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14/06/2016 | FRANCE | N°14LY02900

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 juin 2016, 14LY02900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Caravaning du Château, la société civile d'exploitation agricole Val de Saône et M. A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juin 2011 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de leur communiquer différents rapports établis par la direction départementale de l'équipement et par la suite transmis au Parquet et d'ordonner leur communication sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'annuler le courrier du préfet de l'Ain en date du

16 mars 2011 mettant en demeure la société Val de Saône d'exécuter l'arrêt de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Caravaning du Château, la société civile d'exploitation agricole Val de Saône et M. A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juin 2011 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de leur communiquer différents rapports établis par la direction départementale de l'équipement et par la suite transmis au Parquet et d'ordonner leur communication sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'annuler le courrier du préfet de l'Ain en date du 16 mars 2011 mettant en demeure la société Val de Saône d'exécuter l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 12 mars 2008 ou, à tout le moins, de suspendre son exécution, de condamner la commune de Messimy-sur-Saône et l'Etat à réparer les préjudices moral et d'exploitation que la société Val de Saône estime avoir subis du fait des différentes fautes dans l'instruction et l'exécution du permis de construire une ferme d'héliciculture qui lui avait été accordé par le maire de Messimy­sur­Saône le 20 juin 2003, de juger que la société Caravaning du Château est titulaire d'une autorisation tacite d'aménager un camping, de condamner la commune de Messimy-sur-Saône à verser à la société Caravaning du Château une somme de 16 000 euros en raison de l'occupation illégale de son terrain à compter d'avril 2007, ainsi qu'une somme de 296 333 euros en réparation du préjudice moral et financier que lui auraient causé les arrêtés du maire en date des 13 juin et 17 septembre 2007 qui, pour le premier, lui a ordonné de mettre fin à l'exploitation de son activité de camping et, pour le second, a porté refus de délivrance d'une autorisation d'aménager un terrain de camping, de condamner la commune de Messimy-sur-Saône à verser à M. A...B...la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice moral et financier que lui aurait causé la dénonciation calomnieuse dont il aurait été victime de la part du maire, ainsi que les tentatives de concussion de ce dernier et de reconnaître l'existence de voies de fait commises à leur encontre par le maire de Messimy-sur-Saône et différents agents de la direction départementale des territoires de l'Ain et, par suite de déclarer nul et non avenu le courrier du préfet de l'Ain en date du 10 juillet 2012 les informant de sa décision de procéder d'office à la démolition d'une maison d'habitation occupée par M. B...à compter du 15 septembre 2012.

Par un jugement n° 1105163, 1206249 du 2 juillet 2014 le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande et condamné M. A...B...à payer une amende de 1 500 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 septembre 2014 ainsi que les 16 septembre et 9 octobre 2015, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SCEA Val de Saône demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2014 ;

2°) de renvoyer à la compétence principale de la juridiction judiciaire ;

3°) de rejeter tous les mémoires présentés irrégulièrement pour la commune de Messimy-sur-Saône par l'avocat de ses maires ;

4°) de condamner l'Etat à verser une somme de 300 000 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2005 ;

5°) de dire que la commune devra garantir la réparation des préjudices causés par les fautes personnelles des maires de Messimy-sur-Saône, à charge d'action récursoire ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a obtenu un permis de construire en date du 20 juin 2003 pour la construction d'une ferme d'héliciculture comprenant une maison d'habitation et un bâtiment d'élevage d'escargots ;

- au printemps 2005, le premier bâtiment était habité et les fondations du deuxième étaient réalisées ;

- le maire de Messimy-sur-Saône a bloqué les travaux de raccordement électrique et de gaz entre février et octobre 2004 ; il a ralenti la mise en exploitation de l'élevage ; en ne mettant pas la requérante en mesure de présenter ses observations avant le blocage des réseaux de raccordement et en l'empêchant de poursuivre normalement la construction du bâtiment d'exploitation, il a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- les courriers des 3 mars 2011 et 10 juillet 2012 pris pour l'exécution d'un jugement pénal ordonnant la démolition de la construction à usage d'habitation sont illégaux et donc fautifs ; malgré le classement du terrain en zone N depuis le 30 janvier 2004, la destruction n'est pas la seule option ;

- des voies de fait ont été commises ;

- un préjudice financier et économique a été subi, faute de pouvoir procéder à une mise en élevage de 1500 à 3500 m2 de parcs ;

- le préjudice moral s'élève à 36 000 euros, compte tenu de rumeurs et atteintes à la réputation dont ils ont été victimes.

- les maires de commune ne peuvent intervenir pour son compte ;

- les rapports demandés devaient leur être communiqués ; s'agissant de dysfonctionnements et de dénis de justice, la compétence est judiciaire en application de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

- des voies de fait et des fraudes ont été commises ;

- les maires successifs ont commis des fautes personnelles dont ils doivent répondre devant le juge judiciaire.

Par des mémoires, enregistrés les 8 décembre 2014 et 7 octobre 2015, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Messimy-sur-Saône conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Val de Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le bâtiment d'élevage, qui conditionnait la maison d'habitation, laquelle en était indissociable, n'avait pas été réalisé au bout de deux ans ; aucune régularisation n'était plus possible, le nouveau plan local d'urbanisme adopté en janvier 2004 classant les parcelles intéressées en zone N ; que le juge judiciaire a ordonné la démolition de l'habitation ; que l'autorité de la chose jugée au pénal s'oppose à ce que cette question soit à nouveau débattue ;

- seule la responsabilité de l'Etat est recherchée ;

- aucune voie de fait n'a été commise ;

- son avocat avait un mandat régulier pour la représenter ;

- la requérante ne justifie d'aucun préjudice ;

- une amende pour procédure abusive pourrait être infligée.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune faute ne lui est imputable ;

- les préjudices invoqués sont du seul fait de la requérante et ne sont pas justifiés.

Par une ordonnance du 28 août 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2015.

Par une ordonnance du 16 septembre 2015, la clôture de l'instruction a été reportée au 9 octobre 2015.

Par un courrier du 3 mai 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à ce que la commune de Messimy-sur-Saône soit condamnée à garantir la réparation des préjudices causés par les fautes personnelles de ses maires étaient tardives et donc irrecevables.

Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2016, la SCEA Val de Saône soutient que le moyen d'ordre public est infondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 59-275 du 7 février 1959 relatif au camping ;

- le décret n° 68-134 du 9 février 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de M.B..., gérant de la SCEA Val de Saône et celles de MeC..., représentant le cabinet Philippe Petit et associés, avocat de la commune de Messimy-sur-Saône.

1. Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, la SCEA Val de Saône demande la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices d'ordre financier, économique et moral qu'elle aurait subis depuis 2005 du fait du comportement du maire de Messimy-sur-Saône qui aurait retardé le début des travaux autorisés le 20 juin 2003 pour la construction d'une ferme d'héliciculture comprenant une maison d'habitation et un bâtiment d'élevage d'escargots et des décisions des 16 mars 2011 et 10 juillet 2012 par lesquelles le préfet de l'Ain a respectivement mis en demeure la société Val de Saône d'exécuter, avant le 31 mai 2011, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 12 mars 2008 relatif au projet de ferme d'héliciculture et confirmé sa décision de procéder d'office aux travaux de démolition du bâtiment à usage d'habitation réalisé dans ce cadre ; qu'elle demande également la condamnation de la commune de Messimy-sur-Saône à garantir la réparation des préjudices causés par les fautes personnelles de ses maires ;

Sur la recevabilité devant la cour des conclusions tendant à ce que la commune de Messimy-sur-Saône soit condamnée à garantir la réparation des préjudices causés par les fautes personnelles de ses maires :

2. Considérant qu'en demandant, par son mémoire enregistré le 16 septembre 2015, que la commune de Messimy-sur-Saône soit condamnée à garantir la réparation des préjudices causés par les fautes personnelles de ses maires, la société requérante a présenté, après l'expiration du délai d'appel, des conclusions tardives et, par suite, irrecevables ;

En ce qui concerne l'absence de mandat régulier du maire de la commune de Messimy-sur-Saône et de son avocat :

3. Considérant qu'aux termes de L'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) " ; que l'article L. 2122-26 de ce même code prévoit que : " Dans le cas où les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour représenter la commune, soit en justice, soit dans les contrats. " ;

4. Considérant que, en l'espèce, par délibération du 11 avril 2014, le conseil municipal de Messimy-sur-Saône a habilité son maire à défendre la commune dans les instances intentées contre elle et précisé que cette délégation était consentie tant en demande qu'en défense et devant toutes les juridictions ; qu'il n'est fait état d'aucune circonstance précise qui ferait obstacle à ce que le maire, ainsi habilité, assure la défense des intérêts de la commune, ici en cause, devant la cour ; que rien ne justifie donc que, pour ce motif, les mémoires produits par cette dernière soient écartés des débats ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat. La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui. " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions et de l'ensemble des textes les régissant que les avocats à la cour, en particulier, ont qualité, devant les tribunaux administratifs et les cours administrative d'appel, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils sont saisis par leur client ; que, par suite, la société requérante, qui ne remet pas sérieusement en cause l'existence du mandat dont bénéficie le conseil de la commune dans la présente instance, n'est pas fondée à demander que soient écartés les mémoires en défense présentés pour cette dernière ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

7. Considérant en premier lieu que l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués ; que la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu'il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain ; qu'il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération ;

8. Considérant que le préjudice financier et économique dont fait état la SCEA Val de Saône tiendrait à l'impossibilité d'exploiter la ferme d'héliciculture depuis 2005 alors qu'elle dispose de plus d'un hectare de surfaces d'exploitation qui lui auraient permis de mettre progressivement en exploitation son élevage d'escargots ; que, toutefois, le bâtiment autorisé à cet effet par le permis du 20 juin 2003 est demeuré inachevé et rien au dossier ne permet de dire que, même réalisé, il aurait abrité une telle activité ni que cette dernière aurait produit des bénéfices ; que, dans ces conditions, le préjudice dont se prévaut la SCEA Val de Saône, qui est éventuel, est insusceptible d'ouvrir droit à une éventuelle indemnisation par l'Etat ;

9. Considérant en second lieu que les faits de harcèlement ou de diffamation qui seraient à l'origine du préjudice moral qu'aurait exposé la SCEA Val de Saône ne sont pas avérés ; qu'aucune réparation ne saurait davantage être due par l'Etat à ce titre ;

10. Considérant que, par suite, et même en admettant que l'Etat aurait commis des fautes, la demande d'indemnisation présentée par la SCEA Val de Saône ne peut qu'être rejetée ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCEA Val de Saône n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCEA Val de Saône, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, bénéficie d'une somme au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Val de Saône le paiement à la commune de Messimy-sur-Saône d'une somme de 1 500 euros sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA Val de Saône est rejetée.

Article 2 : La SCEA Val de Saône versera à la commune de Messimy-sur-Saône une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Val de Saône, à la commune de Messimy-sur-Saône et au ministre du logement et de l'habitat durable.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de la formation de jugement,

M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2016.

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N° 14LY02900

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02900
Date de la décision : 14/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DONCE - BEROUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-14;14ly02900 ?
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