Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'une part, d'annuler le titre de recettes émis le 14 juin 2019 par le directeur du centre hospitalier Andrée Rosemon pour le recouvrement d'une somme de 35 963,76 euros ainsi que l'avis des sommes à payer du même jour et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon à lui payer la somme de 37 807,66 euros en remboursement des retenues mensuelles opérées sur son salaire depuis l'année 2015 et des sommes recouvrées au titre de la saisie-attribution de son compte assurance-vie.
Par un jugement n° 1901735 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyane, après avoir admis l'intervention de Mme D... A..., a déchargé Mme C... A... du paiement des sommes figurant dans l'avis des sommes à payer émis par le directeur du centre hospitalier le 14 juin 2019 en tant que celles-ci excédaient le solde réel de sa dette à cette date, enjoint au centre hospitalier de restituer à Mme A... les sommes prélevées en exécution de cet avis des sommes à payer en tant que celles-ci excédaient le solde réel de la dette de Mme A..., d'un montant initial de 35 963,76 euros, mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 200 euros au titre des frais de l'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2022 et le 26 mai 2023, Mme C... A... et Mme D... A..., représentées par Me Bouchet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité des conclusions de sa requête ;
2°) d'annuler le titre de recettes exécutoire n° H0903247 du 14 juin 2019 portant sur la somme de 35 963,76 euros et l'avis des sommes à payer subséquent du 14 juin 2019, ensemble la décision de rejet implicite du recours gracieux de Mme C... A... ;
3°) de décharger intégralement Mme C... A... de l'obligation de payer la somme de 35 963,76 euros ;
4°) de condamner le centre hospitalier André Rosemon de Cayenne à payer à Mme C... A... la somme de 37 807,66 euros, sauf à parfaire, en remboursement des retenues mensuelles pratiquées irrégulièrement sur son salaire par l'administration depuis 2015 et des sommes recouvrées au titre de la saisie-attribution de compte assurance-vie avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts échus à compter du 30 juillet 2019 ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté les conclusions dirigées contre le titre de recettes comme irrecevables, alors que Mme C... A... avait qualité pour agir, en qualité de représentante légale, à l'encontre du titre libellé au nom de sa petite fille mineure, la mère de cette dernière, Mme D... A..., étant elle-même mineure au moment du fait générateur de la créance ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation, la créance ne pouvant être regardée comme certaine, liquide et exigible, et une erreur de droit s'agissant de la prescription de la créance ;
- en méconnaissance de la circulaire du 18 juin 1998 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et établissements publics locaux et à la forme et au contenu des titres de recettes, le titre de recettes est imputé à l'exercice de 2018 alors qu'il se rapporte à des soins dispensés en 2012 ;
- le titre et l'avis portent sur une somme de 35 963,76 euros alors que la somme de 28 069,57 euros a déjà été prélevée sur le salaire de Mme A... malgré le caractère suspensif de sa contestation en application de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
- en prélevant ces sommes l'administration a méconnu l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
- la créance est prescrite, dès lors que le premier titre exécutoire et la mise en demeure de 2015 ont été annulés par la cour administrative d'appel de Paris ;
- le centre hospitalier ne démontre pas qu'elle devrait des sommes au titre de l'hospitalisation de sa petite-fille, alors que cette dernière et sa mère étaient rattachées à Mme C... A..., et que celle-ci était assurée sociale ;
- le centre hospitalier doit être condamné à lui verser la somme de 37 807,66 euros, qu'il a indument prélevé alors qu'ayant saisi le tribunal, elle bénéficiait des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le centre hospitalier Andrée Rosemon, représenté par Me Pareydt, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de Mme D... A... ;
- aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A... a accouché au centre hospitalier André Rosemon de Cayenne le 29 avril 2012, alors qu'elle était mineure, et son enfant, B..., a été prise en charge par le service de réanimation néo-natale jusqu'au 1er juin 2012. Pour obtenir le paiement d'une somme de 35 963,76 euros correspondant aux frais d'hospitalisation de l'enfant, le centre hospitalier a émis à l'encontre de Mme C... A..., mère de Mme D... A... et grand-mère B..., un titre de recettes du 13 mai 2013 et un avis des sommes à payer du 23 mai 2023, réitéré par un nouvel avis des sommes à payer du 12 aout 2015. Par un arrêt n° 17PA20878 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Paris a annulé cet avis des sommes à payer du 12 aout 2015, au motif que ce titre exécutoire ne comportait pas l'indication des nom, prénom et qualité de son signataire, qui ne disposait d'aucune délégation de signature.
2. Le 14 juin 2019, le centre hospitalier a émis un nouveau titre de recettes pour le recouvrement de la somme de 35 963,76 euros, qui désignait la jeune B... comme débiteur, ainsi qu'un avis des sommes à payer portant sur la même somme, au nom de Mme C... A.... Dans le jugement attaqué du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyane a d'une part, rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme C... A... dirigées contre le titre de recette du 14 juin 2019, au motif que
Mme A... n'était ni la débitrice désignée par le titre, ni sa représentante légale, d'autre part, déchargé Mme C... A... du paiement des sommes figurant dans l'avis des sommes à payer du 14 juin 2019 en tant que celles-ci excédaient le solde réel de sa dette à cette date, eu égard aux paiements déjà intervenus, et enfin, enjoint au centre hospitalier de restituer à
Mme C... A... la part des sommes prélevées en exécution de cet avis des sommes à payer excédant le solde de la dette de Mme C... A..., avant de rejeter le surplus des conclusions de leur demande. Mme C... A... et Mme D... A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de la demande.
Sur la recevabilité de l'appel en tant qu'il émane de Mme D... A... :
3. L'intervenant au soutien de la demande de première instance peut faire appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention, s'il aurait eu qualité pour introduire lui-même une telle demande.
4. Le titre de recettes du 14 juin 2019 mentionne comme débiteur
Mme B... A..., fille mineure de Mme D... A..., laquelle était majeure à cette date. Dès lors, en sa qualité de responsable légale de sa fille, elle était recevable à contester ce titre. Par suite, l'appel de Mme D... A... est recevable contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur le titre de recettes du 14 juin 2019.
Sur la régularité du jugement :
5. En premier lieu, Mme C... A..., qui n'était pas destinataire du titre de recettes du 14 juin 2019, lequel mentionnait Mme B... A... en qualité de débiteur, n'était pas recevable à en demande l'annulation. S'agissant de Mme D... A..., responsable légal de Mme B... A..., elle a présenté un mémoire en intervention alors que le délai de recours contentieux contre ce titre de recettes était expiré. En qualité d'intervenante, la recevabilité de ses conclusions était subordonnée à la recevabilité de celles présentées par Mme C... A.... Par suite, en rejetant les conclusions dirigées contre le titre de recettes du 16 juin 2019 comme irrecevables, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
6. En second lieu, en soulevant à l'encontre du jugement attaqué les moyens tirés de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise les premiers juges, la créance ne pouvant être regardée comme certaine, liquide et exigible, et de l'erreur de droit s'agissant de la prescription de la créance, les requérantes ne critiquent pas la régularité du jugement mais son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'avis des sommes à payer du 14 juin 2019 et de décharge de la somme de 35 963,76 euros :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 2241 du même code : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion (...) ". Aux termes de l'article 2242 du même code : " L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ". Il résulte de ces dispositions que l'interruption du délai de prescription par une demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. En cas d'appel du jugement, cet effet interruptif est prolongé jusqu'à la décision du juge d'appel.
8. Le délai de prescription quinquennale a commencé à courir en 2012, date du fait générateur de la créance du centre hospitalier. Par avis des sommes à payer du 12 août 2015, le centre hospitalier a mis à la charge de Mme C... A... la somme de 35 963,76 euros, correspondant aux frais d'hospitalisation de l'enfant B... A... en 2012. Mme A... a saisi le tribunal administratif de la Guyane puis la cour administrative d'appel de Paris d'une requête dirigée contre ce titre exécutoire, et par un arrêt n° 17PA20878 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Paris en a prononcé l'annulation. A la date du 14 juin 2019 à laquelle le centre hospitalier a émis le titre de recettes et l'avis des sommes à payer litigieux, la créance n'était pas prescrite.
9. En deuxième lieu, les requérantes se prévalent de la circulaire du 18 juin 1998 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et établissements publics locaux et à la forme et au contenu des titres de recettes, qui dispose que le titre de recette doit comporter notamment " l'imputation budgétaire et comptable à donner à la recette ". Toutefois, en tout état de cause, si elles font valoir que le titre de recettes est imputé à l'exercice de 2018 alors qu'il se rapporte à des soins dispensés en 2012, elles ne précisent pas quel principe ou règle de la circulaire serait ainsi méconnu et n'assortissent dès lors pas ce moyen des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
10. En troisième lieu, les requérantes font valoir qu'en exécution du titre de recettes du 12 aout 2015 comme de celui en litige, des sommes ont été recouvrées par le comptable malgré l'introduction de la demande de Mme A... devant les premiers juges, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles " l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre ". Toutefois, ce moyen, relatif au recouvrement de la créance litigieuse, est sans influence sur son bien-fondé et doit être écarté comme inopérant.
11. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, les premiers juges ont constaté, en se fondant sur le bordereau de situation établi par la trésorerie de Cayenne le 27 mars 2019, que des remboursements et prélèvement étaient intervenus et que Mme A... ne restait plus redevable à cette date que de la somme de 17 160,60 euros. En conséquence, le jugement attaqué prononce la décharge de l'obligation de payer la somme mise à la charge de Mme A..., en tant que cette somme excède le solde de la dette dont Mme A... restait redevable au 14 juin 2019, date de l'avis des sommes à payer litigieux. Ainsi le moyen soulevé par Mme A..., qui a obtenu sur ce point satisfaction devant les premiers juges, tiré de ce que l'avis des sommes à payer porte sur une somme de 35 963,76 euros alors que la somme de 28 069,57 euros a déjà été prélevée son salaire, doit être écarté.
12. En cinquième lieu, la créance litigieuse a pour origine l'hospitalisation et les soins prodigués à la jeune B... A... entre le jour de sa naissance, le 29 avril 2012, et le
1er juin 2012. Il résulte de l'instruction, et notamment de la correspondance entre le centre hospitalier et la Mutuelle nationale territoriale produite devant les premiers juges, que malgré les demandes du centre hospitalier, ces soins n'ont pas été pris en charge par l'assurance maladie ni la mutuelle, l'enfant n'étant rattachée à aucun bénéficiaire de l'assurance maladie, ce qui a conduit le centre hospitalier à facturer le séjour à la requérante. Si Mme A... soutient que sa petite-fille était bien déclarée bénéficiaire auprès de l'assurance maladie, elle n'apporte pas d'élément au soutien de ces allégations.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à verser à Mme A... la somme de la somme de 37 807,66 euros :
13. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation et de décharge, les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à payer à Mme C... A... la somme de 37 807,66 euros en remboursement des retenues mensuelles pratiquées irrégulièrement sur son salaire par l'administration depuis 2015 et des sommes recouvrées au titre de la saisie-attribution de compte assurance-vie avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts échus à compter du 30 juillet 2019 ne peuvent qu'être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de Mme C... A.... Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... A... et Mme D... A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier André Rosemon de Cayenne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., Mme D... A... et au centre hospitalier André Rosemon de Cayenne ainsi qu'à la direction régionale des finances publiques - Guyane.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La présidente-assesseure,
Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX01873 2