Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019 et des mémoires enregistrés les 22 décembre 2020 et 14 janvier 2021, la société par actions simplifiée Centrale éolienne Vexin, représentée par Me Jocelyn Duval, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 29 juillet 2019 portant refus d'autorisation d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Puchay ;
2°) de lui accorder l'autorisation assortie " de prescriptions de plantations adéquates " ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de lui délivrer cette autorisation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- les observations de Me Chloé Daheron, représentant la Centrale éolienne Vexin, et de Me Francis Monamy, représentant l'association pour la défense des habitants du Vexin normand et la commune de Puchay.
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention :
1. L'association pour la défense des habitants du Vexin normand, à laquelle ses statuts ont donné pour objet " sur un territoire regroupant l'ensemble des communes du Vexin normand (...) de (...) lutter contre les atteintes qui pourraient être portées (...) aux espaces et aux paysages, aux équilibres biologiques ", justifie d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Ainsi son intervention est recevable.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2019 :
En ce qui concerne la règle de hauteur posée par le plan local d'urbanisme :
2. Le deuxième alinéa du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement qui a pour finalité, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à son adoption, d'empêcher que l'exploitation d'une installation classée légalement autorisée soit rendue irrégulière par une modification ultérieure des règles d'urbanisme, n'est pas applicable à un refus d'autorisation. Par suite, le juge apprécie la compatibilité de la décision de refus avec le plan local d'urbanisme applicable à la zone où se situe l'installation en litige au regard des règles de ce plan en vigueur à la date où il statue.
3. En vertu de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme devenu son article L. 152-1, le règlement et les documents graphiques du plan local d'urbanisme qui lui a succédé sont opposables à l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Il en résulte que les prescriptions de celui-ci qui déterminent les conditions d'utilisation et d'occupation des sols et les natures d'activités interdites ou limitées, mais non les autres règles du plan local d'urbanisme, s'imposent aux autorisations d'exploiter délivrées au titre de la législation des installations classées.
4. Le préambule du titre III du plan local d'urbanisme de Puchay a relevé que la zone agricole " comprend un sous-secteur Ap (A paysage) dans lequel aucune construction n'est autorisée exceptées les constructions et installations nécessaires aux réseaux publics ou d'intérêt général ".
5. Aux termes de l'article A.1 du même plan : " Sont interdites toutes les destinations à l'exception de celles permises à l'article A.2 (...) ". Aux termes de son article A.2 : " (...) En A et Ap : Les constructions et installations nécessaires à l'implantation des différents réseaux (eau, assainissement, électricité, voirie, télécommunications, énergies renouvelables etc ...) sont autorisées sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte à l'environnement, à la qualité des sites, des milieux naturels ou des paysages, qu'elles soient compatibles avec l'activité agricole, et que leur hauteur ne dépasse pas 15 m. (...) ". Aux termes de son article A.10 : " La hauteur des constructions et installations nécessaires à l'implantation des différents réseaux (eau, assainissement, électricité, voirie, télécommunications, énergies renouvelables etc ...) est limitée à 15 m. ".
6. S'agissant d'une autorisation environnementale délivrée sous l'empire de la législation antérieure aux ordonnances des 20 mars 2014 et 26 janvier 2017, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les règles d'un plan local d'urbanisme relatives à la hauteur des constructions et installations ne sont pas opposables à l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement.
7. Dans ces conditions, le préfet a commis une erreur de droit en fondant son refus d'autorisation d'exploiter sur la circonstance que le projet litigieux, dès lors qu'il prévoit des éoliennes d'une hauteur en bout de pale de 130 mètres, est incompatible avec les dispositions du plan local d'urbanisme de Puchay relatives à la hauteur des constructions et installations.
En ce qui concerne l'atteinte à l'église de Puchay et l'existence de cavités souterraines :
8. Par un arrêt n° 17DA01091 du 9 mai 2019 devenu définitif et revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, la cour administrative d'appel de Douai a annulé un arrêté du préfet de l'Eure du 21 octobre 2015 ayant refusé d'autoriser l'exploitation du projet après avoir estimé que le projet ne portera pas d'atteinte visuelle au monument inscrit de l'église de Puchay et ne sera pas exposé à un risque de mouvement de terrain lié à l'existence de cavités souterraines.
9. Dans ces conditions, si l'avis défavorable au projet émis par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites le 3 juillet 2019, l'arrêté du 29 juillet 2019 et la défense de la ministre se sont référés à une carte des zones propices à l'éolien dressée en 2018 par l'architecte des bâtiments de France, à une fiche établie en février 2019 par l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine de l'Eure et à la proximité de cavités souterraines, ces éléments n'étaient pas de nature à fonder légalement le refus d'autorisation litigieux.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 29 juillet 2019 doit être annulé.
Sur la délivrance de l'autorisation :
11. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a lieu pour la cour, faisant usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'accorder l'autorisation environnementale à la société Centrale éolienne Vexin et d'enjoindre au préfet de l'Eure d'assortir cette autorisation, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, de toutes les prescriptions, notamment en matière de plantations, nécessaires à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Dans les circonstances de l'espèce, l'Etat, partie perdante, versera la somme de 1 500 euros à la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association pour la défense des habitants du Vexin normand est admise.
Article 2 : L'arrêté du 29 juillet 2019 du préfet de l'Eure est annulé.
Article 3 : L'autorisation environnementale sollicitée par la société Centrale éolienne Vexin est accordée.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Eure d'assortir l'autorisation environnementale délivrée à la société Centrale éolienne Vexin, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, de toutes les prescriptions, notamment en matière de plantations, nécessaires à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à société Centrale éolienne Vexin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale éolienne Vexin, à la ministre de la transition écologique, au préfet de l'Eure et à l'association pour la défense des habitants du Vexin normand et à la commune de Puchay.
N° 19DA02392 4