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18/12/2012 | FRANCE | N°12LY01318

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 décembre 2012, 12LY01318


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 mai 2012 sous le n° 12LY01318, présentée pour la société Ferme Eolienne de Chazemais, dont le siège est sis 4 rue de Rome à Paris (75008), par Me Guiheux ;

La société Ferme Eolienne de Chazemais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1100425 du 27 mars 2012 qui, à la demande de MM. Claude A et Jean-Baptiste B, a annulé l'arrêté, en date du 4 janvier 2011, par lequel le préfet de la région Auvergne lui a délivré un permis de construire en vue de la r

alisation d'un parc éolien ;

2°) de rejeter la demande présentée au tribunal adm...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 mai 2012 sous le n° 12LY01318, présentée pour la société Ferme Eolienne de Chazemais, dont le siège est sis 4 rue de Rome à Paris (75008), par Me Guiheux ;

La société Ferme Eolienne de Chazemais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1100425 du 27 mars 2012 qui, à la demande de MM. Claude A et Jean-Baptiste B, a annulé l'arrêté, en date du 4 janvier 2011, par lequel le préfet de la région Auvergne lui a délivré un permis de construire en vue de la réalisation d'un parc éolien ;

2°) de rejeter la demande présentée au tribunal administratif de Clermont-Ferrand par MM. A et B ;

3°) de condamner MM. A et B à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas en quoi l'absence de mesure des émergences spectrales, dans l'étude d'impact, a pu caractériser une insuffisance de celle-ci, qui souligne par ailleurs l'engagement du pétitionnaire à respecter la réglementation applicable en matière acoustique ; que le motif d'annulation retenu procède d'erreurs de droit, de fait, et de qualification juridique des faits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 juillet 2012, présenté pour la société Ferme Eolienne de Chazemais, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que le caractère substantiel des éventuelles insuffisances de l'étude d'impact doit être apprécié à l'échelle de l'ensemble de cette étude et au regard des potentielles nuisances du projet ; que l'impact sanitaire des éoliennes est reconnu comme faible ; qu'en l'espèce, l'étude acoustique annexée à l'étude d'impact quantifie avec toute la précision et la rigueur possibles l'émergence prévisible dans les secteurs habités les plus proches ; que ni les articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent d'évaluer les émergences spectrales ; qu'aujourd'hui, d'ailleurs, l'exploitation des éoliennes est soumise aux seules prescriptions définies dans le cadre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; que ces prescriptions ne se réfèrent nullement aux émergences spectrales, lesquelles ne constituent pas une donnée pertinente ; que l'évaluation prévisionnelle de ces émergences ne présente aucune fiabilité, compte tenu de l'impossibilité de modéliser certains paramètres, et donc aucun intérêt en termes d'information du public ; que les émergences globales prévisionnelles font clairement apparaître que la réglementation en matière de bruit sera respectée ; que l'étude d'impact comporte l'engagement de vérifier les niveaux sonores en phase d'exploitation et indique les mesures qui seront alors prises, tel le bridage des aérogénérateurs ; que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a émis un avis favorable ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2012, présenté pour M. Jean-Baptiste B et pour M. Claude A, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat et de la société Ferme Eolienne de Chazemais à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la requête est irrecevable, faute pour l'appelante d'avoir acquitté la contribution prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que l'étude acoustique annexée à l'étude d'impact trahit un manque évident de maîtrise de notions mathématiques et physiques de base, et a été établie à partir d'un logiciel totalement obsolète ; que la mise en oeuvre de la norme ISO 9613-2 a pour effet de minimiser l'estimation des niveaux sonores ; que la variation des conditions météorologiques a été totalement ignorée ; que l'étude d'impact occulte l'existence de plusieurs habitations situées au voisinage des éoliennes projetées, et exposées à leurs nuisances sonores ; que l'étude d'impact doit parvenir à démontrer que les éoliennes respecteront les normes acoustiques fixées par les articles R. 1334-31 et suivants du code de la santé publique ; qu'elle doit dès lors contenir une évaluation des émergences spectrales à l'intérieur des habitations, conformément à l'article R. 1334-32 de ce code et comme le souligne d'ailleurs le guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens ; que l'information relative à ces émergences spectrales est d'un intérêt majeur pour le public, compte tenu de la spécificité du bruit produit par les éoliennes ; que l'arrêté du 26 août 2011, qui n'impose plus de les évaluer, est postérieur à l'arrêté contesté et donc inutilement invoqué par l'appelante ; qu'il n'est pas sérieusement argué du manque de fiabilité de la modélisation des émergences spectrales ; que la société Ferme Eolienne de Chazemais a cherché à tromper l'administration sur la consistance exacte de l'étude acoustique ; que les exposants se réfèrent, concernant leurs autres moyens d'annulation, à leurs écritures de première instance ; que l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ; qu'en effet, la circonstance que le schéma régional éolien ait été en cours d'élaboration ne pouvait justifier que le préfet de la région Augergne évoquât, au titre de l'article 2 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, le pouvoir de statuer sur les demandes de permis de construire relatives aux projets éoliens ; qu'un tel schéma ne lie pas l'autorité d'urbanisme ; qu'au surplus, l'arrêté du 28 octobre 2010 par lequel le préfet de la région Auvergne en a ainsi décidé est antérieur à la création du comité de pilotage et du comité technique chargés de l'élaboration dudit schéma ; que l'étude d'impact est affectée d'autres graves insuffisances ; qu'ainsi, elle est dépourvue d'analyse sérieuse de l'incidence du projet sur les chiroptères, alors que la forêt du Tronçais, située à proximité, en compte une dizaine d'espèces ; qu'aucune campagne d'observation n'a même été menée concernant cette faune ; que l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a été méconnu, les communes et établissement publics de coopération intercommunale concernés n'ayant pas été consultés ; qu'il n'est pas établi que les avis du commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes, d'une part, de la direction de l'aviation civile Sud-Est, d'autre part, requis par l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, aient été joints au dossier d'enquête publique comme l'impose le 8° de l'article R. 123-6 du code de l'environnement ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 octobre 2012, présenté pour la société Ferme Eolienne de Chazemais, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que sa requête a bien été accompagnée du justificatif du paiement d'un timbre fiscal dématérialisé ; que la validité de l'étude acoustique annexée à l'étude d'impact n'est pas sérieusement contestée ; que le préfet de la région Auvergne a pu valablement faire usage du droit d'évocation prévu par l'article 2 du décret du 29 avril 2004, pour une durée limitée et dans un but de coordination régionale ; qu'il n'était pas tenu d'attendre la création des comités chargés de l'assister dans l'élaboration du schéma régional éolien ; que les documents sur lesquels les intimés s'appuient concernant l'évaluation des populations de chiroptères n'ont pas de caractère contraignant ; que la partie de l'étude d'impact consacrée à cette question est suffisante, compte tenu du faible risque de collision ; que le site est éloigné des milieux susceptibles d'attirer les chauves-souris ; que l'étude d'impact prévoit d'ailleurs des mesures permettant de réduire et compenser l'incidence du projet sur cette espèce animale ; que l'article 90 XI de la loi du 12 juillet 2010, dont l'entrée en vigueur nécessitait l'adoption d'un décret d'application, n'est pas applicable au litige, ce décret n'ayant été pris que le 12 janvier 2012, soit postérieurement à l'arrêté contesté ; que le moyen tiré de l'absence, au dossier d'enquête publique, des courriers du commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes des 15 juillet 2008 et 15 décembre 2009 manque en fait comme en atteste le rapport de la commission d'enquête ; qu'en tout état de cause, une telle irrégularité ne pourrait être regardée comme substantielle ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 novembre 2012, présenté pour la société Ferme Eolienne de Chazemais, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2012, présenté pour MM. B et A, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2012, présenté pour la société Ferme Eolienne de Chazemais, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 23 novembre 2012, présenté pour MM. A et C concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Rochard, représentant Volta avocats, avocat de la société Ferme Eolienne de Chazemais, et celles de Me Monamy, avocat de MM. A et B ;

1. Considérant que la société Ferme Eolienne de Chazemais relève appel du jugement, en date du 27 mars 2012, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, à la demande de MM. A et B, l'arrêté du préfet de la région Auvergne du 4 janvier 2011 lui délivrant un permis de construire en vue de l'installation de neuf éoliennes et d'un poste de livraison électrique sur le territoire de la commune de Chazemais ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent MM. A et B, la société Ferme Eolienne de Chazemais s'est acquittée de la contribution prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que sa requête est dès lors recevable ;

Sur le fond :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté, applicable au projet litigieux en vertu du 20° de l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique (...) ; (...) 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé (...) ; 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement " ;

4. Considérant que l'étude d'impact annexée à la demande de permis de construire de la société Ferme éolienne de Chamezais comporte une étude acoustique réalisée par un bureau d'études spécialisé et retraçant, à partir de multiples données géographiques et de mesures acoustiques effectuées en neuf points correspondant aux secteurs habités les plus proches du futur parc éolien, les résultats d'une modélisation destinée à évaluer le niveau d'émergence globale du bruit des aérogénérateurs ; qu'il n'est pas démontré par MM. A et B que cette modélisation, qui prend en compte notamment les spectres de puissance sonore des éoliennes dans différentes conditions de vent et divers paramètres atmosphériques ou physiques pouvant influer sur la propagation sonore, procéderait d'une méthodologie obsolète ou lacunaire et comporterait des erreurs mathématiques ; que les dispositions des articles R. 1334-32 et R. 1334-34 du code de la santé publique, qui définissent l'atteinte à la tranquillité publique ou à la santé publique en fonction de valeurs d'émergence spectrale des bruits engendrés par des " équipements d'activités professionnelles ", et non pas seulement en fonction de valeurs d'émergence globale de tels bruits, n'ont par elles mêmes ni pour objet ni pour effet de définir le contenu de l'étude d'impact imposée par le code de l'environnement dans le cadre d'un projet d'aménagement ou de construction ; que si l'évaluation de cette émergence spectrale peut dans certains cas s'avérer nécessaire pour permettre aux habitants concernés, dans le cadre de l'enquête publique, ou à l'autorité d'urbanisme, dans l'exercice de son pouvoir de décision, d'apprécier l'importance des nuisances sonores induites par le projet, une telle nécessité ne ressort pas en l'espèce des pièces du dossier dès lors que l'étude acoustique, qui comporte d'ailleurs un tableau retraçant le spectre de puissance d'une éolienne et souligne ainsi la prédominance des basses fréquences, fournit des résultats d'émergence globale demeurés, pour l'essentiel, très nettement en deçà des limites fixées par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu, pour annuler l'arrêté contesté, le motif tiré de l'insuffisance du volet acoustique de l'étude d'impact ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens d'annulation invoqués par MM. A et B ;

6. Considérant qu'en vertu de l'article 2 du décret susvisé du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, le préfet de région peut " évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale " et prendre dès lors " les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département " ; qu'en décidant, par arrêté du 28 octobre 2010, d'évoquer la compétence des préfets des départements de l'Allier, du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme pour statuer sur les demandes de permis de construire relatives à des projets éoliens dans l'attente de l'approbation du schéma régional éolien, le préfet de la région Auvergne n'a pas méconnu, eu égard à la nécessité de coordonner l'appréciation de tels projets à l'échelle régionale, la portée de cette disposition, alors même que le schéma en cause ne constitue pas un document d'urbanisme ; qu'est dépourvue d'incidence sur la légalité de cet arrêté la circonstance que le comité de pilotage et le comité technique en charge de l'élaboration de ce schéma n'avaient pas encore été mis en place à la date à laquelle il a été pris ; qu'ainsi, le permis de construire contesté n'est pas entaché d'incompétence ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-6 du code de l'urbanisme : " Dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la demande ou de la déclaration et pendant la durée d'instruction de celle-ci, le maire procède à l'affichage en mairie d'un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet (...) " ; qu'en l'espèce, l'erreur affectant la dénomination sociale du pétitionnaire, dans l'avis de dépôt affiché par le maire de Chazemais, n'a pu influer sur le sens de la décision prise ni priver les tiers d'une garantie ; qu'elle est dès lors sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;

8. Considérant que l'étude d'impact comporte, outre le volet acoustique susmentionné, un chapitre consacré aux effets du projet sur la santé et mentionne dans sa bibliographie les études disponibles à ce sujet, en particulier celle de l'académie de médecine datant de 2006 ; qu'elle fait état, par ailleurs, des risques d'accident liés au fonctionnement des éoliennes, y compris la chute d'éléments, dont elle souligne le caractère exceptionnel ; qu'elle ne saurait être jugée insuffisante sur ces points, quand bien même elle ne s'appuie pas sur les travaux scientifiques auxquels se réfèrent les requérants concernant le risque de rupture de pales, dont la sous-estimation n'est pas démontrée ; que MM. A et B, qui évoquent par ailleurs en termes généraux le risque de mouvement de terrain dans les sols argilo-sableux, n'apportent aucun élément de nature à établir que le site retenu y serait particulièrement sujet et que l'étude d'impact aurait dû aborder cette question ;

9. Considérant que si ladite étude ne fait pas spécifiquement état, dans ses développements consacrés aux effets du projet sur les activités touristiques, de la résidence de tourisme implantée à Chazemais, il n'est pas démontré que les chalets composant cette résidence, située à plus d'un kilomètre du parc éolien litigieux, seraient particulièrement exposés à d'éventuels risques d'accidents ou de nuisances ; que, de même, la circonstance, à la supposer établie, que 17 maisons d'habitation récemment édifiées dans le secteur de " la Croix-Fayot " n'auraient pas été représentées sur les différents documents graphiques insérés dans l'étude ne saurait suffire à démontrer l'insuffisance de celle-ci, eu égard à l'éloignement de ce lieudit ;

10. Considérant que la description de l'avifaune contenue dans l'étude d'impact est suffisamment précise et indique expressément, contrairement à ce que soutiennent MM. A et B en se fondant uniquement sur son résumé non technique, que le site est concerné par le couloir migratoire de la grue cendrée ; que, de même, cette étude comporte des indications suffisamment précises sur les populations de chiroptères observées dans la région ; que les intéressés ne peuvent à cet égard utilement arguer de la méconnaissance, par les auteurs de cette étude, des recommandations contenues dans le " guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens " publié par le ministère de l'écologie, ou des préconisations d'autres organismes, tels le groupe de travail " Eurobats " et la société française d'étude et de protection des mammifères, qui sont en tout état de cause dépourvues de valeur réglementaire ;

11. Considérant que, en ce qui concerne l'incidence du projet sur la protection du patrimoine, l'étude d'impact critiquée rend compte de la visibilité des éoliennes depuis le site de la chapelle Sainte-Agathe, à Saint-Désiré ; qu'elle n'avait pas à faire mention du cumul d'impacts visuels susceptible de résulter, à terme, de la construction d'autres parcs éoliens dont les permis de construire n'avaient pas même encore été demandés, fussent-ils envisagés dans le cadre d'une future zone de développement de l'éolien ;

12. Considérant enfin que l'étude d'impact n'avait pas, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, à comporter la description du potentiel éolien du site retenu ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact et de la mauvaise information du public doivent être rejetés ;

13. Considérant que l'avis rendu le 16 juin 2010 par le préfet de la région Auvergne en qualité d'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement, joint à l'arrêté du préfet de l'Allier du 5 août 2010 prescrivant l'enquête publique et annexé au dossier de celle-ci, décrit de façon synthétique le projet et émet une opinion critique sur la qualité de l'étude d'impact, en ses différents chapitres ; que ladite étude n'étant pas entachée, ainsi qu'il vient d'être dit, des différentes lacunes, erreurs ou insuffisances dénoncées par MM. A et B, ces derniers ne peuvent utilement reprocher au préfet de région de ne pas les avoir relevées dans son avis, lequel satisfait ainsi aux exigences de l'article R. 122-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur ;

14. Considérant qu'aux termes du XI de l'article 90 de la loi susvisée du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée " ; que cette disposition, dont l'entrée en vigueur étaient nécessairement subordonnée à la publication d'un décret d'application définissant la notion de " périmètre ", appliquée à un parc éolien, n'était pas encore applicable à la date de l'arrêté contesté, ce décret, d'où résulte l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, n'ayant été pris que le 12 janvier 2012 ; que le moyen tiré du défaut de consultation des communes limitrophes est donc en tout état de cause inopérant ;

15. Considérant qu'en vertu du II de l'article R. 123-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige, le dossier soumis à l'enquête publique doit comporter, " lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire, les avis émis par une autorité administrative sur le projet d'opération " ; que figure au nombre des documents devant ainsi être joints au dossier d'enquête l'accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense prévu par l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, renvoyant à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et applicable dans le cas où, comme en l'espèce, le projet est susceptible, en raison de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne ; que MM. A et B n'apportent cependant aucun élément de nature à démentir la mention du rapport de la commission d'enquête selon laquelle l'accord délivré par le directeur général de l'aviation civile a été joint au dossier de l'enquête publique ; qu'en admettant même que l'accord du commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes, quant à lui, n'ait pas figuré dans ce dossier, l'absence d'un tel document, dont l'objet est limité à l'appréciation de la compatibilité du projet avec les conditions de vol des aéronefs de l'armée de terre, n'a pas privé le public d'une information nécessaire à son expression et donc d'une garantie liée à l'utilité ou à l'effectivité de l'enquête publique ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-17 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Pendant la durée de l'enquête, les appréciations, suggestions et contre-propositions du public peuvent être consignées sur le registre d'enquête tenu à [sa] disposition dans chaque lieu où est déposé un dossier (...). / Les observations peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête au siège de l'enquête ; elles y sont tenues à la disposition du public " ; que MM. A et B n'établissent pas que des personnes aurait été empêchées de faire valoir leurs appréciations, suggestions ou contre-propositions en raison de l'absence de registre d'enquête pendant le temps nécessaire au remplacement du premier cahier, dont tous les feuillets avaient été remplis ; qu'ils n'établissent pas davantage, en se référant aux seules doléances du président de l'association Chazemais Environnement, dont ils sont membres, que les observations consignées dans ce registre, ainsi que les correspondances ou pétitions adressées à la commission d'enquête, n'auraient pas été laissées à la libre consultation du public, et que divers documents techniques relatifs au potentiel éolien du secteur auraient été dissimulés ;

17. Considérant que si les dispositions de l'article R. 123-20 du code de l'environnement, en cela aujourd'hui repris par son article R. 123-17, permettent au commissaire-enquêteur ou au président de la commission d'enquête, lorsqu'il l'estime justifié au regard des caractéristiques de l'opération ou des conditions de déroulement de l'enquête publique, d'organiser avec l'accord du préfet une réunion publique, elles ne lui font pas obligation de répondre favorablement aux demandes présentées en ce sens par un administré ou une association ; qu'eu égard à l'objet de la procédure d'urbanisme en cause, le président de la commission d'enquête, en s'abstenant de donner suite à la demande de réunion publique formulée par l'association Chazemais Environnement, qui entendait débattre du potentiel éolien du site, n'a commis aucune irrégularité ;

18. Considérant que l'article L. 123-13 du code de l'environnement, invoqué par les requérants, qui offre au commissaire-enquêteur ou au président de la commission d'enquête la faculté de solliciter du président du tribunal administratif une mesure d'expertise, est issu de la loi susvisée du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et n'est applicable, en vertu de l'article 245 de cette loi, qu'aux projets dont l'enquête publique a été prescrite et organisée par un arrêté publié avant le 1er juin 2012 ; qu'il ne pouvait dès lors en être fait application en l'espèce, l'enquête publique litigieuse s'étant déroulée du 13 septembre au 13 octobre 2010 ; que si l'article L. 123-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoyait déjà la possibilité de recourir à une mesure d'expertise, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard au contenu déjà mentionné de l'étude d'impact, que le refus du président de la commission d'enquête de faire usage de cette faculté afin d'évaluer les nuisances sonores et d'estimer le potentiel éolien du site ait pu altérer la sincérité de l'enquête publique ;

19. Considérant que la commission d'enquête a recensé dans son rapport, en les analysant avec un degré de précision suffisant, les observations recueillies ; qu'elle n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments présentés et n'a ainsi pas entaché la procédure d'irrégularité en s'abstenant de prendre expressément position sur chacun des points développés dans les abondantes contributions de l'association Chazemais Environnement, notamment en ce qui concerne de prétendues collusions entre administrations et opérateurs éoliens, les conditions d'affichage du dépôt de la demande de permis de construire, la concertation avec les habitants, la structure géologique du sol, l'impact du projet sur le tourisme local ou l'efficacité écologique du projet ; que l'erreur de calcul figurant dans ce rapport, à propos d'une mesure de la vitesse du vent, n'exerce aucune incidence sur la régularité de la procédure litigieuse ; que MM. A et B n'apportent par ailleurs aucun élément sérieux au soutien du reproche de partialité qu'ils formulent à l'encontre des conclusions du rapport et de l'avis favorable de la commission d'enquête, lesquels sont suffisamment motivés ;

20. Considérant que le délai imparti au commissaire-enquêteur ou à la commission d'enquête pour transmettre son rapport et ses conclusions, soit un mois à compter du jour de la clôture de l'enquête en vertu de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, n'est pas prescrit à peine de nullité ; que la circonstance, à la supposer établie, que le rapport de la commission d'enquête et ses annexes auraient été tenus à la disposition du public à la mairie de Chazemais plusieurs jours après leur réception, et non " sans délai " comme le prévoit l'article R. 123-23 du même code, est également dépourvue d'effet sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors qu'il n'est ni démontré ni même soutenu qu'il en aurait résulté la privation d'une quelconque garantie pour les administrés ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ; qu'en se bornant à faire état des résultats d'une étude de la société Siemens établissant qu'en cas de rupture, les pales d'une éolienne peuvent être projetées à plus de 200 mètres, MM. A et B ne démontrent pas, compte tenu de la rareté de tels accidents, l'existence d'un risque particulier pour les usagers du chemin communal passant à proximité de l'éolienne projetée E7 ou de la route départementale n° 40 située à 170 mètres de l'éolienne projetée E9 ; que l'arrêté contesté ne saurait dans ces conditions être regardé comme procédant d'une appréciation manifestement erronée du risque d'atteinte à la sécurité publique ;

22. Considérant que si le conseil de la communauté de communes du pays d'Huriel, alors engagée dans la procédure de création d'une zone de développement de l'éolien et à laquelle adhère la commune de Chazemais, a adopté le 4 mars 2008 une délibération prévoyant une distance minimale de 600 mètres entre les éoliennes et les habitations, et si le conseil municipal de Chazemais a adopté à son tour, le 25 février 2009, une délibération en ce sens, ces délibérations, qui n'ont pas eu pour objet d'approuver ou modifier un document local d'urbanisme et qui ne pourraient légalement prétendre revêtir le caractère de règlementations opposables aux demandes de permis de construire, sont en tout état de cause dépourvues de toute portée sur la légalité de l'arrêté contesté ; que le moyen tiré de leur méconnaissance, du fait que trois maisons d'habitation sont situées à moins de 600 mètres du parc éolien litigieux, est dès lors inopérant ;

23. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le parc éolien projeté, quoique visible depuis le promontoire au sommet duquel est édifiée la chapelle Sainte-Agathe, formant le point culminant de la région, puisse détériorer l'attrait de ce site, dont il est distant de 4,3 kilomètres ; que l'atteinte alléguée à l'église Saint-Denis de Chazemais n'est pas davantage établie ; que le préfet de la région Auvergne n'a dès lors pas entaché son arrêté, sur ces points, d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des exigences de protection de ces éléments du patrimoine architectural et paysager ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué et sur la recevabilité de la demande de première instance, que la société Ferme Eolienne de Chazemais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de la région Auvergne du 4 janvier 2011 et à solliciter en conséquence, outre l'annulation de ce jugement, le rejet de ladite demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie à l'instance, ou la société Ferme Eolienne de Chazemais, qui n'est pas partie perdante, soient condamnés à verser à MM. A et B la somme qu'ils réclament en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Ferme Eolienne de Chazemais ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1100425 du 27 mars 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif de Clermont-Ferrand par MM. A et B, ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Ferme Eolienne de Chazemais tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne de Chazemais, à M. Claude A et à M. Jean-Baptiste B. Copie en sera adressée au préfet de la région Auvergne.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012.

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N° 12LY01318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01318
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-18;12ly01318 ?
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