Vu la procédure suivante :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler les décisions des 3 novembre 2015 et 11 janvier 2016 par lesquelles le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins a refusé de traduire M. D..., M. E... et M. A... devant la chambre disciplinaire de première instance, d'autre part, d'ordonner sa réintégration au sein du service de médecine nucléaire du centre hospitalier universitaire de Nice et de condamner le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins à lui verser la somme d'un euro symbolique en réparation de ses préjudices. Par un jugement n° 1600604 du 23 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16MA03688 du 18 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et renvoyé au tribunal administratif de Nice le jugement de la demande de M. B....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du conseil national de l'ordre des médecins et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi d'une plainte de M. B..., praticien hospitalier contractuel en fonction au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, contre trois médecins exerçant dans ce même CHU, le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins a refusé, par trois décisions des 3 novembre 2015 et 11 janvier 2016, de traduire les intéressés devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins. M. B... a alors saisi le Conseil national de l'ordre des médecins, lequel a également refusé, par trois décisions du 2 juin 2016, de saisir la juridiction disciplinaire. Par un jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Nice a estimé que les conclusions dirigées contre les décisions du conseil départemental n'étaient pas recevables et que, par suite, la demande de M. B... devait être rejetée. Le Conseil national de l'ordre des médecins se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que M. B... devait être regardé comme demandant, en réalité, l'annulation des décisions du Conseil national, substituées aux décisions du conseil départemental et a, en conséquence, annulé le jugement attaqué devant elle et renvoyé le jugement de la demande au tribunal administratif de Nice.
2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. (...) / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin (...) mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / (...) / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois ".
3. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code la santé publique prévoit, s'agissant des " médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ", qu'ils " ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ". Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, un conseil départemental de l'ordre des médecins exerce, en la matière, une compétence propre et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4127-112 du même code : " Toutes les décisions prises par l'ordre des médecins en application du présent code de déontologie doivent être motivées. / Celles de ces décisions qui sont prises par les conseils départementaux peuvent être réformées ou annulées par le conseil national soit d'office, soit à la demande des intéressés ; celle-ci doit être présentée dans les deux mois de la notification de la décision ". Les décisions visées par ces dispositions sont les décisions d'ordre administratif prises par les instances ordinales en application du code de déontologie des médecins, lesquelles ne comprennent pas les décisions que ces instances peuvent prendre en matière disciplinaire, comme celles qui sont mentionnées aux articles L. 4124-2 et L. 4123-2 du code de la santé publique, cités aux points précédents.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille, que les décisions par lesquelles le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins a refusé de traduire les praticiens concernés devant la chambre disciplinaire étaient au nombre de celles pour lesquelles l'article R. 4127-112 du code de la santé publique exige un recours administratif préalable et que les conclusions à fin d'annulation de M. B... devaient être regardées comme dirigées contre les décisions du Conseil national de l'ordre des médecins, substituées à celles du conseil départemental des Alpes-Maritimes en application de cet article. Dès lors, son arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il découle de ce qui a été dit au point 3 que les dispositions de l'article L. 4123-2 du code la santé publique citées au point 2 ne s'appliquent pas aux décisions par lesquelles un conseil départemental de l'ordre des médecins apprécie, sur le fondement de l'article L. 4124-2 du même code, s'il y a lieu de traduire un médecin chargé d'une fonction publique devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique.
8. Il en résulte que c'est, en tout état de cause, à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins au motif qu'il lui appartenait de saisir préalablement le Conseil national de l'ordre des médecins en application de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique et que, par voie de conséquence, il a rejeté ses autres conclusions. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé, sans qu'il besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nice pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. B....
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins ni, en tout état de cause, du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins la somme demandée par M. B... au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 juillet 2017 et le jugement du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Nice.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins et à M C... B....
Copie en sera adressée au conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins.