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01/02/2024 | FRANCE | N°22DA02122

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 22DA02122


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 2022 et 17 novembre 2023, la société Le parc éolien de Brunehaut, représentée par Me François Versini-Campinchi, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 du préfet du Pas-de-Calais portant refus d'autorisation environnementale en vue de l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire

des communes de Blessy et d'Estrée-Blanche ;



2°) de lui accorder l'autorisation envi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 2022 et 17 novembre 2023, la société Le parc éolien de Brunehaut, représentée par Me François Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 du préfet du Pas-de-Calais portant refus d'autorisation environnementale en vue de l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Blessy et d'Estrée-Blanche ;

2°) de lui accorder l'autorisation environnementale sollicitée en l'assortissant des prescriptions nécessaires ou, à défaut, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Pas-de-Calais de fixer ces prescriptions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas tenu compte de l'annulation par la cour de sa décision expresse de refus du projet porté par la société Gentiane sur la commune de Blessy, en faisant valoir des motifs identiques de refus, alors que son projet est situé dans la continuité du parc autorisé et a moins d'impact sur l'environnement ;

- le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L.511-1 du code de l'environnement : d'une part, les lieux environnants ne présentent pas d'intérêt particulier ; d'autre part, le projet n'a pas d'impact sur les éléments de patrimoine protégés au titre des monuments historiques et du label " patrimoine mondial de l'UNESCO " ;

- une autorisation doit lui être délivrée par la cour, assortie de prescriptions ou de l'injonction, sous astreinte, au préfet de fixer ces prescriptions, compte tenu de la longueur de l'instruction de son projet par l'administration, de la perte de temps générée par l'absence de décision expresse du préfet et de la volonté manifeste du préfet d'ignorer la jurisprudence rendue par la cour dans le secteur.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2023 et un mémoire de production de pièces enregistré le 21 décembre 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- si un des motifs de refus de son arrêté n'est pas fondé, l'arrêté n'est pas pour autant illégal, dans la mesure où il aurait pris la même décision en se fondant sur un seul des motifs qu'il invoque.

Par une ordonnance du 30 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par Me François Versini-Campinchi a été enregistrée le 26 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société Le parc éolien de Brunehaut a déposé le 27 octobre 2017 une demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison situés sur les communes d'Estrée-Blanche et de Blessy. Par une décision implicite intervenue le 1er mars 2020 le préfet du Pas-de-Calais a refusé la délivrance de l'autorisation demandée. Par un arrêt n° 20DA01815 du 12 avril 2022, la cour a annulé cet arrêté et enjoint, sous astreinte, au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer la demande de la société. Saisi à nouveau de la demande d'autorisation environnementale, le préfet du Pas-de-Calais a pris le 9 août 2022 un arrêté, notifié à la société le 17 août 2022, refusant de faire droit à sa demande. Par la présente requête, la société Le parc éolien de Brunehaut en poursuit l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet du Pas-de-Calais a considéré que le projet d'implantation des cinq éoliennes et d'un poste de livraison était de nature à porter fortement atteinte au paysage, au patrimoine et à la commodité du voisinage du fait de la proximité visuelle et des rapports d'échelle dégradants depuis de nombreux lieux de vie. Il s'est fondé, plus particulièrement, sur sa situation dans un paysage de piémont sans ligne de force capable d'accompagner le projet, sur la présence de nombreux éléments de patrimoine protégés au titre des monuments historiques et du patrimoine mondial de l'UNESCO - à l'instar du château de Créminil et des terrils de la Tirmande, de Fléchinelle, du Transvaal et d'Auchy-au-Bois - sur les effets de surplomb sur les communes de Blessy, d'Estrée-Blanche et de Marthes, sur une covisibilité depuis les axes principaux de ces villages avec les églises de Blessy et d'Estrée-Blanche et sur l'absence de mesures de réduction et d'évitement des impacts sur l'environnement.

3. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) ". Il résulte de l'application combinée des dispositions précitées que, si les installations projetées portent notamment atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants aux sites ou aux paysages naturels et aux monuments, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ou l'assortir de prescriptions spéciales.

4. D'une part, pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder l'autorisation environnementale ou les prescriptions spéciales accompagnant sa délivrance, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article. D'autre part, pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

5. D'autre part, la circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

En ce qui concerne l'atteinte aux paysages, à la commodité du voisinage et aux monuments :

S'agissant de la qualité des paysages et du site :

6. Il résulte de l'instruction que le projet est situé sur les communes de Blessy et Estrée-Blanche dans le département du Pas-de-Calais et est notamment identifié dans le plan climat air énergie territorial (PCAET) de la Communauté d'agglomération de Béthune Bruay Artois Lys Romane. Comme l'a relevé la cour dans son arrêt n° 20DA00724 du 26 octobre 2021 au sujet du parc éolien exploité par la société Gentiane, distant de 300 mètres du projet en cause, le site, qui n'a subi aucune évolution significative depuis cet arrêt, présente un caractère agricole et assure la transition entre les plateaux du Haut Pays d'Aire et la plaine de la Lys, entre la route départementale (RD) 341 (chaussée Brunehaut) et l'autoroute A 26. Par ailleurs, le secteur est déjà fortement occupé par les installations d'éoliennes. Si le site se trouve à l'extrême-ouest du bassin minier, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, et à proximité de plusieurs monuments tels que le château de Créminil à Estrée- Blanche, l'église de Saint-Quentin et le beffroi d'Aire-sur-la-Lys, ces éléments sont trop éloignés du site d'implantation pour conférer un intérêt particulier au paysage.

S'agissant de l'impact du projet sur les communes avoisinantes :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages versés au dossier, que si les éoliennes sont visibles en totalité à l'entrée Est de la commune de Blessy, elles sont concurrencées par les cinq éoliennes dont l'exploitation a été autorisée à proximité au profit de la société Gentiane et par la présence de pylônes électriques et de lampadaires et n'apparaissent donc pas hors de proportion à cet égard. La visibilité des éoliennes est nettement moindre depuis le centre du village, deux éoliennes (E4 et E5) étant presque entièrement masquées par la végétation et le bâti, tandis que la troisième (E5) ne dépare pas à l'arrière d'un environnement urbanisé, marqué par des poteaux et des fils électriques dont certains surplombent des bâtiments. En outre, si trois éoliennes sont visibles au sein du hameau de Marthes, elles ne dénaturent pas un paysage sans ligne de force qui a perdu son état naturel préservé depuis l'autorisation consentie à la société Gentiane d'exploiter cinq éoliennes. Enfin, si les éoliennes sont visibles en même temps que le clocher de l'église depuis la RD 341 qui traverse la commune d'Estrée-Blanche, leur éloignement et leur séparation par une coulée verte d'arbres denses empêchent tout effet d'écrasement visuel.

S'agissant de l'impact du projet sur le château de Créminil, la chaussée Brunehaut et le bassin minier :

8. D'une part, les photomontages, et notamment le rapport d'analyse de covisibilité entre le parc éolien envisagé et le château de Créminil ne sont pas de nature à établir qu'une atteinte est portée au château, monument historique classé situé à Estrée-Blanche, depuis lequel le préfet reconnaît dans son arrêté l'absence de visibilité avérée des éoliennes. D'autre part, si l'arrêté contesté relève que le projet est visible depuis les sites des terrils de la Tirmande, d'Auchy-au-Bois et d'Auchel inscrits sur liste du patrimoine mondial établie par l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), situés à environ six kilomètres, notamment du belvédère aménagé sur 360° au terril d'Auchy-au-Bois, il résulte de l'instruction que le projet s'inscrit dans un contexte éolien préexistant, non loin du parc éolien de la Carnoye et dans la continuité du parc éolien exploité par la société Gentiane et que sa visibilité depuis les terrils n'est pas suffisamment significative pour leur porter atteinte. Si le projet est également visible depuis la chaussée Brunehaut qui, selon l'étude d'impact, est un " axe historique et majeur du territoire " et qui longe le site de la Tirmande classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, les cônes de vue ne sont pas orientés vers le projet de Brunehaut et aucun rapport d'échelle défavorable ne résulte des pièces du dossier. Enfin, il résulte de l'avis du commissaire enquêteur que le projet se trouve en dehors du périmètre des sites inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO et de leurs zones tampon.

9. Il suit de là que la société Le parc éolien de Brunehaut est fondée à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait légalement se fonder sur l'atteinte du projet à la protection des paysages et monuments environnants et que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article L.511-1 du code de l'environnement.

S'agissant de l'absence de mesures " éviter, réduire, compenser " (ERC) :

10. Aux termes de l'article R.122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. (...) II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. /La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; (...) ".

11. Lorsqu'un dossier de demande est complet, il appartient au préfet d'examiner, sous le contrôle du juge administratif, si le projet porte une atteinte suffisamment caractérisée et significative aux principes environnementaux et patrimoniaux protégés par les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, en tenant compte de l'ensemble des mesures " Éviter, Réduire, Compenser " proposées, destinées à éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine, réduire les effets n'ayant pu être évités, et compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. Le préfet est tenu de délivrer l'autorisation sollicitée si les dangers et inconvénients que présente l'installation peuvent être prévenus par des prescriptions particulières. Et il ne peut cependant rejeter une demande au motif que le pétitionnaire n'a pas supprimé intégralement toutes les atteintes que comporte son projet à l'égard des espèces protégées.

12. En l'espèce, le préfet se borne à faire valoir que la société n'a examiné et retenu aucune mesure d'évitement, de réduction et de compensation en ce qui concerne le paysage et le patrimoine. Cependant, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 8 du présent arrêt et ainsi que cela résulte du point 7 de l'étude d'impact, la société a pris soin de configurer son projet en optant pour des éoliennes espacées régulièrement en bordure de RD 341, dotées de pales d'envergure modérée et localisées dans un paysage sans intérêt particulier de manière à minimiser voire annihiler l'incidence visuelle depuis les sites patrimoniaux alentours.

13. Par suite, le préfet a méconnu les dispositions de l'article R.122-5 du code de l'environnement en refusant de délivrer l'autorisation sollicitée au motif tiré de l'absence de mesures de réduction et d'évitement des impacts sur l'environnement.

14. Il résulte de ce qui précède que la société Le parc éolien de Brunehaut est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation soumise à autorisation environnementale en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

16. Le préfet n'a invoqué aucun motif d'irrégularité de la procédure mise en œuvre. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une atteinte autre que celles écartées précédemment justifierait le refus de l'autorisation. En outre, si le préfet a indiqué à la cour, qu'au 1er décembre 2023, 29 éoliennes étaient en production dans un rayon de dix kilomètres autour du projet de parc éolien de Brunehaut, et 49 autres étaient autorisées sans être encore en production, tandis que les demandes d'autorisation de neuf éoliennes étaient en cours d'instruction, il n'a pas précisé si la situation avait évolué, depuis la décision de refus, à la date à laquelle le juge statue. Si la comparaison entre la carte des parcs éoliens autorisés dans le rayon de 10 kilomètres en cause au 1er décembre 2023 et la carte de l'état éolien dans le secteur d'étude figurant dans l'étude d'impact du 13 mai 2019 démontre que de nouvelles éoliennes ont été autorisées, surtout au-delà du rayon de cinq kilomètres, il établit aussi que le parc éolien de Brunehaut se situe dans le prolongement du parc éolien exploité par la société Gentiane et que les autres parcs éoliens autorisés sont disséminés et éloignés du site d'implantation du projet litigieux. Il n'apparaît donc pas que la situation aurait évolué récemment de manière significative.

17. Dans ces conditions, eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale relative à la construction et l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Blessy et d'Estrée-Blanche, d'autre part, en la renvoyant devant le préfet du Pas-de-Calais pour que soient fixées les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enfin, en enjoignant à l'autorité administrative de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

18. En vue de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire de l'autorisation ainsi délivrée par la cour et l'information des tiers, le préfet du Pas-de-Calais et les maires de Blessy et d'Estrée-Blanche procéderont, dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt, aux mesures de publicité prescrites par l'article R. 181-44 du code de l'environnement, à savoir un affichage du présent arrêt dans les mairies de Blessy et d'Estrée-Blanche pendant une durée minimum d'un mois, une publication sur le site internet des services de l'Etat du département du Pas-de-Calais pendant une durée minimale de quatre mois et un envoi de l'arrêt par le préfet aux conseils municipaux et aux autorités locales qui ont été consultées.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société Le parc éolien de Brunehaut en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Le Parc éolien de Brunehaut en vue de l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Blessy et d'Estrée-Blanche est annulé.

Article 2 : L'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Blessy et d'Estrée-Blanche est accordée à la société Le Parc éolien de Brunehaut.

Article 3 : La société Le Parc éolien de Brunehaut est renvoyée devant le préfet du Pas-de-Calais pour fixer les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le préfet du Pas-de-Calais et les maires des communes de Blessy et d'Estrée-Blanche procéderont aux mesures de publicités prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement selon les modalités définies par le présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à la société Le Parc éolien de Brunehaut une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Parc éolien de Brunehaut, au préfet du Pas-de-Calais et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience publique du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02122 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02122
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22da02122 ?
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