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29/06/2016 | FRANCE | N°381766

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 29 juin 2016, 381766


Vu la procédure suivante :

M. A...Weiler a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail du 1er octobre 2009 autorisant la société des Etablissements Diebolt à le licencier ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1002152 du 3 novembre 2011, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 11NC02026 du 5 juin 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel de la soc

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Vu la procédure suivante :

M. A...Weiler a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail du 1er octobre 2009 autorisant la société des Etablissements Diebolt à le licencier ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1002152 du 3 novembre 2011, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 11NC02026 du 5 juin 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel de la société des Etablissements Diebolt, d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, rejeté la demande de M. Weiler.

Par une décision n° 362226 du 27 juin 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et lui a renvoyé l'affaire.

Par un arrêt n° 13NC01603 du 24 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif et, d'autre part, rejeté la demande de M. Weiler.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 24 juin 2014, 24 septembre 2014, 26 octobre 2015 et 24 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Weiler demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société des Etablissements Diebolt la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Orban, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. Weiler et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société des Etablissement Diebolt ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 1er octobre 2009, l'inspecteur du travail a autorisé la société des Etablissements Diebolt à licencier M. Weiler, conseiller prud'homal ; que, sur la demande de M. Weiler, le tribunal administratif de Strasbourg a, par un jugement du 3 novembre 2011, annulé cette décision ainsi que le rejet par le ministre chargé du travail du recours formé par M. Weiler ; que, par une décision du 27 juin 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 juin 2012 qui avait annulé ce jugement et rejeté la demande de M. Weiler ; que celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 avril 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, à nouveau, annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2011 et rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 2421-14 du code du travail, applicable aux conseillers prud'homaux en application de l'article L. 2421-2 du même code : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied " ; que l'article R. 2421-3 du même code, également applicable aux conseillers prud'homaux, dispose que : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail " ;

3. Considérant que les délais, fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement ; que toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter ; qu'à ce titre, la circonstance que l'employeur a décidé, en raison d'un arrêt de maladie du salarié survenu au cours de la période de mise à pied, de repousser la date de l'entretien préalable au licenciement et, par suite, celle à laquelle il adresse sa demande d'autorisation de licenciement à l'administration, n'est de nature à justifier un délai de présentation de sa demande excédant le délai requis en application de l'article R. 2421-14 que si la maladie a rendu impossible la tenue de l'entretien préalable dans ces délais, ou que le report a été demandé par le salarié lui-même ;

4. Considérant que, pour juger que l'employeur avait pu régulièrement saisir l'administration d'une demande d'autorisation de licenciement de M. Weiler le 17 septembre 2009, soit vingt-cinq jours après la date du 22 août 2009 à laquelle l'intéressé avait été mis à pied, la cour s'est fondée sur ce que M. Weiler avait fait parvenir à la société des Etablissements Diebolt, après sa mise à pied, un arrêt de travail pour maladie allant du 26 août au 8 septembre 2009 et que l'employeur avait, en conséquence, spontanément reporté au 9 septembre 2009 l'entretien préalable au licenciement qui devait avoir lieu le 27 août ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait lui-même demandé le maintien de l'entretien préalable initialement prévu, sans rechercher si la maladie avait rendu impossible la tenue de l'entretien préalable dans le délai requis, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. Weiler est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

6. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit au point 4, la demande d'autorisation de licenciement de M. Weiler a été présentée à l'administration vingt-cinq jours après la date à laquelle l'intéressé a été mis à pied ; que, la société des Etablissements Diebolt n'ayant pas de comité d'entreprise, la durée de ce délai méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail citées au point 2 ; que si la société soutient que cette durée s'explique par le report de la date de l'entretien préalable au licenciement en raison de la maladie dont M. Weiler avait fait état, il ressort des pièces du dossier que ce report ne résultait ni d'une impossibilité tenant à l'état de santé du salarié ni d'une demande de celui-ci, l'intéressé ayant même manifesté son refus d'un tel report ; que le délai de saisine de l'inspecteur du travail a, par suite, revêtu une durée excessive entachant d'irrégularité la procédure au terme de laquelle l'administration a autorisé le licenciement de M. Weiler ; que la société des Etablissements Diebolt n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a, pour ce motif, annulé la décision du 1er octobre 2009 de l'inspecteur du travail ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique formé par M. Weiler contre cette décision ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. Weiler, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. Weiler au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 avril 2014 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : La requête de la société des Etablissements Diebolt devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...Weiler et à la société des Etablissements Diebolt.

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 381766
Date de la décision : 29/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-02 TRAVAIL ET EMPLOI. LICENCIEMENTS. AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. PROCÉDURE PRÉALABLE À L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE. - SAISINE DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL - DÉLAI DE SAISINE DE 48 H EN CAS DE MISE À PIED - 1) DÉLAI PRESCRIT À PEINE DE NULLITÉ - ABSENCE - RÉSERVE - OBLIGATION DE RESPECTER UN DÉLAI AUSSI COURT QUE POSSIBLE [RJ1] - 2) INCIDENCE DE LA DÉCISION DE L'EMPLOYEUR DE REPOUSSER LA DATE D'ENTRETIEN PRÉALABLE EN RAISON D'UN ARRÊT DE MALADIE DU SALARIÉ [RJ2] - 3) ESPÈCE.

66-07-01-02 1) Les délais, fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.... ,,2) La circonstance que l'employeur a décidé, en raison d'un arrêt de maladie du salarié survenu au cours de la période de mise à pied, de repousser la date de l'entretien préalable au licenciement et, par suite, celle à laquelle il adresse sa demande d'autorisation de licenciement à l'administration, n'est de nature à justifier un délai de présentation de sa demande excédant le délai requis en application de l'article R. 2421-14 que si la maladie a rendu impossible la tenue de l'entretien préalable dans ces délais, ou que le report a été demandé par le salarié lui-même.,,,3) Demande d'autorisation de licenciement présentée à l'administration vingt-cinq jours après la date de mise à pied. Si la société soutient que cette durée s'explique par le report de la date de l'entretien préalable au licenciement en raison de la maladie dont le salarié avait fait état, il ressort des pièces du dossier que ce report ne résultait ni d'une impossibilité tenant à l'état de santé du salarié ni d'une demande de celui-ci, l'intéressé ayant même manifesté son refus d'un tel report. Le délai de saisine de l'inspecteur du travail a, par suite, revêtu une durée excessive entachant d'irrégularité la procédure au terme de laquelle l'administration a autorisé le licenciement.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 16 janvier 1987, Besnainou, n° 65315, T. pp. 978-980 ;

CE, 3 octobre 1990, Etablissements Fabre, n° 107898, p. 264.,,

[RJ2]

Rappr., sur le fait que le congé de maladie du salarié ne fait pas obstacle à sa convocation à l'entretien préalable, Cass. soc., 17 janvier 1996, n° 92-42.031, Bull. civ. V n° 14 ;

sur le fait que le délai dans lequel le licenciement disciplinaire peut intervenir n'est ni suspendu, ni interrompu par l'arrêt de maladie, Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 02-40.085, Bull. civ. V, n° 13 ;

Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-27.130, Bull. civ. V, n° 58 ;

sur le fait que l'employeur n'est pas tenu de faire droit à une demande du salarié de nouvelle convocation ou de report de la date d'entretien, Cass. soc., 7 octobre 1997, n° 94-44.306, inédite au Bulletin ;

Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-40.681, inédite au Bulletin ;

sur la prise en compte de la date de l'entretien reporté dans le calcul du délai de notification de la sanction dans les seuls cas où le report a eu lieu à la demande du salarié ou du fait de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de se présenter à l'entretien, Cass. soc., 28 novembre 2000, n° 98-44.254, inédite au Bulletin ;

Cass. soc., 3 février 2004, n° 01-46.318, inédite au Bulletin ;

Cass. soc., 16 mars 2004, n° 04-46.508, inédite au Bulletin ;

Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-43.819, Bull. civ. V, n° 210 ;

Cass. soc., 2 avril 2008, n° 06-44.088, inédite au Bulletin ;

Cass. soc. 23 janvier 2013, n° 11-22.724, inédite au Bulletin ;

Cass. soc., 1er octobre 2014, n° 13-18.945, inédite au Bulletin.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2016, n° 381766
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Orban
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:381766.20160629
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