Vu, 1°) sous le n° 257848, la requête enregistrée le 20 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Bernard X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 28 avril 2003, par laquelle la commission nationale des experts en automobile, statuant en matière disciplinaire, l'a suspendu de son activité professionnelle pour une durée de six mois ;
2°) de condamner l'Etat à lui rembourser la perte de revenus résultant de cette décision depuis le 10 mai 2003, à raison de 450 euros par jour de suspension ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) l'ordonnance du 13 août 2003, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 août 2003, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. X ;
Vu, sous le n° 259524, la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 4 juin 2003, présentée pour M. Bernard X, qui tend au mêmes fins par les mêmes moyens que la requête présentée directement devant le Conseil d'Etat sous le n° 257848 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Urtin-Petit, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes de M. X tendent aux mêmes fins et qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 326-3 du code de la route :Nul ne peut exercer la profession d'expert en automobile s'il ne figure sur une liste arrêtée annuellement par une commission nationale présidée par un conseiller à la Cour de cassation et composée, de représentants de l'Etat, de représentants des professions concernées par l'expertise et l'assurance et de représentants des consommateurs ; que selon l'article L. 326-5 du même code, cette commission exerce un pouvoir disciplinaire dont l'étendue et les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'en application de cette disposition, l'article R. 327-15 du même code prévoit : En cas de faute ou de manquement par un expert aux conditions d'exercice de son activité, la commission peut prononcer l'une des sanctions suivantes : un avertissement, un blâme, la suspension ou la radiation ;
Considérant que par décision du 28 avril 2003, la Commission nationale des experts en automobile a infligé à M. X, inscrit sur la liste nationale des experts en automobile et qualifié pour les véhicules gravement accidentés, une suspension d'une durée de six mois ; qu'elle s'est fondée pour ce faire sur l'irrégularité d'un second rapport d'expertise, établi le 16 juillet 2002 par M. X dans le cadre de la procédure applicable aux véhicules dits économiquement irréparables ;
Considérant que la procédure disciplinaire suivie devant la Commission nationale des experts en automobile est fixée par les article R. 327-16 à R. 327-19 du code de la route ; qu'en vertu de l'article R. 327-17 : Les griefs formulés à l'encontre de l'expert lui sont notifiés par lettre recommandée du président de la commission avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'expert mis en cause est informé, lors de la notification des griefs, qu'il peut prendre connaissance et copie, en personne ou par mandataire, des pièces du dossier qui sera soumis à la commission. Il est également informé de la possibilité de se faire assister d'un défenseur et du délai dont il dispose pour présenter des observations écrites, délai qui ne peut être inférieur à quinze jours. / L'expert mis en cause et, le cas échéant, son défenseur sont convoqués quinze jours au moins avant la réunion de la commission, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé ; qu'il résulte tant de ces dispositions que des principes généraux de la procédure disciplinaire qu'à l'issue de la phase d'instruction, il appartient à la commission nationale, d'une part, de notifier à l'expert mis en cause les griefs susceptibles d'être retenus à son encontre, d'autre part, de mettre à sa disposition l'entier dossier de la procédure comprenant, notamment, contrairement à ce que soutient le ministre, les procès-verbaux des auditions auxquelles a procédé le rapporteur ainsi que le rapport écrit éventuellement dressé par celui-ci ;
Considérant, en premier lieu, que la commission a fondé la décision attaquée sur deux motifs, tirés de ce que le second rapport d'expertise, établi le 16 juillet 2002 par M. X au sujet d'un véhicule dit économiquement irréparable, d'une part, certifiait la réalisation en bonne et due forme des travaux de réparation préconisés par le premier expert alors que ceux-ci avaient été exécutés par un particulier en violation de l'article L. 327-2 du code de la route, d'autre part, méconnaissait les exigences de l'article R. 327-4 du code de la route s'agissant du contenu des rapports d'expertise, dans la mesure où il ne comportait notamment ni le rappel des opérations d'expertise, ni l'indication des personnes présentes lors de l'examen du véhicule ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucun de ces deux griefs ne figurait dans la notification adressée le 10 février 2003 par la commission à M. X, par lettre recommandée dont il a accusé réception le jour suivant ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort également des pièces du dossier que le dossier de la procédure mis à la disposition de M. X ne comprenait ni les procès-verbaux des auditions auxquelles le rapporteur de l'affaire avait procédé, ni le rapport dressé par celui-ci ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée a méconnu la procédure disciplinaire définie aux articles R. 327-16 à R. 327-19 du code de la route et notamment les dispositions de l'article R. 327-17 ; qu'il suit de là que M. X est fondé à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, avant d'introduire sa requête, n'a pas présenté à l'administration de réclamation tendant à l'octroi d'une réparation pécuniaire ; que le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, dans les observations qu'il a présentées sur cette requête, n'a ni analysé les conclusions à fin d'indemnité du requérant, ni conclu à leur rejet ; qu'il suit de là que le contentieux n'est pas lié sur ce point et que les conclusions de M. X tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il aurait subi du fait de la décision attaquée de la commission nationale des experts en automobile ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 28 avril 2003 de la commission nationale des experts en automobile est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X, à la Commission nationale des experts en automobile et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.