La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2020 | FRANCE | N°19BX01761

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 19BX01761


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2019 et un mémoire du 16 novembre 2020, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, M. D... R..., Mme O... T..., M. S... B..., Mme E... M... et M. N... M..., Mme G... A... et M. L... F..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle le préfet de la Vienne a rejeté implicitement leur recours gracieux formé contre son arrêté du 26 octobre 2018 ayant accordé à la société

Parc éolien de Thollet et Coulonges un permis de construire un ensemble de 19 é...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2019 et un mémoire du 16 novembre 2020, l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, M. D... R..., Mme O... T..., M. S... B..., Mme E... M... et M. N... M..., Mme G... A... et M. L... F..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle le préfet de la Vienne a rejeté implicitement leur recours gracieux formé contre son arrêté du 26 octobre 2018 ayant accordé à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges un permis de construire un ensemble de 19 éoliennes sur le territoire des communes de Coulonges et Thollet ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société bénéficiaire la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur appel, que :

- le permis de construire porte atteinte à l'objet social de l'association tel qu'il est défini dans ses statuts ; par ailleurs, les conditions de vie des requérants personnes physiques, qui demeurent à proximité du futur parc, vont être affectées par la construction du parc éolien composé de 19 aérogénérateurs qui sera à l'origine, notamment, de nuisances sonores et visuelles.

Ils soutiennent, au fond, que :

- le projet a fait l'objet d'un accord émis par le ministre de l'aviation civile le 13 mars 2015 en application de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme ; toutefois cet accord a été signé par une autorité dont il n'est pas établi qu'elle disposait d'une délégation de signature ; cet accord est donc entaché d'incompétence et le permis en litige est irrégulier ;

- le dossier de permis ne comportait pas l'autorisation d'occupation du domaine public routier départemental accordée par le conseil départemental ; l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme a donc été méconnu ;

- le conseil départemental n'a pas non plus été consulté sur la création d'accès au domaine routier départemental que prévoit le projet ; l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme a donc été méconnu ;

- les avis rendus par les maires de Coulonges et de Thollet sont irréguliers car ils ont été signés par des adjoints aux maires dont il n'est pas établi qu'ils disposaient d'une délégation régulière publiée ;

- le projet de permis de construire a été instruit et délivré sans que le public ait été consulté contrairement aux exigences de l'article 7 de la charte de l'environnement et de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ; cette consultation s'imposait car les permis de construire sont des décisions individuelles ayant une incidence sur l'environnement ; l'enquête publique qui a été organisée a porté sur l'autorisation d'exploiter et non sur le permis de construire ; de plus la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 impose une telle consultation du public et la mise à la disposition de celui-ci du dossier ;

- le permis de construire méconnait les dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme relatives à la préservation de l'environnement et de la biodiversité compte tenu des atteintes que le projet portera aux chiroptères se trouvant dans plusieurs zones Natura 2000 proches ; il s'agit d'espèces sensibles soumises à un risque de collision avec les éoliennes ; le projet portera atteinte à l'avifaune car il se situe notamment dans le couloir de migration de la Grue cendrée.

- le permis de construire méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en raison des atteintes que le projet portera aux intérêts paysagers et patrimoniaux ; sa zone d'implantation est un secteur de bocage, naturel et vallonné présentant une qualité particulière et comportant des monuments historiques protégés avec lesquels le parc éolien sera en situation de co-visibilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la requête, que :

- ni l'association, ni les requérants personnes physiques ne justifient d'un intérêt à contester le permis de construire en litige.

Il soutient, au fond, que :

- tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ni l'association ni les requérants personnes physiques ne justifient d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ;

- tous les moyens de fond doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2020 à 12h00.

La Fédération anti-éolienne de la Vienne a présenté un mémoire en intervention le 18 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement et notamment son article 7 ;

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me Monamy, représentant l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, et de Me Surteauville substituant Me Elfassy, représentant la société Parc éolien de Thollet et Coulonges.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 décembre 2014, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges a déposé en préfecture de la Vienne une demande de permis de construire un parc éolien composé de 19 aérogénérateurs sur les territoires des communes de Thollet et Coulonges. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet que le préfet a cependant retirée par un arrêté du 26 octobre 2018 octroyant à la société pétitionnaire le permis sollicité. L'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres ont adressé au préfet un recours gracieux, réceptionné le 26 décembre 2018, tendant au retrait du permis de construire et qui a fait l'objet d'un refus implicite le 26 février 2019. L'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet et autres demandent à la cour d'annuler le permis de construire du 26 octobre 2018 et le rejet implicite de leur recours gracieux sur le fondement des dispositions du 17° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative.

Sur l'intervention de la Fédération anti-éolienne de la Vienne :

2. La Fédération anti-éolienne de la Vienne a présenté un mémoire en intervention au soutien de la requête, le 18 novembre 2020. Cette intervention étant postérieure à la clôture de l'instruction, intervenue le 16 novembre 2020, elle ne peut être admise.

Sur la légalité du permis de construire délivré le 26 octobre 2018 :

En ce qui concerne les consultations :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministre de l'aviation civile émis le 13 mars 2015 sur le projet en litige a été signé par M. U..., ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat, chef du pôle de Bordeaux par intérim. En application du III de l'article 13 de l'arrêté du directeur général de l'aviation civile du 11 mars 2014, publié au Journal officiel du 15 mars, le signataire de l'accord du 13 mars 2015 avait reçu délégation à l'effet de signer " au nom du ministre chargé des transports (...) tous actes, arrêtés, décisions, marchés publics relevant de l'article 28 du code des marchés publics d'un montant inférieur au égal à 50 000 euros (HT) et tous bons de commande d'un montant inférieur ou égal à 50 000 euros (HT) pris en exécution des marchés à bons de commande, à l'exclusion des décrets ". Eu égard à son champ d'application matériel, cette délégation permettait à M. U... de signer, au nom du ministre, l'accord sur le projet de permis de construire en litige, lequel a ainsi été délivré selon une procédure régulière.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " Sont (...) dispensés de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature, les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu'ils sont souterrains. ".

6. Il résulte de ces dispositions que les câbles souterrains destinés à raccorder les éoliennes entre elles ou au poste de livraison qui permet d'acheminer l'électricité produite vers le réseau public de distribution ne sont pas une construction au sens des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que des travaux sur le domaine public départemental seraient nécessaires pour enfouir les câbles destinés à assurer le raccordement des éoliennes projetées au réseau public de distribution n'imposait pas de faire figurer au dossier de demande du permis de construire une pièce exprimant l'accord du gestionnaire de la voirie pour engager une procédure d'autorisation d'occupation du domaine public.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées, la direction des routes du département de la Vienne a émis, le 9 février 2015, un avis sur la création d'accès depuis les routes départementales n° 121 et 123 pour desservir certaines éoliennes du futur parc. Toutefois, cet avis ne se prononce pas sur l'accès devant être créé depuis la route départementale n°10 et il ne ressort pas des pièces du dossier que le service consulté ait été saisi de cette question. Pour autant, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que cette omission aurait privé les tiers d'une garantie ou aurait été, s'agissant notamment d'un avis qui ne s'impose pas à l'autorité décisionnaire, susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision contestée. Dans ces circonstances, le permis en litige n'est pas entaché d'irrégularité au regard des dispositions précitées de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : " (...) l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : (...) b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie (...) Lorsque la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l'avis du maire (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 423-72 du même code, situé dans une section de ce code intitulée " Dispositions particulières aux demandes et aux déclarations lorsque la décision est de la compétence de l'Etat ", dispose que : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis (...) ".

10. En application des dispositions précitées, M. I..., adjoint au maire de Thollet, et M. Q..., adjoint au maire de Coulonges, ont émis un avis favorable au projet de permis de construire le 17 décembre 2014. A cette fin, les auteurs de ces avis ont bénéficié d'une délégation de signature consentie par un arrêté du maire de Coulonges du 31 mars 2014 et un arrêté du maire de Thollet du 3 avril 2014. A supposer que ces avis ont été irrégulièrement émis en l'absence de publication des arrêtés de délégation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les tiers d'une garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité des avis rendus doit être écarté.

En ce qui concerne la participation du public :

11. D'une part, aux termes de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement : " I -(...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent (...) être soumises à participation du public. (...) I. - Le projet d'une décision mentionnée au I ou, lorsque la décision est prise sur demande, le dossier de demande est mis à disposition du public (...) Les observations et propositions du public (...) doivent parvenir à l'autorité publique concernée (...). Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 du même code, alors applicable : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas (...) en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". En application de l'annexe à cet article R. 122-2, les projets d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation doivent faire l'objet d'une étude d'impact. Tel est le cas des projets d'aérogénérateurs dotés d'un mât d'une hauteur supérieure à 50 mètres en vertu de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement. Quant à l'article L 123-1 du code de l'environnement, il dispose que : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement (...). Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. ".

12. Ces différentes dispositions constituent, au sens de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement, des dispositions particulières prévoyant les situations dans lesquelles les décisions qu'elles énumèrent doivent être soumises à la participation du public.

13. Le 1° du I de l'article L. 123-2 du code de l'environnement prévoit que les dossiers de demandes de permis de construire, portant sur des projets donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, font l'objet d'une enquête publique. Toutefois, il résulte du point 11 que la réalisation d'une étude d'impact est systématiquement exigée pour les " installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs, dont un au moins doté d'un mât d'une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres ", mentionnées dans la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ne s'appliquent pas aux décisions d'occupation du sol régies par le code de l'urbanisme que constituent les permis de construire relatifs à de telles installations.

14. En l'espèce, les éoliennes projetées, d'une hauteur supérieure à 50 mètres, sont aussi soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées. Cette autorisation est précédée notamment d'une enquête publique permettant à la population de présenter ses observations sur le projet. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prévues par l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ne peut être utilement soulevé à l'encontre du permis de construire en litige.

15. D'autre part, aux termes de l'article 2 de la directive n° 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement (...) soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette directive : " 1. (...) les projets énumérés à l'annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. / 2. (...) pour les projets énumérés à l'annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. (...) ". Les " installations destinées à l'exploitation de l'énergie éolienne pour la production d'énergie (parcs éoliens) " sont visées au i) du point 3 de l'annexe II. Enfin, aux termes de l'article 6 de cette directive : " (...) 2. À un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement (...) les informations suivantes sont communiquées au public (...): / a) la demande d'autorisation ; / b) le fait que le projet fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement (...) ; / c) les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, (...); / d) la nature des décisions possibles ou, lorsqu'il existe, le projet de décision ; / e) une indication concernant la disponibilité des informations recueillies en vertu de l'article 5 ; / f) une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront ; / g) les modalités précises de la participation du public prévues au titre du paragraphe 5 du présent article. (...) / 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement (...) ; / 5. Les modalités précises de l'information du public (...) et de la consultation du public concerné (...) sont déterminées par les États membres. (...) ".

16. Il résulte de ces dispositions que l'information et la consultation du public ne sont requises que pour les projets soumis à une évaluation environnementale et que, pour les projets visés dans l'annexe II de la directive, une marge d'appréciation est laissée aux Etats membres pour déterminer s'ils doivent ou non être soumis à cette évaluation. Par ailleurs, ces dispositions n'exigent pas, dans le cas où la mise en oeuvre du projet est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, que chacune de ces autorisations soit précédée d'une procédure propre d'information et de participation du public.

17. Ainsi qu'il a été dit, les éoliennes projetées ont été soumises à une procédure d'instruction définie par la législation sur les installations classées, laquelle prévoit l'organisation d'une enquête publique au cours de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le droit national n'est pas compatible avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 en ce qu'il ne soumet pas les demandes de permis de construire des éoliennes à la consultation préalable du public. Pour les mêmes motifs, le moyen des requérants tiré de ce que le préfet a méconnu les exigences de cette directive en n'organisant pas, préalablement à la délivrance du permis en litige, la mise à la disposition du public de la demande de permis, doit être écarté.

En ce qui concerne l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme :

18. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. (...) "

19. Il résulte des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

20. Il ne résulte pas de l'instruction que le positionnement des éoliennes à 90 mètres des lisières boisées serait insuffisant pour assurer la protection des chiroptères, laquelle a fait l'objet d'une série de mesures édictées par le préfet dans son arrêté du 29 octobre 2019 fixant les prescriptions applicables à l'autorisation d'exploiter délivrée par le tribunal dans son jugement du 25 avril 2018. A cet égard, l'article 5 de l'arrêté du 29 octobre 2019 impose un arrêt des éoliennes lorsque les températures sont supérieures à 8°C et les vitesses de vent inférieures à 6 m/s, cet arrêt étant prévu du 1er avril au 31 juillet 30 minutes avant le coucher du soleil jusqu'à 5 heures après le coucher du soleil puis du 1er août au 31 octobre, 30 minutes avant la coucher du soleil jusqu'à 30 minutes après le lever du soleil. L'exploitant se voit imposer l'obligation d'établir un rapport sur l'arrêt effectif des éoliennes à tenir à la disposition de l'inspection des installations classées. Des mesures de suivi sont prévues par l'article 7 de l'arrêté du 29 octobre 2019 afin d'examiner l'efficacité du dispositif de bridage et de revoir celui-ci le cas échéant. Enfin, la suppression des quatre éoliennes E9 à 12 décidée par le pétitionnaire sera de nature à diminuer les risques de mortalité que le parc éolien fait peser sur les chiroptères.

21. Par ailleurs, si le parc éolien est traversé par un couloir aérien emprunté par les oiseaux migrateurs, en particulier la Grue cendrée, il résulte de l'instruction que cette espèce a pour habitude de voler à haute altitude même s'il peut lui arriver de se déplacer à hauteur d'éoliennes en cas d'épisodes météorologiques difficiles ou à l'occasion de haltes migratoires. Le risque de collision pour l'avifaune migratrice a néanmoins été pris en considération par le pétitionnaire qui a aménagé une trouée de 1,25 km au sein du parc éolien tandis que la suppression de l'éolienne n° 13 décidée au cours de l'instruction de la demande permet de créer une nouvelle trouée de 1,1 km. Au demeurant, la suppression des éoliennes E9 à E12 dont la société fait état dans ses écritures, et qui s'ajoute à la suppression de l'éolienne E 13, permettra de créer une trouée supplémentaire de 3,05 km. Tous ces éléments sont de nature à diminuer les risques de mortalité que les éoliennes projetées font peser sur l'avifaune migratrice et sédentaire. Enfin, le III de l'article 5 de l'arrêté du 29 octobre 2019 impose, si nécessaire, de mettre à l'arrêt le parc éolien lors des passages migratoires à risque des oiseaux, notamment les Grues cendrées. Un ornithologue doit être missionné chaque année lors des passages migratoires pour évaluer la pertinence de l'arrêt des machines et revoir, si nécessaire, ses modalités. Contribuent en outre à satisfaire cet objectif les mesures de suivis naturalistes définies à l'article 7 de l'arrêté du 29 octobre 2019.

22. Il ne résulte pas de l'instruction que les mesures contenues dans l'arrêté fixant les prescriptions applicables à l'autorisation d'exploiter seraient insuffisantes au point que le préfet aurait dû assortir le permis de construire en litige de prescriptions complémentaires, notamment en imposant un déplacement des éoliennes pour tenir compte de la recommandation Eurobats, dépourvue de valeur réglementaire, selon laquelle les appareils devraient être implantés à 200 mètres au moins des lisières boisées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme par le permis en litige, qui constitue une autorisation environnementale au sens de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, doit être écarté.

En ce qui concerne l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Il résulte de ces dispositions que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'autorité compétente d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

24. Le projet porté par la société pétitionnaire concerne un ensemble de 19 éoliennes d'une hauteur de 180 m en bout de pale implantées sur un axe nord-ouest/sud-est sur une distance de 8 km au total. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet appartient à l'unité paysagère dite des Terres Froides, paysage bocager auquel le vallonnement existant donne un certain relief. Les paysages environnant le projet évoluent entre des zones de plateaux cultivés où le bocage est dégradé et des enclaves de bocages denses et bien conservés, les espaces plus proches de ce projet présentant pour leur part un aspect ouvert aux prairies. Les boisements eux-mêmes y sont rares et dispersés, leur interconnexion étant assurée par un important réseau de haies arborées et arbustives. De plus, les bocages existants confèrent, par endroits, au paysage un caractère compartimenté, cloisonné qui est de nature à limiter autant que possible les impacts visuels inhérents au projet. Enfin, la présence d'éléments anthropiques tels que silos, bâtiments agricoles, lignes électriques, pylônes et autres châteaux d'eau est de nature à atténuer l'intérêt qui pourrait s'attacher à ces lieux. Dans ces circonstances, le paysage de type naturel et agricole qui entoure le projet ne peut être regardé comme présentant un caractère ou un intérêt particulier à l'identité, à l'attractivité et à la structuration desquelles le parc éolien projeté porterait atteinte alors même que les services consultés au cours de l'instruction de la demande ont émis un avis défavorable au projet.

25. Il résulte de l'instruction que trois éoliennes seront visibles depuis l'église de Tilly, monument historique situé à environ 1 km de l'appareil le plus proche. Toutefois, les photomontages produits au dossier ne montrent pas que le projet porterait une atteinte visuelle significative à cette église dont seul le décor intérieur bénéficie d'une protection au titre de la législation sur les monuments historiques. Il ne résulte pas non plus de l'instruction et notamment des photomontages produits, que le projet nuirait de manière significative, sur le plan visuel, à l'église Notre-Dame de Thollet, située à 2 km environ de l'éolienne la plus proche. Quant au château du Pin, édifice inscrit aux monuments historiques, il résulte de l'instruction qu'il présente un " enjeu fort " vis-à-vis du parc éolien en raison du fait que plusieurs appareils seront visibles depuis cet édifice situé à 1 km environ de l'éolienne la plus proche. Toutefois, il résulte de l'instruction que la suppression des éoliennes E9 à 12 décidée par la société pétitionnaire et au titre de laquelle l'autorisation d'exploiter, qui forme avec le permis de construire, l'autorisation environnementale du projet, a été modifiée par l'arrêt n° 18BX02496, 20BX00762 rendu ce jour par la cour, sera de nature à atténuer sensiblement l'impact visuel du projet sur le château du Pin et ses diverses dépendances. Aucun autre élément du dossier, et notamment pas les photomontages produits par l'association selon une méthodologie qui n'est pas connue, ne permet d'estimer que les éoliennes projetées porteraient une atteinte particulière aux autres monuments historiques et sites protégés existants. Enfin, s'il est vrai que les futures éoliennes auront sur les hameaux environnants un impact visuel plus sensible, même si par endroits celui-ci pourra être atténué par des haies et bosquets pouvant faire office d'écrans visuels, il ne résulte pas de l'instruction que, par son importance, cet impact aurait justifié un refus sur le fondement des dispositions précitées. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la méthodologie qui a présidé à l'élaboration des photomontages contenus dans le volet paysager de la demande aurait conduit à minimiser les incidences du projet sur les paysages environnants, empêchant par là-même l'autorité compétente d'apprécier en connaissance de cause les conséquences visuelles du projet.

26. Dans ces circonstances, le permis de construire en litige, qui constitue une autorisation environnementale en application de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

27. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire délivré le 26 octobre 2018 et de la décision rejetant implicitement leur recours gracieux.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Les conclusions des requérants présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des requérants, pris ensemble, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société défenderesse et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la Fédération anti-éolienne de la Vienne n'est pas admise.

Article 2 : La requête n° 19BX01761 est rejetée.

Article 3 : Les requérants, pris ensemble, verseront à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, désignée en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, à la Fédération anti-éolienne de la Vienne et au ministre de la transition écologique. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX01761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01761
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;19bx01761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award