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25/01/2017 | FRANCE | N°372676

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25 janvier 2017, 372676


Vu la procédure suivante :

L'association Avenir d'Alet et M. François Fabre ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de déclarer inexistante la délibération du conseil municipal de la commune d'Alet-les-Bains en date du 6 octobre 2006 relative à l'acquisition de terrains dans le secteur de la gare SNCF, subsidiairement d'annuler cette délibération et, dans tous les cas, d'enjoindre à la commune d'Alet-les-Bains (Aude), à défaut d'obtenir des vendeurs qu'ils acceptent la résolution des ventes par accord des parties, de saisir le juge du contrat afin de faire cons

tater la nullité des contrats d'acquisition, sous astreinte de 100...

Vu la procédure suivante :

L'association Avenir d'Alet et M. François Fabre ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de déclarer inexistante la délibération du conseil municipal de la commune d'Alet-les-Bains en date du 6 octobre 2006 relative à l'acquisition de terrains dans le secteur de la gare SNCF, subsidiairement d'annuler cette délibération et, dans tous les cas, d'enjoindre à la commune d'Alet-les-Bains (Aude), à défaut d'obtenir des vendeurs qu'ils acceptent la résolution des ventes par accord des parties, de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité des contrats d'acquisition, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois.

Par l'article 1er d'un jugement n° 0701776 du 27 février 2009, le tribunal administratif de Montpellier a déclaré la délibération contestée nulle et de nul effet et, par l'article 2 de ce jugement, a enjoint au conseil municipal de la commune, à défaut de résolution amiable, de saisir le juge du contrat pour faire prononcer la nullité de tous les actes d'acquisition pris sur le fondement de cette délibération, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 09MA01524 du 5 mai 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune d'Alet-les-Bains, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par l'association Avenir d'Alet et M. A... devant le tribunal administratif.

Par une décision n° 350849 du 3 octobre 2012, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire à cette cour.

Par un arrêt n° 12MA04073 du 30 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a, sur appel de la commune d'Alet-les-Bains, annulé l'article 2 du jugement du 27 février 2009 du tribunal administratif de Montpellier et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 2013 et 8 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Avenir d'Alet et M. A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Alet-les-Bains la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 86-455 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association Avenir d'Alet et de M. François Fabre et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune d'Alet-les-Bains ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 10 juillet 2006, le conseil municipal de la commune d'Alet-les-Bains a donné son accord pour l'achat de terrains d'une superficie totale de 11 hectares environ, situés à l'entrée nord du village, en vue de constituer une réserve foncière et a donné tous pouvoirs au maire pour signer les actes d'achat nécessaires. Par une délibération du 6 octobre 2006, le conseil municipal de la commune a décidé de retirer la délibération du 10 juillet 2006 et d'autoriser le maire à procéder à l'acquisition des quatorze parcelles énumérées dans la délibération. Par un jugement du 27 février 2009, le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de l'association Avenir d'Alet et de M. François Fabre, conseiller municipal, déclaré la délibération du 6 octobre 2006 " nulle et de nul effet " en raison de différences substantielles entre la délibération transmise au sous-préfet de Limoux et celle qui avait été soumise au vote de l'assemblée délibérante et a enjoint à la commune, à défaut de résolution amiable, de saisir le juge du contrat pour faire prononcer la nullité de tous les actes d'acquisition pris sur le fondement de cette délibération, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 30 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a confirmé l'inexistence de la délibération du 6 octobre 2006. Elle en a déduit que l'abrogation de la délibération du 10 juillet 2006 qu'elle prononçait n'avait jamais été décidée par le conseil municipal et que cette délibération pouvait être regardée comme autorisant la conclusion des actes d'acquisition des parcelles mentionnées dans la délibération du 6 octobre. Par suite, ni l'exécution du jugement du 27 février 2009, ni celle de son arrêt n'impliquaient selon la cour qu'il soit enjoint au conseil municipal, à défaut de résolution amiable, de saisir le juge du contrat afin de faire prononcer la nullité des actes d'acquisition. Elle a, en conséquence, annulé l'article 2 du jugement du 27 février 2009 prononçant cette injonction par l'article 1er de son arrêt et rejeté le surplus de la requête de la commune. L'association Avenir d'Alet et M. A...se pourvoient en cassation contre l'article 1er de cet arrêt.

2. En déduisant de l'inexistence de la délibération du 6 octobre 2006 que l'abrogation de la délibération du 10 juillet 2006 n'avait pas été prononcée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. Toutefois, la cour ne pouvait juger que la délibération du 10 juillet 2006 pouvait être regardée comme autorisant la conclusion des actes d'acquisition des parcelles énumérées dans la délibération du 6 octobre sans avoir mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. En s'abstenant de le faire, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité. L'association Avenir d'Alet et M. A... sont, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, fondés à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'ils attaquent.

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de l'annulation prononcée au point 2 et d'examiner les conclusions de la commune d'Alet-les-Bains dirigées contre le jugement du 27 février 2009 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il statue sur la demande d'injonction de l'association Avenir d'Alet et de M. François Fabre.

4. L'annulation d'un acte détachable d'un contrat de droit privé n'impose pas nécessairement à la personne publique partie au contrat de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de cette annulation. Il appartient au juge de l'exécution de rechercher si l'illégalité commise peut être régularisée et, dans l'affirmative, d'enjoindre à la personne publique de procéder à cette régularisation. Lorsque l'illégalité commise ne peut être régularisée, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à la nature de cette illégalité et à l'atteinte que l'annulation ou la résolution du contrat est susceptible de porter à l'intérêt général, il y a lieu d'enjoindre à la personne publique de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'acte détachable.

5. La délibération du 6 octobre 2006 de la commune d'Alet, que la cour administrative d'appel de Marseille a, comme le tribunal administratif de Montpellier, jugée inexistante ne saurait être régularisée. Toutefois, il appartient au juge de l'exécution de rechercher si, ainsi que le soutient la commune d'Alet-les-Bains, la délibération du 10 juillet 2006, qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, n'a pas été retirée et qui est devenue définitive, autorisait le maire à conclure les contrats d'achat des parcelles énumérées dans la délibération du 6 octobre 2006.

6. La délibération du 10 juillet 2006, intitulée " vote de principe de l'acquisition des terrains " mentionnait seulement qu'afin de constituer une réserve foncière, le maire proposait d'acheter " un ensemble de parcelles situées à l'entrée Nord du village, entre la gare et le lieu-dit Saint-Rome ", correspondant à 11 hectares environ, au prix de 8 euros le mètre carré et que le conseil municipal était d'accord pour procéder à l'achat des terrains à ce prix. Elle ne saurait être regardée, compte tenu de son imprécision sur l'objet des acquisitions qu'elle mentionne, comme autorisant le maire à signer les contrats d'achat des parcelles dont la liste figure dans la délibération du 6 octobre 2006. Seule une nouvelle délibération est donc susceptible de décider si le conseil municipal de la commune d'Alet-les-Bains a entendu autoriser l'acquisition de ces parcelles.

7. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre à la commune, à défaut de résolution amiable, de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'absence de délibération autorisant le maire à signer les contrats d'achat des parcelles énumérées dans la délibération du 6 octobre 2006, si une nouvelle délibération autorisant le maire de la commune d'Alet-les-Bains à procéder à l'acquisition des parcelles litigieuses n'est pas adoptée par le conseil municipal dans un délai de six mois à compter de la présente décision.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Alet-les-Bains qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Alet-les-Bains au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 30 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la commune d'Alet-les-Bains, à défaut de résolution amiable, de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'absence de délibération autorisant le maire à signer les contrats d'achat des parcelles litigieuses, si une nouvelle délibération autorisant la signature de ces contrats n'est pas adoptée par le conseil municipal dans un délai de six mois à compter de la présente décision.

Article 3 : L'article 2 du jugement du 27 février 2009 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association Avenir d'Alet et M. A... et par la commune d'Alet-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Avenir d'Alet, à M. François Fabre et à la commune d'Alet-les-Bains.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 372676
Date de la décision : 25/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - ANNULATION D'UN ACTE DÉTACHABLE D'UN CONTRAT DE DROIT PRIVÉ - OFFICE DU JUGE DE L'EXÉCUTION [RJ1] - ESPÈCE.

39-08 Achats de parcelles par une commune en vertu d'une délibération du 6 octobre 2006 du conseil municipal jugée inexistante et qui prononçait par ailleurs l'abrogation d'une délibération antérieure du 10 juillet 2006. Cette délibération du 6 octobre 2006 ne saurait être régularisée. Toutefois, il appartient au juge de l'exécution de rechercher si la délibération du 10 juillet 2006, qui n'a pas été retirée et qui est devenue définitive, autorisait le maire à conclure les contrats d'achat des parcelles énumérées dans la délibération du 6 octobre 2006.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - EFFETS D'UNE ANNULATION - ANNULATION D'UN ACTE DÉTACHABLE D'UN CONTRAT DE DROIT PRIVÉ - OFFICE DU JUGE DE L'EXÉCUTION [RJ1] - ESPÈCE.

54-06-07-005 Achats de parcelles par une commune en vertu d'une délibération du 6 octobre 2006 du conseil municipal jugée inexistante et qui prononçait par ailleurs l'abrogation d'une délibération antérieure du 10 juillet 2006. Cette délibération du 6 octobre 2006 ne saurait être régularisée. Toutefois, il appartient au juge de l'exécution de rechercher si la délibération du 10 juillet 2006, qui n'a pas été retirée et qui est devenue définitive, autorisait le maire à conclure les contrats d'achat des parcelles énumérées dans la délibération du 6 octobre 2006.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 29 décembre 2014, Commune d'Uchaux, n°s 372477, 372479, p. 416.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2017, n° 372676
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:372676.20170125
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