COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895
Date : 20131205
Dossier : 34593
Entre :
Patricia McLean
Appelante
et
Directeur général de la British Columbia Securities Commission
Intimé
- et -
Association des conseillers en finances du Canada et
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario
Intervenantes
Traduction française officielle
Coram : Les juges LeBel, Fish, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner
Motifs de jugement :
(par. 1 à 73)
Motifs concordants :
(par. 74 à 82)
Le juge Moldaver (avec l'accord des juges LeBel, Fish, Rothstein, Cromwell et Wagner)
La juge Karakatsanis
McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895
Patricia McLean Appelante
c.
Directeur général de la British Columbia Securities Commission Intimé
et
Association des conseillers en finances du Canada et
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario Intervenantes
Répertorié : McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission)
2013 CSC 67
N o du greffe : 34593.
2013 : 21 mars; 2013 : 5 décembre.
Présents : Les juges LeBel, Fish, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner.
en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique
Droit administratif — Valeurs mobilières — Norme de contrôle — Prescription — Règlement intervenu entre l'appelante et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario relativement à de possibles irrégularités — Instance secondaire engagée par la Commission des valeurs mobilières de la C.‑B. sur le fondement de ce règlement — Loi sur les valeurs mobilières de la C.‑B. prévoyant un délai de prescription de six ans à compter de « l'événement » qui donne lieu à l'instance — L'« événement » à partir duquel commence à courir le délai de six ans correspond‑il à l'inconduite qui est à l'origine du règlement ou au règlement lui‑même? — La norme de contrôle applicable à la décision de la Commission est‑elle celle de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable? — Au regard de la bonne norme de contrôle, quelque élément justifie‑t‑il que l'on réforme l'interprétation de la Commission? — Securities Act, R.S.B.C. 1996, ch. 418, art. 159, 161(6)d).
Le 8 septembre 2008, M a convenu d'un règlement avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario relativement à une inconduite survenue en Ontario au plus tard en 2001. La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a rendu dans l'intérêt public une ordonnance interdisant à M, pendant cinq ans, toute opération sur valeurs mobilières et, pendant 10 ans, l'exercice de toute fonction de dirigeante ou d'administratrice au sein de certaines entreprises inscrites en Ontario. Le 14 janvier 2010, l'intimé a fait savoir à M qu'il demanderait à la Commission des valeurs mobilières de la C.‑B . de rendre à son encontre une ordonnance d'intérêt public sur le fondement de l'al. 161(6)d) de la Securities Act , R.S.B.C. 1996, ch. 418. Cette disposition habilite la Commission à engager une instance dans l'intérêt public contre la personne qui consent par voie de règlement avec l'organisme de réglementation des valeurs mobilières d'un autre ressort à faire l'objet d'une mesure réglementaire. L'article 159 de la Securities Act dispose qu'« est irrecevable [toute] instance engagée sous le régime de la [Loi] plus de 6 ans après l'événement qui y donne lieu ». La Commission a rendu une ordonnance réciproque qui prévoyait les mêmes interdictions que l'ordonnance de la commission ontarienne. Ce faisant, elle a implicitement interprété l'art. 159, quant à son application à l'al. 161(6)d), de telle sorte que « l'événement » à partir duquel court le délai de prescription de six ans s'entende du règlement avec M, non de son inconduite datant de 2001 ou d'avant. La Cour d'appel a appliqué la norme de la décision correcte et confirmé la décision tacite de la Commission selon laquelle le règlement intervenu en Ontario constituait « l'événement » qui avait donné lieu à l'instance en Colombie‑Britannique sur le fondement de l'al. 161(6)d).
Arrêt : Le pourvoi est rejeté.
Les juges LeBel, Fish, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Wagner : La question en litige est celle de savoir si, pour l'application de l'al. 161(6)d), « l'événement » qui fait courir le délai de prescription de six ans prévu à l'art. 159 s'entend (i) de l'inconduite qui est à l'origine du règlement ou (ii) du règlement lui‑même. Le sens ordinaire, le contexte et l'objet de l'art. 159 et du par. 161(6) de la Securities Act appuient raisonnablement la conclusion de la Commission selon laquelle l'événement qui donne lieu à une instance fondée sur l' al. 1 61(6)d) s'entend du fait de convenir avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières de faire l'objet d'une mesure réglementaire. La bonne norme de contrôle est celle de la raisonnabilité. Les deux parties défendent des interprétations raisonnables de l'art. 159 de la Securities Act quant à son application à l'al. 161(6)d). Or, suivant la norme de la raisonnabilité, il faut déférer à toute interprétation raisonnable du décideur administratif, même lorsque d'autres interprétations raisonnables sont possibles. L e caractère déraisonnable de l'interprétation de la Commission n'ayant pas été démontré, rien ne permet d'intervenir dans le cadre d'un contrôle judiciaire.
La Cour d'appel a eu tort d'appliquer la norme de la décision correcte. Le tribunal administratif qui interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat est présumé avoir droit à la déférence judiciaire, une présomption qui n'est pas réfutée en l'espèce. L a question en litige n'appartient pas non plus à une catégorie exceptionnelle qui justifie l'application de la norme de la décision correcte. Même si les délais de prescription revêtent généralement une importance capitale aux fins d'une saine administration de la justice, il s'agit en l'espèce d'interpréter la loi dans un contexte particulier qui relève du domaine d'expertise de la Commission. Le risque que les autres commissions des valeurs mobilières interprètent différemment leurs dispositions apparentées sur la prescription tient à notre Constitution de type fédéral et ne saurait justifier l'application de la norme de la décision correcte. Enfin, et surtout, l'approche moderne en matière de contrôle judiciaire reconnaît qu'une cour de justice n'est peut‑être pas aussi qualifiée qu'un tribunal administratif pour interpréter la loi constitutive de ce dernier. En particulier, mieux vaut généralement laisser au tribunal administratif le soin de clarifier le texte ambigu de sa loi constitutive, car il est présumé être le plus à même de soupeser les considérations de politique générale qui président souvent au choix entre les différentes interprétations raisonnables possibles.
En l'espèce, la Commission interprète raisonnablement le délai de prescription. À l'article 159, suivant le sens ordinaire du terme, « l'événement » qui donne lieu à l'instance fondée sur l'al. 161(6)d) s'entend du fait de convenir avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières de faire l'objet d'une mesure réglementaire. Bien que l'art. 159 ait existé avant l'adjonction du par. 161(6) et que, jusqu'alors, on ait considéré que le délai commençait à courir à compter de l'inconduite reprochée, cette évolution législative n'est pas déterminante. Le terme « l'événement » a manifestement un sens étendu et vise une foule de contextes. Pour les besoins de l'al. 161(6)d), il s'entend du moment où la personne « a convenu avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières » de faire l'objet de certaines mesures. Enfin, permettre aux ressorts secondaires d'attendre le dénouement de l'instance principale rend inutiles les instances parallèles et répétitives qui auraient pour effet de surcharger les commissions des valeurs mobilières et d'infliger un fardeau excessif aux personnes visées. L'interprétation de la Commission va donc dans le sens de l'objectif législatif qui consiste à accroître la coopération entre les ressorts.
Même si l'interprétation que défend la Commission prolonge sensiblement la période pendant laquelle une personne s'expose à une mesure réglementaire, il n'en résulte pas en soi d'atteinte à l'objectif d'un délai de prescription, lequel procède toujours de décisions de principe qui visent à établir un équilibre entre les intérêts des parties. L'interprétation de la Commission établit un équilibre raisonnable entre l'accroissement de la coopération des ressorts et les objectifs d'un délai de prescription.
La juge Karakatsanis : L a Commission interprète raisonnablement l'art. 159 lorsqu'elle conclut qu'une instance secondaire fondée sur le par. 161(6) doit être engagée au plus tard six ans après que la personne en cause s'est vu infliger une sanction dans un autre ressort. Cependant, l'interprétation contraire — à savoir que le délai de prescription court à compter de l'inconduite reprochée — n'est pas raisonnable. Il en résulterait en effet un dédoublement des instances lorsque, comme dans la présente affaire, l'enquête dans l'autre ressort ne prend pas fin dans les six ans de l'inconduite. Pareille interprétation va à l'encontre de l'objectif législatif de faciliter la coopération entre les ressorts et de la démarche téléologique. Il n'était donc pas loisible à la Commission d'interpréter le délai de prescription de la manière que préconise l'appelante.
Jurisprudence
Citée par le juge Moldaver
Distinction d'avec l'arrêt : Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique , 2012 CSC 35, [2012] 2 R.C.S. 283; arrêts mentionnés : Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières) , 2001 CSC 37, [2001] 2 R.C.S. 132; McLean (Re) , 2008 LNONOSC 660, 31 O.S.C.B. 8734; Heidary (Re) , 2000 LNONOSC 79, 23 O.S.C.B. 959; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick , 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers) , [1994] 2 R.C.S. 557; Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia , 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association , 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; City of Arlington, Texas c. Federal Communications Commission , 133 S. Ct. 1863 (2013); Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) , 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471; Nor‑Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals , 2011 CSC 59, [2011] 3 R.C.S. 616; Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée , 2013 CSC 34, [2013] 2 R.C.S. 458 ; British Columbia Securities Commission c. Bapty , 2006 BCSC 638 (CanLII); National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations) , [1990] 2 R.C.S. 1324; Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc. , 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650; Construction Labour Relations c. Driver Iron Inc. , 2012 CSC 65, [2012] 3 R.C.S. 405; Woods (Re) , 1997 LNBCSC 11 (QL); Seto (Re) , 2006 BCSECCOM 569 (CanLII); Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex , 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa , 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes aériennes , [1993] 3 R.C.S. 724; ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board) , 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140; Montréal (Ville) c. 2952‑1366 Québec Inc. , 2005 CSC 62, [2005] 3 R.C.S. 141; Dennis (Re) , 2005 BCSECCOM 65, 2004 LNBCSC 705 (QL); Perka c. La Reine , [1984] 2 R.C.S. 232; Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission) , 2000 CSC 21, [2000] 1 R.C.S. 494; Novak c. Bond , [1999] 1 R.C.S. 808; Friedland (Re) , 2010 BCSECCOM 654 (CanLII); Nielsen (Re) , 2013 LNONOSC 254, 36 O.S.C.B. 3478; Robinson (Re) , 2013 LNABASC 295, 2013 ABASC 317 (CanLII); Maitland Capital Ltd. (Re) , 2012 LNONOSC 95, 35 O.S.C.B. 1729; M. (K.) c. M. (H.) , [1992] 3 R.C.S. 6; Cholmondeley c. Clinton (1820), 2 Jac. & W. 1, 37 E.R. 527; Lines c. British Columbia (Securities Commission) , 2012 BCCA 316, 35 B.C.L.R. (5th) 281; Roncarelli c. Duplessis , [1959] R.C.S. 121; Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général) , 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623; Murphy c. Welsh , [1993] 2 R.C.S. 1069; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) , 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559.
Citée par la juge Karakatsanis
Arrêts mentionnés : Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission) , 2000 CSC 21, [2000] 1 R.C.S. 494; Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières , 2011 CSC 66, [2011] 3 R.C.S. 837 .
Lois et règlements cités
Bill 20, Securities Amendment Act, 2006 , 2nd Sess., 38th Parl., British Columbia (Third reading, April 25, 2006).
Bill 28, Securities Amendment Act, 2007 , 3rd Sess., 38th Parl., British Columbia (Third reading, October 23, 2007).
Loi sur les valeurs mobilières , C.P.L.M., ch. S50, art. 137, 148.4(1).
Loi sur les valeurs mobilières , L.N.‑B. 2004, ch. S‑5.5, art. 184(1.1).
Loi sur les valeurs mobilières , L.R.O. 1990, ch. S.5, art. 127(10).
Loi sur les valeurs mobilières , L.T.N.‑O. 2008, ch. 10, art. 60(3).
Loi sur les valeurs mobilières , L.Y. 2007, ch. 16, art. 60(3).
Securities Act , R.S.A. 2000, ch. S‑4, art. 198(1.1).
Securities Act , R.S.B.C. 1996, ch. 418, art. 127, 127.1, 140a), 140.94, 159, 161(1), (6).
Securities Act , R.S.N.L. 1990, ch. S‑13, art. 127(1.1), 129.
Securities Act , R.S.N.S. 1989, ch. 418, art. 134(1A).
Securities Act , R.S.P.E.I. 1988, ch. S‑3.1, art. 60(3).
Securities Act , S.Nu. 2008, ch. 12, art. 60(3).
Securities Act, 1988 , S.S. 1988‑89, ch. S‑42.2, art. 134(1.1).
Securities Amendment Act, 2006 , S.B.C. 2006, ch. 32.
Doctrine et autres documents cités
Canada. Protocole d'entente provincial‑territorial sur la réglementation des valeurs mobilières , 2004 (en ligne : http://www.valeursmobilieres.org/2004_0930_mou_francais.pdf).
Côté, Pierre-André, avec la collaboration de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat. Interprétation des lois , 4 e éd. Montréal : Thémis, 2009.
Driedger, Elmer A. Construction of Statutes , 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes , 5th ed. Markham, Ont. : LexisNexis, 2008.
Teplitsky, Martin. « Standard of review of administrative adjudication : “What a tangled web we weave . . .” » (2013), J. plaideurs 3.
Willis, John. « Statute Interpretation in a Nutshell » (1938), 16 R. du B. can. 1.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (les juges Saunders, Chiasson et Neilson), 2011 BCCA 455, 312 B.C.A.C. 288, 531 W.A.C. 288, 343 D.L.R. (4th) 432, [2011] B.C.J. No. 2124 (QL), 2011 CarswellBC 2929, qui a accueilli l'appel d'une décision de la British Columbia Securities Commission, 2010 BCSECCOM 262, 2010 LNBCSC 222 (QL). Pourvoi rejeté.
Christopher H. Wirth et Fredrick Schumann , pour l'appelante.
Stephen M. Zolnay , pour l'intimé.
Lou Brzezinski et John Polyzogopoulos , pour l'intervenante l'Association des conseillers en finances du Canada.
Johanna M. Superina et Usman M. Sheikh , pour l'intervenante la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Version française du jugement des juges LeBel, Fish, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Wagner rendu par
Le juge Moldaver —
I. Introduction
[1] Au Canada, la réglementation des actions, obligations et autres valeurs mobilières incombe au premier chef à chacune des provinces et à chacun des territoires. Or, de nos jours, les marchés financiers transcendent les frontières provinciales et territoriales. Les provinces et les territoires ont donc adopté ces dernières années des mesures visant à harmoniser leurs dispositions en la matière et à accroître la collaboration entre leurs organismes de réglementation respectifs.
[2] À l'instar de ses homologues provinciales et territoriales, la British Columbia Securities Commission (la « Commission »), est désormais habilitée à engager une instance dans l'intérêt public contre la personne qui, notamment, consent par voie de règlement avec l'organisme de réglementation des valeurs mobilières d'un autre ressort à faire l'objet d'une mesure réglementaire (voir l'al. 161(6)d) de la Securities Act , R.S.B.C. 1996, ch. 418). On parle dans le milieu d'« instance secondaire », celle‑ci se greffant à la démarche d'un autre ressort. Sauf quelques exceptions, [ traduction ] « est irrecevable l'instance [secondaire ou autre] engagée sous le régime de la [ Loi ] plus de 6 ans après l'événement qui y donne lieu » (art. 159).
[3] Nous sommes appelés à décider si, pour l'application de l'al. 161(6)d), « l'événement » qui fait courir le délai de prescription de six ans prévu à l'art. 159 s'entend (i) de l'inconduite qui est à l'origine du règlement ou (ii) du règlement lui‑même. La Commission soutient qu'il s'agit du règlement lui‑même. C'est pourquoi elle a engagé une instance secondaire contre l'appelante après que cette dernière a conclu un règlement avec un autre organisme de réglementation, et ce, même si l'inconduite en cause avait eu lieu quelque neuf ans auparavant. Suivant l'interprétation préconisée par l'appelante, la Commission a agi après l'expiration du délai de six ans et il y avait donc prescription.
[4] Au regard de la norme de contrôle applicable — celle de la raisonnabilité selon moi —, je suis convaincu que la Commission interprète raisonnablement le libellé de la disposition législative en cause. Qui plus est, sa conclusion va dans le sens de l'objectif législatif de faciliter la coopération intergouvernementale en matière d'instances secondaires, et ce, sans compromettre la fonction essentielle du délai de prescription. Par conséquent, je ne vois aucune raison de réformer la décision et suis d'avis de rejeter le pourvoi.
II. Les faits
A. L'enquête principale et le règlement
[5] Les faits sont simples et incontestés. De mars 1996 à juin 2001, l'appelante, Patricia McLean, a siégé au conseil d'administration de Hucamp Mines Ltd., un émetteur assujetti inscrit en Ontario sous le régime de la Loi sur les valeurs mobilières , L.R.O. 1990, ch. S.5. En juillet 2001, elle a entrepris de coopérer avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (« CVMO ») relativement à [ traduction ] « certaines irrégularités possibles chez Hucamp » (règlement entre le personnel de la CVMO et Patricia McLean, par. 63 (d.a., p. 45)). Le détail de l'inconduite alléguée importe peu, mais pas le moment où elle aurait eu lieu, soit, selon les allégations, au plus tard en 2001.
[6] Le 11 juillet 2005, la CVMO a annoncé qu'elle tiendrait une audience en vue d'exercer son pouvoir, fondé sur l'intérêt public, de sanctionner l'appelante et d'autres personnes pour leur inconduite alléguée chez Hucamp; voir les art. 127 et 127.1 de la Loi sur les valeurs mobilières . Ce pouvoir accordé par toutes les lois provinciales et territoriales en la matière confère à la CVMO le « très vaste pouvoir discrétionnaire » de rendre toute ordonnance qu'elle estime être dans l'intérêt public ( Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières) , 2001 CSC 37, [2001] 2 R.C.S. 132, par. 39).
[7] Trois ans plus tard, soit le 8 septembre 2008, dans un règlement intervenu avec le personnel de la CVMO, l'appelante [ traduction ] « [a] consent[i] à ce qu'une [telle] ordonnance soit rendue contre elle » (règlement, par. 2 (d.a., p. 33)). Le même jour, la CVMO a approuvé le règlement et rendu l'ordonnance convenue ( McLean (Re ), 2008 LNONOSC 660, 31 O.S.C.B. 8734).
[8] Dans ses passages pertinents, l'ordonnance de la CVMO interdit à l'appelante de réaliser toute opération sur valeurs mobilières pendant cinq ans (sauf quelques exceptions) et d'occuper le poste de dirigeante ou d'administratrice de certaines entreprises inscrites sous le régime de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario pendant dix ans. Étant donné la portée provinciale du pouvoir de la CVMO, ces sanctions ne s'appliquaient pas au‑delà des frontières ontariennes. Cependant, nul ne conteste la validité de l'ordonnance de la CVMO.
B. L'enquête secondaire et l'ordonnance de la C.‑B.
[9] L'affaire n'a connu aucun rebondissement au cours des 15 mois qui ont suivi, soit jusqu'au 14 janvier 2010 pour être exact, lorsque le directeur général de la Commission (l'intimé) a fait savoir à l'appelante qu'il demanderait à la Commission de rendre à son encontre l'ordonnance d'« intérêt public » visée au par. 161(1) de la Loi sur le fondement de l'al. 161(6)d). Les passages pertinents de ces dispositions sont les suivants :
[ traduction ]
159 [Délai de prescription] Sauf celle visée à l'article 140, est irrecevable l'instance engagée sous le régime de la présente loi plus de 6 ans après l'événement qui y donne lieu.
. . .
161 (1) [Ordonnance d'exécution] Lorsqu'ils estiment dans l'intérêt public de le faire, la Commission ou le directeur général peuvent , après la tenue d'une audience, ordonner :
. . .
b) que
. . .
(ii) la ou les personnes nommées dans l'ordonnance . . .
. . .
cessent de réaliser des opérations sur valeurs mobilières ou d'acquérir des valeurs mobilières ou des contrats de change, une valeur mobilière donnée ou un contrat de change donné, ou encore, une catégorie précise de valeurs mobilières ou de contrats de change;
. . .
d) qu'une personne
(i) démissionne de son poste d'administrateur ou de dirigeant d'un émetteur ou d'une personne inscrite,
(ii) ne puisse plus devenir administrateur ou dirigeant d'un émetteur ou d'une personne inscrite,
. . .
(6) La Commission ou le directeur général peuvent , après avoir donné aux parties la possibilité de se faire entendre, rendre sur le fondement du paragraphe (1) une ordonnance visant une personne :
a) déclarée coupable, au Canada ou à l'étranger :
(i) d'une infraction découlant d'une opération, d'une activité ou d'une conduite liée à des valeurs mobilières ou à des contrats de change, ou
(ii) d'une infraction à la législation du ressort en matière d'opérations sur valeurs mobilières ou sur contrats de change;
b) qu'un tribunal canadien ou étranger a jugée coupable d'une contravention à la législation du ressort en matière d'opérations sur valeurs mobilières ou sur contrats de change;
c) qui fait l'objet d'une ordonnance rendue par un organisme de réglementation des valeurs mobilières, un organisme d'autoréglementation ou une bourse, au Canada ou à l'étranger, lui imposant des sanctions, des conditions, des restrictions ou des exigences;
d) qui a convenu avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières , un organisme d'autoréglementation ou une bourse, au Canada ou à l'étranger, de faire l'objet de sanctions, de conditions, de restrictions ou d'exigences .
[10] La Commission a invoqué le règlement intervenu entre l'appelante et la CVMO comme fondement de son pouvoir de rendre l'ordonnance visée au par. 161(1) en application de l'al. 161(6)d). C'est ainsi qu'est né le présent litige.
[11] Nul ne conteste que si la Commission avait invoqué uniquement le par. 161(1), l'instance aurait contrevenu à l'art. 159. L'intimé reconnaît en effet que, dans le cas du seul par. 161(1), le délai de prescription de six ans prévu à l'art. 159 commence à courir à partir du [ traduction ] « dernier des événements qui constituent la conduite » sanctionnée par l'ordonnance (m.i., par. 79, citant Heidary (Re) , 2000 LNONOSC 79, 23 O.S.C.B. 959, p. 961). Or, en janvier 2010, il s'était écoulé près de neuf ans depuis le dernier événement mentionné dans le règlement.
[12] La question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si la même conclusion vaut pour l'instance secondaire engagée aux termes de l'al. 161(6)d). Si tel est le cas, comme le prétend l'appelante, l'ordonnance de la Commission doit être annulée pour la même raison que le serait une ordonnance fondée sur le seul par. 161(1), à savoir que près de neuf ans se sont écoulés depuis le dernier événement mentionné dans le règlement, soit trois de plus que le délai de prescription prévu. Toutefois, si comme le conclut la Commission, pour les besoins de l'al. 161(6)d), le délai commence à courir le jour du règlement auquel renvoie la disposition, l'ordonnance doit être confirmée puisque l'instance a été introduite bien avant l'expiration du délai de six ans imparti à l'art. 159.
III. Les décisions des juridictions inférieures
A. British Columbia Securities Commission , 2010 BCSECCOM 262 (CanLII)
[13] Une fois informée de l'instance secondaire, l'appelante [ traduction ] « a présenté [à la Commission], au sujet du délai de prescription, des observations écrites détaillées » dans lesquelles elle prétendait que l'organisme n'avait pas le pouvoir de rendre une ordonnance contre elle en raison de l'art. 159 (m.a., par. 10). Elle n'a pas soulevé d'autres questions, ni formulé d'autres prétentions.
[14] La Commission a implicitement rejeté la thèse de la prescription avancée par l'appelante en rendant ce qu'elle a appelé une [ traduction ] « ordonnance réciproque » et qui était essentiellement identique à l'ordonnance de la CVMO. La Commission interdisait notamment à l'appelante, suivant l'al. 161(1)b), de réaliser des opérations sur valeurs mobilières (sauf celles autorisées dans l'ordonnance de la CVMO) et, suivant les sous‑al. 161(1)d)(i) et (ii), d'occuper le poste de dirigeante ou d'administratrice de certaines entreprises sous le régime de la Loi . Les interdictions prenaient fin le même jour que celles faites dans l'ordonnance de la CVMO, soit respectivement cinq ans et dix ans après le 8 septembre 2008.
[15] Avec le prononcé des ordonnances jumelles en Ontario et en Colombie‑Britannique, l'appelante se voyait interdire essentiellement les mêmes actes dans les deux provinces, pendant les mêmes périodes.
B. Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, 2011 BCCA 455, 312 B.C.A.C. 288
[16] L'appelante a de nouveau allégué la prescription devant la Cour d'appel de la C.‑B., qui a conclu que [ traduction ] « l'interprétation d'un délai de prescription légal par un tribunal administratif commande généralement l'application de la norme de la décision correcte » (par. 15). Au regard de cette norme, elle a néanmoins tranché en faveur de la Commission. Selon le « sens ordinaire » des termes employés par le législateur, la Cour d'appel estime que « même si les actes qui ont donné lieu à l'instance en Ontario se sont évidemment produits avant le règlement, l'événement qui a donné lieu à l'instance [en C.‑B.] suivant l'al. 161(6)d) était le règlement en Ontario » (par. 20). À son avis, l'interprétation préconisée par l'appelante « empêcherait dans les faits l'application de l'al. 161(6)d), ce qui ne saurait être l'intention du législateur » ( ibid .).
[17] L'appelante a également reproché à la Commission son omission de motiver l'ordonnance tant en ce qui concerne le respect du délai de prescription que le prononcé de l'ordonnance dans l'intérêt public. S'agissant de la prescription, la Cour d'appel statue que [ traduction ] « bien qu'il eût été utile » que la Commission motive son interprétation de l'art. 159, ce n'était pas essentiel puisqu'il s'agissait d'une décision sur une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (par. 27). Quant à savoir si l'ordonnance servait l'intérêt public, elle opine que « l'absence de tout motif empêche d'examiner en appel si la décision et les sanctions sont dans l'intérêt public » (par. 30). Elle renvoie donc l'affaire à la Commission en vue d'obtenir une « brève explication » (par. 31) — que la Commission lui a subséquemment fournie (2012 BCSECCOM 50 (CanLII)) —, et ce volet de sa décision n'est pas contesté devant notre Cour.
IV. Questions en litige
[18] Le pourvoi a pour objet la juste interprétation du délai de prescription prévu à l'art. 159 lorsqu'il s'applique à l'ordonnance d'intérêt public rendue aux termes de l'al. 161(6)d) de la Loi , ce qui soulève deux questions :
(1) Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission concernant l'interprétation de l'art. 159 en liaison avec l'al. 161(6)d)?
(2) Compte tenu de la norme de contrôle applicable, y a‑t‑il lieu de reformer la décision de la Commission?
V. Analyse
A. La norme de contrôle
(1) Présomption d'application de la norme de la raisonnabilité à la loi constitutive
[19] Comme je l'indique précédemment, la Cour d'appel estime que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Devant notre Cour, les parties et l'intervenante la CVMO sont partagées sur ce point. Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu que la bonne norme de contrôle est celle de la raisonnabilité.
[20] Mais avant de passer à l'analyse, je signale que le débat sur les normes de contrôle donne lieu à des opinions bien tranchées, particulièrement dans les arrêts récents de notre Cour. L'analyse qui suit prend toutefois appui sur la jurisprudence actuelle de notre Cour et vise à favoriser la prévisibilité et la clarté en la matière [1] .
[21] Depuis l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick , 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, notre Cour a maintes fois rappelé que « [l]orsqu'un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise » (par. 54) [2] . Récemment, dans un souci de simplicité accrue, notre Cour a statué qu'« il convient de présumer que l'interprétation par un tribunal administratif de “sa propre loi constitutive ou [d']une loi étroitement liée ” [. . .] est une question d'interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire » ( Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association , 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 34).
[22] Or, la présomption adoptée dans Alberta Teachers n'est pas immuable. D'abord, notre Cour reconnaît depuis longtemps que certaines catégories de questions, même lorsqu'elles emportent l'interprétation d'une loi constitutive, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte ( Dunsmuir , par. 58‑61). Ensuite, elle affirme également qu'une analyse contextuelle peut « écarter la présomption d'assujettissement à la norme de la raisonnabilité de la décision qui résulte d'une interprétation de la loi constitutive » ( Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique , 2012 CSC 35, [2012] 2 R.C.S. 283, par. 16). L'appelante emprunte les deux avenues pour nous presser d'appliquer la norme de la décision correcte. Je propose d'examiner d'abord sa deuxième prétention puisqu'elle peut être écartée rapidement.
(2) Non‑réfutation de la présomption d'application de la norme de la raisonnabilité
[23] L'appelante prétend que la présomption d'application de la norme de la raisonnabilité est réfutée. Elle s'appuie sur le récent arrêt Rogers , où notre Cour conclut qu'il convient d'appliquer la norme de la décision correcte étant donné que, suivant le régime législatif en cause, tant un tribunal administratif qu'une cour de justice ont compétence concurrente en première instance pour interpréter la loi applicable.
[24] Or, la présente affaire est différente. Comme le dit clairement le juge Rothstein dans l'arrêt Rogers , le fait qu'un tribunal administratif et une cour de justice « peuvent être respectivement appelé[s] à statuer en première instance sur un même point de droit [. . .] a pour effet d'écarter la présomption selon laquelle la décision [. . .] est assujettie à la norme de la raisonnabilité » (par. 15 (je souligne)). En l'espèce, le point de droit réside dans l'interprétation de l'art. 159 eu égard à son application à l'al. 161(6)d), et son examen en première instance ressortit seulement à la Commission. Il est donc impossible que la question en litige donne lieu à des interprétations divergentes, de sorte que le raisonnement qui sous‑tend Rogers ne vaut pas.
(3) Non‑appartenance de la question à une catégorie exceptionnelle
[25] Je reviens maintenant à la première prétention de l'appelante, à savoir que la question en litige appartient à une catégorie exceptionnelle qui justifie l'application de la norme de la « décision correcte ». Depuis l'arrêt Dunsmuir , les avocats font couramment valoir que la question soumise à un décideur administratif appartient à l'une des quelques catégories exceptionnelles reconnues. Une première vague jurisprudentielle s'attache à la question de savoir s'il s'agit d'une question touchant « véritablement » à la compétence; voir Alberta Teachers , par. 37‑38 (citant diverses décisions). Dans cet arrêt, la Cour dit douter sérieusement que la question appartienne à une catégorie distincte de questions de droit, mais elle admet finalement que ce puisse être le cas (par. 34) [3] .
[26] Une deuxième vague jurisprudentielle — sur laquelle surfe maintenant l'appelante — s'attache aux « questions de droit générales qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d'expertise de l'organisme juridictionnel » ( Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) , 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471 (« Mowat »), par. 22, renvoyant à Dunsmuir , par. 60); voir également Nor‑Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals , 2011 CSC 59, [2011] 3 R.C.S. 616 ; Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée , 2013 CSC 34, [2013] 2 R.C.S. 458. Dans chacun de ces arrêts, notre Cour conclut unanimement que la question soulevée n'appartient pas à cette catégorie exceptionnelle et, en l'espèce, je suis enclin à faire de même.
[27] Le raisonnement qui sous‑tend l'exception prévue à l'égard de la « question de droit générale » est simple. Comme l'expliquent les juges Bastarache et LeBel dans Dunsmuir , « [p]areille question doit être tranchée de manière uniforme et cohérente étant donné ses répercussions sur l'administration de la justice dans son ensemble » (par. 60). Autrement dit, comme le précisent les juges LeBel et Cromwell dans Mowat , cette question est assujettie à la norme de la décision correcte « dans un souci de cohérence de l'ordre juridique fondamental du pays » (par. 22).
[28] Toutefois, les arguments invoqués par l'appelante pour soutenir que la question considérée en l'espèce appartient à la catégorie des questions de droit générales ne peuvent être retenus, et ce, pour trois raisons. Premièrement, même si je conviens que, sur le plan théorique, les délais de prescription revêtent généralement une importance capitale aux fins d'une saine administration de la justice, il ne s'ensuit pas que l'interprétation par la Commission du délai applicable en l'espèce doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte. Ainsi, le sens du terme « l'événement » employé à l'art. 159 constitue un point technique d'interprétation législative dans un contexte très précis. En effet, les notions juridiques que l'on peut qualifier de complexes (telle la possibilité de découvrir le préjudice) et qui, selon l'appelante, commandent la norme de la décision correcte (voir m.r.a., par. 9) sont expressément exclues aux fins de l'application de l'art. 159. L'appelante le reconnaît dans d'autres éléments de sa plaidoirie (m.a., par. 25, citant British Columbia Securities Commission c. Bapty , 2006 BCSC 638 (CanLII), par. 28). Par conséquent, il n'y a pas de question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et encore moins de question qui est étrangère au domaine d'expertise de la Commission.
[29] Deuxièmement, il est vrai que l'application de la norme de la raisonnabilité dans ce contexte suppose forcément que d'autres commissions provinciales ou territoriales des valeurs mobilières puissent interpréter différemment leurs dispositions établissant un délai de prescription. Mais je ne saurais convenir qu'une telle éventualité justifie l'application de la norme de la décision correcte et, par conséquent, une [ traduction ] « uniformité [imposée par les tribunaux] à la grandeur du pays » (m.r.a., par. 13). Nul ne conteste qu'un législateur provincial ou territorial peut prévoir un délai de prescription différent de ceux applicables dans les autres ressorts. C'est d'ailleurs ce que fait l'un d'eux; voir l'art. 137 de la Loi sur les valeurs mobilières du Manitoba, C.P.L.M., ch. S50 (délai de huit ans au lieu des six ans habituels). Dans le même ordre d'idées, il se peut que les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation des valeurs mobilières interprètent différemment (mais raisonnablement) ces délais de prescription (même si ce n'est encore jamais arrivé). Toute difficulté liée à ce risque éventuel tient à notre Constitution de type fédéral, et non aux normes de contrôle en droit administratif.
[30] Troisièmement, la principale faille de l'argumentaire de l'appelante réside dans la conception étroite de l'expertise de la Commission qui le sous‑tend. L'appelante prétend notamment que le délai de prescription [ traduction ] « ne fait pas partie en soi des dispositions substantielles sur les valeurs mobilières et échappe au domaine d'expertise de la [Commission] » (m.r.a., par. 9). Or, le bien‑fondé de sa prétention suppose une distinction nette entre ce qui relève du juriste et ce qui relève du fonctionnaire. Parce que l'interprétation du terme « l'événement » employé à l'art. 159 ne saurait exiger de grandes connaissances d'ordre technique — après tout, il ne s'agit pas d'un terme « administratif » —, il semble logique de se demander pourquoi il faudrait confier à la Commission la tâche d'en déterminer le sens.
[31] Bien qu'un tel point de vue ait pu avoir un certain fondement dans le passé, ce n'est plus le cas. L'approche moderne en matière de contrôle judiciaire reconnaît qu'une cour de justice « [n'est] peut‑être pas aussi bien qualifié[e] qu'un organisme administratif déterminé pour donner à la loi constitutive de cet organisme des interprétations qui ont du sens compte tenu du contexte des politiques générales dans lequel doit fonctionner cet organisme » ( National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations) , [1990] 2 R.C.S. 1324, p. 1336, la juge Wilson; voir également Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc. , 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, par. 92; Mowat , par. 25).
[32] En clair, une disposition législative fera parfois l'objet de plusieurs interprétations raisonnables , car le législateur ne s'exprime pas toujours de manière limpide et les moyens d'interprétation législative ne garantissent pas toujours l'obtention d'une seule solution précise ( Dunsmuir , par. 47; voir également Construction Labour Relations c. Driver Iron Inc. , 2012 CSC 65, [2012] 3 R.C.S. 405). Tel est effectivement le cas en l'espèce, comme je l'explique ci‑après. Il faut donc se demander à qui il appartient de choisir entre ces interprétations divergentes raisonnables .
[33] Comme l'a maintes fois rappelé notre Cour depuis l'arrêt Dunsmuir , mieux vaut généralement laisser au décideur administratif le soin de clarifier le texte ambigu de sa loi constitutive. La raison en est que le choix d'une interprétation parmi plusieurs qui sont raisonnables tient souvent à des considérations de politique générale dont on présume que le législateur a voulu confier la prise en compte au décideur administratif plutôt qu'à une cour de justice. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire d'interprétation relève en effet de l'« expertise » du décideur administratif.
B. Caractère raisonnable de l'interprétation de l'art. 159 par la Commission
(1) Aperçu
a) La thèse de l'appelante
[34] L'appelante prétend en somme que le par. 161(6) ne fait que [ traduction ] « légaliser la possibilité qu'avait déjà la [Commission] de prendre appui sur une déclaration de culpabilité, une conclusion, une ordonnance ou un règlement pour prouver que la conduite d'une personne est contraire à l'intérêt public » (m.a., par. 40 (en italique dans l'original)). Il est clairement établi en droit que, avant l'adoption du par. 161(6), la Commission pouvait rendre — et a effectivement rendu — des ordonnances réciproques dans l'exercice du pouvoir que lui conférait le par. 161(1), sur la foi de conclusions de fait tirées dans d'autres ressorts (voir, p. ex., Woods (Re) , 1997 LNBCSC 11 (QL), p. 5, où la Commission s'appuie sur [ traduction ] « les conclusions de fait et de droit des cours de justice de l'Ontario et les ordonnances d'exécution de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario », et Seto (Re) , 2006 BCSECCOM 569 (CanLII), par. 4, où la Commission établit les faits [ traduction ] « uniquement à partir de la décision et de l'ordonnance de l'[Alberta Securities Commission] et du jugement de la Cour provinciale de l'Alberta »).
[35] Dans ces décisions antérieures, le terme « l'événement » s'entendait de l'inconduite en cause, et nul ne le conteste. Ainsi, le choix de la Commission de se servir du « raccourci procédural » offert à l'al. 161(6)d) ne change pas la nature de l'instance de telle sorte que le règlement devienne l'événement (m.a., par. 40). Au contraire, comme l'al. 161(6)d) doit s'appliquer de pair avec le par. 161(1), l'instance demeure fondée sur le par. 161(1), et les mots « l'événement » continuent donc de s'entendre de l'inconduite en cause.
b) La thèse de l'intimé
[36] Pour l'intimé, la prétention de l'appelante ne peut être retenue car aucun élément du libellé clair du par. 161(6) n'indique que les décisions, les ordonnances ou les règlements sont admissibles comme « éléments de preuve ». Au contraire, [ traduction ] « la disposition habilite la Commission à rendre une ordonnance dans certaines situations précises lorsqu'une personne est visée par l'ordonnance d'un autre organisme de réglementation ou qu'elle a accepté de faire l'objet de sanctions » (m.i., par. 53). Étant donné que, dans le domaine des valeurs mobilières, une enquête ne prend pas toujours fin avant l'expiration du délai de six ans, l'objectif de l'al. 161(6)d) serait compromis si la Commission [ traduction ] « ne pouvait plus rendre d'ordonnance dès le moment où une instance extraprovinciale n'est pas menée à terme au plus tard six ans après l'inconduite » (m.i., par. 84). Plus simplement, selon l'interprétation de l'appelante, le délai de prescription pourrait expirer avant que l'événement visé à l'al. 161(6)d) ne se produise, ce qui contrecarrerait dans les faits l'objectif de la disposition.
c) Le choix entre les deux interprétations
[37] Pour les motifs qui suivent, j'estime que les deux interprétations sont raisonnables. Le libellé de la loi n'est pas parfaitement limpide. Comme le dit le professeur Willis, [ traduction ] « le texte est suffisamment ambigu pour inciter deux personnes à dépenser des sommes considérables pour faire valoir deux interprétations divergentes » (J. Willis, « Statute Interpretation in a Nutshell » (1938), 16 R. du B. can . 1, p. 4‑5, cité dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex , 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 30).
[38] Une disposition ne se prête pas toujours à plusieurs interprétations raisonnables. Lorsque les méthodes habituelles d'interprétation législative mènent à une seule interprétation raisonnable et que le décideur administratif en retient une autre, celle‑ci est nécessairement déraisonnable, et nul droit à la déférence ne peut justifier sa confirmation (voir, p. ex., Dunsmuir , par. 75; Mowat , par. 34). Dans ce cas, les « issues raisonnables possibles » ( Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa , 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 4) se limitent nécessairement à une seule, que le décideur administratif doit adopter.
[39] Mais, je le répète, nous ne sommes pas saisis de l'un de ces cas clairs. Les deux interprétations possibles de l'art. 159 avancées eu égard à son application à l'al. 161(6)d) trouvent un certain appui dans le texte, le contexte et l'objet de la loi. En un mot, les deux interprétations sont raisonnables . Bien entendu — et là réside le critère décisif —, si la Commission avait retenu l'autre interprétation et donné raison à l'appelante, j'ai peine à imaginer que nous aurions rejeté sa décision au motif qu'elle était déraisonnable.
[40] L'élément décisif en l'espèce réside dans le privilège dont jouit la Commission en matière d'interprétation : suivant la norme de la raisonnabilité, nous devons déférer à toute interprétation raisonnable du décideur administratif, même lorsque d'autres interprétations raisonnables sont possibles. Le législateur ayant confié au décideur administratif, et non à une cour de justice, le mandat d'« appliquer » sa loi constitutive ( Pezim , p. 596), c'est avant tout à ce décideur qu'appartient le pouvoir discrétionnaire de lever toute incertitude législative en retenant une interprétation que permet raisonnablement le libellé de la disposition en cause. La déférence judiciaire constitue alors en elle‑même un principe d'interprétation législative moderne.
[41] Partant, il incombe à l'appelante de prouver non seulement que son interprétation divergente est raisonnable, mais aussi que celle de la Commission est déraisonnable . Elle ne l'a pas fait. Forte de son expertise, la Commission a opté pour une interprétation en particulier. Et comme le caractère déraisonnable de celle‑ci n'a pas été démontré, rien ne nous permet d'intervenir dans le cadre d'un contrôle judiciaire même si une autre interprétation raisonnable est possible.
(2) Sens ordinaire
[42] Considérons d'abord le sens ordinaire de « l'événement ». À première vue, l'événement qui donne lieu à l'instance fondée sur l'al. 161(6)d) paraît être le fait, pour la personne en cause, de [ traduction ] « [convenir] avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières » de faire l'objet d'une mesure réglementaire. J'entends seulement par sens ordinaire le « sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition » ( Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes aériennes , [1993] 3 R.C.S. 724, p. 735). Le sens ordinaire semble donc étayer l'interprétation de la Commission.
[43] Toutefois, arrêter le sens ordinaire du terme « n'est pas déterminant et ne met pas fin à l'analyse » ( ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board) , 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, par. 48). Même si le sens ordinaire est présumé être celui voulu par le législateur, une cour de justice doit tenir compte d'autres éléments pour interpréter un texte législatif, et ce, pour la raison suivante :
Des mots en apparence clairs et exempts d'ambiguïté peuvent, en fait, se révéler ambigus une fois placés dans leur contexte. La possibilité que le contexte révèle une telle ambiguïté latente découle logiquement de la méthode moderne d'interprétation.
( Montréal (Ville) c. 2952‑1366 Québec Inc. , 2005 CSC 62, [2005] 3 R.C.S. 141, par. 10)
[44] Cette possibilité se réalise en l'espèce. Bien que le sens ordinaire semble assez manifeste, un examen approfondi du contexte de la disposition et de son objet suscite un certain doute quant à cette interprétation et permet d'envisager l'existence d'une autre interprétation raisonnable.
(3) L'historique de la disposition
[45] Le délai de prescription prévu à l'art. 159 existait depuis environ 10 ans lors de l'adjonction du par. 161(6) en 2006 ( Securities Amendment Act, 2006 , S.B.C. 2006, ch. 32). Il ne faisait jusqu'alors aucun doute que ce délai commençait à courir à compter de l'inconduite reprochée (voir, p. ex., Dennis (Re) , 2005 BCSECCOM 65, 2004 LNBCSC 705 (QL), par. 38; et Bapty , par. 28). Rappelons que les parties en conviennent.
[46] Ce n'est qu'avec l'adjonction du par. 161(6) que le moment auquel débutait la computation du délai est devenu incertain. Comme le législateur a décidé de ne pas modifier l'art. 159 après cette adjonction, on peut seulement lui prêter l'intention que les mots « l'événement » employés à l'art. 159 continuent de s'entendre de l'inconduite en cause. Autrement dit, le sens initial de « l'événement » n'a pas changé du jour au lendemain. Et comme l'a signalé le juge Dickson (plus tard Juge en chef), « les termes [. . .] doivent recevoir le sens qu'ils avaient au moment de [l']adoption » de la loi ( Perka c. La Reine , [1984] 2 R.C.S. 232, p. 265, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes (2 e éd. 1983), p. 163). Ce raisonnement, si on y adhère, appuie l'interprétation de l'appelante.
[47] En revanche, on peut prétendre que le sens initial de « l'événement » n'a jamais changé, la modification ayant uniquement visé ce qui constituait « l'événement » dans un contexte particulier. Il importe d'ailleurs de distinguer les deux. Comme l'explique la professeure Sullivan, [ traduction ] « même si le sens d'un terme demeure inchangé, les choses ou les événements qu'il vise peuvent changer radicalement avec le temps » (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5 e éd. 2008), p. 149; voir également P.‑A. Côté, avec la collaboration de S. Beaulac et M. Devinat, Interprétation des lois (4 e éd. 2009), p. 310‑311). La validité de cette prétention favorable à l'interprétation de la Commission est d'autant plus évidente lorsque l'on considère l'art. 159 dans son contexte, ce que je fais ci‑après.
(4) Interprétation de la disposition dans son contexte
[48] Le libellé [ traduction ] « l'événement qui [. . .] donne lieu [à l'instance] » figurant à l'art. 159 est assez large par comparaison à celui d'autres dispositions de la Loi qui établissent un délai de prescription. Par exemple, l'al. 140a), qui prévoit le délai pour intenter une action en annulation, accorde « 180 jours à compter de l'opération qui fait naître la cause d'action » . L'article 140.94, portant sur l'action relative à l'obligation d'information sur le marché secondaire, précise que le délai est de « 3 ans à compter de la publication initiale du document qui renferme la déclaration inexacte » .
[49] On peut soutenir que la formulation particulière de l'art. 159 fait sens dans le contexte. Contrairement aux art. 140 et 140.94, qui renvoient à des actions précises prévues par la Loi , l'art. 159 établit par défaut le délai de la prescription pour toute autre instance. Il est donc logique que le législateur ait voulu conférer un sens assez large au terme « l'événement » afin qu'il puisse s'appliquer à différentes situations. Pour les besoins du sous‑al. 161(1)a)(i), le sens ordinaire de « l'événement » s'entend de l'inconduite et renvoie au jour où la personne [ traduction ] « a contrevenu [. . .] à une disposition de [la] Loi ». Telle était assurément l'interprétation qui avait cours avant l'adjonction du par. 161(6). Mais on constate aussi aisément que, pour l'application de l'al. 161(6)a), « l'événement » peut renvoyer au jour où la personne [ traduction ] « a été déclarée coupable [. . .] d'une infraction ». Pour les besoins de l'al. 161(6)d) — la disposition en cause dans la présente affaire —, « l'événement » peut s'entendre du moment où la personne « a convenu avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières [. . .] de faire l'objet de sanctions, de conditions, de restrictions ou d'exigences ».
[50] L'appelante demande à la Commission de ne voir dans « l'événement qui [. . .] donne lieu [à l'instance] » que « l'inconduite qui donne lieu à l'instance ». C'est d'ailleurs essentiellement dans cette optique qu'est rédigée la disposition générale manitobaine sur la prescription : voir la Loi sur les valeurs mobilières , art. 137 (« la poursuite contre une personne ou une compagnie pour infraction à la présente loi se prescrit par huit ans à compter de la date à laquelle l'infraction a été commise ») . Toutefois, on ne saurait affirmer qu'une interprétation contextuelle de l'art. 159 milite en faveur de cette interprétation restrictive. En effet, il est plus logique, dans le contexte, d'interpréter « l'événement » avec souplesse, de manière que le terme puisse s'adapter aux diverses dispositions auxquelles l'article s'applique, y compris celles ajoutées au fil du temps, comme l'al. 161(6)d). Par conséquent, et sans égard aux désaccords éventuels sur l'importance de l'historique de la disposition, l'interprétation contextuelle de l'art. 159 appuie l'interprétation retenue par la Commission.
(5) La nature de l'instance secondaire
[51] Pour le meilleur ou pour le pire, au Canada, la réglementation des valeurs mobilières relève largement de la compétence des provinces et des territoires. Toutefois, étant donné la nature interprovinciale, voire internationale, des marchés financiers, « [i]l ne fait pas de doute que, de nos jours, la coopération des organismes de réglementation de divers ressorts est indispensable » ( Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission) , 2000 CSC 21, [2000] 1 R.C.S. 494, par. 27). C'est dans cette optique que sont adoptées des dispositions comme l'al. 161(6)d).
[52] En 2004, reconnaissant les éléments d'inefficacité du cadre législatif d'alors, toutes les provinces et tous les territoires (sauf l'Ontario, pour des raisons qui ne sont pas pertinentes en l'espèce) ont signé le Protocole d'entente provincial‑territorial sur la réglementation des valeurs mobilières (en ligne) (« protocole »). Le protocole établit, aux fins de la réglementation des valeurs mobilières, un « régime de passeport » doté d'un guichet unique pour les participants du marché :
L es juridictions hôtes s'en remettront à l'organisme de réglementation des valeurs mobilières de la juridiction principale du participant du marché quant à l'application des dispositions de la législation sur les valeurs mobilières relatives aux éléments concernés par le régime de passeport.
• L'organisme de réglementation des valeurs mobilières d'une juridiction hôte qui reçoit une plainte au sujet d'un participant du marché effectuera une évaluation préliminaire, puis adressera la plainte , ainsi que ses observations et les documents pertinents, à l'organisme de réglementation principal, qui poursuivra l'enquête et prendra des mesures en conséquence, s'il y a lieu .
• L'organisme de réglementation des valeurs mobilières de la juridiction hôte attendra les résultats de l'enquête de l'organisme de réglementation principal pour effectuer ses propres vérifications et, s'il le juge nécessaire, prendra ses propres mesures s'il est dans l'intérêt public de le faire ou si l'organisme de réglementation principal renvoie l'affaire à l'organisme de réglementation de la juridiction hôte pour que des mesures soient prises. [Je souligne; par. 5.6.]
[53] Peu après la signature du protocole, le législateur de la C.‑B. a proposé des mesures législatives en vue de mettre en œuvre ses dispositions, y compris le pouvoir d'intenter une instance secondaire que confère désormais le par. 161(6) (voir le projet de loi 20 intitulé Securities Amendment Act, 2006 , et le projet de loi 28 intitulé Securities Amendment Act, 2007 ). Bien entendu, l'al. 161(6)d) reconnaît le règlement intervenu dans un autre ressort; les autres alinéas visent la déclaration de culpabilité d'une infraction liée aux valeurs mobilières (al. 161(6)a)), les conclusions d'une cour de justice sur l'application des dispositions sur les valeurs mobilières (al. 161(6)b)) et l'ordonnance d'un organisme de réglementation (al. 161(6)c)).
[54] Par suite de cette modification législative, et bien que la Commission ne puisse renoncer à son pouvoir de décider elle‑même si une ordonnance est dans l'intérêt public, on pourrait prétendre, comme le fait d'ailleurs l'intimé, que le par. 161(6) rend inutiles en Colombie‑Britannique les instances parallèles et répétitives — d'où leur caractère inefficace — en offrant expressément un nouveau fondement à l'introduction d'une instance. En d'autres termes, le par. 161(6) réalise l'objectif législatif d'une coopération interprovinciale accrue en prévoyant un autre « événement » déclencheur en sus de l'inconduite en cause . Dès lors, pour engager une instance secondaire, il faut être en mesure d'invoquer effectivement pareil événement déclencheur, à savoir le règlement dans l'autre ressort (ou, selon le cas, la déclaration de culpabilité, le jugement ou l'ordonnance). Or, l'interprétation de l'art. 159 que préconise l'appelante pour les besoins du par. 161(6) mène à la conclusion embêtante que la prescription pourrait être opposable à toute démarche de la Commission fondée sur ce paragraphe avant même que l'événement déclencheur ne se produise .
[55] L'appelante réplique que dans les cas où le délai de prescription de six ans risque d'expirer avant la fin de l'instance engagée dans le ressort principal, la Colombie‑Britannique et chacun des autres ressorts secondaires doivent introduire leur propre instance sur le fondement du seul par. 161(1) (ou, dans le cas des autres ressorts, de la seule disposition provinciale ou territoriale équivalente), sous réserve de la possibilité d'invoquer le par. 161(6) (ou la disposition équivalente) ultérieurement. De toute évidence, sa thèse suppose nettement que le par. 161(6) ne modifie en rien le délai dans lequel l'instance secondaire doit être engagée.
[56] Toutefois, les faits de la présente affaire montrent à quel point l'interprétation de l'appelante peut se révéler problématique dans la réalité. Bien que la CVMO ait été informée initialement des irrégularités chez Hucamp en 2001, elle n'a engagé l'instance qu'en 2005 (soit quatre ans plus tard). Le règlement n'est intervenu qu'en 2008 (encore trois ans plus tard, et sept années complètes après la dernière inconduite). Nul ne laisse entendre que ce long délai est imputable à quelque inaction de la CVMO. Et pourtant, à l'aube de l'année 2007, la Commission de la C.‑B. aurait dû, selon l'appelante, se pourvoir aux termes du par. 161(1) afin de préserver son pouvoir ultime de rendre une ordonnance sur le fondement à la fois du par. 161(1) et de l'al. 161(6)d). Si elle l'avait fait, la Commission aurait alors pu — selon ce que l'appelante semble reconnaître — attendre la conclusion de l'instance de la CVMO avant de rendre sa propre ordonnance.
[57] La difficulté que pose l'interprétation de l'appelante est que si chacun des ressorts doit introduire une instance avant l'expiration de son délai de prescription — au lieu de s'en remettre à l'issue de l'instance dans le ressort principal —, le chevauchement des instances aura pour effet d'engorger le système de justice et de surcharger les commissions des valeurs mobilières. En outre, un lourd fardeau sera imposé aux personnes visées, car elles pourront alors faire l'objet de nombreuses instances introduites à la grandeur du pays et dans lesquelles elles devront se défendre simultanément.
[58] En revanche, permettre aux ressorts secondaires d'invoquer le par. 161(6) et d'attendre le dénouement de l'instance principale écarte certaines de ces complications. Cela n'est possible que s'il leur est permis d'entreprendre leurs démarches (et de faire ainsi en sorte que leurs délais de prescription commencent à courir) une fois que l'instance initiale a bel et bien été menée à terme, pas avant. Par conséquent, on peut affirmer que l'objet même du par. 161(6) est de prévoir un nouveau délai de prescription . À défaut d'une telle interprétation, le par. 161(6) n'apporte pas de solution aux difficultés inhérentes à la réglementation décentralisée des valeurs mobilières au Canada.
[59] En définitive, l'interprétation de la Commission est raisonnable en ce qu'elle favorise une coopération interprovinciale accrue, ce qui correspond à l'objectif manifeste du législateur. À l'opposé, celle de l'appelante ne cadre pas bien avec les indices généraux qui nous permettent de cerner l'intention du législateur. En réduisant l'adoption du par. 161(6) à la légalisation prudente d'une pratique existante, l'interprétation que préconise l'appelante contribue peu à accroître la coopération interprovinciale. Ce n'est pas que son interprétation soit incompatible avec l'objectif, mais elle ne favorise pas autant sa réalisation que celle retenue par la Commission.
(6) L'objectif d'un délai de prescription
[60] Je me garde de m'attacher au seul objectif législatif des dispositions relatives à l'instance secondaire et de négliger celui du délai de prescription. Il faut plutôt tenir compte de l'objectif législatif de l'al. 161(6)d) et de celui de l'art. 159.
[61] L'appelante dit craindre que l'interprétation de la Commission ne compromette la réalisation de deux des trois objectifs d'un délai de prescription, à savoir assurer la tranquillité d'esprit et encourager la diligence ( Novak c. Bond , [1999] 1 R.C.S. 808, par. 67). Mais surtout, permettre que le délai commence à courir dès l'introduction de chaque nouvelle instance entraînerait une cascade d'instances secondaires se greffant les unes aux autres et se succédant ainsi pendant des décennies. Selon l'appelante, [ traduction ] « [l]es douze ressorts étant dotés de telles dispositions, une personne pourrait faire l'objet d'instances successives pendant soixante‑quatorze ans » (m.a., par. 54 (en italique dans l'original)).
[62] L'appelante s'inquiète également de ce que l'al. 161(6)c) permet à la Commission d'engager une instance tant que la personne « fait l'objet d'une ordonnance » rendue par un autre organisme de réglementation. La durée d'une ordonnance rendue dans l'intérêt public peut atteindre 20 ans, voire plus (se reporter, p. ex., à Friedland (Re) , 2010 BCSECCOM 654 (CanLII) (20 ans); Neilsen (Re) , 2013 LNONOSC 254, 36 O.S.C.B. 3478 (25 ans); Robinson (Re) , 2013 LNABASC 295, 2013 ABASC 317 (CanLII) (en permanence); Maitland Capital Ltd. (Re) , 2012 LNONOSC 95, 35 O.S.C.B. 1729 (en permanence)). Si la Commission pouvait introduire une instance secondaire six ans après qu'une personne a cessé de « faire l'objet » de l'ordonnance principale, le délai de prescription pourrait en être substantiellement accru et même dépasser 74 ans.
[63] À mon avis, ces préoccupations ne sont pas futiles. Les délais de prescription existent pour de bonnes raisons, dont deux valent d'être mentionnées en l'espèce. Premièrement, « [i]l arrive un moment [. . .] où un éventuel défendeur devrait être raisonnablement certain qu'il ne sera plus redevable de ses anciennes obligations » ( M. (K.) c. M. (H.) , [1992] 3 R.C.S. 6, p. 29). Deuxièmement, arrivé à un certain point, [ traduction ] « [i]l vaut mieux que le [demandeur] négligent, qui n'a pas fait valoir son droit dans le délai prescrit, perde ce droit, que de laisser la porte ouverte à des litiges interminables » ( Cholmondeley c. Clinton (1820), 2 Jac. & W. 1, 37 E.R. 527, p. 577; voir également M. (K.) , p. 30).
[64] Au vu de ces raisons d'être, l'interprétation de l'appelante a un certain fondement. De toute évidence, l'interprétation que défend la Commission a pour effet de prolonger considérablement la période pendant laquelle une personne s'expose à une mesure réglementaire. Les autorités réclameront toujours plus de temps pour réprimer les contraventions à la loi, mais l'équité commande que les contrevenants ne puissent plus être poursuivis après un certain temps. À défaut d'autres considérations, l'objectif d'un délai de prescription milite donc en faveur de l'interprétation de l'appelante.
[65] Les inquiétudes exprimées par l'appelante peuvent cependant être aisément écartées. Bien que les commissions des valeurs mobilières soient investies d'un grand pouvoir discrétionnaire pour rendre des ordonnances dans l'intérêt public, leur compétence à cet égard « n'est toutefois pas illimitée » ( Actionnaires minoritaires de la Société Asbestos , par. 41). Par conséquent, nulle ordonnance — secondaire ou autre — n'échappe au contrôle de sa raisonnabilité en appel; v oir, p. ex., Lines c. British Columbia (Securities Commission) , 2012 BCCA 316, 35 B.C.L.R. (5th) 281 (où la cour conclut que l'ordonnance de la Commission rendue en application de l'al. 161(6)d) est déraisonnable parce qu'elle inflige une sanction sévère sur le seul fondement du règlement intervenu dans un autre ressort sans aveu de quelque inconduite).
[66] [ traduction ] « [U]ne loi est toujours censée s'appliquer dans une certaine optique » ( Roncarelli c. Duplessis , [1959] R.C.S. 121, p. 140). Gardant présentes à l'esprit les craintes formulées par l'appelante, il me semble que l'organisme de réglementation qui chercherait à agir de la manière que redoute l'appelante contrecarrerait l'objectif législatif du délai de prescription et dénaturerait l'objectif des dispositions prévoyant l'introduction d'une instance secondaire.
[67] L'intimé le reconnaît dans sa plaidoirie orale et dans son mémoire — et c'est tout à son honneur (voir la transcription, p. 55; m.i., par. 90). Selon une approche qui me paraît à la fois raisonnable et responsable, il convient de la justesse des trois assertions suivantes :
1. Peu importe que l'on applique l'un ou l'autre des quatre alinéas du par. 161(6) qui donnent ouverture à l'instance secondaire, « l'événement » renvoie à l'acte lorsqu'il se produit pour la première fois. Par conséquent, si un règlement intervient le 1 er janvier 2013 et expire le 1 er janvier 2015, c'est à la première date, non à la seconde, que le délai de prescription commence à courir.
2. Une instance secondaire ne peut être introduite aux termes du par. 161(6) lorsque l'ordonnance initiale a déjà expiré. Autrement dit, si nous poursuivons avec le même exemple, la Commission ne pourrait engager d'instance secondaire le 1 er février 2015, car l'ordonnance initiale ne serait plus applicable.
3. Toute ordonnance rendue aux termes du par. 161(6) doit être fondée sur une instance initiale dans le ressort principal. Les instances secondaires ne peuvent se « succéder» les unes aux autres comme le craint l'appelante.
Point n'est besoin d'avaliser ou non ces concessions, mais elles me paraissent éminemment sensées. Ainsi, l'organisme de réglementation qui introduit une instance secondaire dans les situations considérées doit toujours être prêt à défendre la raisonnabilité de sa décision lors d'un contrôle en appel.
[68] L'application de l'art. 159 à l'instance secondaire engagée par exemple sur le fondement de l'al. 161(6)d) a certes l'effet concret de prolonger la période pendant laquelle une personne peut craindre de faire l'objet de mesures réglementaires, mais il n'en résulte pas en soi d'atteinte à l'objectif législatif du délai de prescription. Les délais de prescription « procèdent [toujours] de décisions de principe arrêtées par le législateur » ( Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général) , 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623, par. 230, le juge Rothstein, dissident) puisqu'ils visent à « établir un équilibre entre les intérêts des deux parties » ( Murphy c. Welsh , [1993] 2 R.C.S. 1069, p. 1080).
[69] L'interprétation de la Commission établit un équilibre raisonnable entre l'accroissement de la coopération interprovinciale et les objectifs d'un délai de prescription. Par conséquent, malgré les craintes concevables de l'appelante, je ne puis conclure que l'interprétation de la Commission soit déraisonnable eu égard à l'objectif d'un délai de prescription.
(7) Conclusion sur l'interprétation de la Commission
[70] Le sens ordinaire, le contexte et l'objet de l'art. 159 et du par. 161(6) permettent de conclure raisonnablement que « l'événement » qui donne lieu à une instance fondée sur l' al. 1 61(6)d) s'entend du fait de « conven[ir] avec un organisme de réglementation des valeurs mobilières » de faire l'objet d'une mesure réglementaire. Je ne dis pas que l'interprétation de l'appelante n'est pas raisonnable, mais, je le répète, lorsque deux interprétations raisonnables divergentes sont possibles à cause d'une ambiguïté de la loi constitutive, la Commission, forte de son expertise, peut opter pour l'une ou l'autre, à son gré. Les cours de justice doivent respecter son choix.
C. L'absence de motifs
[71] Je signale brièvement que, dans la présente affaire, la Commission ne motive pas son interprétation de l'art. 159. Elle rend plutôt son ordonnance et, de ce fait, conclut tacitement que l'instance n'est pas prescrite. Comme le dit la Cour dans l'arrêt Alberta Teachers , « la déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité se manifeste optimalement lorsqu'une décision administrative est justifiée de façon intelligible et transparente » (par. 54; voir également Dunsmuir , par. 47). Néanmoins, « lorsque la décision a un fondement raisonnable manifeste, il n'est généralement pas nécessaire de renvoyer l'affaire au tribunal administratif » (par. 55; voir également Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) , 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, par. 58).
[72] Dans le présent dossier, contrairement à l'affaire Alberta Teachers , nous ne disposons pas du raisonnement de la Commission dans d'autres affaires portant sur le même point (voir les par. 56-57). Toutefois, le bien‑fondé de l'interprétation de la Commission ressort de l'argumentaire de l'intimé, lequel est également habilité à rendre des ordonnances suivant les par. 161(1) et (6) (et donc à interpréter ces dispositions). De plus, ces arguments s'appuient sur des principes d'interprétation législative établis. Par conséquent, bien qu'il eût été préférable que la Commission motive son ordonnance, il n'y a aucun avantage en l'espèce à lui renvoyer l'affaire pour qu'elle explique ce qui est déjà manifeste.
VI. Dispositif
[73] Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter le pourvoi, avec dépens.
Version française des motifs rendus par
[74] La juge Karakatsanis — Je souscris au dispositif que propose le juge Moldaver en l'espèce, ainsi qu'à une grande partie de son analyse. Je conviens avec lui que la British Columbia Securities Commission interprète raisonnablement l'art. 159 de la Securities Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 418, lorsqu'elle conclut que le délai de prescription qui y est prévu fait en sorte qu'une instance secondaire fondée sur le par. 161(6) de la Loi doit être engagée au plus tard six ans après que la personne en cause s'est vu infliger une sanction dans un autre ressort, et non dans les six ans de son inconduite.
[75] Cependant, je ne partage pas son avis selon lequel l'interprétation contraire préconisée par l'appelante — à savoir que le délai de prescription court à compter de l'inconduite, et non du prononcé de l'ordonnance de la CVMO — est également raisonnable. Je ne suis pas d'accord.
[76] Bien que le libellé de la disposition en cause ou son historique puissent donner lieu à des interprétations différentes dans l'abstrait, l'objectif législatif de faciliter la coopération entre les ressorts milite fortement contre l'interprétation avancée par l'appelante.
[77] Au moyen de dispositions apparentées, les différentes législatures provinciales et territoriales ont doté leurs organismes de réglementation du pouvoir d'engager des instances secondaires [4] . Elles l'ont fait aux fins de la coopération intergouvernementale, de l'uniformité de la réglementation des valeurs mobilières et de l'application de celle-ci à la grandeur du pays, des objectifs qui sous‑tendent également le Protocole d'entente provincial‑territorial sur la réglementation des valeurs mobilières. Comme le signale mon collègue, la Cour a reconnu que la coopération intergouvernementale est « indispensable » à la réglementation des valeurs mobilières ( Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission) , 2000 CSC 21, [2000] 1 R.C.S. 494, par. 27). Cette coopération revêt une importance particulière eu égard au Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières , 2011 CSC 66, [2011] 3 R.C.S. 837.
[78] Selon l'interprétation que préconise l'appelante, la British Columbia Securities Commission ne peut introduire une instance secondaire contre une personne que dans les six ans de l'inconduite en cause. Dès lors, lorsque — comme dans la présente affaire — l'enquête dans l'autre ressort ne débouche pas sur une ordonnance ou un règlement dans les six ans de l'inconduite, la Commission ne pourrait exercer son pouvoir d'introduire une instance secondaire que si elle avait déjà engagé une instance avant l'expiration du délai de prescription de six ans. Je vois dans cette solution — que la Commission introduise plutôt sa propre instance principale avant la conclusion de l'enquête dans l'autre ressort — un dédoublement incompatible avec les objectifs du régime qui permet l'introduction d'instances secondaires.
[79] Dans ce contexte, je ne suis pas convaincue qu'il aurait été raisonnable pour la Commission d'interpréter le délai de prescription comme nous y exhorte l'appelante. Pareille interprétation serait allée à l'encontre de la démarche téléologique.
[80] La conclusion de mon collègue selon laquelle les deux interprétations sont raisonnables fait en sorte que les commissions des valeurs mobilières des différents ressorts canadiens pourront tirer des conclusions diamétralement opposées relativement à l'application de dispositions législatives qui sont essentiellement équivalentes et qui visent les mêmes objectifs. Pareil résultat risque de contrecarrer les objectifs d'uniformité et de coopération qui sous‑tendent le régime des instances secondaires.
[81] Comme le souligne mon collègue, statuer sur le présent pourvoi n'exige pas que nous décidions si l'interprétation proposée par l'appelante est raisonnable ou non.
[82] En conséquence, mise à part cette réserve à l'égard des motifs de mon collègue, je suis également d'avis de rejeter le pourvoi.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureurs de l'appelante : Stockwoods, Toronto.
Procureur de l'intimé : British Columbia Securities Commission, Vancouver.
Procureurs de l'intervenante l'Association des conseillers en finances du Canada : Blaney McMurtry, Toronto.
Procureur de l'intervenante la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario : Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, Toronto.
[1] Pour une critique du cadre actuel, voir M. Teplitsky, « Standard of review of administrative adjudication : “What a tangled web we weave . . .” » (2013), J. plaideurs 3.
[2] Bien que le présent pourvoi constitue, à proprement parler, un appel prévu par la loi et non une demande de contrôle judiciaire, les principes généraux de droit administratif s'appliquent tout de même ( Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers) , [1994] 2 R.C.S. 557, p. 591‑592 et 598‑599; Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia , 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, par. 21).
[3] Signalons que la Cour suprême des É.‑U. a récemment exclu cette possibilité; voir City of Arlington, Texas c. Federal Communications Commission , 133 S. Ct. 1863 (2013) ([ traduction ] « la distinction entre l'interprétation qui touche à la compétence et celle qui n'y touche pas est illusoire », car il n'existe pas de « catégorie distincte d'interprétations touchant à la compétence » (p. 1868 et 1874)).
[4] Voir Securities Act , R.S.A. 2000, ch. S‑4, par. 198(1.1); Securities Act , R.S.B.C. 1996, ch. 418, par. 161(6); Loi sur les valeurs mobilières , C.P.L.M., ch. S50, par. 148.4(1); Loi sur les valeurs mobilières , L.N.‑B. 2004, ch. S‑5.5, par. 184(1.1); Securities Act , R.S.N.L. 1990, ch. S‑13, par. 127(1.1); Securities Act , R.S.N.S. 1989, ch. 418, par. 134(1A); Loi sur les valeurs mobilières , L.T.N.‑O. 2008, ch. 10, par. 60(3); Securities Act , S.Nu. 2008, ch. 12, par. 60(3); Loi sur les valeurs mobilières , L.R.O. 1990, ch. S.5, par. 127(10); Securities Act , R.S.P.E.I. 1988, ch. S‑3.1, par. 60(3); The Securities Act , 1988 , S.S. 1988‑89, ch. S‑42.2, par. 134(1.1); Loi sur les valeurs mobilières , L.Y. 2007, ch. 16, par. 60(3).