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08/01/2013 | FRANCE | N°12LY01656

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 08 janvier 2013, 12LY01656


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juin 2012 sous le n° 12LY01656, présentée pour l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois ", dont le siège est sis 9 rue des Fontenilles à Tonnerre (89700), représentée par son président en exercice, par Me Monamy ;

L'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1001012 du 24 avril 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de trois arrêtés, en date du 6 novembre 2009, par lesquels le préfet de l'Yonne a d

élivré à la société Gamesa Energie France des permis de construire en vue de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juin 2012 sous le n° 12LY01656, présentée pour l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois ", dont le siège est sis 9 rue des Fontenilles à Tonnerre (89700), représentée par son président en exercice, par Me Monamy ;

L'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1001012 du 24 avril 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de trois arrêtés, en date du 6 novembre 2009, par lesquels le préfet de l'Yonne a délivré à la société Gamesa Energie France des permis de construire en vue de la réalisation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Censy, Pasilly et Moulins-en-Tonnerrois ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat et la société Gamesa Energie France à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative et n'apporte aucune réponse circonstanciée aux éléments, contenus dans sa note en délibéré, par lesquels elle justifiait de son intérêt pour agir ; que le tribunal s'est mépris sur son ressort géographique, qui n'est pas limité au territoire de la commune de Tonnerre, mais s'étend à l'ensemble du Tonnerrois, comme en témoigne la majuscule de son nom ; que, ce faisant, il a méconnu l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le Tonnerrois, qui est un pays au sens de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, englobe les communes concernées par le projet ; qu'au demeurant les éoliennes seront visibles depuis la ville de Tonnerre ; que les avis favorable émis par les maires de Censy et de Pasilly vicient la procédure au terme de laquelle a été pris l'arrêté contesté et caractérise une violation du principe d'impartialité, dès lors que ces élus sont personnellement intéressés à la réalisation du projet, le premier en tant que propriétaire de la parcelle cadastrée ZP 10, concernée par une éolienne, le second en tant que père du propriétaire des parcelles cadastrées ZP 7 et ZP 24, concernées par trois éoliennes ; qu'il est à cet égard éclairant que ces avis aient été rendus le jour même du dépôt des demandes de permis ; que l'étude d'impact annexée à celles-ci ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, en ce qu'elle est dépourvue d'analyse concrète des effets du projet sur la sécurité publique, notamment en cas de rupture de pales ; qu'elle est également défaillante en ce qui concerne l'impact paysager, et ignore délibérément les principaux monuments, en particulier le château d'Ancy-le-Franc et le canal de Bourgogne ; que les documents complémentaires produits par la société Gamesa Energie France ( " étude covisibilité " et " étude balistique " ) n'ont été ajoutés au dossier de permis que les 6 avril et 25 mars 2009, et n'ont donc pas été soumis à l'enquête publique, laquelle s'est déroulée antérieurement ; que ce dossier ne comportait pas, en violation des dispositions de l'article R. 123-6 du code de l'environnement, les accords du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense prévus par l'article R. 424-9 du code de l'urbanisme ; que de tels documents sont de nature à éclairer le public ; que le dossier d'enquête publique ne comportait pas la mention des textes qui régissent celle-ci ni l'indication de la façon dont elle s'insère dans la procédure en cause ; que l'arrêté contesté n'est pas accompagné d'un document comportant les informations prévues par l'article L. 122-1 du code de l'environnement, et méconnaît ainsi l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme ; qu'il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, compte tenu du risque de projection de pales et de la proximité d'une ligne ferroviaire à grande vitesse ; que ni l'étude balistique du pétitionnaire ni les informations communiquées par la SNCF n'ont pu permettre au préfet de se prononcer en connaissance de cause sur ce risque, comme l'a admis la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ; que le risque de perturbations électromagnétiques pouvant affecter la sécurité du trafic ferroviaire a été passé sous silence en dépit de la demande d'étude complémentaire formulée par la SNCF ; que, de même, il n'a été tenu aucun compte de l'avis défavorable de la société France Télécom, concernant la perturbation du réseau hertzien utilisé par les services de secours ; que les permis de construire contestés méconnaissent l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ; qu'en effet, le site est habituellement survolé par les grues cendrées ; qu'en raison de campagnes d'observation insuffisantes, l'étude d'impact sous-évalue la représentation de cette espèce protégée dans le secteur, situé au coeur d'un couloir migratoire ; que le risque de collision est d'autant plus important que l'implantation prévue est perpendiculaire à ce couloir ; qu'aucune mesure préventive ou compensatoire n'a été prévue par le pétitionnaire, ni aucune prescription spéciale imposée par le préfet ; qu'enfin, l'arrêté contesté procède d'une appréciation manifestement erronée de l'incidence du projet sur le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants, qui correspondent à l'une des zones les plus sensibles du département de l'Yonne ; que le secteur compte soixante-quatorze monuments historiques, trois zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et un secteur sauvegardé, outre les paysages préservés des vallées du Serein et de l'Armançon ainsi qu'un ensemble de plateaux offrant des vues très lointaines ; que le service départemental de l'architecture et du patrimoine et l'architecte des bâtiments de France ont souligné, dans leurs avis défavorables, la gravité de l'atteinte portée aux sites ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2012, présenté pour la société Gamesa Energie France, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est suffisamment motivé ; qu'aucune des clauses des statuts de l'association requérante ne précise son ressort géographique ; qu'en l'absence d'une telle précision, quelle que soit sa dénomination, elle est réputée avoir un ressort national qui ne lui permet pas de contester un permis de construire ; qu'en admettant même que son nom définisse un ressort territorial, celui-ci serait nécessairement limité au territoire de la commune de Tonnerre, sans pouvoir s'étendre au pays du Tonnerrois ; que la communauté de communes du Tonnerrois, au surplus, ne comprend aucune des trois communes sur les territoires desquelles se situent les terrains d'assiette du projet ; que la commune de Tonnerre se situe au-delà du périmètre éloigné du futur parc éolien, et n'est en rien concernée par ses impacts potentiels ; que le jugement attaqué, qui ne fait que tirer les conséquences des statuts de l'association requérante, ne méconnaît ainsi nullement l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la généralité de son objet statutaire fait également obstacle à la recevabilité de son action ; que, sur le fond, aucun des moyens n'est fondé, ainsi qu'il a été démontré dans les mémoires en défense présentés devant le tribunal ;

Vu l'ordonnance, en date du 23 octobre 2012, fixant la clôture de l'instruction, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 27 novembre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2012, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, concluant au rejet de la requête ;

Il soutient que le jugement est suffisamment motivé ; que l'absence de précision des statuts de l'association requérante quant à son champ d'action impose de considérer qu'elle a un ressort national ; que ce ressort n'est pas en adéquation avec la portée des arrêtés contestés ; que l'objet statutaire de cette association est au demeurant très général, et ne fait aucune référence aux questions d'urbanisme ; qu'ainsi, le défaut d'intérêt pour agir lui a été opposé à juste titre ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2012, présenté pour l'association Les Amis du Patrimoine Tonnerrois, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 et le décret n° 2009-496 du 30 avril 2009, d'où il résulte que les études d'impact remises au service instructeur après le 1er juillet 2009 sont soumises à l'autorité environnementale, sont intervenus après le délai de transposition fixé par l'article 2 de la directive communautaire 97/11/CE du 3 mars 1997 ; que les arrêtés contestés, qui n'ont pas fait l'objet de cette procédure, sont donc entachés d'illégalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. Zupan, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gautier, représentant le cabinet Fidal société d'avocats, avocat de la société Gamesa Energie France ;

1. Considérant que l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " relève appel du jugement, en date du 24 avril 2012, par lesquels le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de trois arrêtés, en date du 6 novembre 2009, par lequel le préfet de l'Yonne a délivré à la société Gamesa Energie France des permis de construire en vue de la réalisation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Censy, Pasilly et Moulins-en-Tonnerrois ;

2. Considérant que le jugement attaqué, qui oppose à l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " le défaut d'intérêt pour agir à l'encontre des permis de construire délivrés à la société Gamesa Energie France, cite l'objet statutaire de cette association, relève que les statuts sont exempts de toute précision quant à son ressort géographique et énonce qu'en l'absence d'autre indication que celle contenue dans son appellation, ce ressort doit être regardé comme circonscrit à la ville de Tonnerre ; que cette motivation satisfait aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative, alors même qu'elle ne porte pas sur le détail de l'argumentation de l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " selon laquelle le mot " Tonnerrois " devrait être entendu comme se rapportant au " pays du Tonnerrois " et non au seul territoire de la commune de Tonnerre ; que cette argumentation, au surplus, a été développée seulement dans une note en délibéré n'exposant à cet égard ni circonstance de fait dont l'association requérante n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ni circonstance de droit nouvelle ou d'ordre public ;

3. Considérant que l'article 2 des statuts de l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois ", dans leur rédaction en vigueur à la date à laquelle le tribunal administratif de Dijon a été saisi, seule à prendre en compte pour apprécier la recevabilité de sa demande, lui assigne pour but " de valoriser le patrimoine local bâti et paysager à caractère public ou privé, en particulier le patrimoine architectural, jardinier, viticole et agricole, de promouvoir le savoir-faire, le savoir-vivre et les traditions du terroir, d'oeuvrer, par toute possibilité légale, et à la hauteur des moyens de l'association, à la préservation et à l'inventaire de ce patrimoine culturel et environnemental, en coopération avec les pouvoirs publics et les entreprises privées, de mettre en place, de conduire ou de soutenir des chantiers visant à la réalisation de ces objectifs, de réaliser tout projet susceptible d'obtenir des aides et/ou des subventions publiques ou privées permettant d'atteindre ces objectifs " ; qu'il ajoute que " l'association participe pleinement à la vie de la collectivité locale et territoriale dans un but d'intérêt général " et " participe aux actions et aux activités professionnelles ou en voie de professionnalisation dans un champ d'intervention artistique, culturel, éducatif, sportif ou social " ; que l'article 3 précise que " le domaine principal d'activité de l'association (...) est culturel " ; qu'en l'absence, dans ces stipulations statutaires, de toute indication précise quant au ressort géographique de l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois ", les premiers juges se sont à bon droit référés à son appellation, en tant qu'elle est susceptible de définir ce ressort ; qu'en se bornant à faire valoir que le mot " Tonnerrois " y prend une majuscule et que le " pays du Tonnerrois " correspond à une entité administrative et géographique bien déterminée, la requérante, qui ne produit aucun document témoignant d'une activité effectivement exercée au-delà du territoire de la commune de Tonnerre, où elle a son siège, ne démontre pas que son appellation devrait s'entendre comme désignant un ressort géographique couvrant l'ensemble du " pays du Tonnerrois " ; que, dès lors, son objet statutaire doit être regardé comme intéressant seulement la défense du patrimoine de la commune de Tonnerre ; que l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " n'établit pas que les éoliennes projetées seraient visibles depuis certains lieudits de la commune de Tonnerre, située à une quinzaine de kilomètres et ne précise d'ailleurs pas en quoi une telle visibilité pourrait léser les intérêts dont elle entend assurer la défense ; qu'ainsi, le tribunal a estimé à bon droit qu'elle ne justifie pas d'un intérêt lui conférant qualité pour contester les permis de construire délivrés à la société Gamesa Energie France ; que ce motif d'irrecevabilité, qui découle seulement de la définition de son objet statutaire, ne porte aucune atteinte aux droits dont l'exercice lui est garanti notamment par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la société Gamesa Energie France, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la société Gamesa Energie France ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois " est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Gamesa Energie France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Les Amis du Patrimoine Tonnerrois ", au ministre de l'égalité des territoires et du logement et à la société Gamesa Energie France.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Zupan, président de la formation de jugement,

M. Bézard, président,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

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N° 12LY01656

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01656
Date de la décision : 08/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : FRANCIS MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-08;12ly01656 ?
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