Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C..., par deux demandes successives, a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que d'annuler l'arrêté du 19 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, en tout état de cause de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
Par un jugement n° 2300990, 2301134 du 24 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, après avoir renvoyé à une formation collégiale le jugement des conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 janvier 2023 refusant à M. C... la délivrance d'un titre de séjour ainsi que celles à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige, en tant qu'elles s'y rattachent, a annulé l'arrêté du 19 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes n° 2300990 et 2301134.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence du 19 mars 2023 et de rejeter la demande d'annulation de cette décision présentée au tribunal par M. C....
Il soutient que c'est à tort que la magistrate désignée a annulé cet arrêté dès lors qu'il existait des perspectives raisonnables d'éloignement de l'intéressé.
La procédure a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né le 25 janvier 1990, déclare être entré sur le territoire français le 12 mars 2014. Le 26 octobre 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 4 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé ayant été interpellé et placé en garde à vue à Rouen pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique et défaut de permis de conduire le 18 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 19 mars 2023, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours jusqu'au 2 mai 2023. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 24 mars 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il annule son arrêté portant assignation à résidence.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". L'article L. 732-3 du même code dispose : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".
3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que pour assigner à résidence M. C..., le préfet de la Seine-Maritime, après avoir indiqué qu'aux termes du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé et qui ne peut immédiatement quitter le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne présentait pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il était nécessaire de l'assigner à résidence en vue d'effectuer les diligences consulaires nécessaires à son éloignement dans l'attente du jugement du tribunal administratif sur la légalité de cette mesure. Si M. C... doit être regardé comme se prévalant de la méconnaissance des dispositions précitées, il se borne toutefois à soutenir que l'administration n'apporte aucun élément de nature à démontrer que son éloignement à destination de l'Algérie constituerait une perspective raisonnable alors que le préfet de la Seine-Maritime justifie, pour sa part, avoir effectué dès le 20 mars 2023 les démarches nécessaires auprès des autorités consulaires algériennes pour obtenir un laisser-passer. En outre, il résulte des dispositions précitées que le préfet de la Seine-Maritime pouvait légalement, nonobstant le caractère suspensif du recours formé par M. C... contre la décision du 4 janvier 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français, prononcer son assignation à résidence à l'expiration du délai de départ qui lui a été accordé. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement estimer que l'éloignement de M. C... présentait une perspective raisonnable. Par suite, c'est à tort que la magistrate désignée a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées au point 2 pour annuler la décision en litige.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... en première instance.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
5. En premier lieu, pour les motifs retenus par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, et non contestés par M. C... en appel, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité, ni par suite à exciper de cette illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 212-3 du même code : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". Aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 10° Pour l'ensemble du département, aux sous-préfets ou au fonctionnaire qui assure le service de permanence pour prendre toute décision nécessitée par une situation d'urgence ; (...) ".
7. Il ressort des mentions mêmes de la décision attaquée qu'elle a été signée, par voie de signature électronique, par M. B... A..., directeur de cabinet du préfet de la Seine-Maritime. Or, par un arrêté n° 23-032 du 30 janvier 2023, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation de signature à M. B... A..., sous-préfet, directeur de cabinet, à l'effet de signer, pour l'ensemble du département, pendant les services de permanence du corps préfectoral, dont les jours de fermeture de la préfecture, les décisions prises en application des livres VI et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
8. En troisième lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments qui ont conduit le préfet de la Seine-Maritime à assigner M. C... à résidence. La décision en litige précise également qu'une présentation, deux fois par semaine, à fin de pointage auprès des services de la police aux frontières, est apparue nécessaire dans l'attente de l'éloignement du requérant. Par suite, et alors que le préfet n'avait pas à préciser préalablement, et dans les motifs de sa décision, les éléments justifiant qu'il existait une perspective raisonnable d'éloignement, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
9. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni d'aucune autre pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... se trouve dans le cas où le préfet de la Seine-Maritime pouvait décider de son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, dès lors que l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet demeure une perspective raisonnable et que justifiant d'une adresse de domiciliation, il présente des garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'exécution de cette mesure. A cet égard, la circonstance que le préfet a, à tort, relevé dans l'arrêté que M. C... avait été interpellé pour des faits d'usage de stupéfiants est sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, si M. C... se prévaut de son mariage avec une ressortissante française et d'une promesse d'embauche, non versée au dossier, il ne fait état d'aucune circonstance de nature à démontrer que les modalités d'exécution de cet arrêté, en l'occurrence un pointage deux fois par semaine dans les locaux de la police aux frontières de Rouen, seraient disproportionnées. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en l'assignant à résidence.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 19 mars 2023 portant assignation à résidence de M. C... pour une durée de quarante-cinq jours.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300990, 2301134 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen du 24 mars 2023 est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence du 19 mars 2023.
Article 2 : La demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision présentée devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
Le président-assesseur,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre,
présidente-rapporteure,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
N. Roméro
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N° 23DA00715