Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 13 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX, dont le siège est Hameau du Pont des Guines, BP 1, Les Salles du Verdon, à Aups (83630) ; l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance du 7 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2003 du maire de la commune d'Esparron-de-Verdon (Var) accordant un permis de construire à M. Bernard A ;
2°) statuant comme juge des référés, de suspendre l'arrêté du 13 novembre 2003 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la commune d'Esparron-de-Verdon et de M. A la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune d'Esparron-de-Verdon,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu'aux termes de l'article R. 742 ;2 du même code : « Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application » ;
Considérant qu'il appartient au juge des référés qui rejette une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, d'analyser soit dans les visas de son ordonnance, soit dans les motifs de celle-ci, les moyens développés au soutien de la demande de suspension, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
Considérant que, dans l'analyse de l'argumentation présentée par l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX au soutien de ses conclusions tendant à ce que soit suspendue l'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2003 du maire de la commune d'Esparron-de-Verdon accordant un permis de construire à M. A, l'ordonnance attaquée s'est bornée à indiquer, dans ses visas, sans autre précision, que l'association soutenait, l'urgence étant établie, que l'autorisation litigieuse était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de violation des règles de droit en la forme et au fond ; qu'elle n'a pas davantage précisé quels étaient les moyens invoqués en énonçant, dans ses motifs, qu'aucun d'entre eux ne paraissait de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté dont la suspension était demandée ; que, dès lors, l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'un défaut de motivation et doit être annulée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant et aux intérêts qu'il entend défendre ; que la construction du bâtiment autorisée par le permis de construire délivré par le maire de la commune d'Esparron-de-Verdon présentait un caractère difficilement réversible ; qu'ainsi, l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX justifie de l'urgence à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2003 du maire de la commune d'Esparron-de-Verdon accordant un permis de construire à M. A ;
Considérant, d'autre part, que, en l'état du dossier soumis au Conseil d'Etat, le moyen tiré de ce que le permis de construire dont la suspension est demandée aurait été délivré en application de dispositions d'un plan d'occupation des sols illégales au regard de celles du III de l'article L. 145 ;3 du code de l'urbanisme, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce permis de construire ;
Considérant que, les conditions d'application de l'article L. 521 ;1 du code de justice administrative étant ainsi réunies, il y a lieu d'accueillir les conclusions de l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2003 du maire de la commune d'Esparron-de-Verdon accordant un permis de construire à M. A ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de mettre à la charge respectivement de la commune d'Esparron-de-Verdon et de M. A la somme de 1 750 euros au titre des frais exposés par l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 3 000 euros demandée par la commune d'Esparron-de-Verdon au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en date du 7 juillet 2004 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 13 novembre 2003 du maire de la commune d'Esparron-de-Verdon accordant un permis de construire à M. Bernard A est suspendue.
Article 3 : La commune d'Esparron-de-Verdon et M. A verseront chacun la somme de 1 750 euros à l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Esparron-de-Verdon devant le Conseil d'Etat et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DU LAC DE SAINTE-CROIX, à la commune d'Esparron-de-Verdon et à M. Bernard A.