Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SELAS Pharmacie Caluire 2 a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant total de 152 384 euros.
Par un jugement n° 1404016 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2015, et des mémoires, enregistrés les 18 janvier 2016, 8 mars 2017 et 12 avril 2017, la SELAS Pharmacie Caluire 2, représentée par Me Mossé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2015 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes, outre intérêts moratoires, ou, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, d'un montant total de 41 452 euros, outre intérêts moratoires, et de réduire le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes à hauteur des réductions résultant de recettes reconstituées de 110 659,08 euros pour l'exercice clos en 2008, 608 642,19 euros pour l'exercice clos en 2009, et 624 513,12 euros pour l'exercice clos en 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur un moyen, soulevé dans un mémoire enregistré le 24 mai 2015, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
- les opérations effectuées dans le cadre d'un contrôle inopiné le 16 février 2011 ont excédé la stricte constatation matérielle des données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux dans la mesure où la vérificatrice a demandé des opérations de recherche s'apparentant à des traitements informatiques sur le logiciel Alliance plus, ces opérations étant constitutives d'une visite domiciliaire au sens de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ou, pour le moins, d'une vérification de comptabilité ;
- elle a été privée des garanties attachées à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :
- les agents de l'administration ont conservé et emporté un double de l'état des constatations matérielles et de ses annexes, l'emport des annexes constituant nécessairement un début de vérification de comptabilité ;
- la copie des éléments obtenus ne pouvait pas être réalisée avant la modification de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales par l'article 14 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 ;
- ces opérations sont entachées de détournements de procédure aboutissant à une méconnaissance des droits de la défense ;
- le courrier du 22 février 2011 par lequel le vérificateur l'a informée de la nature des investigations souhaitées ne lui permettait pas d'exercer valablement l'option prévue au II de l'article L. 47 A du code général des impôts, la nature des investigations souhaitées n'ayant été précisée que par un courrier du 24 février 2011, postérieur à l'exercice de cette option ;
- la projection par l'administration d'un diaporama reprenant des extraits d'un rapport d'un expert judiciaire au cours de la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, sans que ce rapport ou ce diaporama n'aient été communiqués préalablement à la société vérifiée, entache l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires d'un vice de procédure ;
- l'administration a omis, en violation des dispositions de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales, de lui notifier des bases ou droits retenus par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée et ne pouvait donc mettre en recouvrement la moindre somme en matière de taxe sur la valeur ajoutée sans méconnaître les dispositions de l'article R. 61 A-1 du même livre ;
- la charge de la preuve incombe à l'administration en raison du caractère irrégulier de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- le rejet de sa comptabilité ne saurait être fondé sur l'utilisation du logiciel Alliance Plus ou l'absence de certains numéros dans la numérotation chronologique des factures et règlements, qui peut être liée à des factures en attente ou à des dysfonctionnements informatiques, le vérificateur ayant en outre retenu des montants d'espèces déclarées inférieurs à ceux réellement encaissés et déclarés ;
- la méthode de reconstitution de ses recettes est radicalement viciée en ce qui concerne les encaissements et les écarts dans les quantités vendues, aucune reconstitution ne pouvant en outre être opérée pour l'exercice clos en 2008 ;
- le simple fait que l'administration retienne des opérations qui ne peuvent être réajustées suffit à démontrer le caractère vicié de la méthode de reconstitution ;
- l'administration devait tenir compte de l'utilisation de la fonction " rendu-monnaie " ;
- les factures ayant servi à la détermination du panier moyen devaient exclure les factures " ordonnance " correspondant à des ventes payées par le client avec émission d'une feuille de soins, seules les factures " hors ordonnance " pouvant être retenues, ce qui entraîne une réduction du montant du panier moyen ;
- le premier mode de paiement étant seul retenu lorsque plusieurs modes de règlement sont utilisés pour une même transaction, le montant du panier moyen est incorrect ;
- les montants des espèces après reconstitution sont toujours inférieurs aux montants des espèces déclarées au cours de la période vérifiée ;
- l'application de la majoration de 80 % n'est pas justifiée, les minorations alléguées n'étant pas établies ni l'utilisation du mot de passe permettant d'accéder à l'outil d'administration du logiciel, seul le fichier " a_futil.d " permettant de constater des omissions de recettes, ce fichier n'ayant pas été supprimé mais ne contenant aucune opération ;
- elle est fondée à demander la décharge de la majoration de 80 % en application du principe de valeur constitutionnelle d'égalité des contribuables devant la loi fiscale, l'administration ayant fait application de la majoration de 40 % à plusieurs autres contribuables.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 décembre 2015 et 5 avril 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
- les opérations de contrôle inopiné ne sauraient être assimilées à un examen, une saisine ou un emport de documents comptables ;
- la requérante a été parfaitement informée des possibilités offertes par le II du A de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- la requérante a eu communication du rapport d'un expert près la cour d'appel d'Aix-en-Provence et le diaporama Powerpoint, qui n'a pas été utilisé pour fonder les impositions en litige, ne contenait aucune information erronée ou dénaturée ;
- la proposition de rectification comportait le montant des bases d'imposition de la requérante et ces montants n'ont pas été modifiés après l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la comptabilité de la requérante présentant de graves irrégularités, il a été procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires à la suite de laquelle ont été mis en recouvrement des droits et pénalités, établis selon la procédure de rectification contradictoire avec avis favorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les droits en litige ayant été assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts ;
- les impositions ayant été établies après rejet de la comptabilité et conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve incombe à la requérante ;
- la méthode de reconstitution à partir des règlements manquants, plus fiable et plus favorable à la requérante, a été retenue pour l'ensemble de la période vérifiée, les méthodes fondées sur le taux de règlement en espèces ou sur les discordances entre les ventes et l'historique des ventes ayant été écartées ;
- l'utilisation de la fonctionnalité " rendu-monnaie " n'est pas susceptible d'avoir affecté significativement la reconstitution opérée ;
- de nombreuses lignes du fichier des ventes ne comportant aucune mention relative à la nature du règlement, le montant des règlements en espèces résultant des fichiers des factures est nécessairement inférieur au montant des espèces encaissées et enregistrées en comptabilité ;
- les recettes supprimées ayant été choisies parmi les plus élevées, la valeur du ticket moyen les jours sans rupture est supérieur à la valeur du ticket moyen les jours avec rupture ;
- l'importance et le caractère répétitif des minorations témoignent du caractère délibéré des omissions et la mise en oeuvre de procédés ayant pour effet de faire disparaître ou de réduire les recettes témoigne de manoeuvres frauduleuses.
Par un mémoire enregistré le 31 août 2017, présenté pour la SELAS Pharmacie Caluire 2, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens et relève que, dans une procédure concernant une autre société, le vérificateur a ajouté à ses courriers relatifs à la mise en oeuvre de traitements informatiques, au regard des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, un descriptif détaillé des opérations auxquelles il entend procéder, exposant ainsi la nature exacte des investigations, ce qui démontre l'insuffisance des informations données dans le courrier du 22 février 2011 qui lui a été remis.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- les observations de Me Mossé, avocat de la SELAS Pharmacie Caluire 2.
1. Considérant que la SELAS Pharmacie Caluire 2, qui exploite une officine de pharmacie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 30 juin 2008, 2009 et 2010 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2010 ; qu'après la remise d'un avis de contrôle au président de cette société, le 16 février 2011, il a été procédé dans les locaux de l'entreprise à un contrôle inopiné concernant notamment les écritures enregistrées sur le logiciel Alliance utilisé pour la tenue de la comptabilité de cette officine ; qu'à l'issue de ce contrôle, après avoir écarté la comptabilité de l'entreprise et reconstitué ses recettes, l'administration fiscale l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008, 2009 et 2010 et l'a déclarée redevable de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ces impositions, établies selon la procédure contradictoire conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, étant assorties des intérêts de retard et de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que la SELAS Pharmacie Caluire 2 relève appel du jugement du 23 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés doit indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions ;
4. Considérant que, par un courrier du 22 février 2011, la société, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, a été informée du souhait du vérificateur de réaliser des traitements informatiques sur ces systèmes ; que cette correspondance se bornait à indiquer que ces traitements porteraient sur : " - des montants des ventes et des règlements / - des taux de TVA appliqués aux articles vendus / - des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits / - des opérations réalisées en caisses comprenant en particulier les procédures de correction et d'annulation utilisées notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés. / Pour réaliser ces traitements, il sera nécessaire d'utiliser les données fournies par le logiciel ALLIANCE PLUS afin de pouvoir exploiter les informations relatives à la gestion de votre officine. " et à présenter à la requérante les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que ce courrier ne comportait pas d'information sur la nature des traitements informatiques envisagés et, ainsi, ne permettait pas à la contribuable d'effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par les dispositions de cet article ; que le courrier du 24 février 2011, précisant à la contribuable la liste des fichiers à remettre à l'administration fiscale en lui précisant notamment que les fichiers transmis ne devraient contenir aucune donnée à caractère personnel ou numéro de sécurité sociale afin de respecter le secret médical, ne contenait pas davantage d'information sur la nature des traitements informatiques envisagés ; qu'il en va de même du courrier du 13 avril 2011 informant seulement la contribuable de données manquantes ; que l'absence d'indication concernant les traitements envisagés n'a pas seulement privé la contribuable de la possibilité de choisir entre les trois possibilités qui lui étaient offertes par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales mais ne lui a pas non plus permis de discuter utilement de la pertinence des traitements informatiques effectués pour le contrôle de ses écritures comptables et l'a privée de la possibilité de vérifier par elle-même les résultats obtenus avec ces traitements ; qu'une telle irrégularité a, de ce fait, privé la contribuable d'une garantie, ce qui entraîne la décharge de l'ensemble des impositions en litige ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SELAS Pharmacie Caluire 2 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées, faute de litige né et actuel avec le comptable public sur ce point ;
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SELAS Pharmacie Caluire 2 les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1404016 du 23 juin 2015 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La SELAS Pharmacie Caluire 2 est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2010 et des intérêts de retard et majorations pour manoeuvres frauduleuses assortissant l'ensemble de ces impositions.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SELAS Pharmacie Caluire 2 est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELAS Pharmacie Caluire 2 et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.
4
N° 15LY02390