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03/10/2019 | FRANCE | N°19LY01002

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 19LY01002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Pharmacie Caluire 2 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1404016 du 23 juin 20

15, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15LY0239...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Pharmacie Caluire 2 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1404016 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15LY02390 du 12 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société, annulé ce jugement, fait droit à sa demande de décharge et rejeté le surplus de sa requête qui tendait au versement d'intérêts moratoires et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 416341 du 7 mars 2019, le Conseil d'Etat a, sur recours du ministre, annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et lui a renvoyé dans cette mesure l'affaire, désormais enregistrée sous le numéro 19LY01002.

Procédure devant la cour

Après la cassation partielle du précédent arrêt de la cour, par des mémoires, enregistrés le 21 mars 2019 et le 27 avril 2019, la SELAS Pharmacie Caluire 2, représentée par le cabinet Ratheaux, société d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités correspondantes, outre intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SELAS Pharmacie Caluire 2 soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires du 21 février 2013 est irrégulier ;

- en violation des dispositions des articles R. 59-1 et R 61 A-1 c du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a omis de l'informer, en même temps qu'elle lui a notifié l'avis de la commission départementale, des bases ou droits qu'elle entendait retenir en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- compte tenu de l'irrégularité de l'avis de la commission, la charge de la preuve incombe à l'administration ;

- les montants TTC des espèces déclarés par la vérificatrice sont toujours largement inférieurs à ceux réellement encaissés et déclarés par la société Pharmacie Caluire 2 et ayant servi à la détermination de son résultat fiscal sur la période considérée par le cabinet d'expertise comptable Codex.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens initialement soulevés par la SELAS Pharmacie Caluire 2 et ceux qu'elle a repris après le renvoi du Conseil d'Etat ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SELAS Pharmacie Caluire 2 ;

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) Pharmacie Caluire 2, qui exploite une officine de pharmacie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010, ces impositions étant assorties des intérêts de retard et de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes. Par un arrêt du 12 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel interjeté par la société, a annulé ce jugement (article 1er), prononcé la décharge des impositions et pénalités en litige (article 2) et rejeté le surplus de la demande de la société (article 3). Par décision du 7 mars 2019, le Conseil d'Etat, sur recours du ministre, a annulé les articles 1 et 2 de cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon dans cette mesure.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif a répondu aux points 2 et 3 de son jugement au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Par suite, la SELAS Pharmacie Caluire 2 n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à ce moyen.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 47 du même livre : " En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ".

4. La vérification de comptabilité consiste à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l'exactitude. Un contrôle inopiné effectué conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ne constitue pas le commencement d'une vérification de comptabilité.

5. D'une part, si les dispositions introduites au III de l'article L. 47 A précité par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, relatives aux copies que peut réaliser l'administration en cas de contrôle inopiné lorsque la comptabilité est tenue au moyen d'un système informatisé, n'étaient pas applicables au présent litige, il était cependant déjà loisible à l'administration, dans l'état antérieur du droit, dans le cadre d'un contrôle inopiné, de réaliser des copies des documents comptables figurant sur des fichiers informatiques, sous réserve de ne se livrer à aucun traitement de ces données. L'emport de ces copies par le vérificateur ne constitue pas un emport irrégulier de ces documents.

6. D'autre part, il ressort des mentions de l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné, lequel a été contresigné par M. D..., gérant de la société, que celui-ci, à la demande des vérificateurs, a copié dans un fichier " dgfip " créé sur le serveur de la pharmacie des fichiers informatiques utilisés par le logiciel Alliance+ et que la liste de ces fichiers a elle-même été enregistrée dans le serveur et également imprimée, de même que l'historique des dernières commandes passées. L'état contradictoire des constatations matérielles du contrôle inopiné comporte quatre annexes : le contenu du fichier " a_futil.d ", la liste des fichiers présents dans le répertoire " data/base/a/fi ", la liste des fichiers copiés dans le répertoire " dgfip " et l'historique des dernières commandes passées. Il ne résulte pas de l'instruction que le service se serait livré à cette occasion à un examen critique des documents comptables de l'entreprise. En l'absence d'un tel examen, la seule circonstance que des fichiers informatiques aient été extraits et sauvegardés et que l'administration ait emporté le double des annexes du procès-verbal ne saurait caractériser le début d'une vérification de comptabilité. Ainsi, les constatations réalisées par le service le 16 février 2011, qui peuvent être rattachées à la constatation de l'état des documents comptables, doivent être regardées comme constitutives d'un contrôle inopiné au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité aurait débuté dès cette date et qu'elle aurait été privée des garanties offertes au contribuable vérifié.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. / (...) ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les consultations et relevés auxquels a procédé le vérificateur lors du contrôle inopiné n'excédaient pas la constatation matérielle de l'existence et de l'état des documents comptables nécessaires pour préserver l'effectivité de la vérification de comptabilité à venir. Il est, en outre, constant que le service n'a pas procédé à la saisie de documents. Le vérificateur ne peut ainsi être regardé comme s'étant livré à la recherche de preuves d'agissements frauduleux et à une saisie, au sens des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre la procédure de visite et de saisie prévue par ces dispositions, l'administration fiscale aurait illégalement privé la société des garanties s'attachant à cette procédure, doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer (...) ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) ".

9. Il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en oeuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

10. Par un courrier du 22 février 2011, l'administration a informé la société, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, de son souhait de réaliser des traitements informatiques sur ces systèmes. Ce courrier précisait que l'administration entendait, pour l'ensemble de la période vérifiée, contrôler les recettes réalisées en caisse et la taxe sur la valeur ajoutée collectée s'y rapportant. Il précisait que ces traitements porteraient sur un contrôle : " - des montants des ventes et des règlements / - des taux de TVA appliqués aux articles vendus / - des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits / - des opérations réalisées en caisses comprenant en particulier les procédures de correction et d'annulation utilisées notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés. ". Le courrier présentait ensuite les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Ce faisant, l'administration a suffisamment précisé la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

11. En quatrième lieu, les vices de forme ou de procédure qui entachent l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. L'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ". Aux termes de l'article R. 61 A 1 du même livre, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de rectification est calculé : (...) c) Soit sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente dans le cas où le litige lui a été soumis ".

13. Il résulte de l'instruction que le 25 mars 2013, le service a communiqué à la SELAS Pharmacie Caluire 2 l'avis rendu le 21 février 2013 par la commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d'affaires et a coché sur l'imprimé accompagnant cette notification la mention : " je me propose de retenir les bases ou droits après avis de la commission apparaissant colonne 4 du tableau ", et non la mention " malgré l'avis de la commission, je me propose de retenir les bases ou droits figurant colonne 5 du tableau ", ce faisant, l'administration a clairement fait apparaître qu'elle entendait suivre l'avis de la commission qui était favorable aux rectifications proposées. Ce tableau comportait, en colonne 3 " bases ou droits notifiés et soumis à la commission ", les montants, par périodes, des rappels en droits de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les montants, par exercices, des bases de l'impôt sur les sociétés. Si l'administration a reporté les mêmes montants sur la colonne 4 du tableau pour les bases de l'impôt sur les sociétés, elle n'a reporté aucun montant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, cette irrégularité n'a pu, compte tenu du sens de l'avis émis par la commission et de la case qui avait été cochée par l'administration, introduire aucun doute sur le fait que l'administration entendait maintenir les bases d'imposition qu'elle avait préalablement indiquées, y compris pour la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

14. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

S'agissant de la régularité de l'avis de la commission :

15. Aux termes de l'article L. 60 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le rapport par lequel l'administration des impôts soumet le différend qui l'oppose au contribuable à la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que tous les autres documents dont l'administration fait état pour appuyer sa thèse, doivent être tenus à la disposition du contribuable intéressé. / Cette communication doit être faite sous réserve du secret professionnel relatif aux renseignements concernant d'autres contribuables. Elle doit cependant porter sur les documents contenant des indications relatives aux bénéfices ou revenus de tiers, de telle manière que l'intéressé puisse s'assurer que les points de comparaison retenus par l'administration concernent des entreprises dont l'activité est comparable à la sienne ".

16. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans le rapport présenté par l'administration auprès de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a été communiqué à la société requérante avant la tenue de la commission, l'administration a indiqué, comme elle l'avait déjà fait dans la proposition de rectification du 21 décembre 2011, qu'elle avait obtenu, dans le cadre de son droit de communication, l'expertise d'un expert près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, diligentée par l'autorité judiciaire, sur les fonctionnalités du logiciel Alliance+. L'administration a reproduit dans son rapport, comme elle l'avait fait dans la proposition de rectification, les extraits de cette expertise sur lesquels elle a entendu s'appuyer pour fonder ses redressements. Il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ait demandé, avant la tenue de la commission, la communication de cette expertise auprès de l'administration fiscale qui l'avait informée avec précision de l'origine et de la teneur de ces renseignements. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que l'administration ait produit ce document devant la commission ou que cette dernière se serait fondée sur des parties de ce rapport qui n'avaient pas été reproduites par l'administration.

17. D'autre part, s'il est constant que l'administration a projeté, au cours de la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, une présentation " power point " expliquant les fonctionnalités du logiciel Alliance+, qui n'avait pas été préalablement communiquée à la société requérante, cette présentation se bornait à reprendre, sous le format de captures d'écrans, les fonctionnalités du logiciel telles qu'elles avaient été précisément décrites par l'administration fiscale dans la proposition de rectification du 21 décembre 2011 et le rapport d'expertise sur lequel elle s'appuyait, puis de nouveau exposées plus succinctement dans le rapport présenté par l'administration auprès de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Les observations écrites présentées par la SELAS Pharmacie Caluire 2 devant la commission démontre qu'elle connaissait parfaitement les fonctionnalités du logiciel Alliance + et la méthode pour y accéder. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie devant la commission n'aurait pas revêtu, en méconnaissance de l'article L. 60 du livre des procédures fiscales, un caractère contradictoire.

S'agissant de la régularité de la comptabilité :

18. Pour écarter la comptabilité de la société comme non probante le vérificateur a noté, dans la proposition de rectification, que la SELAS Pharmacie Caluire 2 était équipée du logiciel Alliance +, que les éléments issus du droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Nîmes ont permis de mettre en évidence, d'une part, que ce logiciel disposait de fonctionnalités incompatibles avec les règles comptables, notamment en ce qu'il permettait de faire disparaître une partie des recettes en espèces, et, d'autre part, que la société avait sollicité et obtenu la communication du mot de passe permettant d'accéder à la commande de suppression des opérations de caisse. Lors du contrôle inopiné, l'administration a constaté que la société avait fait usage de cette fonctionnalité et que le fichier trace " a_futil.d ", permettant de consulter la trace des interventions effectuées, avait été supprimé. Si la société fait valoir que le vérificateur a pu constater l'existence d'un fichier " a_futil.d " qui ne comprenait aucune donnée, ce qui démontrerait que la société n'aurait procédé à aucun retraitement, toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration, ce fichier a été généré le jour du contrôle inopiné et ne permet pas, ainsi, de démontrer que les précédents fichiers n'auraient pas été effacés. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration a opéré un traitement informatique en application du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales qui a mis en évidence un nombre important de factures et de règlements manquants. Compte tenu de leur nombre, les factures et les règlements manquants ne sauraient s'expliquer uniquement par des reprises de factures en attente ou des " bugs " du logiciel, la société ne produisant aucun élément permettant de confirmer l'existence de tels dysfonctionnements. La circonstance que les recettes en espèces déclarées issues du fichier " ventes " retraité par l'administration seraient inférieures aux recettes en espèces effectivement déclarées par la société n'est pas de nature à démontrer que sa comptabilité était régulière. S'agissant des écarts constatés sur les quantités vendues, la société se borne à faire valoir que ces données ne constituent pas des éléments comptables, qu'elles ne servent qu'à déterminer le taux de rotation du produit, donc à définir les règles de réapprovisionnement dans la gestion des stocks et que, compte tenu du fonctionnement du logiciel, les rapprochements effectués ne peuvent être fiables, sans toutefois apporter de justifications suffisamment précises sur les écarts constatés par l'administration et qui sont corrélés par les ruptures de règlements et de factures, ainsi que le taux des règlements en espèces. L'administration a également indiqué que la société procédait à une numérotation de ses factures suivant une séquentialité journalière, alors que l'article 242 nonies A 7° de l'annexe II au code général des impôts prévoit une séquentialité chronologique continue. Enfin, elle a fait valoir que la société n'avait pas présenté les données informatiques de ventes et d'achats et les données de régularisation positives et négatives relatives à la période du 1er juillet 2007 au 14 avril 2008 ainsi que l'inventaire au 1er juillet 2007. Le fait que le contrôle de la société ait notamment porté sur l'utilisation du logiciel Alliance + et de l'utilisation de ses facultés permissives n'exonérait pas la SELAS Pharmacie Caluire 2 de produire, conformément à la demande qui lui avait été faite, sa comptabilité informatique sur l'ensemble de la période vérifiée, et notamment pour la période du 1er juillet 2007 au 14 avril 2008 au cours de laquelle elle utilisait un autre logiciel. Ainsi, l'administration apporte la preuve qui lui incombe des graves irrégularités dont la comptabilité de la SELAS Pharmacie Caluire 2 était entachée. Elle a, dès lors, pu à bon droit l'écarter comme non probante et procéder à la reconstitution des recettes dissimulées de la SELAS Pharmacie Caluire 2.

19. La comptabilité comportant, ainsi qu'il vient d'être dit, de graves irrégularités et les impositions contestées ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de leur caractère exagéré incombe à la SELAS Pharmacie Caluire 2. Il lui revient, dès lors, soit de démontrer que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit que les montants imposés sont exagérés.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes dissimulées :

20. Pour reconstituer les recettes de la SELAS Pharmacie Caluire 2, l'administration a retenu, parmi trois méthodes, la méthode la plus favorable à la société consistant à valoriser les règlements en espèces manquants. Elle a calculé, pour les jours sans rupture de séquentialité des règlements, le prix moyen HT et TTC, d'un panier réglé en espèces hors tiers-payant. Elle a appliqué le prix de ce panier moyen à l'ensemble des règlements, hors tiers-payant, déclarés comme payés en espèces ou supprimés.

21. La SELAS Pharmacie Caluire 2 soutient que cette méthode est radicalement viciée dans son principe, car trop approximative. La circonstance que l'administration ait admis ce caractère approximatif n'est pas révélatrice du caractère radicalement vicié de la méthode employée qui se fonde sur les données propres à l'exploitation de la société dont l'administration a eu connaissance.

22. Si l'administration n'a pas tenu compte, pour déterminer le nombre de règlements manquants, de la fonction " rendu monnaie ", qui a pour conséquence de générer deux règlements, cette fonctionnalité concerne un nombre très limité de règlements, de l'ordre de 0,55 % du nombre total de ruptures pour la période vérifiée, et la société n'établit pas que cette fonction a dans la même proportion concerné les encaissements en espèces qui ont été supprimés.

23. La circonstance que le montant des recettes en espèces effectivement déclarées par la société soit supérieur au montant des recettes que l'administration a reconstitué n'est pas, en l'espèce, révélateur du caractère vicié de la procédure dès lors que l'objectif du vérificateur était de déterminer, à partir des données dont il disposait, le montant des recettes dissimulées par la société. L'administration s'est fondée sur les éléments dont elle disposait, ces éléments représentant, en fonction des exercices, de 88 à 90 % des règlements en espèces inscrits en comptabilité, ce qui démontre la pertinence et la validité des calculs effectués par le service.

24. La société requérante, se fondant sur le rapport d'expertise présenté devant le juge pénal, fait également valoir que les opérations concernant des ordonnances et ayant donné lieu à l'émission de factures doivent être exclues pour le calcul du panier moyen. Sa critique de la prise en compte par l'administration des règlements en espèces portant le libellé " Ordonnance " est justifiée par les caractéristiques de la fonctionnalité permissive, telles que les a décrites l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Nîmes dans son rapport obtenu par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication. Toutefois, les éléments qu'elle a produits, qui concernent tout à la fois les ordonnances et les factures commerciales, ne permettent pas d'isoler l'impact de la prise en compte des factures liées à des ordonnances.

25. Enfin, si, ainsi que cela a été précédemment indiqué, lorsque plusieurs moyens de paiement ont été utilisés pour une même opération seul le premier mode de règlement a été récupéré, la société n'apporte aucune estimation du nombre de règlements qui pourraient être concernés. En outre, cet aléa peut jouer tout autant en faveur qu'en défaveur de la société dans la reconstitution du chiffre d'affaires dissimulé.

26. Par suite, la société requérante ne démontre ni que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires, HT ou TTC, était excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, ni que les montants imposés étaient exagérés. Si la société a proposé une méthode alternative de détermination du montant du panier moyen à partir des données du fichier règlement " a_f20 ", cette méthode ne paraît pas plus précise que celle qui a été adoptée par l'administration.

Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". L'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

28. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts, l'administration se fonde sur l'utilisation répétée, au cours de la période vérifiée, des fonctionnalités du logiciel Alliance + qui permet de supprimer les seules ventes payées en espèces, concernant des marchandises non prescrites par ordonnance médicale. Elle souligne que le rapport résultant de l'expertise diligentée dans le cadre de l'instruction pénale a fait apparaître que l'activation du module permettant de dissimuler des recettes nécessitait l'entrée d'un mot de passe " après un laborieux parcours dans les menus et sous-menus de l'application ", ce qui suppose une manoeuvre consciente de l'utilisateur, et que ces agissements délibérés ont créé une situation occultant des opérations imposables tout en donnant à la comptabilité l'apparence de la sincérité. Si la société fait valoir, comme au point 18, que le vérificateur a pu constater l'existence d'un fichier trace " a_futil.d " qui ne comprenait aucune donnée, ce qui démontrerait que la société n'aurait procédé à aucun retraitement, le contenu de ce type de fichier ne pouvant être effacé, toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration, ce fichier a été généré automatiquement le jour du contrôle inopiné. Ainsi, l'administration apporte la preuve de l'existence de manoeuvres frauduleuses ayant pour objectif d'éluder l'impôt.

29. Si la société relève qu'elle a eu connaissance de plusieurs dossiers intéressants des pharmacies utilisatrices de logiciels qualifiés de permissifs pour lesquels l'administration fiscale a fait application de la majoration pour manquement délibéré de 40 %, et non celle de 80 %, elle ne peut utilement se prévaloir de ces situations, qui concernent d'autres contribuables pour faire échec à la pénalité en litige qui, ainsi qu'il vient d'être dit, a été établie conformément à la loi fiscale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration fiscale du principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques ne peut qu'être écarté.

30. Par suite, la société n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 précité du code général des impôts qui lui a été infligée.

31. Il résulte de ce qui précède que la SELAS Pharmacie Caluire 2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SELAS Pharmacie Caluire 2 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELAS Pharmacie Caluire 2 et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme A..., présidente-assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

2

N° 19LY01002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01002
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET RATHEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;19ly01002 ?
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