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18/06/2015 | FRANCE | N°14LY00006

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 14LY00006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Horizons Biviers a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire que le maire de la commune de Biviers a tacitement délivré le 19 avril 2009 à la société Berlidis pour l'extension d'un supermarché et la création d'un parking aérien et l'arrêté du 17 septembre 2009 par lequel cette même autorité administrative a accordé un permis de construire modificatif à cette même société.

Par un jugement n° 1005605 du 21 novembre 2013, le tribunal adminis

tratif de Grenoble a annulé ce permis de construire tacite et cet arrêté.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Horizons Biviers a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire que le maire de la commune de Biviers a tacitement délivré le 19 avril 2009 à la société Berlidis pour l'extension d'un supermarché et la création d'un parking aérien et l'arrêté du 17 septembre 2009 par lequel cette même autorité administrative a accordé un permis de construire modificatif à cette même société.

Par un jugement n° 1005605 du 21 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis de construire tacite et cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 3 janvier, 8 avril et 21 juillet 2014, la société Berlidis demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du

21 novembre 2013 ;

2°) de rejeter la demande de l'association Horizons Biviers devant le tribunal ;

3°) de condamner cette association à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Berlidis soutient :

- qu'en s'abstenant de statuer sur le moyen tiré de la tardiveté du recours de l'association Horizons Biviers et d'analyser ce moyen, le tribunal a méconnu les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;

- que la demande d'annulation du permis de construire tacite du 19 avril 2009 est tardive, dès lors que l'affichage a été régulièrement réalisé pendant une période continue de deux mois sur le terrain d'assiette à compter du 27 mai 2009 ;

- que, contrairement à ce que le tribunal a estimé, l'article 4 de la loi du

12 avril 2000 n'a pas été méconnu, dès lors que l'absence d'indication du prénom et du nom du maire n'a en l'espèce entraîné aucune ambiguïté sur l'identité du signataire ; qu'en outre, cette absence n'a eu aucune incidence sur le sens de la décision qui a été prise et n'a pas privé les intéressés d'une garantie ; qu'enfin, en tout état de cause, l'irrégularité ainsi alléguée a été purgée par le permis de construire modificatif du 4 mars 2013 ;

- que la délivrance du permis de construire modificatif du 4 mars 2013, après la délibération du 12 octobre 2011 ayant modifié les articles UB 9 et UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Biviers, a régularisé la méconnaissance de ces articles ; qu'en effet, l'emprise au sol n'est désormais plus limitée ; que la plantation d'arbres à haute tige n'est plus requise quand des raisons techniques l'empêchent, ce qui est le cas s'agissant du parking aérien ; qu'en outre, les travaux rendent la construction existante plus conforme à l'article UB 13 ; que, conformément aux dispositions de cet article, la demande comporte un plan montrant les circulations et plantations ; que le projet portant sur un bâtiment existant, aucun plan des réseaux ne devait être produit ;

- que l'association Horizons Biviers ne peut utilement contester la compétence du signataire du permis modificatif du 4 mars 2013, cette question posant en effet un litige distinct ; que ce permis est parfaitement valable et constitue bien un véritable permis modificatif ;

- que l'irrégularité alléguée de l'affichage du permis de construire modificatif litigieux est sans incidence sur sa légalité ;

- que la demande de permis était complète et a mis le service instructeur en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause ;

- que le permis de construire initial et le permis modificatif du 17 septembre 2009 ont bien été accordés à une même personne morale ;

- que c'est à bon droit que le maire a estimé qu'elle dispose d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain d'assiette du projet ;

- que le moyen tiré de ce que le certificat de permis de construire tacite méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant, s'agissant d'un acte recognitif que le maire était tenu de prendre ;

- que la circonstance que le plan local d'urbanisme en considération duquel le permis a été délivré ait été annulé n'a pas pour effet de rendre illégale cette autorisation ;

- que, compte tenu de l'objet du permis modificatif du 17 septembre 2009, l'association Horizons Biviers ne peut utilement soutenir que ce permis méconnaît les articles UB 10, UB 12 et UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols et porte atteinte à une servitude d'utilité publique ;

- qu'il n'est pas possible d'apprécier les moyens invoqués par l'association, qui n'a pas indiqué dans quelle mesure le bâtiment existant sur lequel porte le projet litigieux méconnaît le plan d'occupation des sols et si les travaux projetés affectent une éventuelle non conformité ;

- que le projet respecte la hauteur maximale de 9 mètres qu'impose l'article UB 10 du règlement ; que l'association Horizons Biviers ne peut utilement soutenir que la demande de permis comporterait des informations erronées ;

- que l'association Horizons Biviers ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article UB 12 du règlement imposant la production d'un plan de circulation, dès lors que l'accès et les voies de circulation existants ne sont pas modifiés ; qu'en tout état de cause, la demande fait apparaître les voies de circulation ; que le nombre de places de stationnement qu'imposent les dispositions de l'article UB 12 est respecté ; que, de plus, cet article a été modifié par la délibération du 12 octobre 2011 ;

- qu'il n'est pas démontré que le projet méconnaîtrait une servitude d'utilité publique ;

- que le moyen tiré de ce que la demande ne comportait pas le dossier d'accessibilité et le dossier de sécurité prévus dans l'hypothèse d'un projet portant sur un établissement recevant du public soulève un litige distinct et est, par suite, inopérant ; qu'en tout état de cause, ce moyen manque en fait ; qu'il n'est pas démontré que la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité n'aurait pas été mise en mesure de se prononcer utilement compte tenu des pièces produites ;

- que, pour la même raison, l'association Horizons Biviers ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'absence de consultation de cette commission ; qu'en tout état de cause, ce moyen manque en fait ;

- qu'il n'est pas démontré que les règles relatives à l'accessibilité des personnes handicapées n'auraient pas été respectées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 février, 30 avril et 7 mai 2014, l'association Horizons Biviers conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Berlidis à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association Horizons Biviers soutient :

- qu'elle abandonne les moyens tirés de ce que la société Berlidis n'est pas propriétaire du terrain d'assiette du projet en litige, de ce que ce dernier méconnaît une servitude d'utilité publique et de ce que le permis de construire tacite contesté méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal a bien statué sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande ;

- que la requérante produit en appel des documents qui ne correspondent pas à ceux contenus dans la demande de permis de construire et qui sont, par suite, irrecevables ;

- que le permis de construire tacite en litige n'a pas fait l'objet d'un affichage régulier pendant une période continue de deux mois susceptible de permettre le déclenchement du délai de recours contentieux ; que la demande tendant à l'annulation de ce permis n'est donc pas tardive ;

- que c'est à juste titre que le tribunal a estimé que le permis de construire modificatif litigieux, qui n'indique pas le nom et le prénom de son signataire, méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- que la société requérante ne conteste pas que, comme le tribunal l'a relevé, le projet méconnaît la règle d'emprise au sol posée par l'article UB 9 du règlement du plan d'occupation des sols ;

- que le motif d'annulation fondé sur l'article UB 13 de ce règlement est également fondé, aucune plantation n'étant prévue ;

- que la société Berlidis n'est pas recevable à invoquer le permis modificatif du

4 mars 2013, ce permis ne lui ayant en effet jamais été notifié ; qu'un permis modificatif ne peut permettre de régulariser un vice de légalité interne ; que ledit permis modificatif n'a pas été signé par une personne compétente en matière d'établissement recevant du public ; que le délai de trois ans de validité du permis initial était dépassé ; que ce permis modificatif, qui aboutit à une modification importante du permis initialement délivré, ne constitue donc pas un véritable permis de construire modificatif ; qu'un permis modificatif ne peut être délivré après l'achèvement de la construction, ce qui était le cas en l'espèce ; qu'enfin, la société requérante n'est pas recevable à invoquer un permis modificatif postérieur aux décisions qui ont été annulées en première instance ;

- que, contrairement à ce qu'impose l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Biviers, la demande de permis ne comporte aucun plan d'aménagement montrant les circulations, réseaux et plantations ;

- que, contrairement à ce que prévoit l'article UB 10 du règlement du plan d'occupation des sols, la demande ne comporte aucun plan topographique indiquant l'altimétrie du terrain d'assiette avant et après travaux ; que la pente du terrain n'apparaissant sur aucune des pièces de la demande de permis, le service instructeur n'a pu vérifier le respect de la règle de hauteur maximale de 9 mètres ;

- que le plan de circulation faisant apparaître les aires réservées aux manoeuvres des véhicules prévu par l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation des sols n'a pas été produit par la société Berlidis ;

- que les dossiers d'accessibilité et de sécurité imposés dans l'hypothèse d'un établissement recevant du public n'ont pas été intégrés à la demande de permis de construire ;

- qu'il n'est pas établi que la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité a bien été consultée sur le projet ;

- que les règles d'accessibilité aux personnes handicapées ne sont pas respectées.

Par une ordonnance du 8 septembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée

au 23 octobre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chenevey,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant le cabinet Lesage Orain Page Varin Camus, avocat de la société Berlidis.

1. Considérant que l'association Horizons Biviers a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire que le maire de la commune de Biviers a tacitement délivré le 19 avril 2009 à la société Berlidis, pour l'extension d'un supermarché et la création d'un parking aérien, et l'arrêté du 17 septembre 2009 par lequel cette même autorité administrative a accordé un permis de construire modificatif à cette société ; que par un jugement du 21 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande ; que la société Berlidis relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant que, compte tenu de la teneur des écritures en défense à l'appui du moyen tiré de la tardiveté des conclusions dirigées contre le permis de construire tacite

du 19 avril 2009 et le permis modificatif du 17 septembre 2009 aussi bien que des pièces produites à l'appui de cette fin de non-recevoir, composées d'un constat d'huissier de justice et de plusieurs attestations, en se bornant à affirmer " qu'il ressort des pièces du dossier que les constats et attestations produits ne permettent pas de justifier de manière certaine d'un affichage continu des décisions attaquées sur une durée de deux mois ", le tribunal administratif de Grenoble n'a pas suffisamment motivé son jugement ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, la société Berlidis est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Horizons Biviers devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la recevabilité de la demande :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire

(...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. / (...) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage " ; qu'aux termes de l'article A. 424-15 du même code :

" L'affichage sur le terrain du permis de construire (...), prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. " ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau (...) indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors oeuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; / (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / Droit de recours : / Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code l'urbanisme). / (...) " ;

7. Considérant, d'une part, que la société Berlidis a obtenu le 26 mai 2009 du maire de la commune de Biviers un certificat de permis de construire tacite pour le permis qu'elle a acquis le 19 avril 2009 ; que, le 27 mai 2009, cette société a fait procéder à un constat par un huissier de justice qui a relevé qu'à cette date, un panneau d'affichage avait été installé sur le terrain d'assiette, outre, sur ce panneau, une copie de la 1ère page du certificat de permis tacite ; qu'il ressort de ce constat que ce panneau indiquait, notamment, le nom du bénéficiaire du permis, la surface du terrain d'assiette de 9 313 m², la surface de plancher de la construction de 680 m², et sa hauteur, de 9 mètres ; qu'aucun élément ne peut permettre d'établir que ces indications auraient été erronées ; que les circonstances que le panneau indiquait comme nature des travaux : " Agrandissement S.C. ", et non précisément que le projet consiste à agrandir une surface commerciale et à créer un parking aérien distinct du bâtiment existant, qu'il mentionnait par erreur comme date du permis de construire tacite le 27 mai 2009 et que le numéro de ce permis n'était pas indiqué, n'ont pu avoir aucune incidence particulière, les autres mentions du panneau permettant d'identifier le permis, d'apprécier son importance et sa consistance et d'en prendre connaissance en mairie ; qu'au demeurant, la date exacte du permis tacite et son numéro étaient indiqués sur la copie du certificat de permis tacite qui a été apposée sur le panneau, dont rien n'indique qu'elle n'aurait pas été lisible, comme le soutient l'association Horizons Biviers ; qu'enfin, le panneau indiquait le délai de recours, comme le prescrit l'article A. 424-17 précité du code de l'urbanisme ;

8. Considérant, d'autre part, que l'association Horizons Biviers n'apporte aucun élément susceptible de permettre d'établir que, comme elle le soutient, l'affichage du permis de construire tacite n'aurait pas été continu pendant une période de deux mois à compter du 27 mai 2009 ; qu'elle se borne en effet à se prévaloir du fait qu'au moment du commencement des travaux, intervenu en juin 2010, aucun panneau n'était alors installé sur le terrain d'assiette ; qu'au surplus, la société Berlidis et la commune de Biviers ont produit des attestations, dont l'une émane de l'adjoint administratif en charge des autorisations d'urbanisme dans cette commune, qui tendent à démontrer que l'affichage a effectivement été continu durant ladite période de deux mois ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le délai de recours contentieux à l'encontre du permis de construire tacite a commencé à courir à compter du 27 mai 2009 ; que ce délai était donc venu à expiration le 6 août 2010, date à laquelle l'association Horizons Biviers a exercé un recours gracieux contre ce permis ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de ce dernier, qui ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 10 décembre 2010, sont tardives ;

10. Considérant, en second lieu, qu'en première instance, la société Berlidis et la commune de Biviers ont soutenu que le délai de recours contentieux courant à l'encontre du permis de construire modificatif du 17 septembre 2009 a été au plus tard déclenché le

6 août 2010, date du recours gracieux que l'association Horizons Biviers a exercé contre ce permis ; que, toutefois, en tout état de cause, il est constant que ce recours gracieux a été notifié à la société Berlidis, conformément à ce qu'impose l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, ce recours ayant été reçu en mairie le 10 août 2010, le délai n'a pu recommencer à courir qu'à compter de la décision de rejet de ce recours, soit, indépendamment même de l'accusé de réception que le maire a adressé à l'association, au plus tôt le 10 octobre 2010 ; que la demande d'annulation du permis modificatif a été enregistrée au greffe du tribunal le 10 décembre 2010 ; que les conclusions tendant à l'annulation de ce permis ne sont donc pas tardives ;

11. Considérant, enfin, que les autres fins de non-recevoir opposées par la société Berlidis et la commune de Biviers, qui n'ont pas été reprises dans le mémoire récapitulatif que le tribunal a demandé aux parties de produire en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, doivent dès lors être réputées abandonnées ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Berlidis et la commune de Biviers sont seulement fondées à soutenir que les conclusions de l'association Horizons Biviers tendant à l'annulation du permis de construire tacite litigieux sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur la légalité du permis modificatif litigieux :

13. Considérant que, contrairement à ce que la commune de Biviers a soutenu en première instance, l'association Horizons Biviers a soulevé des moyens de légalité interne dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal ; que, par suite, cette association était recevable à invoquer ultérieurement, devant ce dernier, tout moyen de légalité interne ; que, par contre, seuls des moyens de légalité interne ayant été invoqués par l'association devant le tribunal dans le délai de recours contentieux, celle-ci n'est pas recevable à invoquer des moyens de légalité externe ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 4 de la loi susvisée de 12 avril 2000 et du fait que les commissions d'accessibilité et de sécurité compétentes dans l'hypothèse d'un établissement recevant du public n'auraient pas été régulièrement consultées, sont irrecevables ;

15. Considérant que la circonstance que le plan local d'urbanisme qui était en vigueur à la date à laquelle le permis modificatif en litige a été délivré ait été annulé est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de ce permis ;

16. Considérant qu'au regard de l'objet du permis modificatif litigieux, qui est de modifier le terrain d'assiette du projet litigieux, l'association Horizons Biviers ne peut utilement soutenir que ce permis méconnaît les articles UB 10, UB 12 et UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Biviers, redevenu applicable à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme de cette commune, que le dossier de la demande de permis serait incomplet ou insuffisamment précis, compte tenu en particulier des documents exigés par les dispositions de ces mêmes articles et du fait que le projet concerne un établissement recevant du public, de ce que les règles relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées auraient été méconnues et de ce que le permis aurait dû être précédé de la délivrance d'un permis de démolir ;

17. Considérant qu'aux termes de l'article UB 9 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Biviers, redevenu applicable à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme de cette commune : " L'emprise au sol maximum est fixée à 50 %. / (...) " ;

18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'emprise au sol du projet en litige, initialement de 57,1 %, a été portée à 59,72 % par l'effet du permis modificatif du

17 septembre 2009, qui a réduit la superficie du terrain d'assiette ; que ce permis modificatif, qui accroit l'illégalité résultant du permis initial, méconnaît donc l'article UB 9 précité du règlement du plan d'occupation des sols ;

19. Considérant toutefois qu'en appel, la société Berlidis se prévaut du fait qu'un nouveau permis modificatif lui a été accordé le 4 mars 2013 et que ce permis, qui a été délivré après que la modification n° 5 du plan d'occupation des sols résultant de la délibération du 12 octobre 2011 a supprimé toute règle d'emprise au sol en zone UB, a pour effet de régulariser le projet ; que l'association Horizons Biviers conteste la validité de ce permis modificatif ; que, contrairement à ce que soutient la société Berlidis, une telle contestation, qui ne pose pas un litige distinct, est opérante et recevable ;

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 425-3 du même code : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 111-19-13 du même code : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par : / a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; / b) Le maire, dans les autres cas. " ;

21. Considérant qu'une délégation du maire habilitant l'un de ses adjoints à signer toutes les décisions relevant du code de l'urbanisme doit être regardée comme habilitant son titulaire à signer les arrêtés accordant un permis de construire, y compris lorsque le permis tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation pour l'exécution des travaux conduisant à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ; que le permis de construire ne peut toutefois être octroyé qu'avec l'accord de l'autorité compétente pour délivrer cette autorisation ;

22. Considérant que le permis modificatif du 4 mars 2013 a été signé par

M.A..., adjoint délégué à l'urbanisme, qui dispose d'une délégation du maire en matière d'urbanisme, par l'effet d'un arrêté du 1er avril 2008 ; que, cependant, ce permis modificatif a notamment pour objet de modifier l'aménagement intérieur de la surface de vente et de créer un nouveau local commercial ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce permis, qui a donc une incidence sur un établissement recevant du public, aurait été octroyé après l'accord de l'autorité compétente en matière d'établissements recevant du public ; qu'en conséquence, l'association Horizons Biviers est fondée à soutenir que l'arrêté du 4 mars 2013 est illégal et ne peut dès lors permettre de régulariser le projet en litige ;

23. Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article 600-5 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. " ;

24. Considérant que, d'une part, lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que, d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5 citées ci-dessus qu'en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet ; que le juge peut, le cas échéant, s'il l'estime nécessaire, assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'autorisation modificative afin de régulariser l'autorisation subsistante, partiellement annulée ;

25. Considérant que l'illégalité relevée ci-dessus résultant de la méconnaissance de l'article UB 9 du règlement du plan d'occupation des sols, qui est la seule qui entache le permis modificatif litigieux du 17 septembre 2009, peut être régularisée par la délivrance d'un nouveau permis de construire modificatif par le maire de la commune de Biviers, dès lors en effet que la modification n° 5 de ce plan, résultant de la délibération du 12 octobre 2011, a supprimé toute règle d'emprise au sol en zone UB ;

26. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler seulement partiellement l'arrêté du 17 septembre 2009, en tant qu'il méconnaît l'article UB 9 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Biviers ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Horizons Biviers, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la société Berlidis la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme au bénéfice de cette association sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : Le permis de construire modificatif que le maire de la commune de Biviers a délivré le 17 septembre 2009 à la société Berlidis est annulé en tant qu'il méconnaît l'article UB 9 du règlement du plan d'occupation des sols de cette commune.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Berlidis et à l'association Horizons Biviers.

Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2015.

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N° 14LY00006

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00006
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Effets des annulations.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MAUBLEU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-18;14ly00006 ?
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