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26/10/2021 | FRANCE | N°20DA00724

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 26 octobre 2021, 20DA00724


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2020, et un mémoire, enregistré le 16 avril 2021, la société Gentiane, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 9 mars 2020 portant refus d'autorisation environnementale pour construire un parc éolien composé de cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Blessy ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au

préfet du Pas-de-Calais, sous astreinte, de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2020, et un mémoire, enregistré le 16 avril 2021, la société Gentiane, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 9 mars 2020 portant refus d'autorisation environnementale pour construire un parc éolien composé de cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Blessy ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, sous astreinte, de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, sous astreinte, de statuer à nouveau sur la demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes Honoré, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

- et les observations de Me Manon Boenec, représentant la société Gentiane.

Considérant ce qui suit :

1. La société Gentiane a sollicité, le 22 janvier 2018, une autorisation environnementale pour la réalisation d'un parc éolien composé de cinq machines et d'un poste de livraison d'une puissance totale de 11,75 MW situé sur le territoire de la commune de Blessy. A la suite d'une enquête publique qui s'est tenue du 25 septembre au 25 octobre 2019, le commissaire-enquêteur a rendu un avis favorable. Par un arrêté du 9 mars 2020, le préfet du Pas-de-Calais a refusé l'autorisation environnementale sollicitée. La société Gentiane demande à la cour d'annuler cet arrêté et de lui délivrer l'autorisation sollicitée.

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) ".

4. Le site d'implantation du projet est situé sur la commune de Blessy dans le département du Pas-de-Calais. Il présente un caractère agricole et assure la transition entre les plateaux du Haut Pays d'Aire et la plaine de la Lys, entre la route départementale 341 (chaussée Brunehaut) et l'autoroute A26. Par ailleurs, le secteur est déjà fortement occupé par les installations éoliennes. Si le site se trouve à l'extrême-ouest du bassin minier, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, et à proximité de plusieurs monuments tels que le château de Créminil à Estrée-la-Blanche, l'église de Saint-Quentin et le beffroi d'Aire-sur-Lys, ces éléments sont trop éloignés du site d'implantation pour conférer un intérêt particulier au paysage.

En ce qui concerne l'atteinte aux villages :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages versés au dossier, que le rapport d'échelle défavorable invoqué par le préfet dans son arrêté n'est pas manifeste pour les villages de Crecques et de Marthes. Si les éoliennes apparaissent en totalité à l'entrée est du village de Blessy, la visibilité est nettement moindre du centre du village, les éoliennes étant en partie masquées par la végétation et le bâti. Les trois éoliennes visibles de la rue des Prés ne paraissent pas hors de proportion et sont au demeurant concurrencées par la présence de pylônes électriques et lampadaires. Le village d'Estrée-la-Blanche sera quant à lui protégé d'une visibilité trop prégnante par la végétation entourant l'agglomération et les éoliennes seront visibles depuis le centre du village sans effet d'écrasement.

En ce qui concerne l'atteinte aux monuments et au bassin minier :

6. Les photomontages versés au dossier ne sont pas de nature à établir qu'une atteinte est portée au château de Créminil à Estrée-la-Blanche, le préfet reconnaissant au demeurant dans son arrêté l'absence de visibilité avérée depuis le château. La covisibilité entre le beffroi d'Aire-sur-la-Lys, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, et les éoliennes n'est pas significative et le projet en litige ne porte pas atteinte à la vue panoramique depuis le beffroi. S'agissant de l'église classée de Saint-Quentin, les photomontages du dossier complémentaire établissent une covisibilité avec les éoliennes, qui n'est cependant pas de nature à banaliser l'église et qui n'est pas hors de proportion avec elle. Enfin, la visibilité depuis le terril d'Auchy-au-Bois n'est pas significative et dès lors, n'est pas de nature à porter atteinte à un site classé à l'Unesco.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, que l'administration ayant fait une inexacte application des dispositions précitées, l'arrêté en litige doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

9. La ministre n'a invoqué aucun motif d'irrégularité de la procédure mise en œuvre, ni aucune atteinte autre que celles précédemment analysées aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans des conditions qui rendraient l'implantation des cinq éoliennes et de leur poste de livraison incompatible avec les dispositions applicables au projet relatives à l'urbanisme et à l'environnement.

10. Dans ces conditions, eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale relative au parc éolien sur la commune de Blessy, d'autre part, en la renvoyant devant le préfet du Pas-de-Calais pour fixer les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enfin, en enjoignant au préfet de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Gentiane et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 9 mars 2020 est annulé.

Article 2 : L'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation du parc éolien sur la commune de Blessy est accordée à la société Gentiane.

Article 3 : La société Gentiane est renvoyée devant le préfet du Pas-de-Calais pour fixer les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il est enjoint au préfet de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Gentiane une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gentiane, au préfet du Pas-de-Calais et à la ministre de la transition écologique.

N°20DA00724 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00724
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-26;20da00724 ?
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