Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Foncière Chapal a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 3 avril 2012 par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et portant sur le reversement d'une somme de 285 929 euros perçue au titre de subventions pour des travaux de réhabilitation de logements locatifs et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1205482 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15LY01036-15LY01038 du 12 avril 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, rejeté l'appel de la SARL Foncière Chapal contre ce jugement et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Par une décision n° 400542 du 15 novembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 12 avril 2016 et renvoyé le jugement de l'affaire à la cour au greffe de laquelle elle a été enregistrée sous le n°°17LY03928.
Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée initialement le 20 mars 2015 sous le n° 15LY01038 et des mémoires enregistrés les 5 novembre 2015, 28 novembre 2017, 8 mars 2018 et 7 septembre 2018, la SARL Foncière Chapal, représentée par la société d'avocats Environnement droit public, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2014 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 3 avril 2012 et de prononcer la décharge demandée ;
3°) d'enjoindre à l'ANAH de lui restituer la somme de 120 000 euros qu'elle a déjà réglée ;
4°) de mettre à la charge de l'ANAH une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre contesté n'indique pas de manière suffisante les bases de sa liquidation ;
- il a été émis sans qu'elle ait été mise à même de faire valoir à nouveau ses observations après la rectification du motif fondant la demande de reversement, en méconnaissance des droits de la défense ;
- c'est à tort que, pour rejeter sa demande, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif selon lequel l'acquéreur des biens ne peut par principe bénéficier d'une subvention de l'ANAH alors que les engagements de la convention en cours ont été repris par cet acquéreur conformément à l'article L. 321-11 du code de la construction et de l'habitation et à l'article 16 du règlement général de l'ANAH ;
- les conditions pour procéder à la substitution de motifs sollicitée par l'ANAH ne sont pas réunies ;
Par des mémoires enregistrés les 5 octobre 2015, 1er février 2018, 3 avril 2018 et 16 avril 2018, ainsi que des mémoires enregistrés le 16 décembre 2015 et le 8 octobre 2018 qui n'ont pas été communiqués, l'ANAH conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Foncière Chapal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que :
- les conclusions à fin de restitution de la somme déjà reversée qui sont nouvelles en appel et n'ont pas fait l'objet d'une demande préalable, sont irrecevables ;
- si le motif de la décision de reversement fondé sur l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation ne peut être maintenu, elle est fondée à demander que soit substitué à ce motif l'impossibilité pour l'acquéreur de respecter les engagements souscrits initialement ou, à titre subsidiaire, l'absence de motif économique manifeste justifiant la reprise de l'opération par un organisme HLM au regard des dispositions de l'article 21-3°-b du règlement général ;
II) Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 20 mars 2015 initialement sous le n° 15LY01036 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2015, la SARL Foncière Chapal demande à la cour de prononcer un sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2014.
Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2015 et un mémoire enregistré le 16 décembre 2015 qui n'a pas été communiqué, l'ANAH conclut au rejet de la requête à fin de sursis à exécution et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Foncière Chapal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me B... pour la SARL Foncière Chapal, ainsi que celles de Me A... pour l'ANAH ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Foncière Chapal a bénéficié de subventions de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en vue de la rénovation de dix-sept logements lui appartenant situés à Saint-Etienne. A la suite de la vente de ces logements à la société anonyme d'HLM Néolia, l'ANAH a exigé le reversement des subventions par un titre exécutoire émis le 3 avril 2012 pour un montant de 285 929 euros. La SARL Foncière Chapal relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de l'obligation de payer la somme réclamée et demande qu'il soit sursis à son exécution.
Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire du 3 avril 2012 et à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation : " Sous réserve de l'application des dispositions des 4°, 9°, 10°, 11° du I ainsi que des III, IV et V de l'article R. 321-12 (...), les organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 et les sociétés d'économie mixte ayant pour objet statutaire la construction ou la gestion de logements ou la restructuration urbaine ne peuvent bénéficier de l'aide de l'agence. ". Aux termes de l'article R. 321-21 du même code : " I.-En ce qui concerne les aides versées par l'agence : / (...) Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent légalement être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. (...) ". Par ailleurs, l'article L. 321-11 dispose que : " En cas de mutation d'un bien faisant l'objet d'une convention mentionnée à l'article L. 321-4 ou à l'article L. 321-8, la convention en cours s'impose de plein droit au nouveau propriétaire. Les engagements de la convention en cours sont obligatoirement mentionnés dans l'acte de mutation. Un avenant précisant l'identité du nouveau propriétaire est signé entre celui-ci et l'Agence nationale de l'habitat. A défaut, l'Agence nationale de l'habitat peut appliquer au propriétaire vendeur les sanctions prévues à l'article L. 321-2. ".
3. Les dispositions précitées de l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation, en vertu desquelles les organismes de logement à loyer modéré ne peuvent bénéficier de l'aide de l'ANAH n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce qu'un propriétaire privé ayant réalisé des travaux de réhabilitation dans un logement lui appartenant et ayant perçu, à ce titre, une subvention de l'ANAH dans le cadre d'une convention signée en application de l'article L. 321-4 ou de l'article L. 321-8 du même code, vende ultérieurement le logement à un organisme d'habitations à loyer modéré. Il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Foncière Chapal aurait agi pour le compte de la société anonyme d'HLM Néolia lorsqu'elle a sollicité les subventions de l'agence ou que l'opération aurait eu pour objet d'assurer à cet organisme le bénéfice des subventions. Par ailleurs, les engagements contenus dans la convention conclue entre l'ANAH et la SARL Foncière Chapal lors de l'octroi des subventions en litige ont été repris par la société anonyme d'HLM Néolia lors de la cession, dans les conditions prévues à l'article L. 321-11 du code de la construction et de l'habitation. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l'ANAH ne pouvait légalement exiger le reversement des subventions en litige en se fondant sur les dispositions de l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles les organismes d'habitation à loyer modéré ne peuvent bénéficier des aides de l'agence.
4. L'ANAH fait cependant valoir que la décision de reversement en litige était également fondée sur les dispositions du b) du 3°) de l'article 21 de son règlement général selon lequel : " En cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH (articles R. 321-12 à R. 321-21 du CCH, engagements conventionnels, présent règlement général...), la décision de subvention sera retirée et tout ou partie des sommes perçues devra être reversé, en application du I de l'article R. 321-21 du CCH et dans les conditions précisées au présent article.(...) / 3° (...) / Il y a exonération de reversement en cas de mutation dans les cas suivants : / (...) b) A titre exceptionnel, lorsque l'acheteur est une personne morale entrant dans l'une des catégories mentionnées à l'article R. 321-13 du CCH, le reversement de la subvention peut ne pas être prononcé si un motif économique manifeste le justifie et si le logement concerné conserve une vocation sociale pendant la durée restante des engagements initiaux ; (...) ". L'ANAH fait valoir à cet égard qu'en l'espèce aucun motif économique manifeste ne justifiait l'application des dispositions permettant, à titre exceptionnel, d'exonérer le bénéficiaire du reversement des subventions après la vente du bien concerné à un organisme de logement à loyer modéré. Toutefois, ces dispositions n'instituent pas un cas de reversement mais se bornent à prévoir un cas d'exonération en cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH de nature à justifier un reversement et, comme il a été dit au point précédent, la vente du bien à un organisme de logement à loyer modéré ne peut être regardée, par elle-même, comme une violation des dispositions de l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation.
5. Enfin, l'ANAH demande que soit substitué au motif erroné fondé sur l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation, le motif selon lequel l'acquéreur des immeubles, la société Néolia, serait dans l'incapacité de respecter les engagements souscrits par le bénéficiaire initial des subventions, compte tenu des règles particulières applicables aux organismes d'habitations à loyer modéré, notamment pour la fixation des loyers et la sélection des locataires. Toutefois, dès lors que les dispositions du code de la construction et de l'habitation ne font pas obstacle à ce que des biens ayant bénéficié de subventions de l'ANAH soient cédés à de tels organismes ni à ce que ceux-ci reprennent les engagements du bénéficiaire des subventions, la seule éventualité que les engagements puissent ne pas être respectés ne peut fonder légalement le retrait des subventions et leur reversement.
6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Foncière Chapal est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation du titre exécutoire du 3 avril 2012 et la décharge de l'obligation de reverser la somme de 285 929 euros faisant l'objet de ce titre.
Sur les conclusions à fin de restitution des sommes déjà versées :
7. Contrairement à ce que soutient l'ANAH, la SARL Chapal est recevable à demander, pour la première fois en appel, qu'en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la cour enjoigne à l'ANAH de prendre les mesures que son arrêt implique. Eu égard aux motifs qui la fondent et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de fait ou de droit y fasse obstacle, l'annulation du titre exécutoire du 3 avril 2012 implique que l'ANAH restitue à la SARL Foncière Chapal la somme de 120 000 euros qu'elle indique avoir déjà versée pour son exécution.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
8. Le présent arrêt statuant sur la requête de la SARL Foncière Chapal tendant à l'annulation du jugement attaqué, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouvent privées d'objet.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l'ANAH demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la SARL Foncière Chapal, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ANAH le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Foncière Chapal.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Le titre exécutoire émis par l'ANAH le 3 avril 2012 portant sur le reversement par la SARL Foncière Chapal d'une somme de 285 929 euros est annulé et la SARL Foncière Chapal est déchargée de l'obligation de payer cette somme.
Article 3 : L'ANAH reversera à la SARL Foncière Chapal la somme de 120 000 euros déjà versée en exécution du titre annulé à l'article 2.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SARL Foncière Chapal tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Article 5 : L'ANAH versera une somme de 2 000 euros à la SARL Foncière Chapal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de l'ANAH tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Foncière Chapal et à l'Agence nationale de l'habitat.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 17LY03928
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