La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2024 | FRANCE | N°21BX03287

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 13 février 2024, 21BX03287


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :



I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 21BX03287, et des mémoires, enregistrés les 27 juillet 2021, 14 septembre et 2 novembre 2023, des pièces complémentaires enregistrées les 30 août 2021 et 7 octobre 2022, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Herolles et Thollet, M. B... E... et Mme A... E..., M. C... G... et Mme F... G..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté préf

ectoral complémentaire n° 2021-DCPPAT/BE-057 en date du 26 mars 2021 modifiant l'arrêté préfectoral n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 21BX03287, et des mémoires, enregistrés les 27 juillet 2021, 14 septembre et 2 novembre 2023, des pièces complémentaires enregistrées les 30 août 2021 et 7 octobre 2022, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Herolles et Thollet, M. B... E... et Mme A... E..., M. C... G... et Mme F... G..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral complémentaire n° 2021-DCPPAT/BE-057 en date du 26 mars 2021 modifiant l'arrêté préfectoral n° 2019-DCPPAT/BE-229 en date du 29 octobre 2019 portant autorisation de la demande déposée par la société Parc éolien de Thollet et Coulonges d'exploiter un parc éolien sur les communes de Thollet et Coulonges, ainsi que la décision du 9 juin 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a rejeté leur recours gracieux formé contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- la procédure retenue pour l'instruction de cette demande de modification est inadaptée et a méconnu l'article R. 181-46 du code de l'environnement ;

- la modification qui porte sur la puissance unitaire des aérogénérateurs autorisés est substantielle, de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ; l'accroissement d'un tiers de la puissance des quinze machines autorisées va aggraver les nuisances sonores pour les riverains et, par conséquent, les inconvénients sur la commodité du voisinage, la santé et la salubrité publique ; l'accroissement de la puissance unitaire des machines aura un impact sur le modèle de machine, et donc sur le paysage ; du fait d'une nacelle plus lourde, les fondations seront plus importantes et aggraveront l'impact sur le régime hydrogéologique et les zones humides, spécialement au droit des éoliennes E4, E5 et E6, en méconnaissance de la législation sur l'eau ;

- les dispositions du c) du VIII de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ont été méconnues ;

- à titre subsidiaire, à supposer qu'il n'y ait qu'une modification notable du parc, le promoteur était tenu, en application du II de l'article 2.2 de l'arrêté du 26 août 2011, de déclarer les données techniques relatives à l'installation, incluant l'ensemble des générateurs, dans les quinze jours suivant le dépôt de son porter-à-connaissance d'une modification du parc ; à défaut, le préfet n'a pas pu se prononcer en toute connaissance de cause ;

- l'étude acoustique est insuffisante alors que la puissance des éoliennes est majorée de 30 % ; l'impact résiduel n'a pas été mesuré dans tous les lieux d'habitation les plus proches des futures machines ; il n'a été mesuré que pour deux directions de vent, nord et sud ; les effets cumulés avec le parc éolien de la Haute Borne à Tilly ne sont pas appréciés ; une expertise complémentaire sur la carence de l'étude acoustique doit être ordonnée ;

- le pétitionnaire n'a pas la maîtrise foncière de la parcelle cadastrée A 188 sur le territoire de la commune de Coulonges ;

- le montant des garanties financières est insuffisant ; l'arrêté du 26 mars 2021 méconnaît l'article R. 515-101 du code de l'environnement et les dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 ;

- les effets acoustiques des éoliennes dont la puissance a été augmentée de 30 % sont nocifs sur le plan de la santé ;

- aucune autorité indépendante n'apprécie la réponse technique apportée par le porteur de projet à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale ;

- l'implantation du projet dans un secteur bocager est dangereuse pour les chiroptères ; le préfet devait imposer à l'exploitant le dépôt d'un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ;

- il doit être tenu compte parmi les intérêts visés par les dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement de la préservation du paysage et notamment du château de la Brosse à Thollet, situé à moins de 1 000 mètres de l'éolienne E7.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 mai 2022, 14 septembre 2023, 11 octobre 2023, 8 novembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, représentée par Me Elfassi, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de l'autorisation, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, en l'absence d'intérêt à agir de chacun des requérants, compte tenu des seules modifications apportées relatives à la puissance du modèle des machines ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2023 à 12h00.

Par lettre du 8 janvier 2024, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité au regard des dispositions de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative des moyens nouveaux tirés de l'obligation de dépôt d'un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées pour les chiroptères, du défaut de maîtrise foncière de la parcelle A 188 située sur le territoire de la commune de Coulonges, de la méconnaissance de l'article R. 515-101 du code de l'environnement et des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011, relatifs au montant des garanties financières, de l'atteinte au paysage compte tenu de la présence d'un monument historique classé et de l'absence d'appréciation par une autorité indépendante de la réponse technique apportée par le porteur de projet à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale.

II°) Par une requête, enregistrée le 1er août 2022, sous le n° 22BX02172, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 octobre 2022, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Herolles et Thollet, M. B... E... et Mme A... E..., M. et Mme D..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté complémentaire n° 2022-DCPPAT/BE-041 en date du 1er avril 2022 modifiant l'arrêté préfectoral n° 2019-DCPPAT/BE-229 en date du 29 octobre 2019 portant prescriptions des conditions d'exploitation par la société Parc éolien de Thollet et Coulonges du parc éolien sur les communes de Thollet et Coulonges, ainsi que la décision du 17 juin 2022 par laquelle le préfet de la Vienne a rejeté leur recours gracieux formé le 27 mai 2022 contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Thollet et Coulonges la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- la procédure retenue pour l'instruction de cette demande de modification est inadaptée et a méconnu l'article R. 181-46 du code de l'environnement ;

- la modification qui porte sur la puissance unitaire des aérogénérateurs autorisés est substantielle, de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ; dès lors que le préfet a intégré à l'arrêté du 1er avril 2022 accordant le déplacement de E15, les précédentes modifications accordées par l'arrêté du 26 mars 2021 et abrogé ledit arrêté qui serait devenu obsolète, les modifications déjà octroyées précédemment pour apprécier le caractère substantiel ou non des modifications prévues par l'arrêté du 1er avril 2022 doivent être considérées ; l'accroissement d'un tiers de la puissance des quinze machines autorisées va accroître le bruit généré par les machines, et aura un impact certain sur le cadre de vie des riverains, sur la commodité du voisinage, la santé et la salubrité publiques ; l'accroissement de la puissance unitaire des machines aura un impact sur le modèle de machine et des conséquences sur le paysage ; du fait d'une nacelle plus lourde, les fondations seront plus importantes, et aggraveront l'impact sur le régime hydrogéologique et les zones humides, plus particulièrement au droit des éoliennes E4, E5 et E6, en méconnaissance de la législation sur l'eau ;

- les dispositions du c) et d) du VIII de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ont été méconnues, en l'absence d'informations essentielles sur le modèle d'éolienne ;

- à titre subsidiaire, le promoteur était tenu, en application du II de l'article 2.2 de l'arrêté du 26 août 2011, de déclarer les données techniques relatives à l'installation dans les quinze jours suivant le dépôt de son porter-à-connaissance d'une modification du parc ; à défaut, le préfet n'a pas été en mesure de se prononcer ;

- l'étude acoustique est insuffisante alors que la puissance des éoliennes est majorée de 30 % ; l'impact résiduel n'a pas été mesuré dans tous les lieux d'habitation les plus proches des futures machines et ne l'a été que pour deux directions de vent, nord et sud ; les effets cumulés avec le parc éolien de la Haute Borne à Tilly n'ont pas été appréciés ;

- l'article R. 181-13, 3° du code de l'environnement a été méconnu ; le dossier de demande d'autorisation environnementale était incomplet, faute de comporter le document attestant de la maîtrise foncière des parcelles cadastrées A 295 et A 294 à Coulonges ; l'autorisation de dépôt du dossier de demande d'autorisation concernant ces deux parcelles a été accordée à EDF Renouvelables France et non pas au pétitionnaire ;

- les articles L. 181-14, L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement ont été méconnus ; le déplacement de l'éolienne E15 aurait pour conséquence de la rapprocher du château du Pin, monument protégé au titre des monuments historiques, ainsi que d'un champ dénommé " la Charbonnière ", abritant un cimetière gallo-romain enfoui ; cette éolienne sera également à proximité de l'étang des Chaumes, qui abrite notamment une héronnière ; cet emplacement aura un impact accru sur l'avifaune, les chiroptères et des monuments à caractère historique et patrimonial ; l'implantation du projet dans un secteur bocager est dangereuse pour les chiroptères ; le couloir de migration entre les éoliennes E8 et E15 est réduit de quelques centaines de mètres, de nature à porter une atteinte renforcée aux enjeux pour des espèces protégées et patrimoniales telles que la pie-grièche écorcheur, l'alouette lulu, certains batraciens ; la séquence éviter-réduire-compenser (ERC) est ignorée ; les nuisances sonores seront accrues pour le hameau du Coury ;

- l'accord du ministère des armées du 14 décembre 2021 a été émis, pour le directeur de la sécurité aéronautique d'Etat et par délégation, par le général de brigade aérienne Etienne Herfeld, directeur de la circulation aérienne militaire, sans que l'existence d'une délégation soit établie ; il en est de même de l'accord du ministre chargé de l'aviation civile en date du 9 novembre 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le préfet de la Vienne conclut au non-lieu à statuer. Il fait valoir que l'arrêté contesté ayant été retiré par l'arrêté du 23 août 2023, la requête est devenue sans objet.

Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, représentée par Me Elfassi, conclut :

1°) à titre principal, au non-lieu à statuer ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

3°) à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- par un arrêté complémentaire du 22 août 2023, le préfet de la Vienne a retiré l'arrêté attaqué ; le litige est dépourvu d'objet.

Par ordonnance du 15 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2023 à 12h00.

III°) Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2022, sous le n° 22BX02533, des pièces complémentaires enregistrées le 8 octobre 2022, des mémoires complémentaires enregistrés les 14 septembre, 9 octobre et 31 octobre 2023, 11 janvier 2024, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, de même que les pièces complémentaires enregistrées le 28 novembre 2023, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes, représentée par Me Monamy, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 18 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Vienne a rejeté sa demande de mise en demeure de la société Parc éolien de Thollet et Coulonges de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ;

2°) d'enjoindre à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, dans un délai à définir, de déposer une demande de dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Thollet et Coulanges la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;

- les articles L. 181-14, R. 181-45, L. 411-1 et du code de l'environnement ont été méconnus, en l'absence de demande de dérogation ; une très grande variété de chiroptères caractérise le site, ce qui en fait une zone d'enjeux forts pour ces espèces ; il en est de même des espèces d'oiseaux protégées, notamment l'alouette lulu, la bondrée apivore, la grue cendrée, l'œdicnème criard et la pie-grièche écorcheur ; des cigognes blanches se posent à proximité immédiate du lieu d'implantation de l'éolienne E8 ; les quinze éoliennes doivent être implantées au cœur d'un paysage bocager, toutes à moins de 200 mètres de boisements, haies bocagères, arbres isolés ou linéaires d'arbres ; elles se trouvent à six et sept kilomètres de zones Natura 2000 ;

- les machines autorisées, compte tenu de leurs dimensions sont mortifères pour les chiroptères ; le risque est caractérisé même après bridage des machines pour la grande noctule, espèce rare de chiroptère, présente dans l'aire éloignée ; le promoteur doit être mis en demeure d'actualiser son dossier quant à l'éventuelle présence de la grande noctule par de nouveaux enregistrements sur le site d'implantation projeté ;

- aucune autorité indépendante n'apprécie la réponse technique apportée par le porteur de projet à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale ;

- il n'y a pas autorité de la chose jugée, la condition tenant à l'identité des parties n'étant pas respectée et alors que le moyen relatif la dérogation " espèces protégées " ne concernait pas l'avifaune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que l'association requérante ne fait état d'aucune nouvelle circonstance de droit ou de fait qui conduirait à ce que, cinq ans après la délivrance de l'autorisation par le tribunal administratif de Poitiers, une demande de dérogation espèces protégées serait désormais justifiée ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 14 septembre, 10 et 31 octobre 2023, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, représentée par Me Elfassi, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la modification de l'arrêté contesté s'agissant des modalités de bridage ;

3°) à titre très subsidiaire, à l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et au sursis à statuer dans l'attente de l'actualisation par le préfet des modalités de bridage mises en place pour les chiroptères ;

4°) à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, en l'absence d'intérêt à agir ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, modifié par l'arrêté du 10 décembre 2021 et l'arrêté du 11 juillet 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Monamy, représentant l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres, et de Me Kabra, substituant Me Elfassi, représentant la société Parc éolien de Thollet et Coulonges.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 décembre 2014, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges a formé une demande d'autorisation d'exploiter un parc de vingt éoliennes, réduit à dix-neuf éoliennes, situé sur le territoire des communes de Thollet et de Coulonges, rejetée par arrêté du 21 juillet 2016 de la préfète de la Vienne. Par jugement n° 1602617 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 21 juillet 2016 et accordé l'autorisation d'exploiter à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, laquelle a été renvoyée devant l'administration pour la fixation des conditions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par un arrêté n° 2019-DCPPAT/BE-229 du 29 octobre 2019, le préfet de la Vienne a autorisé la société Parc éolien de Thollet et Coulonges à exploiter dans les communes de Thollet et de Coulonges un parc éolien de 19 aérogénérateurs d'une puissance maximale unitaire de 3, 3 MW et d'une hauteur maximale en bout de pale de 180 mètres. Par un arrêt n° 18BX02496, 20BX00762 du 15 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres, a supprimé les éoliennes E9 à E12 et modifié, dans cette mesure, l'autorisation d'exploiter délivrée par le tribunal administratif de Poitiers par son jugement du 25 avril 2018, ainsi que l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2019. Le pourvoi en cassation contre cet arrêt n'a pas été admis par le Conseil d'Etat le 25 avril 2022. La société Parc éolien de Thollet et Coulonges a déposé le 16 février 2021 un dossier de porter à connaissance informant la préfète de la Vienne de l'augmentation de la puissance unitaire maximale des éoliennes de 3, 3 MW à 4, 3 MW. Par l'arrêté complémentaire n° 2021-DCPPAT/BE-057 du 26 mars 2021, la préfète de la Vienne a modifié l'arrêté du 29 octobre 2019 en ce sens ainsi que les articles 4, 7 et 9, a acté la suppression des éoliennes n° 9 à 12 et mis à jour le plan de situation. Par l'arrêté complémentaire n° 2022-DCPPAT/BE-041 du 1er avril 2022, le préfet de la Vienne a modifié l'arrêté du 29 octobre 2019 en réponse à la demande de modification du pétitionnaire, présentée dans le porter à connaissance du 21 octobre 2021, portant sur le changement de localisation de l'éolienne n° 15. Par les requêtes enregistrées respectivement sous les n°s 2103287 et 2202172, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, M. et Mme E..., M. et Mme G..., M. et Mme D... demandent à la cour d'annuler d'une part, l'arrêté complémentaire du 26 mars 2021, d'autre part, l'arrêté complémentaire du 1er avril 2022 ainsi que les décisions par lesquelles le préfet de la Vienne a rejeté le 9 juin 2021 et 17 juin 2022 leurs recours gracieux formés contre ces arrêtés. Par la requête, enregistrée sous le n° 22BX02533, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet demande à la cour l'annulation de la décision du 18 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Vienne a rejeté sa demande de mise en demeure de la société Parc éolien de Thollet et Coulonges de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées.

2. Les décisions contestées sont relatives au même projet et leurs contestations présentent à juger des questions similaires. Par suite, il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus et de statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22BX02172 :

3. Aux termes de l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s'il s'agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire. ".

4. Par un arrêté du 22 août 2023, le préfet de la Vienne a, à la demande de la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, retiré l'arrêté préfectoral complémentaire n° 2022-DCPPAT/BE-041 du 1er avril 2022 modifiant l'arrêté préfectoral n° 2019-DCPPAT/BE-229 en date du 29 octobre 2019. Il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté du 22 août 2023 aurait été retiré ou contesté et qu'il n'aurait pas acquis un caractère définitif à la date du présent arrêt. Par suite, ainsi que le font valoir le préfet de la Vienne et la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, la requête n° 22BX02172 de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres est dépourvue d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 21BX03287 :

En ce qui concerne la recevabilité des moyens :

5. Aux termes de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d'une décision mentionnée à l'article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. (...) " et aux termes de l'article R. 311-5 du même code : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l' article L. 511-2 du code de l'environnement , à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : /1° L'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement ; (...)/ 20° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article.(...) ".

6. Il résulte de l'instruction, notamment des notifications faites par l'application télérecours, que le premier mémoire en défense, produit en appel par la société pétitionnaire le 20 mai 2022, a été adressé au conseil des requérants le vendredi 25 mai 2022, lequel en a accusé réception le 27 mai 2022. Il ne résulte pas de l'instruction que les requérants n'auraient pas été en mesure de faire état, avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, d'un moyen fondé sur une circonstance de droit ou de fait nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'obligation de dépôt d'un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées pour les chiroptères, du défaut de maîtrise foncière de la parcelle A 188 située sur le territoire de la commune de Coulonges, de la méconnaissance de l'article R. 515-101 du code de l'environnement et des dispositions de l'annexe I de l'arrêté modifié du 26 août 2011, relatifs au montant des garanties financières, de l'atteinte au paysage compte tenu de la présence d'un monument historique classé et de l'absence d'appréciation par une autorité indépendante de la réponse technique apportée par le porteur de projet à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale ont été soulevés pour la première fois, dans les mémoires enregistrés les 7 octobre 2022, 14 septembre 2023, 2 novembre 2023, au-delà du délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative, à compter de la communication du premier mémoire en défense. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme irrecevables.

En ce qui concerne les autres moyens :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale (...) / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées " et de l'article R. 181-46 du même code : " I. Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui :/1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ;/2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ;/3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3./La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale./II. Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation./S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues (...) que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que le 16 février 2021, la société Parc Eolien de Thollet et Coulonges a souhaité porter à la connaissance de la préfète de la Vienne, des modifications de son projet de parc éolien tendant à augmenter la puissance unitaire des aérogénérateurs de 3,3 MW à 4,3 MW, sans modifier les dimensions des machines.

9. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction, que ces modifications, qui s'expliquent par les évolutions techniques intervenues depuis l'origine du projet, nécessiteront des fondations plus importantes et auront pour effet d'aggraver dans les espaces proches l'impact visuel du projet mentionné dans l'étude d'impact, ou d'augmenter ses impacts sur l'environnement.

10. D'autre part, l'étude acoustique, mise à jour le 11 février 2021, jointe au porter à connaissance, et complétée le 22 mars 2022, a été effectuée sur la base d'une éolienne de même puissance et de même gabarit et d'un parc de quinze éoliennes au lieu de vingt. Elle a pris en considération le parc éolien de la Haute Borne à Tilly, en ne l'intégrant pas dans le bruit de l'état initial mais en le retenant dans le calcul des émergences au droit des riverains, soit l'hypothèse la plus défavorable. Les données ont été actualisées à partir de récepteurs installés dans 26 lieux dits selon une direction du vent nord/sud, correspondant aux orientations constatées sur le lieu d'implantation pendant plus d'un an. Il résulte de cette étude que tout risque de gêne acoustique doit être écarté dès lors que les émergences globales sont inférieures au seuil réglementaire et qu'en cas de dépassement, susceptible de survenir dans certaines situations, la mise en œuvre d'un plan de bridage sera déclenchée à distance et adapté dès la première année de mise en service. Au surplus, l'arrêté attaqué a complété les mesures ainsi prévues par un bridage acoustique dès la mise en service du parc et prévu sa réactualisation au regard des résultats de mesures effectuées et validées par les services de l'Etat. Les documents produits par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause ces conclusions, validées par l'inspection des installations classées le 11 mars 2021. Enfin, il résulte de l'instruction que l'ensemble des données expérimentales et épidémiologiques disponibles n'ont pas mis en évidence d'effets sanitaires liés à l'exposition au bruit des éoliennes, autres que la gêne liée au bruit audible.

11. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que les modifications apportées au projet ne sont pas de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement auxquels renvoie l'article L. 181-3 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que ces modifications présenteraient un caractère substantiel au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) VIII. Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact :/a) Le maître d'ouvrage s'assure que celle-ci est préparée par des experts compétents ;/b) L'autorité compétente veille à disposer d'une expertise suffisante pour examiner l'étude d'impact ou recourt si besoin à une telle expertise ;/c) Si nécessaire, l'autorité compétente demande au maître d'ouvrage des informations supplémentaires à celles fournies dans l'étude d'impact, mentionnées au II et directement utiles à l'élaboration et à la motivation de sa décision sur les incidences notables du projet sur l'environnement prévue au I de l'article L. 122-1-1. ".

13. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence d'indication s'agissant du modèle d'éolienne retenu n'aurait pas permis à la préfète de procéder à une analyse suffisamment précise du projet, dès lors qu'elle disposait dans le dossier présenté d'informations sur les caractéristiques techniques des aérogénérateurs, relatives à leurs dimensions et puissance unitaire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit, par suite, être écarté.

14. En troisième lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 2.2 de l'arrêté du 26 août 2011 modifié, relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, lesquelles n'étaient applicables qu'à compter de la publication d'un avis relatif à la base de données techniques des parcs éoliens terrestres au Bulletin officiel du ministère de la transition écologique et solidaire, soit le 23 avril 2022, et alors que le dossier a été déposé en application du II de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, le 16 février 2021 auprès des services de la préfecture.

Sur la requête n° 22BX02533 :

15. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. /II. Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut (...) /3° Suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs, la réalisation des travaux, des opérations ou des aménagements ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ;(...) ".

16. Aux termes de l'article L. 181-2 du même code : " I. L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...)/ 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411-2 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 181-12 de ce code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4./ Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. /Elles peuvent également porter sur les équipements et installations déjà exploités et les activités déjà exercées par le pétitionnaire ou autorisés à son profit lorsque leur connexité les rend nécessaires aux activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. ". L'article R. 181-45 du même code permet au préfet de fixer par des arrêtés complémentaires les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 précité au point 7, lorsqu'elles sont nécessaires.

17. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : /1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...)/ 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : /a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels (...)".

18. Aux termes de l'article R. 411-6 du code de l'environnement : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. /(...) Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables. ".

19. Une autorisation environnementale ou devant être regardée comme telle est réputée inclure les autres décisions que le projet nécessitait ou dont il a pu éventuellement justifier l'édiction, avec lesquelles elle doit être considérée comme formant un même acte. Une telle autorisation peut être contestée en tant qu'elle ne comporte pas, notamment, une dérogation " espèces protégées ", l'exploitant pouvant alors être contraint de solliciter une telle dérogation. Dans le cas où sa mise en œuvre porte une atteinte suffisamment caractérisée à des animaux protégés, il appartient à l'administration, de sa propre initiative ou sur demande, de mettre en demeure l'exploitant, sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, de prendre toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 du même code. En revanche, et en dehors de la contestation même de cette autorisation, aucun texte ni principe ne permet d'exiger d'un exploitant dont l'autorisation demeure inexécutée qu'il forme une demande de dérogation " espèces protégées ", une telle mesure ne relevant pas des prescriptions complémentaires qu'il est dans les pouvoirs de l'administration de lui imposer. Il résulte de l'instruction que, par l'arrêt définitif n° 18BX02496, 20BX00762 du 15 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté le recours formé par l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres contre le jugement du tribunal ayant délivré l'autorisation d'exploiter et l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2019 fixant les prescriptions nécessaires au fonctionnement du parc éolien et a acté la décision du pétitionnaire de supprimer les éoliennes E9 à E12. Dans ces conditions, alors que l'autorisation dont est titulaire la société Parc éolien de Thollet et Coulonges n'a reçu aucun commencement d'exécution, et qu'au surplus, il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait serait intervenu depuis la délivrance de cette autorisation, le préfet de la Vienne ne pouvait que refuser de faire droit à la demande de l'association requérante tendant à ce qu'il ordonne à cette société de déposer une demande de dérogation " espèces protégées ". Les moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation de ce refus, tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée, de l'absence d'autorité indépendante pour analyser la réponse technique apportée par le porteur de projet à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale, de la méconnaissance des articles L. 181-14, R. 181-45, L. 411-1 du code de l'environnement, qui sont inopérants, ne peuvent, en conséquence, qu'être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, ni de diligenter une expertise, que l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté complémentaire du 26 mars 2021 et de la décision du 18 juillet 2022.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement des sommes demandées par l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres une somme globale de 2 000 euros à verser à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22BX02172.

Article 2 : Les requêtes n° 21BX03287 et 22BX02533 sont rejetées.

Article 3 : L'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres verseront solidairement à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, désignée en qualité de représentante unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, par lettre du 29 juillet 2022, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03287, 22BX02172, 22BX02533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03287
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;21bx03287 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award