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21/12/2023 | FRANCE | N°21LY02816

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21LY02816


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la communauté d'agglomération Hermitage-Tournonais-Herbasse-Pays de Saint-Félicien dénommée Arche Agglo à lui verser la somme de 57 173,90 euros, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, ainsi que d'assurer le versement des cotisations sociales, en réparation du préjudice financier, du préjudice de carrière, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral que l'illégali

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la communauté d'agglomération Hermitage-Tournonais-Herbasse-Pays de Saint-Félicien dénommée Arche Agglo à lui verser la somme de 57 173,90 euros, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, ainsi que d'assurer le versement des cotisations sociales, en réparation du préjudice financier, du préjudice de carrière, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral que l'illégalité de l'arrêté du président de la communauté d'agglomération du 1er mars 2017 la plaçant en surnombre pour une durée d'un an lui a fait subir.

Par jugement n° 1907332 du 16 juin 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2021 et le 31 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Bracq, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Arche Agglo à lui verser la somme de 57 173,90 euros, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, ainsi que d'assurer le remboursement des cotisations sociales ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Arche Agglo la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté d'agglomération Arche Agglo a commis une faute susceptible de lui ouvrir droit à réparation du préjudice subi, dès lors que, faute d'avoir installé au préalable le comité technique, elle ne pouvait, à la date du 1er mars 2017, régulièrement supprimer l'emploi de directeur territorial ;

- l'avis du comité technique, s'il avait été sollicité conformément aux dispositions légales, aurait pu faire changer d'avis les élus de la collectivité si bien qu'il ne peut être estimé que la collectivité aurait pris la même décision si cette consultation avait été régulièrement opérée ;

- subsidiairement, dès lors que le comité technique de la communauté d'agglomération n'a été installé et consulté pour la première fois que le 15 septembre 2017, préalablement au conseil d'agglomération du 19 septembre 2017, la délibération supprimant l'emploi de directeur territorial n'aurait pu être prise avant cette date, si bien qu'elle a droit à la réparation du préjudice subi du 1er mars 2017 au 19 septembre 2017 ;

- si, par arrêté du 5 février 2021, la communauté d'agglomération Arche Agglo a retiré l'arrêté n° 2019-646 du 20 septembre 2019 la réintégrant dans les effectifs du 1er mars 2017 au 28 février 2018, et a prononcé sa réintégration juridique du 1er mars 2017 au 30 juin 2018, en revanche, elle n'a procédé à aucune réparation pécuniaire ;

- l'illégalité de l'arrêté la plaçant en surnombre lui a causé un préjudice consistant dans une perte de revenus, dès lors qu'Arche Agglo avait l'obligation de la reclasser dans un emploi, qui était disponible, de directeur ; son préjudice correspond au traitement qu'elle aurait normalement dû percevoir soit 38 794,30 euros au titre de la période du 1er mars 2017 au 30 juin 2018 ou 17 780,75 euros au titre de la période du 19 septembre 2017 au 30 juin 2018 ;

- elle a également perdu le bénéfice d'un changement d'échelon au 1er mars 2017, si bien que son préjudice à ce titre s'élève, à titre principal, à 2 250 euros ou, à titre subsidiaire, à 1 050 euros ;

- elle a également engagé des frais de garde d'enfants du fait de sa mission, à hauteur de 1 129,60 euros de mars à juin 2018 ;

- elle a subi un préjudice moral, résultant du caractère humiliant de la privation d'emploi et de l'obligation d'accepter un poste éloigné de son domicile, justifiant le versement de 15 000 euros ;

- elle sollicite le versement d'intérêts moratoires à compter du 6 juin 2019.

Par mémoire enregistré le 4 avril 2022, la communauté d'agglomération Arche Agglo, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les préjudices dont se prévaut la requérante ne trouvent pas leur origine directe dans la décision, entachée d'un seul vice de procédure, supprimant l'emploi de directeur territorial ni dans celle la plaçant en surnombre ;

- dans les circonstances de l'espèce, l'avis du comité technique ne pouvait matériellement pas être sollicité ;

- la suppression de l'emploi de directeur territorial est justifiée par la nécessité de réorganiser les services à la suite de la fusion des anciennes communautés de communes Hermitage-Tournonais et Pays de Saint-Félicien et de la création de la nouvelle collectivité, laquelle n'avait plus besoin d'un tel emploi ;

- cette suppression aurait été décidée même si l'avis du comité technique, qui n'est pas un avis conforme, avait été émis ;

- dès lors que cette décision aurait pu légalement intervenir, son irrégularité n'est pas de nature à ouvrir droit à réparation ;

- la perte de revenus alléguée ne trouve pas son origine dans le placement en surnombre de la requérante mais dans la fin de son détachement sur emploi fonctionnel, lequel n'est entaché d'aucune illégalité ;

- en l'absence de service fait, la requérante ne peut prétendre au versement des traitements correspondant à sa réintégration ;

- le centre de gestion de la fonction publique territoriale ayant pris en charge la requérante à compter du 1er mars 2018, elle ne peut prétendre à obtenir réparation sur la période courant du 1er mars 2018 jusqu'au 30 juin 2018 ;

- la réalité d'un préjudice lié au déroulement de carrière n'est pas démontré ;

- l'engagement de frais de garde de ses enfants ne résulte pas de l'illégalité de la décision la plaçant en surnombre ;

- dès lors que la décision est simplement entachée d'un vice de procédure, elle n'est pas susceptible d'entraîner un préjudice moral ; la requérante n'apporte aucune preuve d'un comportement fautif de sa part, et, notamment, de ce qu'elle aurait tenté de faire obstacle à son recrutement par une autre collectivité ; l'existence d'un préjudice moral n'est pas démontrée ; le montant sollicité est exagéré.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Temps pour Mme B..., et celles de Me Villard pour la communauté d'agglomération Arche Agglo.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alors attachée principale, a été recrutée par voie de mutation à compter du 1er mars 2015 par la communauté de communes Hermitage-Tournonais et détachée à cette même date dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services de cet établissement public. Par arrêté du 17 juin 2015, le président de l'établissement a promu Mme B... au grade de directeur territorial à compter du 26 mars 2015 et l'a, de nouveau, détachée sur le même emploi fonctionnel. Par arrêté du 23 décembre 2016, le président a mis fin à ce détachement à compter du 1er mars 2017. La communauté d'agglomération Arche Agglo ayant été constituée, au 1er janvier 2017, par fusion des communautés de communes Hermitage-Tournonais, du Pays de l'Herbasse et du Pays de Saint-Félicien, le conseil d'agglomération du nouvel établissement a, par délibération n° 2017-41 du 1er mars 2017, approuvé le tableau des effectifs supprimant l'emploi de directeur territorial. Par arrêté n° 2017-409 du 1er mars 2017, le président de la communauté d'agglomération Arche Agglo a placé Mme B... en surnombre dans le grade de directeur territorial pour une durée d'un an à compter du 1er mars 2017. Par un arrêt n° 19LY00420 et 19LY00422 du 28 janvier 2021, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la communauté d'agglomération Arche Agglo tendant à l'annulation du jugement n° 1703441 du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2018 qui avait annulé la délibération du conseil de la communauté d'agglomération du 1er mars 2017 et l'arrêté du président de la communauté d'agglomération du 1er mars 2017. Mme B... relève appel du jugement du 16 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de la communauté d'agglomération Arche Agglo à lui verser la somme de 57 173,90 euros et à lui rembourser les cotisations sociales, en réparation des préjudices que l'illégalité de l'arrêté du président de la communauté d'agglomération du 1er mars 2017 la plaçant en surnombre pour une durée d'un an lui aurait fait subir.

2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que (...) l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à (...) l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. Ces dispositions s'appliquent aux emplois : (...) - de directeur général, de directeur général adjoint des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants " Aux termes de l'article 97 de la loi : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. I-Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique sur la base d'un rapport présenté par (...) l'établissement public (...) Si (...) l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an ".

3. L'arrêté du 1er mars 2017 plaçant Mme B... en surnombre dans le grade de directeur territorial pour une durée d'un an à compter du 1er mars 2017 ayant été pris sur le fondement de la délibération du 1er mars 2017 supprimant l'emploi de directeur territorial, l'illégalité dont est entaché cet arrêté s'analyse comme un défaut de base légale. En l'absence de suppression de cet emploi, le président de la communauté d'agglomération Arche Agglo ne pouvait placer la requérante en surnombre. Par suite, l'illégalité de l'arrêté du 1er mars 2017 engage la responsabilité de la communauté d'agglomération Arche Agglo et est susceptible d'ouvrir à Mme B..., un droit à indemnité.

4. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

5. Mme B... fait état du préjudice financier résultant de la différence nette constatée entre le traitement qu'elle a perçu au mois de février 2017, alors qu'elle exerçait les fonctions de directrice générale des services de la communauté d'agglomération Hermitage-Tournonais, et celui qu'elle a perçu de mars 2017 à juin 2018, période durant laquelle elle était placée en surnombre à la communauté d'agglomération Arche Agglo puis auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Drôme. Elle soutient également qu'elle a subi un préjudice de carrière lié à l'impossibilité de bénéficier durant cette dernière période d'un avancement d'échelon, et produit à l'appui de sa demande la grille indiciaire des directeurs généraux des services des communes comptant de 20 000 à 40 000 habitants. Toutefois, les préjudices ainsi invoqués sont uniquement la conséquence de la fin de son détachement dans les fonctions de directrice générale des services de la communauté de communes Hermitage-Tournonais et de la suppression du poste de directeur territorial au sein de l'établissement qui l'employait, et sont ainsi sans lien avec la décision la plaçant en surnombre dans le grade de directeur territorial pour un an.

6. En outre, les troubles dans les conditions d'existence dont elle fait état, liés à l'engagement, de mars 2018 à juin 2018, de frais de garde d'enfants et de péages autoroutiers, qui ont au surplus été exposés alors qu'elle avait été recrutée par la communauté de communes de Haute-Tarentaise, ne peuvent être regardés comme la conséquence de l'illégalité dont la décision la placant en surnombre du 1er mars 2017 au 29 février 2018 est entachée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Arche Agglo à ce titre.

7. Enfin, il résulte de l'instruction que la suppression de l'emploi de directeur territorial, à la suite de laquelle Mme B... a été placée en surnombre, a été décidée, pour un motif d'intérêt général, dans le cadre de la réorganisation des services qui a suivi la fusion de deux communautés de communes et la création d'Arche Agglo. Il en résulte que la circonstance que Mme B... ait été placée en surnombre au sein du nouvel établissement à la suite de la suppression de l'emploi de directeur territorial ne présente aucune connotation infamante et n'est pas de nature à caractériser une atteinte à sa considération. Par ailleurs, si Mme B... soutient qu'elle a été contrainte d'accepter un poste éloigné de son domicile, une telle circonstance est sans lien avec la faute commise par la communauté d'agglomération Arche Agglo. Le préjudice moral invoqué par Mme B..., résultant de la situation humiliante dans laquelle elle se serait trouvée et de l'obligation d'accepter un poste éloigné de son domicile, ne saurait ainsi être tenu pour établi.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaquée, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération Arche Agglo qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la communauté d'agglomération Arche Agglo.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Arche Agglo présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté d'agglomération Hermitage-Tournonais-Herbasse-Pays de Saint-Félicien dite Arche Agglo.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY02816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02816
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL ASTERIO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21ly02816 ?
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