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21/09/2023 | FRANCE | N°468441

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 21 septembre 2023, 468441


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 7 août 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a procédé à son déclassement du poste de bibliothécaire, ensemble la décision du 2 octobre 2017 par laquelle il a rejeté son recours gracieux tendant à sa réaffectation à ce poste. Par un jugement n° 1805004 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20DA02005 du 1er février 2022, la cour administrative d'appel de

Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi so...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 7 août 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a procédé à son déclassement du poste de bibliothécaire, ensemble la décision du 2 octobre 2017 par laquelle il a rejeté son recours gracieux tendant à sa réaffectation à ce poste. Par un jugement n° 1805004 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20DA02005 du 1er février 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2022 et 25 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Melka-Prigent-Drusch, son avocat, au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation, d'une part, de la décision du 7 août 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil aurait procédé à son " déclassement " du poste de bibliothécaire qu'il occupait dans le bâtiment MC2 et, d'autre part, de la décision du 2 octobre 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire a refusé de le réaffecter à ce poste. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 juillet 2020 ayant rejeté ces demandes.

2. Aux termes de l'article D. 432 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes détenues, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu'il leur soit proposé un travail ". Aux termes de l'article D. 432-2 du même code : " Les dispositions nécessaires doivent être prises pour qu'un travail productif et suffisant pour occuper la durée normale d'une journée de travail soit fourni aux détenus ". Aux termes de l'article D. 432-3 : " Le travail est procuré aux détenus compte tenu du régime pénitentiaire auquel ceux-ci sont soumis, des nécessités de bon fonctionnement des établissements ainsi que des possibilités locales d'emploi. / Dans la mesure du possible, le travail de chaque détenu est choisi en fonction non seulement de ses capacités physiques et intellectuelles, mais encore de l'influence que ce travail peut exercer sur les perspectives de sa réinsertion. Il est aussi tenu compte de sa situation familiale et de l'existence de parties civiles à indemniser (...) ". Aux termes de l'article D. 432-4 : " Lorsque la personne détenue s'avère incompétente pour l'exécution d'une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-34 : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : 2° Le déclassement d'un emploi ou d'une formation (...) ". En dehors des hypothèses prévues par les articles D. 432-4 et R. 57-7-34 du code de procédure pénale, le chef d'un établissement pénitentiaire dispose, au titre de ses pouvoirs de police, de la faculté de suspendre ou de mettre fin à une décision portant affectation sur un emploi, afin d'assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité de l'établissement ou encore la protection de la sécurité des personnes, y compris de celle du détenu affecté sur cet emploi.

3. Le travail auquel les détenus peuvent prétendre constitue pour eux non seulement une source de revenus mais encore un mode de meilleure insertion dans la vie collective de l'établissement, tout en leur permettant de faire valoir des capacités de réinsertion. Ainsi, eu égard à sa nature et à l'importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de " déclassement d'emploi " au sens des dispositions précitées du code de procédure pénale, c'est-à-dire mettant fin à l'affectation sur un emploi, constitue un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il en va autrement des refus opposés à une demande d'affectation sur un emploi ainsi que des mesures portant affectation sur un emploi ou changement d'affectation d'un emploi sur un autre emploi, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus.

4. En premier lieu, la cour a souverainement relevé qu'à la suite de son transfert du bâtiment MC2 de la maison centrale dans le bâtiment MC1, M B... avait été réaffecté d'un emploi de bibliothécaire dans ce bâtiment MC2 sur un emploi d'auxiliaire aux ateliers du service général dans son nouveau bâtiment de détention. En jugeant que la mesure par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a ainsi affecté M. B... à un nouveau poste de travail dans le bâtiment MC1 ne constituait pas une mesure de " déclassement " de l'emploi qu'il occupait antérieurement mais une mesure portant affectation sur un autre emploi, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits.

5. En second lieu, après avoir jugé, par une appréciation souveraine, que les différences de conditions de rémunération et de travail existant entre l'emploi de bibliothécaire dans le bâtiment MC2 et l'emploi d'auxiliaire aux ateliers du service général du bâtiment MC1 n'avaient pas aggravé les conditions de détention du requérant, la cour a pu en déduire, sans erreur de qualification juridique des faits, que la décision de reclassement prise par le directeur du centre pénitentiaire n'avait pas affecté les droits et libertés du requérant et qu'elle avait ainsi le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 septembre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. David Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 468441
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - EXÉCUTION DES PEINES - SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE - MESURES RELATIVES À L’AFFECTATION D’UN DÉTENU SUR UN EMPLOI – 1) AFFECTATION SUR UN EMPLOI – FACULTÉ DONT DISPOSE LE CHEF D’ÉTABLISSEMENT D’Y METTRE FIN OU DE LA SUSPENDRE – EXISTENCE - AU TITRE DE SES POUVOIRS DE POLICE [RJ1] – 2) RÉGIME CONTENTIEUX – DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE FAIRE L’OBJET D’UN REP – A) DÉCLASSEMENT D’EMPLOI – EXISTENCE – B) MESURES D’AFFECTATION OU DE REFUS D’AFFECTATION – ABSENCE [RJ2] – C) ILLUSTRATION – RÉAFFECTATION D’UN DÉTENU SUR UN AUTRE EMPLOI SITUÉ DANS SON NOUVEAU BÂTIMENT DE DÉTENTION – ABSENCE.

37-05-02-01 1) En dehors des hypothèses prévues par les articles D. 432-4 et R. 57-7-34 du code de procédure pénale (CPP), le chef d'un établissement pénitentiaire dispose, au titre de ses pouvoirs de police, de la faculté de suspendre ou de mettre fin à une décision portant affectation sur un emploi, afin d'assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité de l'établissement ou encore la protection de la sécurité des personnes, y compris de celle du détenu affecté sur cet emploi....2) Le travail auquel les détenus peuvent prétendre constitue pour eux non seulement une source de revenus mais encore un mode de meilleure insertion dans la vie collective de l’établissement, tout en leur permettant de faire valoir des capacités de réinsertion. ...a) Ainsi, eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de « déclassement d’emploi » au sens des articles D. 432-4 et R. 57-7-34 du CPP, c’est-à-dire mettant fin à l’affectation sur un emploi, constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. ...b) Il en va autrement des refus opposés à une demande d’affectation sur un emploi ainsi que des mesures portant affectation sur un emploi ou changement d’affectation d’un emploi sur un autre emploi, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. ...c) Requérant demandant l’annulation des « décisions » par lesquelles un directeur de centre pénitentiaire, d’une part, aurait procédé à son « déclassement » du poste de bibliothécaire qu’il occupait dans le bâtiment A et, d’autre part, a refusé de le réaffecter à ce poste. Cour ayant souverainement relevé qu’à la suite de son transfert du bâtiment A de la maison centrale dans le bâtiment B, l’intéressé avait été réaffecté d’un emploi de bibliothécaire dans ce bâtiment A sur un emploi d’auxiliaire aux ateliers du service général dans son nouveau bâtiment de détention. ...La cour ne commet pas d’erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la mesure par laquelle le directeur du centre pénitentiaire a ainsi affecté l’intéressé à un nouveau poste de travail dans le bâtiment B ne constituait pas une mesure de « déclassement » de l’emploi qu’il occupait antérieurement mais une mesure portant affectation sur un autre emploi.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - MESURES RELATIVES À L’AFFECTATION D’UN DÉTENU SUR UN EMPLOI – 1) A) DÉCLASSEMENT D’EMPLOI – EXISTENCE – B) MESURES D’AFFECTATION OU DE REFUS D’AFFECTATION – ABSENCE [RJ2] – 2) ILLUSTRATION – RÉAFFECTATION D’UN DÉTENU SUR UN AUTRE EMPLOI SITUÉ DANS SON NOUVEAU BÂTIMENT DE DÉTENTION – ABSENCE.

54-01-01 1) Le travail auquel les détenus peuvent prétendre constitue pour eux non seulement une source de revenus mais encore un mode de meilleure insertion dans la vie collective de l’établissement, tout en leur permettant de faire valoir des capacités de réinsertion. ...Ainsi, eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de « déclassement d’emploi » au sens des articles D. 432-4 et R. 57-7-34 du CPP, c’est-à-dire mettant fin à l’affectation sur un emploi, constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. ...Il en va autrement des refus opposés à une demande d’affectation sur un emploi ainsi que des mesures portant affectation sur un emploi ou changement d’affectation d’un emploi sur un autre emploi, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. ...2) Requérant demandant l’annulation des « décisions » par lesquelles un directeur de centre pénitentiaire, d’une part, aurait procédé à son « déclassement » du poste de bibliothécaire qu’il occupait dans le bâtiment A et, d’autre part, a refusé de le réaffecter à ce poste. Cour ayant souverainement relevé qu’à la suite de son transfert du bâtiment A de la maison centrale dans le bâtiment B, l’intéressé avait été réaffecté d’un emploi de bibliothécaire dans ce bâtiment A sur un emploi d’auxiliaire aux ateliers du service général dans son nouveau bâtiment de détention. ...La cour ne commet pas d’erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la mesure par laquelle le directeur du centre pénitentiaire a ainsi affecté l’intéressé à un nouveau poste de travail dans le bâtiment B ne constituait pas une mesure de « déclassement » de l’emploi qu’il occupait antérieurement mais une mesure portant affectation sur un autre emploi.


Références :

[RJ1]

Cf., en précisant, CE, 15 décembre 2017, M. Jarrier, n° 400822, T. p. 661....

[RJ2]

Cf., en précisant, CE, Assemblée, 14 décembre 2007, M. Planchenault, n° 290420, p. 474.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2023, n° 468441
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468441.20230921
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