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19/01/2023 | FRANCE | N°22DA00673

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 19 janvier 2023, 22DA00673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 364 529,56 euros assortie des intérêts légal à compter du 20 novembre 2018 et de leur capitalisation annuelle, en raison des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive du refus de titre qui lui a été opposé par le préfet du Nord.

Par un jugement n° 1902866 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e enregistrée le 23 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 30 juin 2022, M. B... A...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 364 529,56 euros assortie des intérêts légal à compter du 20 novembre 2018 et de leur capitalisation annuelle, en raison des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive du refus de titre qui lui a été opposé par le préfet du Nord.

Par un jugement n° 1902866 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 30 juin 2022, M. B... A..., représenté par Me Detrez-Cambrai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 254 000 euros au titre du préjudice de perte de chance, de 12 529,56 euros au titre du préjudice financier, de 48 000 euros au titre du préjudice tiré des troubles dans les conditions d'existence, de 50 000 euros au titre du préjudice subi avec intérêt au taux légal à compter du 20 novembre 2018 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit car le tribunal s'est fondé sur l'arrêté du 20 mars 2013, annulé, pour justifier du refus de la délivrance de la carte de résident ;

- le jugement est irrégulier et doit être annulé en raison d'une omission à statuer car le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la responsabilité de l'Etat peut être engagée pour carence fautive dans l'exercice de ses pouvoirs de police des étrangers ;

- l'illégalité de l'arrêté du 20 mars 2013 du préfet du Nord constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur la période du 13 mars 2011 au 21 septembre 2018 d'autant plus que la carte de résident devait lui être délivrée de plein droit ;

- la carte de résident a été délivrée au terme d'une durée excessive ce qui est une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- il est fondé à demander réparation de la perte de chance sérieuse d'exercer un emploi soit la somme de 254 000 euros ;

- il est fondé à demander réparation du préjudice financier en raison de la perte de ses prestations sociales, soit la somme de 12 529,56 euros ;

- il est également fondé à demander réparation des troubles occasionnés dans ses conditions d'existence à hauteur de 48 000 euros ;

- il est enfin fondé à demander réparation de son préjudice moral, à hauteur de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 22 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 juillet 2022 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant de République démocratique du Congo né le 25 mars 1977, est arrivé en France en 1999 sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelé. Il a bénéficié à compter de 2010, d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 20 mars 2013, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par une décision n° 13DA02196 de la cour administrative d'appel de Douai du 14 octobre 2014, qui a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ce titre a été renouvelé jusqu'à ce que M. A... obtienne une carte de résident, valable à compter du 14 septembre 2018. Par ailleurs, par un jugement n° 1509885 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices causés pour la période du 20 mars 2013 au 14 octobre 2014, par l'illégalité fautive de l'arrêté du 20 mars 2013 par lequel le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a prononcé, à son encontre, une obligation de quitter le territoire français. La cour administrative d'appel de Douai puis le Conseil d'Etat ont rejeté les recours de M. A... contre ce jugement. Par une demande indemnitaire du 13 novembre 2018, M. A... a demandé à l'Etat de l'indemniser, pour la période du 13 mars 2011 au 21 septembre 2018, du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté de 2013 en tant qu'il portait sur le refus d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " qui, selon lui, aurait dû lui être délivrée de plein droit et en raison de la durée excessive mise à lui délivrer la carte de résident qu'il a finalement obtenue. Il demande l'annulation du jugement du 28 septembre 2021, par lequel le tribunal administratif de Lille a confirmé le rejet de cette demande indemnitaire et lui a infligé une amende pour recours abusif de 500 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient M. A..., les premiers juges ont répondu au point 3 du jugement sur le moyen tiré de ce que, selon lui, il pouvait prétendre de plein droit à une carte de résident pour l'écarter. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable au litige : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et

L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. (...) ".

4. En premier lieu, l'arrêté du préfet du 20 mars 2013 refusant la délivrance d'un titre de séjour et d'une carte de résident a été annulé dans sa totalité par l'arrêt n° 13DA02196 du 14 octobre 2014. Toutefois, s'agissant du refus de délivrance d'une carte de résident, l'administration aurait pu prendre la même décision de façon légale. En effet, M. A... a séjourné en France jusqu'en 2010 sous couvert de plusieurs titres de séjour portant la mention " étudiant ", titres qui ne font pas partie des ceux mentionnés à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 3, comme pouvant être pris en compte pour l'attribution ultérieure d'une carte de résident. Ainsi, le 20 mars 2013, il ne satisfaisait pas aux conditions posées par cet article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de résident. Par suite, faute de lien de causalité entre le préjudice invoqué par l'appelant et l'illégalité de l'arrêté du 20 mars 2013 qui a été annulé, sa demande indemnitaire motivée par un prétendu droit à la délivrance d'une carte de résident dès 2013 doit être rejetée.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que, M. A... a fait sa première demande de carte de résident le 13 mars 2011 qui a été rejetée par un arrêté du 20 mars 2013 à une date, où comme cela a été précédemment indiqué, il ne pouvait légalement se voir attribuer de plein droit une carte de résident. M. A... a fait une nouvelle demande de carte de résident en janvier 2018. Une carte de résident lui a été accordée par une décision du 14 septembre 2018 du préfet du Nord. Les deux demandes étant distinctes, le délai de quelques mois mis suite à la seconde demande pour accorder la carte de résident ne revêt pas un caractère excessif et n'est donc pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à engager la responsabilité de l'Etat.

Sur l'amende pour recours abusif :

7. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

8. Si M. A... a déposé de nombreuses requêtes devant le tribunal administratif, elles ne concernaient pas l'indemnisation du refus d'attribution de la carte de résident. La demande de première instance présentée par M. A... sur ce point ne présentait pas un caractère abusif. C'est donc à tort que les premiers juges lui ont infligé l'amende prévue par l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, eu égard aux circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions présentées par le préfet du Nord sur le fondement de ce même article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1902866 du 28 septembre 2021 du tribunal administratif de Lille infligeant à M. A... une amende pour recours abusif de 500 euros est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du préfet du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au directeur régional des finances publiques, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Detrez-Cambrai.

Copie en sera adressée au préfet du Nord

Délibéré après l'audience publique du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

Le président-assesseur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00673 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00673
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : DETREZ-CAMBRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-19;22da00673 ?
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