Vu l'article 2 de l'arrêt en date du 27 décembre 2002, enregistré le 17 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon transmet au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, les conclusions de la requête présentée devant la cour par la SCI FERRAND qui sont relatives d'une part, à l'appréciation de la légalité de la décision prise par la commune de Saint-Etienne de conclure, le 13 juillet 1989, un bail emphytéotique avec la SA d'HLM Bâtir et Loger et, d'autre part, à l'allocation d'une provision et à la désignation d'un expert ;
Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présentée par la SCI FERRAND, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la SCI FERRAND demande :
1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 30 septembre 1998 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit constaté que le contrat d'emphytéose du 13 juillet 1989 est nul, à ce que lui soit allouée une provision de 20 000 F (3 049 euros) à valoir sur l'indemnité réparant le préjudice résultant de la suppression de l'accès de son immeuble à la place de l'Abbaye et à ce qu'un expert soit désigné pour évaluer l'importance du préjudice ;
2°) qu'il soit fait droit à ces conclusions ;
3°) qu'une somme de 10 000 F (1 524,49 euros) soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, notamment son article 13-II ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la SCI FERRAND et de Me Le Prado, avocat de la commune de Saint-Etienne,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives à la décision de conclure le bail emphytéotique du 13 juillet 1989 :
Considérant que la SCI FERRAND a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande qui contenait, notamment, des conclusions à fin d'annulation du bail emphytéotique conclu le 13 juillet 1989 entre la ville de Saint-Etienne et la SA d'HLM Bâtir et Loger, et des conclusions tendant à l'appréciation de la validité de la décision prise par la commune de conclure ce bail ; que, le tribunal administratif ayant rejeté l'ensemble de ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé le jugement en tant qu'il avait déclaré que le tribunal était incompétent pour statuer sur la demande de la SCI FERRAND tendant à l'annulation du bail emphytéotique et, d'autre part, renvoyé au Conseil d'Etat les conclusions d'appel de la SCI FERRAND tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il avait rejeté sa demande tendant à ce que soit appréciée la validité de la décision de conclure ce bail ;
Considérant qu'en vue de permettre la construction d'un immeuble de neuf logements sociaux par la SA d'HLM Bâtir et Loger, la ville de Saint-Etienne a conclu avec cette société, le 13 juillet 1989, un bail emphytéotique portant sur les parcelles LM 108 et LM 109 et sur une partie déclassée de la place de l'Abbaye ; qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle LM 108, qui n'avait pas été comprise dans la procédure de déclassement, était à cette date affectée à la circulation publique et constituait de ce fait une dépendance de la voirie routière, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat par une décision du 14 février 1994 ; que, par suite, il appartenait à la juridiction administrative de se prononcer sur la validité de la décision de conclure ce bail qui comportait occupation du domaine public communal ; que, dès lors, la SCI FERRAND est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il rejette comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions tendant à l'appréciation de la légalité de cette décision ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, dans cette mesure, sur la demande présentée par la SCI FERRAND devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant que si, à la date à laquelle la SCI FERRAND a saisi le tribunal administratif, aucun jugement de sursis à statuer émanant d'une juridiction judiciaire n'était intervenu, la société a produit devant la cour administrative d'appel de Lyon, le 10 octobre 2002, copie d'un arrêt du 17 septembre 2002 par lequel la cour d'appel de Dijon a sursis à statuer sur un litige opposant la SCI FERRAND à la SA d'HLM Bâtir et Loger et à la ville de Saint-Etienne jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée, notamment, sur la validité de la décision de conclure le bail emphytéotique du 13 juillet 1989 ; qu'ainsi, la demande présentée par la SCI FERRAND devant le tribunal administratif de Lyon est recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13-II de la loi du 5 janvier 1988, aujourd'hui codifié à l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales : Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet, en faveur d'une personne privée, d'un bail emphytéotique (...) en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte (...) constitue une dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application de la contravention de voirie ; qu'il résulte de ce qui précède que le bail emphytéotique du 13 juillet 1989 porte, notamment, sur la parcelle LM 108 qui constituait, à la date de conclusion du bail, une dépendance de la voirie routière placée à ce titre dans le champ d'application de la contravention de voirie ; qu'elle ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'un bail emphytéotique en application des dispositions précitées ; que la SCI FERRAND est donc fondée à soutenir que la décision de conclure le bail emphytéotique du 13 juillet 1989 est illégale en tant que ce bail porte sur ladite parcelle ;
Sur les conclusions tendant au versement d'une provision à valoir sur l'indemnité réparant le préjudice subi et à la désignation d'un expert :
Considérant que, faute de connexité entre ces conclusions et celles tendant à l'appréciation de la légalité de la décision de conclure le bail emphytéotique, sur laquelle il vient d'être statué, il y a lieu de renvoyer ces conclusions d'appel aux fins de provision à la cour administrative d'appel de Lyon, seule compétente pour y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI FERRAND qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante prenne à sa charge la somme que la ville de Saint-Etienne demande au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la ville de Saint-Etienne, en application des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros qu'elle versera à la SCI FERRAND ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 30 septembre 1998 est annulé en tant qu'il rejette comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la demande de la SCI FERRAND tendant à l'appréciation de la validité de la décision de conclure le bail emphytéotique du 13 juillet 1989.
Article 2 : La décision de conclure le bail emphytéotique du 13 juillet 1989 est déclarée illégale en tant que ce bail porte sur la parcelle LM 108.
Article 3 : Le jugement des conclusions de la SCI FERRAND tendant au versement d'une provision est renvoyé à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 4 : La ville de Saint-Etienne versera à la SCI FERRAND une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI FERRAND et les conclusions de la ville de Saint-Etienne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SCI FERRAND, à la commune de Saint-Etienne, au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et à la société Bâtir et Loger.