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27/05/2014 | FRANCE | N°13LY01175

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 27 mai 2014, 13LY01175


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2013, présentée pour M. C...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203940 du 11 mars 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2012 du maire de Bourgoin-Jallieu refusant de procéder au retrait du permis de construire délivré le 23 juin 2011 à la société CMR IMMO, ainsi qu'à l'annulation dudit permis ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

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°) d'enjoindre au maire de Bourgoin-Jallieu de statuer à nouveau sur sa demande de retrait et ...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2013, présentée pour M. C...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203940 du 11 mars 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2012 du maire de Bourgoin-Jallieu refusant de procéder au retrait du permis de construire délivré le 23 juin 2011 à la société CMR IMMO, ainsi qu'à l'annulation dudit permis ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) d'enjoindre au maire de Bourgoin-Jallieu de statuer à nouveau sur sa demande de retrait et de retirer sans délai ce permis de construire ;

4°) de mettre respectivement à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu et de la société CMR IMMO une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée dès lors que c'est à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande, les tiers étant parfaitement recevables à solliciter le retrait d'un permis de construire obtenu par fraude sans condition de délai ; que la décision de refus de retrait est entachée d'illégalité dès lors qu'elle a été signée par une autorité incompétente et que les manoeuvres frauduleuses de la société CMR IMMO, qui a délibérément fourni à l'autorité compétente un dossier de demande erroné et contradictoire au regard des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 c) et d) du code de l'urbanisme, ont faussé son appréciation quant à la consistance et à la réalité de la construction projetée ; qu'en outre, le permis de construire est illégal dès lors qu'il méconnaît les dispositions des articles UB 11 du règlement du plan d'occupation des sols et R. 111-21 du code de l'urbanisme en portant atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants et à la cohérence avec le style des bâtiments existants ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2013, présenté pour la société CMR IMMO, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le permis de construire ayant été régulièrement affiché au regard des exigences de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, l'invocation d'une fraude n'a d'autre objet que de faire obstacle au caractère définitif dudit permis né de l'expiration du délai de recours prévu à l'article R. 600-2 du même code ; que la fraude alléguée n'étant pas établie, l'expiration de ce délai rend sa demande irrecevable ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 juin 2013, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que dès lors qu'il ne sollicite nullement l'annulation du permis de construire mais bien celle de la décision de refus de retrait au motif que ledit permis a été obtenu par fraude, le chef d'irrecevabilité tiré de l'expiration du délai de recours prévu à l'article R. 600-2 précité ne saurait en tout état de cause être accueilli ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2013, présenté pour la commune de Bourgoin-Jallieu, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la requête d'appel de M. B...est irrecevable, à défaut de l'accomplissement des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité, dès lors que la demande a été introduite hors délai et que le permis, régulièrement affiché, n'a pas été obtenu par fraude ; que les manoeuvres frauduleuses alléguées ne sont pas établies ; que le permis ne méconnaît pas les dispositions des articles UB 11 du plan local d'occupation des sols et R. 111-21 du code de l'urbanisme, et n'est dès lors pas illégal ;

Vu la demande de pièces pour compléter l'instruction en date du 30 janvier 2014 adressée à Maître Botto pour la commune de Bourgoin Jallieu ;

Vu l'ordonnance en date du 30 janvier 2014 qui, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, a fixé la date de clôture de l'instruction au 21 février 2014 ;

Vu les pièces enregistrée le 3 février 2014 présentée pour la commune de Bourgoin Jallieu suite à la demande du greffe de la cour ;

Vu enregistré le 19 février 2014 le mémoire présenté pour la société CMR IMMO qui conclut comme précédemment par les mêmes moyens, concluant également à la condamnation de M. B...au paiement d'une somme 10 000 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative pour procédure abusive et faisant en outre valoir que le permis a été affiché de manière continue pendant deux mois ; qu'il n'a pas été obtenu par fraude, des erreurs n'étant pas constitutives d'une telle fraude ; que le recours est tardif, M. B...ayant acquis la connaissance du permis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2014 :

- le rapport de M. Picard, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de MeD..., représentant la SCP Granrut Avocats, avocat de M. B..., celles de Me Botto, avocat de la commune de Bourgoin-Jallieu et celles de Me A...représentant le cabinet BSV A...Sabatier, avocat de la société CMR IMMO ;

1. Considérant que M. B...relève appel de l'ordonnance du 11 mars 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme entachée d'une irrecevabilité manifeste au sens de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sa demande d'annulation de la décision du maire de Bourgoin-Jallieu du 31 mai 2012 refusant de faire droit à son courrier en date du 23 mai 2012 qui tendait au retrait pour fraude du permis de construire délivré le 23 juin 2011 à la société CMR Immo ;

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif./ La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours / La notification du recours au titulaire de l'autorisation et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux " ; que la décision portant refus de retrait d'un permis de construire, qui a nécessairement pour effet d'en confirmer la validité, figure au nombre des décisions entrant dans le champ d'application de cette disposition ;

3. Considérant que si la commune soutient que M. B...n'a pas notifié sa requête en appel dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 précité, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est acquitté de cette formalité auprès du maire de Bourgoin-Jallieu et de la société CMR IMMO dès le 14 mai 2013, soit le lendemain de son enregistrement au greffe de la cour ; que, dès lors, la requête présentée par M. B...est recevable ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Considérant que la seule circonstance que le délai de recours contentieux contre le permis en date du 23 juin 2011 était expiré ne faisait pas obstacle à ce que M. B...conteste devant le tribunal la décision du 31 mai 2012 par laquelle le maire de Bourgoin-Jallieu a refusé de faire droit à sa demande de retrait pour fraude de ce permis ; que c'est par suite à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble, se fondant sur l'expiration du délai de recours ouvert contre le permis du 23 juin 2011, a jugé que la demande de retrait présentée par M. B...le 23 mai 2012 s'analysait comme un recours gracieux formé contre ce permis et devait, par suite, être rejetée pour tardiveté ; que dès lors, cette ordonnance, qui est entachée d'irrégularité, doit être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité de la décision de refus de retrait du permis de construire :

6. Considérant que M. B...soutient que les erreurs entachant la notice paysagère prévue à l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ainsi que les documents d'insertion et de situation prévus à l'article R. 431-10 du même code témoigneraient de manoeuvres frauduleuses ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement " ; que selon l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse " ;

8. Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier que contrairement aux affirmations du requérant, la description du site d'implantation du projet reflète le caractère mixte de la zone laquelle qui, compte tenu notamment de la présence de trois immeubles collectifs dans l'environnement proche du projet, ne saurait être qualifiée de " très pavillonnaire "; qu'il n'est pas plus démontré que la superficie du terrain aurait été minorée pour échapper à une quelconque prescription d'urbanisme applicable ; qu'en outre, malgré l'erreur que comporte la notice à propos de l'accès existant, qui est situé avenue Tixier et non rue Jean Moulin, rien ne permet dire que le service instructeur aurait été induit en erreur sur l'accès que prévoit le projet pour les voitures qui, comme le mentionne également la notice, sera situé rue Jean Moulin ; que par ailleurs, à supposer même que les indications relatives au traitement des plantations, au nombre d'arbres coupés en particulier, comporteraient des erreurs, il n'apparaît pas que le pétitionnaire aurait délibérément méconnu le plan d'occupation des sols dont aucune disposition ne proscrit l'abattage d'arbres ; que, de plus, le seul fait que les clôtures en limites ouest et est ont pu être détruites ou détériorées lors de l'exécution des travaux ne suffit pas à démontrer la violation, par la pétitionnaire, de l'engagement pris de les maintenir, le cas échéant par leur remplacement à l'issue du chantier ; qu'enfin, si le requérant se plaint de ce que le projet créerait des vues directes et masquerait l'ensoleillement sur les fonds voisins, il ne saurait utilement se prévaloir d'un tel argument dès lors que le permis est délivré sous réserve des droits des tiers, la méconnaissance d'aucune disposition du règlement du plan d'occupation des sols n'étant à cet égard invoquée ;

9. Considérant d'autre part que, contrairement à ce que soutient M.B..., le projet architectural en cause comporte des documents graphiques et photographiques permettant d'apprécier au mieux, compte tenu des contraintes propres à la configuration des lieux en milieu urbain, la situation du terrain d'assiette du projet comme l'impact visuel du bâtiment ainsi que son insertion par rapport aux constructions avoisinantes ;

10. Considérant en conséquence que, quelles soient les erreurs qui ont pu être relevées ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire du 23 juin 2011 aurait été obtenu à la suite de manoeuvres du pétitionnaire de nature à tromper l'administration sur la réalité de son projet ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'une fraude ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que, en l'absence de fraude avérée, le maire de Bourgoin-Jallieu ne pouvait pas, comme le lui demandait M.B..., retirer le permis de construire du 23 juin 2011 au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que ce permis aurait été accordé en violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et de l'article UB 11 du règlement du plan d'occupation des sols, qui ne reposent sur aucune fraude alléguée, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ;

12. Considérant cependant que la décision contestée du 31 mai 2012 est signée du premier adjoint au maire de Bourgoin-Jallieu ; que la commune qui, en réponse à la mesure d'instruction effectuée par la cour le 30 janvier 2014, a produit un arrêté du maire du 25 mars 2008 portant délégation de signature au cinquième adjoint en matière d'urbanisme et immobilière, n'a pas justifié que le premier adjoint disposait, à la date de la décision, d'une délégation lui permettant de signer les décisions en matière d'urbanisme et relatives plus particulièrement aux autorisations d'urbanisme ; que, dès lors, comme le soutient M.B..., la décision du 31 mai 2012, pour laquelle le maire de Bourgoin-Jallieu n'était pas en situation de compétence liée, est entachée d'incompétence ; que, pour ce seul motif, l'intéressé est donc fondé à en demander l'annulation ;

13. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, également susceptible de fonder l'annulation de la décision litigieuse ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif sur lequel il repose, que le maire de Bourgoin-Jallieu procède au retrait du permis de construire en cause mais seulement qu'il statue de nouveau sur la demande de retrait présentée par M. B...;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la société CMR IMMO :

15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de condamner M.B..., sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, à verser à la société CMR IMMO une indemnité pour procédure abusive ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la commune de Bourgoin-Jallieu et la société CMR IMMO sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par M. B...;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 mars 2013 est annulée.

Article 2 : La décision du maire de Bourgoin-Jallieu du 31 mai 2012 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Bourgoin-Jallieu de statuer de nouveau sur la demande de retrait présentée par M.B....

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à la commune de Bourgoin-Jallieu et à la société CMR IMMO.

Délibéré à l'issue de l'audience du 4 mars 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2014.

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