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06/02/2024 | FRANCE | N°22BX01331

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 22BX01331


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans.



Par un jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle

le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans.

Par un jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans et a enjoint l'Etat à prolonger cette concession minière dans un délai de six mois.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt n° 21BX00294 du 16 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête introduite par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre le jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane.

Par des courriers enregistrés les 28 juin et 22 décembre 2021, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé à la cour l'ouverture d'une procédure en exécution du jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane.

Par courrier du 22 avril 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a informé la société Compagnie Minière Montagne d'Or du classement administratif de sa demande d'exécution du jugement précité.

Par des courriers enregistrés les 28 avril et 17 mai 2022, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a contesté le classement administratif de la demande d'exécution du jugement précité.

Par une ordonnance n° 22BX01331 du 20 mai 2022, la première vice-présidente de la cour a décidé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2022, la société Compagnie Minière Montagne d'Or, représentée par Me Memlouk, demande à la cour :

1°) de prononcer une astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir afin d'assurer l'exécution du jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans et a enjoint l'Etat à prolonger cette concession minière dans un délai de six mois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du conseil constitutionnel 2021-971 QPC du 18 février 2022 ne remet pas en cause la solution adoptée par le tribunal administratif de la Guyane dans son jugement du 24 décembre 2020 et ne fait pas obstacle au prononcé d'une mesure d'injonction sur ce fondement ;

- le refus de prolongation de la concession minière n'a pas été annulé car l'Etat se trouvait en situation de compétence liée pour octroyer cette prolongation mais parce que l'Etat s'est livré à une mauvaise appréciation des atteintes susceptibles d'être causées à l'environnement par cette prolongation ; dès lors, les premiers juges avaient interprété l'article L. 144-4 du code minier dans un sens conforme à la Constitution ; la décision du conseil constitutionnel n'entraîne donc pas de changement de circonstances de droit de nature à remettre en cause la solution retenue par le tribunal administratif de la Guyane ;

- le présent litige a en tout état de cause été exclu du champ de la déclaration d'inconstitutionnalité du 18 février 2022 ;

- les conditions de prononcé d'une mesure d'injonction sont pleinement remplies ; le délai de six mois accordé à l'Etat est expiré ; il est ensuite acquis que le jugement ne sera pas exécuté par l'Etat qui a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour du 16 juillet 2021 ;

- elle est fondée à solliciter le prononcé d'une mesure d'astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter d'un délai de trente jours suivant notification de l'arrêt à intervenir, afin d'assurer l'exécution du jugement du tribunal administratif de la Guyane.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision n° 2021-971 QPC du Conseil constitutionnel du 18 février 2022 fait obstacle au prononcé d'une mesure d'exécution du jugement du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane ;

- la décision du Conseil constitutionnel est applicable à la présente instance ;

- les conditions nécessaires pour qu'il puisse être enjoint à l'Etat d'exécuter le jugement du tribunal administratif de la Guyane ne sont pas réunies.

Par ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code minier ;

- la décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022 du conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans et a enjoint à l'Etat de prolonger cette concession minière dans un délai de six mois. Par un arrêt n° 21BX00294 du 16 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête introduite par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement du tribunal administratif de la Guyane. Par des courriers enregistrés les 28 juin et 22 décembre 2021, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé à la cour l'ouverture d'une procédure en exécution du jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de La Guyane. Par courrier du 22 avril 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a informé la société Compagnie Minière Montagne d'Or du classement administratif de sa demande d'exécution du jugement précité. Par des courriers enregistrés les 28 avril et 17 mai 2022, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a contesté le classement administratif de la demande d'exécution du jugement précité. Par une ordonnance n° 22BX01331 du 20 mai 2022, la première vice-présidente de la cour a décidé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane. Par un arrêt n° 456736, 456738 du 19 octobre 2023, le Conseil d'Etat a censuré l'arrêt n° 21BX00294 rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 16 juillet 2021.

Sur la demande en exécution du jugement du tribunal administratif de la Guyane :

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat. ".

3. Aux termes de l'article L. 142-7 du code minier : " La durée d'une concession de mines peut faire l'objet de prolongations successives, chacune d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans ". Selon l'article L. 142-8 du même code : " La prolongation d'une concession est accordée par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 142-9 de ce code : " Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire de la concession reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation ". Enfin, l'article L. 144-4 de ce code, reprenant le IV de l'article 29 de l'ancien code minier, prévoit que : " Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018. La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ".

4. Par sa décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, relatives à la prolongation de plein droit des concessions en cause. Il a relevé, pour ce faire, en premier lieu, que celles-ci ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l'exploitation du gisement au 31 décembre 2018, en deuxième lieu, que la décision de prolongation d'une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers et, au regard de son objet et de ses effets, est ainsi susceptible de porter atteinte à l'environnement, en troisième lieu, qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l'administration prenne en compte les conséquences environnementales de la prolongation d'une concession minière avant de se prononcer sur la demande qui lui était adressée, enfin, qu'est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l'occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession. En vertu du point 20 de cette décision, la déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, soit le 19 février 2022, et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

5. Il résulte des termes du jugement du tribunal administratif de la Guyane que les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article L. 144-4 du code minier pour prononcer l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'économie et des finances a implicitement refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans, et pour enjoindre à l'Etat de prolonger cette concession minière dans un délai de six mois. Or, compte tenu de la portée de la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que ce changement dans les circonstances de droit fait obstacle à l'exécution de l'injonction prononcée le 24 décembre 2020.

6. La société Compagnie minière Montagne d'Or soutient que la déclaration d'inconstitutionnalité de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier serait sans incidence sur l'injonction prononcée, dès lors que le tribunal administratif de la Guyane aurait procédé à une interprétation des dispositions de l'article L. 144-4 du code minier de nature à assurer leur conformité avec les dispositions des articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement. Elle se prévaut ainsi de ce que les décisions de refus de prolongation de concession auraient été précédées d'une instruction traduisant la prise en compte par l'Etat des impératifs environnementaux. Toutefois, l'interprétation faite par le tribunal administratif de la Guyane des dispositions de l'article L. 144-4 du code minier ne saurait pallier la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions définissant le cadre légal applicable au renouvellement des concessions minières en cause.

7. La société Compagnie minière Montagne d'Or soutient que la décision d'inconstitutionnalité du 18 février 2022 ne s'applique pas en l'espèce, dès lors que ne sont concernées que les instances non définitivement jugées à la date de publication de cette décision. Il résulte toutefois des termes du point 12 de ladite décision que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la décision et qu'elle peut être invoquée dans toutes les instances non jugées définitivement à cette date. Doivent être entendues comme de telles instances, pour l'application des décisions du Conseil constitutionnel qui déterminent les modalités d'application dans le temps des déclarations d'inconstitutionnalité qu'il prononce, celles qui n'ont pas donné lieu à des décisions devenues irrévocables. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société Compagnie minière Montagne d'Or, la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par la décision du Conseil constitutionnel du 18 février 2022 s'applique bien à la présente instance.

8. Il résulte de tout ce qui précède que ce changement dans les circonstances de droit fait obstacle à l'exécution de l'injonction prononcée par le tribunal administratif de la Guyane du 24 décembre 2020. Par suite, les conclusions présentées par la société Compagnie minière Montagne d'Or tendant à ce que la cour prononce une astreinte afin d'assurer l'exécution de ce jugement doivent être rejetées. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Compagnie minière Montagne d'Or est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie minière Montagne d'Or et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01331
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SCP BOIVIN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22bx01331 ?
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