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17/05/2024 | CANADA | N°2024CSC18

Canada | Canada, Cour suprême, 17 mai 2024, R. c. Lozada, 2024 CSC 18


COUR SUPRÊME DU CANADA


 
Référence : R. c. Lozada, 2024 CSC 18

 

 
Appels entendus : 13 février 2024
Jugement rendu : 17 mai 2024
Dossiers : 40701, 40709


 
Entre :
 
Emanuel Lozada
Appelant
 
et
 
Sa Majesté le Roi
Intimé
 
Et entre :
 
Victor Ramos
Appelant
 
et
 
Sa Majesté le Roi
Intimé
 
Traduction française officielle
 
Coram : Les juges Karakatsanis, Rowe, Martin, Jamal et Moreau
 


Motifs de jugement :
(par. 1 à 31)

La juge Moreau (avec l’accord des juges Karakatsanis et Martin)


 

 


Motifs dissidents :
(par. 32 à 51)

Le juge Jamal (avec l’accord du juge Rowe)







 
 
Note : Ce document fera l’objet de retouches de f...

COUR SUPRÊME DU CANADA

 
Référence : R. c. Lozada, 2024 CSC 18

 

 
Appels entendus : 13 février 2024
Jugement rendu : 17 mai 2024
Dossiers : 40701, 40709

 
Entre :
 
Emanuel Lozada
Appelant
 
et
 
Sa Majesté le Roi
Intimé
 
Et entre :
 
Victor Ramos
Appelant
 
et
 
Sa Majesté le Roi
Intimé
 
Traduction française officielle
 
Coram : Les juges Karakatsanis, Rowe, Martin, Jamal et Moreau
 

Motifs de jugement :
(par. 1 à 31)

La juge Moreau (avec l’accord des juges Karakatsanis et Martin)

 

 

Motifs dissidents :
(par. 32 à 51)

Le juge Jamal (avec l’accord du juge Rowe)

 
 
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
 

 

 

 

 
Emanuel Lozada                                                                                             Appelant
c.
Sa Majesté le Roi                                                                                                Intimé
‑ et ‑
Victor Ramos                                                                                                   Appelant
c.
Sa Majesté le Roi                                                                                                Intimé
Répertorié : R. c. Lozada
2024 CSC 18
Nos du greffe : 40701, 40709.
2024 : 13 février; 2024 : 17 mai.
Présents : Les juges Karakatsanis, Rowe, Martin, Jamal et Moreau.
en appel de la cour d’appel de l’ontario
                    Droit criminel — Exposé au jury — Responsabilité en tant que coauteur de l’infraction — Agression en groupe — Homicide involontaire coupable — Causalité — Acte intermédiaire — Victime agressée par un groupe dont faisaient partie les deux accusés mais poignardée fatalement par un autre membre du groupe — Accusés reconnus coupables d’homicide involontaire coupable par un jury — Appels interjetés par les accusés contre leurs déclarations de culpabilité notamment au motif que le juge du procès aurait fait erreur dans ses directives au jury sur le lien de causalité dans le contexte de la responsabilité en tant que coauteur de l’infraction — Le jury a‑t‑il reçu des directives appropriées?
                    L et R ont été impliqués dans une altercation physique entre deux groupes. La victime a été poignardée au cœur, et elle est morte. L et R n’ont pas porté le coup de couteau fatal, et il n’y avait aucune preuve qu’ils savaient ou avaient prévu que quelqu’un au sein de leur groupe avait un couteau, ou encore que la victime serait poignardée. Au procès de L et de R devant jury, la Couronne a avancé deux thèses relativement à la responsabilité comme participants à l’homicide involontaire coupable : en tant que coauteurs au sens de l’al. 21(1)a) du Code criminel et en tant que personnes ayant aidé à commettre l’infraction au sens de l’al. 21(1)b). L et R ont été déclarés coupables d’homicide involontaire coupable. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont rejeté leurs appels. Le juge dissident aurait accueilli les appels et ordonné la tenue d’un nouveau procès, au motif que le juge du procès a mal instruit le jury dans ses directives sur le lien de causalité dans le contexte de la responsabilité comme coauteur.
                    Arrêt (les juges Rowe et Jamal sont dissidents) : Les pourvois sont rejetés.
                    Les juges Karakatsanis, Martin et Moreau : Lorsqu’on considère globalement les directives au jury et les réponses du juge du procès aux questions du jury, ce dernier a reçu des directives exactes sur la question de la causalité. Les directives fournissaient le bon critère de causalité : la conduite de L et de R constituait‑elle une cause ayant contribué de façon appréciable au décès de la victime? En outre, le juge du procès a convenablement doté le jury d’outils d’analyse appropriés afin de l’aider à décider si les coups de couteau pouvaient être considérés comme un acte intermédiaire qui exonérerait L et R de toute responsabilité juridique pour homicide involontaire coupable.
                    Lorsqu’elles examinent des directives au jury, les cours d’appel appliquent une démarche fonctionnelle et se demandent si le jury a reçu, non pas des directives parfaites, mais des directives appropriées, de sorte qu’il était outillé pour trancher l’affaire selon la loi et la preuve. Les directives doivent être considérées dans leur ensemble, être adaptées à la preuve et exposer les règles de droit dans un langage simple et compréhensible. Les réponses aux questions du jury requièrent un soin particulier, parce que leur effet dépasse celui des directives données dans l’exposé final. Lorsqu’il s’agit de causalité, qui est particulière à chaque cas et repose sur les faits, il faut donner au juge du procès la latitude d’expliquer de façon intelligible au jury les questions relatives à la causalité qui sont pertinentes eu égard aux circonstances de l’affaire.
                    Le critère général de causalité juridique dans le cas de l’homicide involontaire coupable consiste à savoir si les actes illégaux de l’accusé ont contribué de façon appréciable à la mort. Dans les cas où un acte intermédiaire aurait rompu le lien de causalité entre les actes de l’accusé et la mort de la victime, se demander si l’acte intermédiaire était raisonnablement prévisible ou constituait un facteur indépendant peut se révéler un outil d’analyse utile, mais le critère général de la cause ayant contribué de façon appréciable est la norme applicable en droit. Pour ce qui est de l’outil d’analyse de la prévisibilité raisonnable, il n’est pas nécessaire que l’agression subséquente précise soit raisonnablement prévisible; il suffit que la nature générale de l’acte intermédiaire et le risque de préjudice non négligeable soient objectivement prévisibles au moment des actes dangereux et illégaux. L’analyse de la prévisibilité raisonnable consiste à se demander si les actes intermédiaires et le préjudice qu’ils ont réellement causé découlaient raisonnablement de la conduite de l’accusé. Bien qu’une certaine précision concernant la nature de l’acte intermédiaire doive être raisonnablement prévisible, il n’est pas nécessaire que les conséquences exactes de la conduite de l’accusé soient objectivement prévisibles.
                    L’acte du coauteur d’une agression en groupe peut déclencher l’application de la doctrine de l’acte intermédiaire. Il n’existe pas d’unique critère ou d’unique indicateur permettant de déterminer si un acte donné a rompu le lien de causalité. La question à laquelle il faut répondre dans l’examen de la responsabilité conjointe en tant que coauteurs au sens de l’al. 21(1)a) consiste à se demander si les actes illégaux de l’accusé ont contribué de façon appréciable à la mort de la victime. La Cour dans R. c. Strathdee, 2021 CSC 40, n’a pas écarté la possibilité qu’une directive traite d’un événement distinct ou intermédiaire même dans le cas de coauteurs d’une agression en groupe.
                    En l’espèce, les directives du juge du procès sur le lien de causalité juridique ont exprimé le bon critère général et ont attiré l’attention du jury sur la contribution de L et de R à la mort de la victime. Les deux affirmations du juge du procès selon lesquelles il « pourrait suffire » d’établir le lien de causalité juridique si la continuation des agressions contre la victime était raisonnablement prévisible devraient être interprétées dans le contexte de l’ensemble des directives. Le jury n’aurait pas jugé ce facteur suffisant pour établir le lien de causalité juridique sans accepter également que la continuation des agressions était de la même nature générale que les coups de couteau, ou que les coups de couteau découlaient raisonnablement de la conduite de L et de R. Accepter que L et R ignoraient ou n’avaient pas prévu qu’un ou l’autre membre de leur groupe avait un couteau ne dicterait pas une conclusion sur le lien de causalité juridique. Le jury avait reçu pour instruction générale de se demander si et comment la conduite de L et de R a contribué à la mort de la victime, ou si l’acte fatal découlait raisonnablement de cette conduite. Situées dans leur contexte, les affirmations attaquées n’auraient pas transmis au jury le message qu’il aurait pu conclure que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité tout simplement parce que la continuation des agressions était raisonnablement prévisible s’il n’acceptait pas également que la continuation des agressions était de la même nature générale que les coups de couteau, ou que ceux‑ci découlaient raisonnablement de la conduite de L et de R.
                    Les juges Rowe et Jamal (dissidents) : Les pourvois devraient être accueillis, les déclarations de culpabilité pour homicide involontaire coupable annulées, et la tenue d’un nouveau procès ordonnée. Il y a accord avec les juges majoritaires pour dire que L et R avaient droit à ce que le jury reçoive des directives appropriées au sujet de l’incidence qu’un acte intermédiaire peut avoir sur le lien de causalité juridique dans un cas d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal. Il y a également accord avec l’opinion majoritaire selon laquelle une directive sur l’acte intermédiaire peut être donnée dans un cas de responsabilité en tant que coauteur découlant d’une agression en groupe. Il y a cependant désaccord avec l’opinion majoritaire que la directive du juge du procès sur l’acte intermédiaire en l’espèce a bien instruit le jury sur la question du lien de causalité dans un cas d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal.
                    Le juge du procès n’a pas donné des directives appropriées au jury en lui disant à maintes reprises que, même si la victime a été poignardée par un autre membre du groupe ayant participé à l’agression de groupe, cela « pourrait suffire » pour faire des actes illégaux commis par L et R en participant à l’agression en groupe des causes juridiques de la mort de la victime s’il était raisonnablement prévisible que les agressions de la victime se poursuivent et créent un risque de lui causer des lésions corporelles non négligeables. Même interprétées de manière fonctionnelle dans leur ensemble, les directives du juge du procès sur l’élément de causalité de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal n’ont pas bien outillé le jury pour trancher l’affaire selon la loi. Un acte intermédiaire raisonnablement prévisible ne rompt habituellement pas le lien de causalité juridique de manière à dégager le délinquant de toute responsabilité juridique pour une conséquence non intentionnelle. Toutefois, ce qui doit être raisonnablement prévisible, c’est la nature générale des actes intermédiaires et le risque de préjudice qu’ils présentent. Cette norme requiert plus de précision que la norme de la prévisibilité raisonnable du risque de lésions corporelles non négligeables supplémentaires. Un acte intermédiaire peut rompre le lien de causalité juridique parce que la nature générale de l’acte intermédiaire et le risque de préjudice qu’il présente ne sont pas raisonnablement prévisibles, même si le risque de lésions corporelles non négligeables supplémentaires est raisonnablement prévisible.
                    Pour conclure que les actes de L et de R étaient les causes juridiques de la mort de la victime même si elle a été poignardée par un autre membre du groupe, le jury devait juger que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité juridique entre les actes illégaux de L et de R et la mort de la victime. Étant donné les directives du juge du procès, toutefois, au moins certains des jurés ont peut-être estimé à tort que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité juridique tout simplement parce que la continuation des agressions contre la victime et le risque de lésions corporelles non négligeables qu’elles lui causeraient étaient raisonnablement prévisibles. Une seule ambiguïté ou déclaration problématique dans une partie de l’exposé ne constitue pas nécessairement une erreur de droit lorsque l’exposé dans son ensemble a permis de transmettre au jury une compréhension adéquate de la question de droit pertinente. En l’espèce, cependant, d’autres parties des directives du juge du procès n’ont pas empêché le jury de recevoir des directives inexactes sur la question de savoir si les coups de couteau avaient rompu le lien de causalité juridique.
                    De plus, les directives du juge du procès n’ont pas indiqué clairement que la prévisibilité raisonnable des agressions continues « pourrait suffire » pour établir le lien de causalité juridique malgré les coups de couteau portés à la victime, pourvu que ceux‑ci soient de la même nature générale que la continuation des agressions. Le simple fait de répéter le test de causalité juridique, de signaler les éléments de preuve pertinents, et d’inviter le jury à se demander si l’acte de poignarder était extraordinaire, inhabituel ou accablant, ou découlait naturellement de la conduite illégale de L et de R ou se rapportait directement à celle‑ci, n’aurait pas clairement expliqué cette prémisse sous‑jacente au jury.
Jurisprudence
Citée par la juge Moreau
                    Arrêt appliqué : R. c. Maybin, 2012 CSC 24, [2012] 2 R.C.S. 30; arrêts mentionnés : R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19; R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301; R. c. Jacquard, 1997 CanLII 374 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 314; R. c. Daley, 2007 CSC 53, [2007] 3 R.C.S. 523; R. c. Naglik, 1993 CanLII 64 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 122; Smithers c. La Reine, 1977 CanLII 7 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 506; R. c. Nette, 2001 CSC 78, [2001] 3 R.C.S. 488; R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689; Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712; R. c. Strathdee, 2021 CSC 40.
Citée par le juge Jamal (dissident)
                    R. c. Strathdee, 2021 CSC 40; R. c. Maybin, 2012 CSC 24, [2012] 2 R.C.S. 30; R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19; R. c. Sarrazin, 2011 CSC 54, [2011] 3 R.C.S. 505; R. c. Khan, 2001 CSC 86, [2001] 3 R.C.S. 823; R. c. Van, 2009 CSC 22, [2009] 1 R.C.S. 716; R. c. Jackson, 1993 CanLII 53 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 573.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 21(1)a), b), 686(1)b)(iii), 691(1)a).
Doctrine et autres documents cités
Watt, David. Helping Jurors Understand, 2e éd., Toronto, Thomson Reuters, 2023.
                    POURVOIS contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Doherty, Hoy et Paciocco), 2023 ONCA 221 (sub nom. R. c. Triolo), 166 O.R. (3d) 179, 424 C.C.C. (3d) 415, [2023] O.J. No. 1568 (Lexis), 2023 CarswellOnt 4742 (WL), qui a confirmé les déclarations de culpabilité pour homicide involontaire coupable prononcées contre les accusés. Pourvois rejetés, les juges Rowe et Jamal sont dissidents.
                    Nader Hasan et Spencer Bass, pour l’appelant Emanuel Lozada.
                    Richard Litkowski, pour l’appelant Victor Ramos.
                    Jennifer A. Y. Trehearne, Jennifer Epstein et Samuel Greene, pour l’intimé.
                  Version française du jugement des juges Karakatsanis, Martin et Moreau rendu par
                  La juge Moreau —
I.              Vue d’ensemble
[1]                              Les appelants, Emanuel Lozada et Victor Ramos, se pourvoient de plein droit devant notre Cour en vertu de l’al. 691(1)a) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté à la majorité les appels qu’ils avaient interjetés à l’encontre des déclarations de culpabilité prononcées par un jury pour homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal. Le juge dissident aurait accueilli leurs appels et ordonné la tenue d’un nouveau procès.
[2]                              Les accusations portées contre les appelants découlent d’altercations physiques entre deux groupes de personnes assistant à une fête techno, une « rave », au centre‑ville de Toronto. La première altercation était une bagarre entre Rameez Khalid et Joseph Triolo durant laquelle M. Khalid a eu le dessus. Une bouteille de verre a peut‑être été utilisée. Personne n’a toutefois subi de blessures physiques sérieuses lors de la première altercation. Les deux hommes étaient en colère après la bagarre, mais M. Khalid et son ami, Travis Galliah, ont quitté les lieux à pied.
[3]                              L’autre groupe, dont faisaient partie M. Triolo et les appelants, a suivi peu après. Selon la théorie avancée par la Couronne au procès, le groupe a poursuivi MM. Khalid et Galliah pour [traduction] « régler ses comptes » (2023 ONCA 221, 166 O.R. (3d) 179, par. 7). Quand les deux groupes se sont rencontrés, quelqu’un (la Couronne a soutenu qu’il s’agissait de M. Ramos) a poussé M. Khalid contre le mur et a crié [traduction] « [c]’est lui le gars? » (par. 19 et 177). Après que quelqu’un d’autre ait répondu [traduction] « [o]uais », une autre bagarre a éclaté (par. 19). Messieurs Triolo et Ramos ainsi que d’autres membres du groupe s’en sont pris à M. Khalid, qui est tombé à terre, puis il a reçu des coups de poing et des coups de pied de nombreuses personnes. Monsieur Lozada s’est battu avec M. Galliah, l’a projeté au sol et lui a assené maints coups de poing. Environ 15 secondes après le début de cette seconde altercation, M. Khalid a été poignardé deux fois, à l’abdomen et mortellement au cœur. Il s’est effondré sur la rue, et il est mort plusieurs secondes plus tard. Les appelants n’ont pas porté le coup de couteau fatal, et la Couronne a concédé au procès qu’il n’y avait aucune preuve que les appelants savaient ou avaient prévu que quelqu’un au sein de leur groupe avait un couteau, ou encore que M. Khalid serait poignardé.
[4]                              Le jury était convaincu que M. Triolo était l’auteur des coups de couteau, et il a donc été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré. Les appelants ont été déclarés coupables d’homicide involontaire coupable. Au procès, la Couronne a avancé deux thèses relativement à la responsabilité comme participants à l’homicide involontaire coupable : en tant que coauteurs au sens de l’al. 21(1)a) du Code criminel et en tant que personnes ayant aidé à commettre l’infraction au sens de l’al. 21(1)b). La Couronne a affirmé que, suivant l’une ou l’autre thèse, les actes des appelants appuyaient leurs déclarations de culpabilité. Les présents pourvois portent seulement sur la thèse de la Couronne concernant la responsabilité au sens de l’al. 21(1)a). Les appelants soutiennent que le juge du procès a mal instruit le jury dans ses directives sur le lien de causalité dans le contexte de la responsabilité comme coauteur, ainsi que dans sa réponse à une question du jury sollicitant des éclaircissements supplémentaires sur le lien de causalité.
[5]                              Je suis essentiellement d’accord avec les juges majoritaires de la Cour d’appel pour dire que, lorsqu’on considère globalement les directives au jury et les réponses du juge du procès aux questions du jury, ce dernier a reçu des directives exactes sur la question de la causalité. Les directives fournissaient le bon critère de causalité : la conduite de l’appelant en particulier constituait‑elle une cause ayant contribué de façon appréciable au décès? En outre, au vu des faits particuliers de la présente affaire, le juge du procès a convenablement doté le jury d’outils d’analyse appropriés décrits dans l’arrêt R. c. Maybin, 2012 CSC 24, [2012] 2 R.C.S. 30, afin de l’aider à décider si les coups de couteau pouvaient être considérés comme un acte intermédiaire qui exonérerait les appelants de toute responsabilité juridique pour homicide involontaire coupable.
[6]                              Je suis donc d’avis de rejeter les pourvois.
II.           Les directives du juge du procès sur le lien de causalité
[7]                              Le juge du procès a commencé ses directives sur le lien de causalité en énonçant le bon critère de causalité juridique : l’acte illégal de l’appelant en particulier a‑t‑il contribué de façon appréciable à la mort? Autrement dit, la conduite de chaque appelant était‑elle [traduction] « suffisamment liée à la mort pour demeurer une cause ayant contribué à celle‑ci de façon appréciable qui s’est poursuivie sans interruption jusqu’à la mort de [M.] Khalid » (d.a., vol. XXIV, p. 105‑106)? Le juge du procès a précisé que cette analyse ne consistait pas simplement à déterminer la cause médicale de la mort de M. Khalid, mais portait également sur [traduction] « la contribution des [appelants] à ce résultat » (p. 106).
[8]                              Le juge du procès a ensuite parlé du concept de prévisibilité raisonnable relativement aux faits de l’affaire. Il a souligné que [traduction] « le fait qu’aucun des [appelants] ne savait qu’un membre de leur groupe avait une arme, ni ne s’attendait à ce qu’un membre de leur groupe utilise une arme, ne signifi[ait] pas nécessairement que leur conduite n’a pas contribué de façon appréciable à la mort » (p. 106). Il a poursuivi :
      [traduction] L’acte précis de poignarder n’a pas à être raisonnablement prévisible au moment de l’acte illégal dangereux de l’[appelant] en particulier pour contribuer de façon appréciable à la mort. Si la continuation des agressions contre [M.] Khalid et le risque que ces agressions continues lui causent des lésions corporelles non négligeables étaient raisonnablement prévisibles au moment de l’acte illégal dangereux de l’[appelant] en particulier, cela pourrait suffire pour que la conduite d’un [appelant] soit une cause ayant contribué de façon appréciable à la mort. C’est à vous d’en décider. [p. 106‑107]
[9]                              Ensuite, le juge du procès a posé plusieurs questions supplémentaires sur l’effet de la conduite de chaque appelant en lien avec les coups de couteau fatals. Il a dit au jury de se demander : (1) si les agresseurs de MM. Khalid et Galliah avaient contribué de façon appréciable à la mort de M. Khalid en écartant toute possibilité de secours ou de fuite, ou en rendant d’une autre façon M. Khalid plus vulnérable à une agression fatale au couteau; (2) au cas où M. Khalid était l’agresseur et était déterminé à se battre malgré son infériorité numérique, si le fait de se battre avec lui avant les coups de couteau [traduction] « l’a vraiment rendu plus vulnérable » à une agression au couteau; (3) s’il « y avait vraiment une possibilité que [M.] Galliah ait porté secours à [M.] Khalid ou l’ait aidé à s’échapper s’il n’avait pas été accaparé par ceux qui se battaient avec lui »; et (4) si l’auteur des coups de couteau aurait pu infliger les blessures si d’autres personnes s’en prenaient ou non à M. Khalid (p. 108‑109).
[10]                          Le juge du procès a conclu cette partie de ses directives en réitérant la norme générale de causalité juridique dite de la « cause ayant contribué de façon appréciable » (p. 109).
[11]                          Pendant ses délibérations, le jury a demandé [traduction] « la définition de “rupture du lien de causalité” » (d.a., vol. VIII, p. 7).
[12]                          Le juge du procès a répondu en répétant d’abord la norme générale de la « cause ayant contribué de façon appréciable » et en expliquant que cette norme consiste à déterminer [traduction] « [s’]il est toujours moralement juste et équitable de tenir les [appelants] responsables en droit de la mort » (d.a., vol. XXIV, p. 220). Le jury pouvait se demander si les coups de couteau étaient [traduction] « accablants à un point tel que l’effet des actes illégaux des [appelants] faisait simplement partie du contexte » (p. 220). Le jury pouvait se demander également si les coups de couteau se [traduction] « rapportaient directement aux actes illégaux des [appelants] » (p. 220). Le juge du procès a par la suite mentionné deux fois que le jury pourrait examiner si les coups de couteau étaient [traduction] « extraordinaires ou inhabituels en ce sens qu’une personne ordinaire ne les prévoirait raisonnablement pas » (p. 220‑221).
[13]                          Le juge du procès a conclu sa réponse en énumérant trois scénarios où l’acte fatal romprait le lien de causalité :
•         l’acte fatal était [traduction] « un événement extraordinaire et hautement inhabituel, par opposition à un événement qui découlerait ordinairement ou naturellement des circonstances de la présente affaire » (p. 221);
•         l’acte fatal était [traduction] « un acte raisonnablement imprévisible, étant entendu que l’acte de poignarder n’a pas à être raisonnablement prévisible au moment de l’acte illégal dangereux de l’[appelant] en particulier. Si la continuation des agressions contre [M.] Khalid et le risque que ces agressions continues lui causent des lésions corporelles non négligeables étaient raisonnablement prévisibles au moment de l’acte illégal dangereux de l’[appelant] en particulier, et découlaient naturellement de cet acte illégal dangereux, cela pourrait suffire » (p. 221‑222);
•         l’acte fatal était [traduction] « l’acte délibéré d’un tiers agissant indépendamment des [appelants] » (p. 222).
III.        L’exactitude des directives au jury
A.           Principes juridiques pertinents
[14]                          Lorsqu’elles examinent des directives au jury, les cours d’appel appliquent une démarche fonctionnelle et se demandent si le jury a reçu, non pas des directives parfaites, mais des directives appropriées, de sorte qu’il était outillé pour trancher l’affaire selon la loi et la preuve (R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 4 et 35‑37; R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, par. 8‑9; R. c. Jacquard, 1997 CanLII 374 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 314, par. 62). Fait important, les directives doivent être considérées dans leur ensemble (Abdullahi, par. 35). Les directives au jury doivent être adaptées à la preuve et exposer les règles de droit dans un langage simple et compréhensible (R. c. Daley, 2007 CSC 53, [2007] 3 R.C.S. 523, par. 29‑32). Les réponses aux questions du jury requièrent un soin particulier, parce que leur effet dépasse celui des directives données dans l’exposé final (R. c. Naglik, 1993 CanLII 64 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 122, p. 139; Abdullahi, par. 42).
[15]                          Au paragraphe 28 de l’arrêt Maybin, notre Cour a déclaré que le critère général de causalité juridique dans le cas de l’homicide involontaire coupable demeure le même que celui énoncé auparavant dans Smithers c. La Reine, 1977 CanLII 7 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 506, et R. c. Nette, 2001 CSC 78, [2001] 3 R.C.S. 488 : les actes illégaux de l’accusé ont‑ils contribué de façon appréciable à la mort? Dans les cas où un acte intermédiaire aurait rompu le lien de causalité entre les actes de l’accusé et la mort de la victime, se demander si l’acte intermédiaire était raisonnablement prévisible ou constituait un facteur indépendant peut se révéler un outil d’analyse utile, mais le critère général de la cause ayant contribué de façon appréciable est la norme applicable en droit (par. 26‑29 et 44).
[16]                          Pour ce qui est de l’outil d’analyse de la prévisibilité raisonnable, il n’est pas nécessaire que l’agression subséquente précise soit raisonnablement prévisible. « [I]l suffit [plutôt] que la nature générale de l’acte intermédiaire et le risque de préjudice non négligeable soient objectivement prévisibles au moment des actes dangereux et illégaux » (Maybin, par. 34). La juge Karakatsanis a également affirmé que l’analyse de la prévisibilité raisonnable consiste à se demander si « les actes [intermédiaires] et le préjudice qu’ils ont réellement causé découlaient raisonnablement de la conduite » de l’accusé (par. 38). Par contre, l’arrêt Maybin n’exige pas qu’il soit « possible de prévoir la nature de l’acte intermédiaire avec une certaine précision » (par. 37). « Exiger simplement que le risque de lésions corporelles non négligeables soit raisonnablement prévisible n’aide pas [. . .] à trancher la question de la culpabilité morale » (par. 38).
[17]                          Les circonstances de l’affaire Maybin illustrent le type de précision nécessaire lorsqu’on emploie l’outil d’analyse de la prévisibilité raisonnable. La juge Karakatsanis a rejeté l’argument de la défense selon lequel il importait que l’agression commise par le portier contre la victime inconsciente n’était pas raisonnablement prévisible. Il suffisait pour le juge du procès de conclure que « dans le contexte d’une bagarre qui dégénère dans un bar, il était raisonnablement prévisible qu’un préjudice non négligeable supplémentaire résulterait de l’intervention d’autres clients et du personnel du bar » (par. 41). La question pertinente était de savoir, de façon plus générale, s’il y avait un risque de préjudice découlant d’interventions de tiers en raison de la conduite de l’accusé.
B.            Application en l’espèce
[18]                          Selon les appelants, le juge du procès a mal instruit le jury quand il lui a mentionné deux fois qu’il « pourrait suffire » d’établir le lien de causalité juridique si la continuation des agressions contre M. Khalid et le risque de lésions corporelles non négligeables qu’elles présentaient étaient raisonnablement prévisibles (voir le m.a., par. 4‑5 et 91‑96). Ils prétendent que [traduction] « le juge du procès aurait dû dire au jury que les coups de couteau pourraient rompre le lien de causalité sauf si l’utilisation d’une arme quelconque — ou, à tout le moins, l’escalade de l’agression — était raisonnablement prévisible » (par. 93).
[19]                          À mon avis, les affirmations du juge du procès suivant lesquelles il « pourrait suffire » d’établir le lien de causalité juridique si la continuation des agressions était raisonnablement prévisible pourrait être qualifiée d’ambiguë hors contexte, mais d’exacte lorsque située dans le contexte des directives dans leur ensemble. Si l’on applique les directives tirées du par. 38 de l’arrêt Maybin, il était correct de dire au jury que la prévisibilité raisonnable des agressions continues « pourrait suffire » à établir le lien de causalité, pourvu que le jury ait accepté la prémisse que la continuation des agressions était de la même « nature générale » que l’acte fatal (les coups de couteau) ou que les coups de couteau aient raisonnablement résulté de la conduite des appelants.
[20]                          Le reste des directives a clarifié cette prémisse sous‑jacente. Le juge du procès a énoncé avec justesse le critère général de causalité juridique — la conduite des appelants a‑t‑elle « contribué de façon appréciable » à la mort de M. Khalid — plus de dix fois dans ses directives et en réponse à la question du jury (voir le d.a., vol. XXIV, p. 104‑109 et 220‑221). La répétition de cette norme aurait souligné au jury que son évaluation portait de manière générale sur la contribution des appelants à la mort de M. Khalid. En outre, le juge du procès a dit au jury de se demander si les coups de couteau fatals « découlerai[ent] [. . .] naturellement » de la conduite de chaque appelant, s’ils étaient « extraordinaire[s] et hautement inhabituel[s] », s’ils se « rapportaient directement » aux actes illégaux de chaque appelant, et s’ils étaient si accablants que la conduite des appelants « faisait simplement partie du contexte ou de la toile de fond » (p. 220‑221).
[21]                          Les autres renvois à la preuve auraient eux aussi attiré l’attention du jury sur la contribution de chaque appelant à la mort de M. Khalid. Parmi ceux‑ci, mentionnons les incitations du juge du procès au jury d’examiner si la conduite des appelants a rendu M. Khalid plus vulnérable aux coups de couteau et si M. Galliah aurait pu porter secours à M. Khalid s’il n’avait pas été agressé (p. 108‑109).
[22]                          L’approche fonctionnelle en cas de contrôle en appel de directives au jury exige que les directives soient considérées dans leur ensemble (Abdullahi, par. 35). Comme l’a expliqué le juge du procès, accepter que les appelants ignoraient ou n’avaient pas prévu qu’un ou l’autre membre de leur groupe avait un couteau ne dicterait pas une conclusion sur le lien de causalité juridique. Le jury avait reçu pour instruction générale de se demander si et comment la conduite des appelants a contribué à la mort de M. Khalid, ou si l’acte fatal découlait raisonnablement de cette conduite — qui est la façon dont l’arrêt Maybin explique que la nature générale d’un acte intermédiaire doit être raisonnablement prévisible (par. 38). Situées dans leur contexte, les affirmations attaquées n’auraient pas transmis au jury le message qu’il aurait pu conclure que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité tout simplement parce que la continuation des agressions était raisonnablement prévisible s’il n’acceptait pas également que la continuation des agressions était de la même nature générale que les coups de couteau, ou que ceux‑ci découlaient raisonnablement de la conduite des appelants. Comme l’a expliqué le juge Doherty au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel, on ne devrait pas supposer [traduction] « [qu’]un juré raisonnablement intelligent ferait [. . .] abstraction du reste des directives sur le lien de causalité s’il était convaincu que le risque de lésions corporelles non négligeables était prévisible au moment des actes [des appelants] » (par. 196).
[23]                          La causalité est « particulièr[e] à chaque cas et repos[e] sur les faits » (Maybin, par. 17). Il faut donner au juge du procès « la latitude d’expliquer de façon intelligible au jury les questions relatives à la causalité qui sont pertinentes eu égard aux circonstances de l’affaire » (Nette, par. 72). En l’espèce, il y avait des éléments de preuve qui auraient permis de conclure que les coups de couteau fatals étaient de la même nature générale que les agressions violentes en cours. [traduction] « Monsieur Khalid a subi de multiples lacérations, écorchures et blessures contondantes à de nombreuses parties de son corps des suites des coups qu’il a reçus » après avoir été agressé par plusieurs personnes (motifs de la C.A., par. 163, le juge Paciocco). Des éléments de preuve révèlent qu’une bouteille de verre a été utilisée au cours de l’altercation antérieure (motifs de la C.A., par. 5). Comme le jury aurait pu estimer que la prévisibilité raisonnable des agressions continues, ainsi que les lésions corporelles non négligeables qu’elles ont causées, était un facteur établissant le lien de causalité juridique, le juge du procès n’a pas donné de directive inexacte au jury en lui disant qu’il « pourrait suffire » de s’appuyer sur ce facteur.
[24]                          Qui plus est, l’arrêt Maybin ne structure pas l’analyse de la prévisibilité raisonnable du jury en l’obligeant d’abord à qualifier l’acte intermédiaire, puis à se demander si ce genre d’acte était raisonnablement prévisible. Pareille approche risque de saper la conclusion tirée de Maybin suivant laquelle l’acte intermédiaire précis n’a pas à être raisonnablement prévisible (voir les par. 34‑35). Bien qu’une « certaine précision » concernant la nature de l’acte intermédiaire doive être raisonnablement prévisible, il n’est pas nécessaire que les « conséquences exactes » de la conduite de l’accusé soient objectivement prévisibles (par. 37‑38). Il est utile de rappeler que, dans Maybin, la Cour a conclu qu’il serait trop précis d’examiner la prévisibilité de « l’agression commise par le portier contre la victime inconsciente » (par. 39‑40). L’analyse concernait plutôt de manière plus générale la prévisibilité raisonnable de « l’intervention d’autres clients et du personnel du bar » (par. 41). De même, la suggestion du juge Jamal que les jurés auraient pu qualifier la nature générale de l’acte intermédiaire d’« agression armée » me paraît une formulation trop étroite, et inviter le jury à commencer en qualifiant l’acte intermédiaire pourrait semer la confusion (voir le par. 48). Pour ce qui est de l’outil d’analyse de la prévisibilité raisonnable, Maybin exige uniquement que le jury se demande si la nature générale des actes intermédiaires et le risque de préjudice qu’ils présentent étaient raisonnablement prévisibles au moment des actes illégaux de l’accusé, ou si ces actes intermédiaires découlaient raisonnablement de la conduite de l’accusé.
[25]                          En résumé, les directives du juge du procès sur le lien de causalité juridique ont exprimé le bon critère général et ont attiré l’attention du jury sur la contribution de chaque appelant à la mort de M. Khalid. Les deux affirmations du juge du procès selon lesquelles il « pourrait suffire » d’établir le lien de causalité juridique si la continuation des agressions contre M. Khalid était raisonnablement prévisible devraient être interprétées dans le contexte de l’ensemble des directives. Le jury n’aurait pas jugé ce facteur suffisant pour établir le lien de causalité juridique sans accepter également que la continuation des agressions était de la même nature générale que les coups de couteau, ou que les coups de couteau découlaient raisonnablement de la conduite des appelants.
  IV.         Actes intermédiaires et agressions en groupe
[26]                          La question de savoir s’il est possible en droit, dans le contexte d’une agression en groupe, qu’un acte intermédiaire soit commis par un membre du groupe agresseur, nécessite des commentaires additionnels, étant donné que la Couronne a soulevé cette nouvelle question devant notre Cour.
[27]                          Comme l’a déclaré notre Cour, « [l]es questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties [. . .] et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties » (R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, par. 30; voir aussi Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712, par. 39). Cependant, l’applicabilité de la doctrine des actes intermédiaires dans le contexte de la responsabilité en tant que coauteur au sens de l’al. 21(1)a) du Code criminel découle naturellement des questions en litige dans les présents pourvois telles qu’elles ont été formulées par les appelants, en particulier celle de savoir si le juge du procès a commis une erreur en donnant au jury une directive inexacte à propos de l’élément « causalité » de l’infraction d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal. En outre, les appelants ont eu l’occasion de répondre au nouvel argument de la Couronne dans leur mémoire en réplique conjoint ainsi qu’à l’audience.
[28]                          La possibilité qu’un acte intermédiaire survienne dans le contexte d’une agression en groupe a été envisagée par notre Cour dans l’arrêt R. c. Strathdee, 2021 CSC 40, par. 4 :
      Il y a responsabilité comme auteur conjoint/coauteur dans tous les cas où deux individus ou plus se rassemblent dans l’intention de commettre une infraction, sont présents durant la perpétration de l’infraction et y contribuent. Dans le contexte de l’homicide involontaire coupable, le juge des faits doit s’attacher à la question de savoir si les actes de l’accusé ont constitué une cause ayant contribué de façon appréciable au décès, plutôt que se demander quel agresseur a infligé quelle blessure ou si toutes les blessures ont été causées par un seul individu. Dans le contexte d’agressions en groupe, en l’absence d’un événement distinct ou intermédiaire, les actes de tous les assaillants peuvent constituer une cause ayant contribué de façon appréciable à toutes les blessures subies. [Je souligne.]
[29]                          L’examen de la causalité est particulier à chaque cas et repose sur les faits. Il n’existe pas d’unique critère ou d’unique indicateur permettant de déterminer si un acte donné a rompu le lien de causalité. La question à laquelle il faut répondre dans l’examen de la responsabilité conjointe en tant que coauteurs au sens de l’al. 21(1)a) consiste à se demander si les actes illégaux de l’accusé ont contribué de façon appréciable à la mort de la victime (Maybin, par. 18‑29). L’arrêt Strathdee n’écarte pas la possibilité qu’une directive traite d’un « événement distinct ou intermédiaire » même dans le cas de coauteurs d’une agression en groupe.
[30]                          Par conséquent, je rejette l’argument avancé par la Couronne devant notre Cour selon lequel l’acte du coauteur d’une agression en groupe ne peut jamais déclencher l’application de la doctrine de l’acte intermédiaire.
V.         Conclusion
[31]                          Je suis d’avis de rejeter les pourvois.
                  Version française des motifs des juges Rowe et Jamal rendus par
                  Le juge Jamal —
[32]                        Je conviens avec ma collègue la juge Moreau que les appelants avaient droit à ce que le jury reçoive des directives appropriées au sujet de l’incidence qu’un acte intermédiaire peut avoir sur le lien de causalité juridique dans un cas d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal. Comme l’explique ma collègue, une directive sur l’acte intermédiaire peut être donnée dans un cas de responsabilité en tant que coauteur découlant d’une agression en groupe (voir R. c. Strathdee, 2021 CSC 40, par. 4).
[33]                          En toute déférence, je ne souscris toutefois pas à la conclusion de ma collègue, et à celle des juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Ontario, que la directive du juge du procès sur l’acte intermédiaire a bien instruit le jury sur la question du lien de causalité dans un cas d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal. Je souscris pour l’essentiel au raisonnement et à la conclusion du juge dissident en Cour d’appel.
I.               La directive du juge du procès sur l’acte intermédiaire n’a pas bien instruit le jury sur le lien de causalité juridique
[34]                          À mon avis, le juge du procès n’a pas donné des directives appropriées au jury en lui disant à maintes reprises que, même si Rameez Khalid a été poignardé par un autre membre du groupe ayant participé à l’agression de groupe, cela [traduction] « pourrait suffire » pour faire des actes illégaux commis par les appelants en participant à l’agression en groupe des causes juridiques de la mort de M. Khalid s’il était raisonnablement prévisible que les agressions contre M. Khalid se poursuivent et créent un risque de lui causer des lésions corporelles non négligeables (d.a., vol. XXIV, p. 106‑107 et 221‑222).
[35]                          Même interprétées de manière fonctionnelle dans leur ensemble, les directives du juge du procès sur l’élément de causalité de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal n’ont pas bien outillé le jury pour trancher l’affaire selon la loi. Le juge du procès a indiqué à juste titre au jury que le test de causalité juridique consiste à déterminer si les actes des appelants ont contribué de façon appréciable à la mort de M. Khalid. Mais il a en outre dit deux fois à tort au jury — une fois en réponse à une question du jury qui lui demandait la définition de [traduction] « rupture du lien de causalité » (d.a., vol. XXIV, p. 178 et 218) — que les coups de couteau pourraient ne pas rompre le lien de causalité juridique entre les actes illégaux des appelants et la mort de M. Khalid s’il était raisonnablement prévisible que les agressions contre M. Khalid continuent et créent un risque de lui causer des lésions corporelles non négligeables (p. 106‑107 et 221‑222).
[36]                          À mon avis, cette directive était erronée. Comme l’a reconnu notre Cour, un acte intermédiaire raisonnablement prévisible ne rompt habituellement pas le lien de causalité juridique de manière à dégager le délinquant de toute responsabilité juridique pour une conséquence non intentionnelle (R. c. Maybin, 2012 CSC 24, [2012] 2 R.C.S. 30, par. 30). Toutefois, pour que la causalité juridique opère en tant que « notion limitative » qui « réduit le vaste éventail des causes factuelles à celles qui se rapportent suffisamment à un préjudice pour engager la responsabilité juridique » (par. 16), ce qui doit être raisonnablement prévisible, c’est la « nature générale des actes intermédiaires et le risque de préjudice qu’ils présentent » (par. 38). Cette norme requiert plus de précision que la norme de la prévisibilité raisonnable du risque de lésions corporelles non négligeables supplémentaires. Un acte intermédiaire peut rompre le lien de causalité juridique parce que la nature générale de l’acte intermédiaire et le risque de préjudice qu’il présente ne sont pas raisonnablement prévisibles, même si le risque de lésions corporelles non négligeables supplémentaires est raisonnablement prévisible (par. 37‑38). Ne pas faire cette distinction diminuerait « l’efficacité [de la doctrine de l’acte intermédiaire] comme limite de l’étendue de la responsabilité criminelle » (par. 37).
[37]                          En somme, pour conclure que les actes des appelants étaient les causes juridiques de la mort de M. Khalid même s’il a été poignardé par un autre membre du groupe, le jury devait juger que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité juridique entre les actes illégaux des appelants et la mort de M. Khalid. Étant donné les directives du juge du procès, toutefois, au moins certains des jurés ont peut-être estimé à tort que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité juridique tout simplement parce que la continuation des agressions contre M. Khalid et le risque de lésions corporelles non négligeables qu’elles lui causeraient étaient raisonnablement prévisibles.
[38]                          Je reconnais qu’« [u]ne seule ambiguïté ou déclaration problématique dans une partie de l’exposé ne constitue pas nécessairement une erreur de droit lorsque l’exposé dans son ensemble a permis de transmettre au jury une compréhension exacte de la question de droit pertinente » (R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 41). En l’espèce, cependant, d’autres parties des directives du juge du procès n’ont pas empêché le jury de recevoir des directives inexactes sur la question de savoir si les coups de couteau avaient rompu le lien de causalité juridique.
[39]                          Bien que le juge du procès ait expliqué la façon dont il convient d’aborder la causalité juridique en mentionnant d’autres éléments de preuve et en invitant le jury à se demander si les actes illégaux des appelants ont rendu M. Khalid plus vulnérable à une agression au couteau, cette analyse n’aurait pas aidé le jury à déterminer si les coups de couteau étaient un acte intermédiaire qui a rompu le lien de causalité juridique. Par exemple, même si les actes illégaux des appelants ont rendu M. Khalid plus vulnérable à une agression au couteau, la nature générale des coups de couteau et le risque de préjudice qu’ils présentent n’étaient peut‑être pas raisonnablement prévisibles pour les appelants. En conséquence, cet aspect des directives données par le juge du procès au jury n’a pas adéquatement atténué le risque que le jury ait appliqué la mauvaise norme de prévisibilité raisonnable pour conclure que les coups de couteau n’avaient pas rompu le lien de causalité juridique.
[40]                          Qui plus est, en réponse à la question du jury qui lui demandait la définition de « rupture du lien de causalité », le juge du procès a également dit aux jurés qu’ils pouvaient se demander : (1) s’il était moralement juste et équitable de tenir les appelants responsables de la mort de M. Khalid; (2) si les coups de couteau portés à M. Khalid par un autre membre du groupe supplantaient à ce point les actes des appelants que ceux‑ci faisaient seulement partie du contexte; (3) si les coups de couteau se rapportaient directement aux agressions; (4) si l’acte de poignarder était extraordinaire ou inhabituel, ou s’il découlait naturellement des circonstances de l’espèce (d.a., vol. XXIV, p. 220‑221). Là encore, en dépit de cette indication supplémentaire, au moins certains des jurés se sont peut‑être raisonnablement appuyés sur la directive inexacte du juge du procès et conclu que les coups de couteau portés à M. Khalid n’avaient pas rompu le lien de causalité juridique tout simplement parce que les appelants auraient pu raisonnablement prévoir la continuation des agressions contre M. Khalid et le risque de lésions corporelles non négligeables qui en découlerait.
[41]                          Ma collègue la juge Moreau conclut qu’il « était correct [pour le juge du procès] de dire au jury que la prévisibilité raisonnable des agressions continues “pourrait suffire” à établir le lien de causalité, pourvu que le jury ait accepté la prémisse que la continuation des agressions était de la même “nature générale” que l’acte fatal (les coups de couteau) ou que les coups de couteau aient raisonnablement résulté de la conduite des appelants » (par. 19). Elle conclut en outre que le reste des directives du juge du procès clarifient cette prémisse sous-jacente en réitérant le test de causalité juridique, en évoquant des éléments de preuve pertinente et en invitant le jury à examiner la question de savoir si l’acte de poignarder était extraordinaire, inhabituel ou accablant, ou se rapportait directement à la conduite illégale des appelants ou découlait naturellement de celle‑ci (par. 20‑21).
[42]                          Avec égards, je ne partage pas cet avis. Il revenait au jury, et non au juge du procès, de décider si l’acte intermédiaire (les coups de couteau) était de la même nature générale que la continuation des agressions. On ne peut sauvegarder les directives inexactes du juge du procès en supposant que le jury aurait qualifié la nature générale des coups de couteau en l’espèce de [traduction] « continuation des agressions » (d.a., vol. XXIV, p. 221). Quoi qu’il en soit, les directives du juge du procès n’ont pas indiqué clairement que la prévisibilité raisonnable des agressions continues « pourrait suffire » pour établir le lien de causalité juridique malgré les coups de couteau portés à M. Khalid, pourvu que ceux‑ci soient de la même nature générale que la continuation des agressions. Le juge du procès n’a jamais parlé de la « nature générale » des coups de couteau. Par conséquent, le simple fait de répéter le test de causalité juridique, de signaler les éléments de preuve pertinents, et d’inviter le jury à se demander si l’acte de poignarder était extraordinaire, inhabituel ou accablant, ou découlait naturellement de la conduite illégale des appelants ou se rapportait directement à celle‑ci, n’aurait pas clairement expliqué cette prémisse sous‑jacente au jury.
[43]                          Le risque de directive inopportune était particulièrement élevé en l’espèce car le juge du procès a répété sa directive inexacte quand le jury lui a demandé de définir une « rupture du lien de causalité ». Comme l’a récemment expliqué notre Cour dans l’arrêt Abdullahi, « [i]l existe un risque plus grand que le jury ait une compréhension inexacte du droit lorsque l’énoncé inexact est formulé dans un exposé supplémentaire en réponse à une question du jury [. . .]; cela peut fort bien exacerber l’effet d’une telle erreur et, de ce fait, sa gravité » (par. 42).
[44]                          Je souscris également aux observations suivantes de l’ancien juge David Watt sur l’importance des questions du jury :
     [traduction] Les cours d’appel affirment que les réponses aux questions du jury sont extrêmement importantes. Les questions ont un effet qui dépasse largement celui des directives données dans l’exposé principal. Si le jury pose une question à propos d’un sujet dont a traité l’exposé principal, il est clair que les jurés n’ont pas compris ce qui a été dit dans l’exposé principal ou ne s’en sont pas souvenus. Il est tout aussi clair que les jurés doivent s’en remettre uniquement à la réponse du juge du procès pour dissiper toute confusion ou mettre fin à tout débat sur le problème qui est peut‑être survenu dans la salle de délibération avant leur question. Une question posée par le jury indique de la manière la plus claire possible qu’un, plusieurs ou tous les jurés éprouvent la difficulté dont fait état la question sur laquelle ils demandent des directives supplémentaires. [Notes en bas de page omises.]
      (D. Watt, c.r., Helping Jurors Understand (2e éd. 2023), § 9:6)
[45]                          En l’espèce, comme en témoigne la question du jury, la cause contre les appelants était axée sur la question de savoir ce qui constitue une rupture du lien de causalité juridique. On peut raisonnablement s’attendre à ce que le jury se soit attardé particulièrement à la réponse du juge du procès. Je souligne que même les juges majoritaires de la Cour d’appel ont accepté que la réponse du juge du procès, [traduction] « [l]orsqu’interprétée isolément, [. . .] aurait mal énoncé le droit établi dans l’arrêt Maybin », mais ils ont conclu que, « [p]rise dans son ensemble, la directive a exposé correctement les règles de droit en matière de causalité applicables [aux appelants] » (2023 ONCA 221, 166 O.R. (3d) 179, par. 207).
II.            La disposition réparatrice ne s’applique pas
[46]                        Dans les circonstances, je ne suis pas d’avis d’appliquer la disposition réparatrice prévue au sous‑al. 686(1)b)(iii) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46.
[47]                          Si l’accusé a démontré qu’une directive au jury est inopportune, « la Couronne, si elle invoque la disposition réparatrice, a le fardeau d’établir l’une ou l’autre des conditions d’application de cette disposition : (1) l’erreur de droit était “inoffensive”, (2) malgré la présence d’une erreur de droit potentiellement préjudiciable, la preuve contre l’accusé est “accablante” », si bien que le jury aurait inévitablement déclaré coupable l’accusé (Abdullahi, par. 33, citant R. c. Sarrazin, 2011 CSC 54, [2011] 3 R.C.S. 505, par. 25; voir aussi R. c. Khan, 2001 CSC 86, [2001] 3 R.C.S. 823, par. 31; R. c. Van, 2009 CSC 22, [2009] 1 R.C.S. 716, par. 36).
[48]                          La Couronne prétend que la preuve contre les appelants [traduction] « était à ce point accablante qu’il n’y a aucune possibilité réaliste qu’un nouveau procès aboutisse à un verdict différent » (m.i., par. 53). Je ne suis pas de cet avis. La preuve n’a pas établi de manière concluante si les appelants auraient pu raisonnablement prévoir la nature générale des coups de couteau portés à M. Khalid par un autre membre du groupe et le risque de préjudice qu’ils présentaient. Par exemple, si le juge du procès avait donné des directives appropriées au jury, au moins certains jurés auraient peut‑être caractérisé la nature générale de l’acte intermédiaire — les coups de couteau portés à M. Khalid — comme une agression armée et conclu que les appelants n’auraient pas pu raisonnablement prévoir une agression armée, parce que rien ne prouvait qu’ils savaient ou prévoyaient qu’un membre de leur groupe avait un couteau ou poignarderait M. Khalid.
[49]                          Subsidiairement, la Couronne soutient que les appelants auraient été responsables d’homicide involontaire coupable comme participants ayant aidé à commettre cette infraction, même si le jury entretenait un doute raisonnable quant à leur responsabilité comme coauteurs. Je ne retiens pas cette prétention. Comme l’ont reconnu tous les juges de la Cour d’appel, on ne peut connaître la voie de responsabilité qu’a empruntée le jury pour déclarer les appelants coupables (par. 128 et 181). Comme le juge du procès l’a indiqué avec exactitude au jury, pour reconnaître les appelants coupables d’homicide involontaire coupable en tant que participants ayant aidé à commettre l’infraction, le jury devait être convaincu hors de tout doute raisonnable [traduction] « [q]u’une personne raisonnable se trouvant dans la situation globale [des appelants] aurait compris que des lésions corporelles ni négligeables ni de nature passagère étaient une conséquence prévisible de l’agression de [M.] Khalid » (d.a., vol. XXIV, p. 112; voir aussi R. c. Jackson, 1993 CanLII 53 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 573, p. 583). Le jury aurait pu entretenir un doute raisonnable à cet égard parce que les appelants n’avaient pas prévu que M. Khalid soit poignardé, et que, lors d’une altercation survenue plus tôt ce soir‑là entre M. Khalid et l’auteur des coups de couteau, ces deux personnes n’avaient [traduction] « pas été blessées » (motifs de la C.A., par. 5).
[50]                          Par conséquent, dans les circonstances, je ne vois aucune raison d’appliquer la disposition réparatrice.
III.         Dispositif
[51]                          Je suis d’avis d’accueillir les pourvois, d’annuler les déclarations de culpabilité pour homicide involontaire coupable, et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
                    Pourvois rejetés, les juges Rowe et Jamal sont dissidents.
                    Procureurs de l’appelant Emanuel Lozada : Stockwoods, Toronto.
                    Procureurs de l’appelant Victor Ramos : Smith Litkowski, Toronto.
                    Procureur de l’intimé : Ministère du Procureur général de l’Ontario, Bureau des avocats de la Couronne — Droit criminel, Toronto.

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Synthèse
Référence neutre : 2024CSC18 ?
Date de la décision : 17/05/2024

Analyses

homicide involontaire coupable — risque de préjudice — agressions — raisonnablement prévisibles — façon appréciable — coups de couteau — appelants — causalité juridique — nature générale — membre du groupe — juge du procès — directives au jury — conduite — critère — actes intermédiaires — lésions corporelles


Parties
Demandeurs : R.
Défendeurs : Lozada
Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 17 mai 2024, R. c. Lozada, 2024 CSC 18


Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2024
Fonds documentaire ?: CAIJ
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2024-05-17;2024csc18 ?

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