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18/09/2024 | FRANCE | N°23DA01837

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 septembre 2024, 23DA01837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I) Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023 sous le n° 230990, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen :



1°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;



2°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui dé

livrer un certificat de résidence algérien valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I) Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023 sous le n° 230990, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, en tout état de cause de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxe à verser à la SELARL Eden avocats au titre de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, valant renonciation de l'avocat à la part contributive de l'Etat.

II) Par une requête enregistrée le 20 mars 2023 sous le n° 2301134, M. B... A..., représenté par la SELARL Eden avocats, a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours jusqu'au 2 mai 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SELARL Eden avocats au titre de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, valant renonciation de l'avocat à la part contributive de l'Etat, à titre subsidiaire de lui verser cette somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°s 2300990 et 2301134 du 24 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a partiellement fait droit aux demandes de M. A... en annulant l'arrêté du 19 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours jusqu'au 2 mai 2023. Elle a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions du 4 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Enfin, elle a renvoyé à une formation collégiale le traitement des conclusions tendant à l'annulation de la décision du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que celles à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige, en tant qu'elles s'y rattachent.

Par un arrêt n° 23DA00715 du 21 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence du 19 mars 2023.

Par un jugement n° 2300990 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen statuant en formation collégiale a annulé la décision du 4 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un certificat de résidence à M. A..., enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un certificat de résidence " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. A....

Il soutient que le moyen retenu par le tribunal tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2024, M. A..., représenté par Me Madeline, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement du 12 septembre 2023 ;

2°) en cas d'annulation du jugement, d'enjoindre au préfet de ne pas exécuter l'arrêté du 4 janvier 2023 ;

3°) en tout état de cause, d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où seul un moyen d'illégalité externe serait retenu, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre la somme de 1 500 euros hors taxe à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve d'une renonciation à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés et que, si la cour devait ne pas confirmer le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, il entend reprendre l'ensemble des moyens qu'elle a soulevés en première instance.

Par un courrier du 28 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination sur lesquelles le premier juge n'a pas statué dans le cadre du jugement n° 2300990 du 12 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 25 janvier 1990, déclare être entré sur le territoire français le 12 mars 2014 en provenance des Pays-Bas. Le 26 octobre 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'accord 6-2 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 4 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par arrêté du 19 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime l'a également assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours jusqu'au 2 mai 2023.

2. M. A... a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Par un jugement n°s 2300990, 2301134 du 24 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal, après avoir annulé l'arrêté du 19 mars 2023 et rejeté les conclusions de la requête de M. A..., tendant à l'annulation, notamment, des décisions du 4 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, a renvoyé à une formation collégiale le jugement des conclusions tendant à l'annulation de la décision du même jour par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence. Par un jugement n° 2300990 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen, statuant en formation collégiale, a annulé cette décision. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

4. M. A... a demandé le 28 août 2024 le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer, en application des dispositions précitées, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la recevabilité des conclusions de M. A... :

5. Dans le jugement attaqué dans la présente instance, les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les conclusions dirigées contre les décisions tendant à l'annulation des décisions du 4 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination qui ont été rejetées par un jugement n°s 2300990-2301134 du 24 mars 2023 devenu définitif. Dès lors, les conclusions formées en appel par M. A... tendant à l'annulation de ces décisions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

6. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Pour annuler la décision du 4 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un certificat de résidence à M. A..., le tribunal a considéré que, quand bien même la vie commune avec son épouse française est, comme leur mariage, récente à la date de la décision, sa durée de présence de près de neuf années en France lui a permis d'y nouer l'essentiel de ses liens familiaux, sociaux et professionnels.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire national à l'expiration de son visa de court séjour délivré par les autorités néerlandaises valable du 7 mars au 21 avril 2014, n'a sollicité la régularisation de sa situation que le 26 octobre 2022, soit plus de huit ans après son entrée sur le territoire français. Par ailleurs, si l'intéressé fait valoir qu'il s'est marié avec une ressortissante française le 2 juillet 2022, les éléments du dossier ne permettent de retenir une vie commune qu'à partir du mois d'octobre 2022, soit moins de six mois avant l'édiction de la décision contestée, et le couple n'a pas d'enfant. En outre, si l'intéressé se prévaut de la présence en France de son frère, titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 30 novembre 2025, de ses oncles et cousins, il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans environ. Enfin, si M. A... établit avoir travaillé entre 2014 et 2018 en contrats à durée indéterminée à temps partiel en tant que mécanicien et s'il se prévaut d'une promesse d'embauche, non versée au dossier, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il exerçait, à la date de la décision en litige, une activité professionnelle ou qu'il serait dans l'impossibilité de se réinsérer professionnellement dans son pays d'origine. Malgré la durée de présence en France dont il se prévaut, il ne justifie pas non plus d'une intégration notable à la société française en se bornant à faire état de ses liens avec sa belle-famille. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en dépit de son insertion professionnelle, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif de Rouen a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision du 4 janvier 2023 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Sur les autres moyens invoqués devant le tribunal à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour :

10. En premier lieu, la décision contestée vise notamment les dispositions l'article 6.2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et mentionne, outre les éléments de fait relatifs à la situation personnelle et matrimoniale de M. A..., que celui-ci ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et n'établit pas être démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de lui délivrer un titre de séjour. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime a insuffisamment examiné la situation particulière de M. A... au regard de la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968.

12. En troisième lieu, aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Dès lors d'une part, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations et, d'autre part, que le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas davantage fondé sur ces stipulations pour rejeter sa demande, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

13. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français est subordonnée à une condition d'entrée régulière en France.

14. D'autre part, aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) / 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention, modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 sans toutefois modifier l'économie du régime du code frontière Schengen stipule que : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes peuvent être tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". L'article 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, qui s'est pour partie substitué à la convention du 19 juin 1990, dispose que : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un Etat membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". Le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, modifiant notamment le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ainsi que la convention d'application de l'accord de Schengen, ne modifie pas l'économie de ce régime.

15. Selon les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date d'entrée en France de M. A..., et qui, désormais codifiées à l'article L. 621-2, demeurent applicables : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / (...) ". Et, selon les dispositions du second alinéa de l'article L. 531-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, et qui, désormais codifiées à l'article L. 621-3, demeurent applicables : " Les mêmes dispositions sont également applicables à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité./ (...) ". Il résulte également des articles R. 211-32 et R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable au litige, que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale, dans des conditions fixées par un arrêté du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire. Sont toutefois dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 212-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. En vertu des articles 1er et 2 de l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire, celle-ci est établie conformément à un modèle annexé comportant les éléments suivants : le poste de police, de gendarmerie ou de douane auprès duquel elle est effectuée, l'identité de l'étranger concerné (nom, prénom et sexe), ses date et lieu de naissance, sa nationalité, l'État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen du territoire duquel il provient directement, la nature et le numéro du document de voyage.

16. Il résulte de ces dispositions que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

17. Il est constant que M. A... est, en sa qualité de ressortissant algérien, soumis à l'obligation de visa Schengen pour franchir les frontières extérieures des États membres. Il ressort des pièces du dossier qu'il est entré en France par train en provenance d'Amsterdam le 12 mars 2014 muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités néerlandaises valable du 7 mars 2014 au 21 avril 2014 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Il n'établit ni même n'allègue avoir souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français dans les conditions rappelées aux points 13 à 15 mais soutient qu'il est, en pratique, impossible de déférer à cette formalité. Tout d'abord, contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêté prévu au dernier alinéa de l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de son entrée en France, fixant les modalités d'application de cet article, et notamment les mentions de la déclaration d'entrée et son lieu de souscription a bien été pris et correspond à l'arrêté du 9 mars 1995 précité relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire, en vigueur à la date de son entrée en France. Par ailleurs, M. A... fait valoir qu'aucune procédure n'a été mise en place pour enregistrer une telle déclaration et qu'ainsi, les dispositions de l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées ne lui étaient pas opposables. Il produit à ce titre des courriels du commissariat de Besançon, des services de la police aux frontières de Rouen et des services de la direction régionale des douanes de Rouen, postérieurs de plusieurs années à la date de son entrée sur le territoire français, qui indiquent soit que cette formalité ne serait pas réalisable en France, soit qu'elle ne le serait qu'auprès d'un service transfrontalier de la police aux frontières. Toutefois, en se bornant à produire ces éléments, M. A... ne démontre pas qu'il aurait cherché à mener cette formalité à bien lors de son entrée sur le territoire et qu'il en aurait été personnellement empêché. A cet égard, il n'existe aucun obstacle à ce qu'il regagne temporairement l'Algérie en vue d'y solliciter la délivrance d'un visa afin de régulariser les conditions de son entrée en France puis revenir en France auprès de son épouse après avoir obtenu un tel visa. Dans ces conditions, et alors même que le requérant justifie être marié avec une ressortissante française depuis le 2 juillet 2022, c'est à bon droit que le préfet de la Seine-Maritime a considéré que M. A... n'était pas entré régulièrement en France et ne satisfaisait pas ainsi aux conditions fixées par le 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté.

18. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

19. En sixième et dernier lieu, le présent appel étant exclusivement dirigé contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen, statuant en formation collégiale, a annulé la décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 4 janvier 2023, les moyens tendant à contester la légalité des décisions distinctes portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi contenues dans ce même arrêté sont inopérants.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 4 janvier 2023 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à M. A... et lui a enjoint de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... :

21. Il suit de là que les conclusions présentées par voie d'appel incident par M. A... et tendant à ce que le préfet de la Seine-Maritime n'exécute pas l'arrêté, lui délivre un certificat de résidence algérien valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, dans l'hypothèse où seul un moyen d'illégalité externe, procède au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et lui délivre, dans tous les cas, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Partie perdante à la présente instance, M. A... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : M. A... est admis à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen n° 2300990 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée en tant qu'elle sollicite l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime.

Article 4 : L'ensemble des conclusions présentées par M. A... dans la présente instance sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêté sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Madeline.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.

Le président-assesseur,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA01837 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01837
Date de la décision : 18/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-18;23da01837 ?
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