être qualifiée de mesure d'ordre intérieur et que sa demande tendant à son annulation était dès lors recevable.

5. Il s'ensuit que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

6. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à en justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.

8. Aux termes du premier alinéa de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ".

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. Comme indiqué précédemment, la décision prononçant la mutation de M. D... de la caserne de Saint-Priest à la caserne de Rillieux-la-Pape emportait également changement de résidence de l'intéressé au sens des dispositions rappelées ci-dessus. Dès lors, cette décision devait être précédée de la consultation d'une commission administrative paritaire. A défaut d'une telle consultation, M. D... est fondé à soutenir que cette décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. D..., que celui-ci est fondé à demander l'annulation de la décision du directeur du SDIS du Rhône du 26 juin 2012.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution de la présente décision implique seulement d'enjoindre au service départemental et métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône de procéder à un nouvel examen de la situation de M. D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le service départemental métropolitain d'incendie et de secours. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre de ces mêmes dispositions.

14. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 35 euros, correspondant au montant du timbre acquitté par M. D... en première instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2015 et la décision du directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Rhône du 26 juin 2012 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au service départemental et métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône de procéder à un nouvel examen de la situation de M. D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le service départemental métropolitain d'incendie et de secours versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le service départemental métropolitain d'incendie et de secours du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme G..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme B... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

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N° 19LY02740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02740
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Comités techniques paritaires.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes constituant des décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;19ly02740 ?
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