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07/02/2019 | FRANCE | N°16DA02364

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2019, 16DA02364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société du parc éolien de la voie des prêtres a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a implicitement rejeté ses demandes de permis de construire vingt-et-une éoliennes et cinq postes de livraison sur le territoire des communes de Chérisy, Croisilles et Fontaine-les-Croisilles.

Par un jugement n° 1305476 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, et un mémoire complém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société du parc éolien de la voie des prêtres a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a implicitement rejeté ses demandes de permis de construire vingt-et-une éoliennes et cinq postes de livraison sur le territoire des communes de Chérisy, Croisilles et Fontaine-les-Croisilles.

Par un jugement n° 1305476 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 septembre 2017, la société du parc éolien de la voie des prêtres, représentée par la SELARL Horus avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de ses demandes de permis de construire

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code des transports ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la société du parc éolien de la voie de prêtres.

Considérant ce qui suit :

1. La société du parc éolien de la voie des prêtres a sollicité vingt-et-un permis de construire pour l'implantation de vingt-et-une éoliennes et de cinq postes de livraison pour constituer le parc éolien dit de " La voie des prêtres ", implanté sur le territoire des communes de Chérisy, Fontaine-les-Croisilles et Croisilles. Du silence gardé par le préfet du Pas-de-Calais sur ces demandes sont nées, le 13 juillet 2013, des décisions implicites de refus. Par une lettre du 23 août 2013, le préfet du Pas-de-Calais a communiqué à la société du parc éolien de la voie des prêtres, qui l'avait saisi d'une demande en ce sens, les motifs de ces décisions implicites de rejet. La société du parc éolien de la voie des prêtres relève appel du jugement du 11 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces refus de permis de construire.

Sur la régularité du jugement :

2. L'un des motifs contenus dans la lettre du 23 août 2013, citée au point précédent, est tiré de l'absence d'accord préalable donné par le ministre chargé de l'aviation civile et par le ministre de la défense. Le préfet du Pas-Calais a, dans ses écritures de première instance, expressément reconnu que l'accord préalable du ministre chargé de l'aviation civile avait en réalité été donné, le 5 juin 2013, et donc admis le caractère erroné, en fait, de ce motif, auquel il a explicitement déclaré renoncer. Le tribunal n'a pas visé le moyen tiré de l'illégalité de ce motif, qui n'avait pas été abandonné par la société du parc éolien de la voie des prêtres, et n'y a pas davantage répondu dans ses motifs, entachant ainsi son jugement d'une irrégularité, alors que même ce moyen serait inopérant. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen d'irrégularité du jugement soulevé par elle, l'appelante est fondée à demander l'annulation de ce jugement.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société du parc éolien de la voie des prêtres devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité des refus de permis de construire :

En ce qui concerne la nécessité d'obtenir l'accord du ministre de la défense :

4. Aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme, régissant l'instruction des demandes de permis de construire : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ". L'article R. 423-51 du même code dispose que : " Lorsque le projet porte sur une opération soumise à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, l'autorité compétente recueille les accords prévus par le chapitre V du présent titre ". L'article R. 425-9 de ce code prévoit que : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ". Aux termes de cet article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dont certaines des dispositions du premier alinéa ont été abrogées à compter du 1er décembre 2010 pour être reprises à l'article L. 6352-1 du code des transports : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. / (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation dispose que : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsque la construction envisagée à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement et en dehors d'une agglomération peut constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense afin de recueillir leur accord. Le permis tient alors lieu de l'autorisation prévue aux articles L. 6352-1 du code des transports et R. 244-1 du code de l'aviation civile, et à défaut d'accord de l'un de ces ministres, l'autorité compétente est tenue de refuser le permis de construire.

6. La carte des servitudes et contraintes aéronautiques versée au dossier de première instance, issue de l'application Cartélie, fait apparaitre que le site d'implantation du projet éolien en cause est situé à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement, et notamment du plan de servitudes aéronautiques de dégagement de la base aérienne de Cambrai. La circonstance que ce document a été édité le 25 juin 2015, soit après les décisions en litige, ne suffit pas à exclure qu'il en soit tenu compte, alors que les servitudes aéronautiques de l'aérodrome militaire de Cambrai-Epinoy ont été fixées par un décret du 7 mai 1981, sans qu'il soit établi ni même allégué, et sans qu'il ressorte des pièces du dossier, que ces servitudes auraient été modifiées entre la date d'édiction des décisions en litige et celle à laquelle a été édité ce document. En outre, le plan de servitudes aéronautiques issu de l'application Géoportail confirme que le site d'implantation du projet éolien en cause est situé à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement. L'appelante ne conteste d'ailleurs pas les données issues de ce plan, et en particulier ne soutient pas que ce plan ne reflèterait pas la délimitation des zones grevées de servitudes de dégagement à la date des décisions en litige. Si dans un avis émis le 9 mars à l'occasion d'une précédente demande, le ministre de la défense a relevé que le site d'implantation du projet éolien est situé dans le plan de servitudes aéronautiques de dégagement de la base aérienne de Cambrai, il n'est pas établi ni même allégué que l'implantation du projet concerné par cette précédente demande était identique à celle du projet refusé par les décisions attaquées. Si l'avis émis par le même ministre le 2 juillet 2013, dans le cadre de l'instruction des demandes de permis de construire rejetées par les décisions en litige, indique également que le site d'implantation du projet éolien est situé dans le plan de servitudes aéronautiques de dégagement de la base aérienne de Cambrai, cette mention, dont se prévaut l'appelante, mais sans l'appuyer d'aucun document cartographique, doit être regardée comme erronée compte tenu de ce qui vient d'être dit.

7. Il résulte de ce qui précède que le site d'implantation du projet éolien en cause étant situé à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement, et les constructions envisagées pouvant constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, l'accord du ministre de la défense était requis en application des dispositions citées au point 4. Le moyen tiré de ce que cet avis n'était pas requis doit par suite être écarté.

En ce qui concerne le sens de l'avis donné par le ministre de la défense :

8. Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " Le silence gardé à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation vaut accord ". Aux termes de l'article R. 423-59 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions en litige : " Sous réserve des exceptions prévues aux articles R*423-60 à R*423-71-1, les services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable ". L'article R. 423-63 du même code dispose que : " Par exception aux dispositions de l'article R. 423-59, le délai à l'issue duquel le ministre chargé de l'aviation civile, le ministre de la défense ou leur délégué, consultés en application de l'article R. 425-9, sont réputés avoir émis un avis favorable est de deux mois ".

9. Si, à défaut d'avoir fait parvenir à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire leur réponse motivée dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande d'avis, le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense sont réputés avoir donné chacun leur accord, il ne résulte d'aucune des dispositions citées au point précédent que l'un ou l'autre des ministres ne pourrait, à l'expiration de ce délai et jusqu'à l'édiction de la décision statuant sur la demande de permis de construire, émettre et faire parvenir un avis défavorable se substituant à cet accord tacite.

10. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de la défense a été saisi le 7 mai 2013 de la demande d'avis. N'ayant pas fait parvenir au préfet du Pas-de-Calais sa réponse motivée dans le délai de deux mois à compter de cette demande, le ministre est réputé avoir, le 7 juillet 2013, émis un avis favorable. Cependant, le 8 juillet 2013, le ministre a fait parvenir au préfet du Pas-de-Calais l'avis défavorable qu'il avait émis le 2 juillet 2013. Cet avis défavorable s'étant substitué à l'accord tacite du 7 juillet 2013, l'appelante n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un avis favorable du ministre de la défense.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'avis défavorable donné par le ministre de la défense :

11. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

12. L'avis défavorable du ministre de la défense du 2 juillet 2013 relève notamment que " le projet se situe dans le plan des servitudes aéronautiques de dégagement de la base aérienne 103 de Cambrai ". Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que ce motif est erroné en fait.

13. Cependant, cet avis est également fondé sur la circonstance que " les éoliennes se situent dans les 05-20 km du radar Défense de Cambrai (cf. annexe 1), soit en zone d'exclusion à partir de l'altitude de 88 mètres NGF dans laquelle toute construction d'aérogénérateurs est interdite ". Les contraintes radioélectriques liées à la navigation aérienne pouvant être légalement prises en considération par le ministre de la défense dans le cadre de l'avis qu'il doit rendre en application des articles R. 425-9 du code de l'urbanisme et R. 244-1 du code de l'aviation civile, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que ce motif, tenant à des contraintes radioélectriques relevant du code des postes et des communications électroniques, serait erroné en droit.

14. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la lettre du 27 juin 2014 du commandant de la zone aérienne de Défense Nord, que le radar Défense de Cambrai n'était pas encore définitivement mis à l'arrêt à la date de cet avis défavorable du 2 juillet 2013, ni du reste à celle des décisions attaquées. L'appelante n'est ainsi pas fondée, en se prévalant de cet arrêt, alors seulement prévu pour le mois d'octobre 2014, à soutenir que ce motif serait entaché d'erreur de fait ou d'appréciation. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'avis favorable contenu dans cette lettre du 27 juin 2014, postérieure à la décision attaquée.

15. Il résulte de l'instruction que le ministre de la défense aurait rendu le même avis s'il s'était fondé sur ce seul motif tiré des contraintes radioélectriques. L'appelante n'est ainsi pas fondée à soutenir que cet avis défavorable est mal fondé.

16. En l'absence d'accord du ministre de la défense, qui avait été saisi et s'était prononcé au titre des articles R. 425-9 du code de l'urbanisme et R. 244-1 du code de l'aviation civile, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce refus d'accord est parvenu au préfet du Pas-de-Calais après la naissance d'un accord tacite, auquel il s'est substitué ainsi qu'il a déjà été dit aux points 9 et 10, le préfet du Pas-de-Calais était tenu de refuser les permis de construire sollicités. Il suit de là que les autres moyens dirigés contre les refus de permis de construire en litige, ne mettant pas en cause la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet du Pas-de-Calais, sont inopérants.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société du parc éolien de la voie des prêtres n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a rejeté implicitement ses demandes de permis de construire. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au procès :

18. Les conclusions de la société du parc éolien de la voie des prêtres, partie principalement perdante dans la présente instance, présentées au titre des frais liés au procès doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société du parc éolien de la voie des prêtres devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société du parc éolien de la voie des prêtres présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société du parc éolien de la voie des prêtres et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°16DA02364 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02364
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs - Pouvoirs et obligations de l'administration - Compétence liée.

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-07;16da02364 ?
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