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20/04/2021 | FRANCE | N°19BX02614

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 avril 2021, 19BX02614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Alpanga a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 113 201,42 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par le maire de Saint-Palais-sur-Mer.

Par un jugement n° 1701020 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire

complémentaire, enregistrés le 13 juin 2019 et le 3 septembre 2019, la société civile Alpanga,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Alpanga a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 113 201,42 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par le maire de Saint-Palais-sur-Mer.

Par un jugement n° 1701020 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 juin 2019 et le 3 septembre 2019, la société civile Alpanga, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 113 201,42 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par le maire de Saint-Palais-sur-Mer ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé faute d'avoir répondu au moyen tiré de ce qu'elle bénéficiait d'une autorisation de construire pour la période courant de novembre 2009 à avril 2010 ;

- il existe un lien direct entre les arrêtés interruptifs de travaux illégaux et les préjudices qu'elle a subis dès lors que l'intervention des arrêtés interruptifs de travaux du 28 décembre 2009 et du 19 avril 2010 ne pouvait être justifiée par l'absence de permis de démolir et que la maisonnette aurait été achevée plus tôt sans l'intervention de ces arrêtés ; en effet, avant le 29 mars 2012, date à laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le permis de construire tacite qu'elle détenait, aucun obstacle juridique ne pouvait s'opposer à la réalisation des travaux prévus, qui auraient dû s'achever au mois de juin 2010 ;

- les travaux réalisés entre septembre 2013 et janvier 2015 ont été exécutés sur le fondement de la décision de non-opposition à travaux ;

- elle a subi des préjudices qu'elle estime à 57 501,42 euros au titre du surcoût des travaux, à 34 700 euros au titre de la privation de jouissance et à 21 000 euros au titre de l'atteinte morale à sa réputation.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la société Alpanga ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile Alpanga relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité des arrêtés interruptifs de travaux édictés les 28 décembre 2009, 19 avril 2010 et 18 septembre 2013 par le maire de Saint-Palais-sur-Mer au nom de l'Etat.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre de manière exhaustive à tous les arguments avancés par la société Alpanga, se sont prononcés sur l'existence d'un lien entre les préjudices qu'elle invoquait et l'irrégularité des trois arrêtés interruptifs de travaux pris à son encontre. Contrairement à ce que soutient la société Alpanga, il résulte du point 11 du jugement attaqué qu'ils ont tenu compte de l'existence du permis de construire tacite dont elle avait bénéficié, en mentionnant notamment que ce permis avait été annulé à la date à laquelle la société a obtenu un permis de démolir à titre de régularisation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. La société Alpanga a acquis le 6 février 2009 un terrain situé 11 rue Triet dans la commune de Saint-Palais-sur-Mer. Elle a déposé une demande de permis de construire le 17 décembre 2008 pour l'extension et de la surélévation de la maison existante, qui a été tacitement accordé le 17 février 2009.

4. Le 28 décembre 2009, le maire de Saint-Palais-sur-Mer, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption des travaux engagés par la société Alpanga. Par un jugement n° 0903017 du 20 mai 2010, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 28 décembre 2009 au motif que la procédure contradictoire n'avait pas été respectée. La cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement par un arrêt n° 10BX01845 du 7 juin 2011.

5. Par un arrêté du 19 avril 2010, le maire de Saint-Palais-sur-Mer a de nouveau ordonné l'interruption des travaux. Cet arrêté a été annulé par un jugement devenu définitif n° 1000998 du 18 octobre 2012 du tribunal administratif de Poitiers pour méconnaissance de la procédure contradictoire et pour erreur de droit dès lors que, contrairement à ce que mentionnait l'arrêté du 19 avril 2010, la société Alpanga détenait un permis de construire tacite depuis le 17 février 2009.

6. Parallèlement, le permis de construire tacite du 17 février 2009, contesté par des voisins de la société Alpanga, a été annulé par un arrêt n° 10BX03188 du 29 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux au motif que les travaux prévus d'extension et de surélévation de la maison existante nécessitaient un permis de démolir. Le Conseil d'Etat a confirmé cet arrêt par une décision n° 359847 du 14 mai 2014.

7. La société Alpanga a obtenu un permis de démolir de régularisation par un arrêté du 13 juin 2012. Le maire de Saint-Palais-sur-Mer a toutefois, par deux arrêtés du 4 juillet 2012, refusé de délivrer à la société un permis de reconstruire la maison à l'identique et refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'extension et de la surélévation de la maison existante. Si le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté de refus de permis de reconstruire la maison à l'identique par un jugement n° 1201899 du 27 novembre 2014, il a rejeté les conclusions de la société Alpanga tendant à l'annulation de l'arrêté de refus de permis de construire en vue de l'extension de la maison située sur le terrain par un jugement n° 1201903 du 27 novembre 2014. L'appel formé contre ce deuxième jugement a été rejeté par un arrêt n° 15BX00396 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Le maire de Saint-Palais-sur-Mer a de nouveau refusé de délivrer un permis de construire à la société par un arrêté du 21 novembre 2012. Par un jugement n° 1202936 du 27 novembre 2014, confirmé par la cour le 1er décembre 2015 par un arrêt n° 15BX00351, le tribunal a rejeté le recours de la société Alpanga dirigé contre cet arrêté.

8. Par ailleurs, la société Alpanga a déposé le 12 février 2013 une déclaration préalable afin de " conduire à son terme son projet architectural ". Le maire de Saint-Palais-sur-Mer s'est opposé à ces travaux par un arrêté du 8 avril 2013, au motif que la construction envisagée relevait d'un permis de construire, et par un arrêté du 18 septembre 2013, il a ordonné l'interruption des travaux entrepris. Néanmoins, les arrêtés du 8 avril 2013 et du 18 septembre 2013 ont été annulés par un jugement n° 1301782, 1302081 du tribunal administratif de Poitiers du 27 novembre 2014, confirmé par un arrêt n° 14BX03676, 15BX00356 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er décembre 2015, dès lors que l'arrêté d'opposition à la déclaration préalable de la société Alpanga n'avait pas été notifié à cette dernière dans le délai de deux mois et que la décision de non-opposition née tacitement ne pouvait plus être retirée.

9. Ainsi qu'il a été dit, les arrêtés interruptifs de travaux des 28 décembre 2009, 19 avril 2010 et 18 septembre 2013 étaient entachés d'illégalités fautives susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat.

10. En premier lieu, en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.

11. En l'espèce, le permis de construire tacite du 17 février 2009 obtenu par la société Alpanga portait sur l'extension et la surélévation de la construction existant sur le terrain acquis par la société, soit une maison d'une surface de 38 mètres carrés. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux engagés par la société excédaient ce permis de construire tacite et consistaient en réalité en l'édification, après démolition de la construction initiale, d'une nouvelle construction, d'une surface totale de 70 mètres carrés, sur cette parcelle. Dans ces conditions, en l'absence de toute autorisation obtenue pour ces travaux, le maire de Saint-Palais-sur-Mer aurait pu, à tout moment, ordonner leur interruption en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, au motif que ces travaux n'étaient pas conformes au permis de construire tacite du 17 février 2009, et ce avant même que ce permis de construire ait été annulé par l'arrêt du 29 mars 2012 cité ci-dessus. Les préjudices liés au surcoût des travaux, à la privation de la jouissance de son bien, ainsi que le préjudice moral résultant de l'engagement de procédures judiciaires durant sept ans, invoqués par la société Alpanga, sont donc sans lien direct et certain avec les illégalités des arrêtés du 28 décembre 2009, du 19 avril 2010 et du 18 septembre 2013. Ils résultent en effet exclusivement de la situation d'illégalité dans laquelle l'appelante s'est placée en édifiant une nouvelle construction sans autorisation.

12. En second lieu, si la société Alpanga invoque un préjudice d'image, lié à l'affichage des arrêtés interruptifs de travaux sur son terrain ou en mairie, elle n'apporte aucun élément qui permettrait d'établir que cet affichage a effectivement porté atteinte à sa réputation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alplanga n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société civile Alpanga est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile Alpanga et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme B... A..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX02614 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02614
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.

68 Urbanisme et aménagement du territoire.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP DAVID GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-20;19bx02614 ?
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