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09/05/2019 | FRANCE | N°17DA01091

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 17DA01091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Centrale éolienne Vexin a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'autoriser à exploiter un parc de six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Puchay.

Par un jugement n° 1504115 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2017, et un mémoire complémentair

e, enregistré le 22 octobre 2018, la société Centrale éolienne Vexin, représentée par Me D...B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Centrale éolienne Vexin a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de l'autoriser à exploiter un parc de six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Puchay.

Par un jugement n° 1504115 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 octobre 2018, la société Centrale éolienne Vexin, représentée par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler cet arrêté et en conséquence d'autoriser l'exploitation du parc éolien projeté, ou à défaut d'enjoindre au préfet de l'Eure de délivrer l'autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté en litige en tant qu'il refuse d'autoriser l'exploitation des éoliennes E2 à E6 et, en conséquence, d'autoriser l'exploitation de ces éoliennes ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de l'Eure de délivrer l'autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., représentant la société Centrale éolienne Vexin.

Considérant ce qui suit :

1. La société Centrale éolienne Vexin a déposé une demande d'autorisation d'exploitation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement portant sur un parc éolien composé de six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Puchay. Par un arrêté du 21 octobre 2015, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande. La société Centrale éolienne Vexin relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

3. Il résulte de la lecture de l'arrêté en litige que, pour refuser la délivrance de l'autorisation d'exploitation sollicitée par la société Centrale éolienne Vexin, le préfet de l'Eure s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de l'atteinte au paysage qui résulterait de la réalisation du parc éolien projeté, laquelle a fait l'objet d'avis défavorables de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et des maires de la commune de Puchay et des communes environnantes, alors que le pays du Vexin s'est porté candidat à l'obtention du label " villes et pays d'art et d'histoire ", et d'autre part, de " la présence sur le territoire de la commune de Puchay de nombreuses cavités souterraines ".

En ce qui concerne le motif tiré de l'atteinte au paysage :

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que le plateau du Vexin, sur lequel doit s'implanter le parc éolien projeté par l'appelante, est caractérisé par un paysage très ouvert, voué à l'agriculture intensive, et un relief plat marqué par des villages et quelques boisements. Il comporte peu d'éléments de patrimoine devant être protégés. Ce secteur a d'ailleurs été désigné comme une zone favorable au développement de parcs éoliens par le schéma régional éolien de Haute Normandie, qui a été élaboré en tenant compte, notamment, de l'impact potentiel des machines sur le paysage et le patrimoine.

6. D'autre part, il résulte des motifs de l'arrêté en litige, éclairés par les écritures produites en première instance par le préfet de l'Eure et en appel par le ministre de la transition écologique et solidaire, que le refus de délivrer l'autorisation demandée par l'appelante repose, plus particulièrement, sur l'atteinte visuelle portée par le projet à l'église de Puchay ainsi qu'à celle de Coudray et son cimetière. Toutefois, s'agissant de l'église de Puchay, qui est inscrite au titre de la législation sur les monuments historiques, l'étude d'impact souligne, sans être contredite sur ce point, qu'elle s'intègre à un bâti dense bloquant les vues sur le paysage environnant, de sorte que les visiteurs de cette église n'auront pas de vue sur les éoliennes envisagées par la pétitionnaire. S'il résulte du volet paysager de la demande d'autorisation d'exploitation que le parc éolien se trouvera en situation de covisibilité avec le clocher de l'église depuis la route départementale 316, au nord-est de la commune, cette seule circonstance n'apparaît pas comme étant susceptible de caractériser une atteinte portée aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, justifiant un refus de délivrance de l'autorisation d'exploitation. S'agissant, par ailleurs, de l'église de Coudray et de son cimetière, il résulte de l'instruction qu'ils ne sont ni classés, ni inscrits au titre de la législation sur les monuments historiques. S'il est vrai que le parc éolien projeté sera fortement perceptible depuis le cimetière, il résulte de l'instruction que la pétitionnaire avait proposé, sur ce point, une mesure compensatoire consistant à planter, autour du cimetière de Coudray, des arbres de haute tige dont le développement serait de nature à soustraire en grande partie les éoliennes à la vue des visiteurs du cimetière. Ainsi, et alors que cette mesure compensatoire pouvait être reprise par le préfet par voie de prescription à l'appui d'une décision d'autorisation d'exploitation, cette circonstance ne justifie pas davantage un refus au regard des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que la société Centrale éolienne Vexin est fondée à soutenir que le motif de l'arrêté en litige tiré de l'atteinte portée par son projet aux paysages environnants est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 2.

En ce qui concerne le motif tiré de l'existence de cavités souterraines :

8. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'étude d'impact réalisée par la pétitionnaire, qu'un recensement des cavités souterraines existantes sur le territoire de la commune de Puchay a été réalisé et que le projet en tient compte pour s'écarter des périmètres d'inconstructibilité établis autour des indices de cavité. Le dossier de demande d'autorisation d'exploitation indique en outre, sur ce point, qu'une étude géotechnique devra être réalisée en amont de la construction des éoliennes afin, notamment, de déterminer les caractéristiques de leurs fondations. Il ne résulte pas de l'instruction que, malgré la prise en compte de ce contexte par la pétitionnaire et les précautions mises en oeuvre en conséquence, il existerait un risque réel que les éoliennes soient édifiées dans des conditions qui les rendraient vulnérables à un risque de mouvement de terrain lié à l'existence de telles cavités. Au demeurant, alors que le tribunal administratif de Rouen a estimé, dans le jugement attaqué, que ce motif n'était pas de nature à justifier le refus d'autorisation du préfet de l'Eure, le ministre de la transition écologique et solidaire n'a développé aucune argumentation à ce titre devant la cour. Dans ces conditions, ce second motif de l'arrêté en litige est également entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 2. La société Centrale éolienne Vexin est par suite fondée à soutenir que l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande est entaché d'illégalité.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la société Centrale éolienne Vexin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de délivrance de l'autorisation et d'injonction :

10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'arrêté du préfet de l'Eure du 21 octobre 2015 rejetant la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société Centrale éolienne Vexin repose sur des motifs qui ne sont pas de nature à le justifier et doit donc être annulé. Toutefois, le dossier ne fait pas ressortir si, à la date du présent arrêt, d'autres circonstances sont susceptibles de faire obstacle à la délivrance de l'autorisation. Dès lors, il n'y a pas lieu, pour la cour, de délivrer à la société Centrale éolienne Vexin l'autorisation d'exploitation qu'elle sollicite. Pour la même raison, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de l'Eure délivre cette autorisation à l'appelante. En revanche, il implique nécessairement que le préfet procède au réexamen de la demande d'autorisation de la société Centrale éolienne Vexin. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Centrale éolienne Vexin de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 mars 2017 et l'arrêté du préfet de l'Eure du 21 octobre 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de procéder au réexamen de la demande d'autorisation d'exploitation présentée par la société Centrale éolienne Vexin dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de l'Eure communiquera sans délai à la cour l'arrêté qu'il prendra à l'issue du réexamen de la demande de la société Centrale éolienne Vexin.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Centrale éolienne Vexin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale éolienne Vexin, au ministre de la transition écologique et solidaire et au préfet de l'Eure.

N°17DA01091 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01091
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS KALLIOPE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-09;17da01091 ?
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