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02/06/2006 | CANADA | N°2006_CSC_22

Canada | Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 (2 juin 2006)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 2006 CSC 22

Date : 20060602

Dossier : 30839

Entre :

Mattel, Inc.

Appelante

et

3894207 Canada Inc.

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major*, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 92)

Motifs concordants :

(par. 93)

Le juge Binnie (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des

juges Bastarache, Deschamps, Fish, Abella et Charron)

Le juge LeBel

* Le juge Major n’a pas pris part au jugement.

______________________________

M...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 2006 CSC 22

Date : 20060602

Dossier : 30839

Entre :

Mattel, Inc.

Appelante

et

3894207 Canada Inc.

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major*, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 92)

Motifs concordants :

(par. 93)

Le juge Binnie (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Deschamps, Fish, Abella et Charron)

Le juge LeBel

* Le juge Major n’a pas pris part au jugement.

______________________________

Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, 2006 CSC 22

Mattel, Inc. Appelante

c.

3894207 Canada Inc. Intimée

Répertorié : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc.

Référence neutre : 2006 CSC 22.

No du greffe : 30839.

2005 : 18 octobre; 2006 : 2 juin.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major*, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron.

en appel de la cour d’appel fédérale

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (les juges Létourneau, Noël et Pelletier) (2005), 329 N.R. 259, 38 C.P.R. (4th) 214, [2005] A.C.F. no 64 (QL), 2005 CAF 13, qui a confirmé une décision du juge Rouleau (2004), 248 F.T.R. 228, 30 C.P.R. (4th) 456, [2004] A.C.F. no 436 (QL), 2004 CF 361, qui avait confirmé une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (2002), 23 C.P.R. (4th) 395, [2002] C.O.M.C. no 35 (QL). Pourvoi rejeté.

Paul D. Blanchard, Henry S. Brown, c.r., et Lisa R. W. Vatch, pour l’appelante.

Sophie Picard, pour l’intimée.

Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish, Abella et Charron rendu par

1 Le juge Binnie — L’appelante, une fabricante de jouets, affirme que la poupée BARBIE est une icône de la culture pop. Et elle dit vrai, dans une certaine mesure. Les ventes annuelles des divers produits BARBIE dépassent 1,4 milliard de dollars à l’échelle mondiale, ce qui représente 35 p. 100 du chiffre d’affaires de l’appelante. L’appelante précise que les fillettes canadiennes âgées de 3 à 11 ans reçoivent en moyenne deux poupées BARBIE par année. Elle s’oppose donc à la demande de l’intimée qui cherche à enregistrer des marques de commerce à l’égard de la petite chaîne de restaurants « Barbie’s » qu’elle exploite dans la région de Montréal, au motif que l’emploi de ce nom (quoique à l’égard de marchandises et services différents) est susceptible de créer de la confusion sur le marché. Les consommateurs qui ne connaissent que vaguement les deux marques, prétend‑on, sont susceptibles de croire que la société qui fabrique les poupées a quelque chose à faire avec le restaurant « Barbie’s ». Ou, pour reprendre les termes utilisés par l’appelante dans la question suivante posée aux consommateurs lors d’un sondage : « Croyez‑vous que la compagnie qui fabrique les poupées Barbie pourrait avoir quelque chose à faire avec le restaurant identifié par cette enseigne ou ce logo? » (Je souligne.)

2 Les techniques marchandes ont beaucoup progressé depuis l’époque où l’on gravait une « marque » sur des gobelets d’argent ou sur des pichets en terre cuite afin d’identifier les marchandises produites par un orfèvre ou un potier en particulier. Le rôle traditionnel des marques était de créer un lien dans l’esprit de l’acheteur éventuel entre le produit et son fabricant. Le pouvoir d’attraction des marques de commerce et des autres « noms commerciaux célèbres » est maintenant reconnu comme l’un des plus précieux éléments d’actif d’une entreprise. Or, peu importe l’évolution commerciale des marques de commerce, elles ont toujours pour objet, sur le plan juridique, (selon les termes mêmes de l’art. 2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13) leur emploi par la personne qui en est propriétaire « de façon à distinguer [. . .] les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres ». Il s’agit d’une garantie d’origine et, implicitement, d’un gage de la qualité que le consommateur en est venu à associer à une marque de commerce en particulier (comme c’est le cas du personnage mythique du réparateur « Maytag »). Le droit relatif aux marques de commerce appartient, en ce sens, au domaine de la protection des consommateurs.

3 L’appelante explique que la conceptrice originale des poupées a emprunté à ses propres enfants le nom BARBIE et celui de son « âme sœur », Ken. Le nom des marchandises de l’appelante n’a pas comme tel un caractère distinctif inhérent. En fait, Barbie est le diminutif courant de Barbara. C’est aussi un nom de famille. Au cours des quatre dernières décennies, la commercialisation massive de la poupée et de ses accessoires a cependant conféré au nom BARBIE un sens secondaire très fort qui, lorsque le contexte s’y prête, l’associe aux poupées de l’appelante dans l’esprit du public.

4 L’appelante soutient que la marque de commerce BARBIE transcende maintenant les produits qu’elle servait initialement à distinguer. De plus, elle affirme que la notoriété de sa marque va au‑delà des marchandises et services destinés aux fillettes de 3 à 11 ans (sa principale clientèle) et touche divers produits figurant dans plusieurs de ses enregistrements ([traduction] « eau de toilette, lotion pour les mains et lotion pour le corps »), produits alimentaires ([traduction] « épices, pains, gâteaux, céréales, café, craquelins, farine, fines herbes, tartes, crème glacée, pizza ») de même que vélos, sacs à dos, livres et blocs de papier de bricolage. Bien sûr, rien n’empêche l’appelante d’utiliser sa marque BARBIE pour stimuler (si faire se peut) les ventes de n’importe quel produit, que ce soit des vélos, de l’eau de toilette, ou même des tondeuses à gazon ou des services funéraires, mais reste à savoir si l’appelante peut invoquer le droit des marques de commerce pour empêcher d’autres personnes d’utiliser un nom aussi courant que Barbie en liaison avec des services (par exemple, des restaurants) à ce point éloignés des produits qui sont à l’origine de la renommée de BARBIE.

5 Contrairement à d’autres formes de propriété intellectuelle, le droit à une marque de commerce repose essentiellement sur son emploi véritable. Ainsi, l’inventeur canadien a droit à un brevet même s’il n’en fait aucune exploitation commerciale. Le dramaturge conserve son droit d’auteur même si sa pièce n’est pas jouée. Mais, en ce qui concerne une marque de commerce, le mot d’ordre est de l’employer sous peine de la perdre. L’enregistrement d’une marque déposée qui n’a pas été employée est susceptible de radiation (par. 45(3)). Aucun élément de preuve crédible n’a démontré que la marque BARBIE a été employée au Canada, par l’appelante ou par l’un de ses titulaires de licence, en liaison avec les services visés par la demande de l’intimée, à savoir « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet ».

6 Dans une procédure d’opposition, le droit des marques de commerce offre une protection qui transcende les gammes de produits traditionnels, sauf si le requérant démontre que l’enregistrement de sa marque n’est pas susceptible de créer de la confusion dans le marché au sens de l’art. 6 de la Loi sur les marques de commerce. La confusion est un terme défini et le par. 6(2) impose à la Commission des oppositions des marques de commerce (et ultimement, à la cour) de déterminer si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure (à tort) aux acheteurs éventuels que les marchandises et services — même s’ils n’appartiennent pas à la même catégorie générale — sont néanmoins offerts par la même personne. Une telle conclusion n’est évidemment possible en l’espèce que si un lien ou une association est susceptible de s’établir dans l’esprit du consommateur entre la source des produits BARBIE, qui sont notoires, et la source des restaurants de l’intimée, qui sont moins connus. Si aucun lien n’est susceptible d’être établi, il ne peut exister de probabilité de conclusion erronée et, par conséquent, aucune confusion au sens de la Loi.

7 L’appelante prétend essentiellement (selon le par. 48 de son mémoire) que [traduction] « les marques de commerce BARBIE de Mattel sont célèbres au Canada et partout dans le monde, et font instantanément surgir l’image de la marque dans l’esprit des consommateurs. Ayant acquis une telle renommée, les marques telles que [. . .] BARBIE ne peuvent dorénavant être apposées sur la plupart des services et des biens de consommation au Canada, sans que le consommateur moyen soit amené à inférer l’existence d’un lien commercial avec les propriétaires de ces marques célèbres » (je souligne). Il est possible que certaines marques de commerce aient cet effet, mais la Commission a conclu que la notoriété de BARBIE était liée aux poupées et aux accessoires de poupées. En ce moment, sa renommée ne suffit pas pour établir à elle seule une zone générale d’exclusivité couvrant [traduction] « la plupart des services et des biens de consommation ». La Commission n’était pas tenue de spéculer sur ce qui pourrait advenir un jour de la marque BARBIE. Elle devait traiter la demande de l’intimée en se fondant sur les faits tels qu’ils ont été établis par la preuve.

8 L’appelante s’appuie sur la remarque du professeur J. T. McCarthy, qui sera analysée plus loin, selon laquelle [traduction] « une marque relativement forte peut franchir d’un seul bond un écart considérable entre deux gammes de produits » (McCarthy on Trademarks and Unfair Competition (4e éd. (feuilles mobiles)), § 11:74). Toutefois, la preuve soumise à la Commission a démontré que l’écart, en l’occurrence, était trop grand pour BARBIE et qu’il est probable que les consommateurs éventuels ne concluront pas que le propriétaire de la marque de commerce de la poupée BARBIE, quel qu’il soit, est associé d’une façon quelconque aux restaurants identifiés par la marque que l’intimée veut déposer. Il s’agit là d’une conclusion que la Commission pouvait effectivement tirer.

9 Comme le permet le par. 56(5) de la Loi, l’appelante a demandé à produire de nouveaux éléments de preuve devant le juge des requêtes relativement à la probabilité de confusion, mais le juge a estimé que la preuve ainsi offerte ne satisfaisait pas au critère établi par la Loi et l’a, pour cette raison, rejetée à bon droit.

10 Dans le présent pourvoi, la décision de la Commission devrait être confirmée à moins qu’il ne soit démontré qu’elle est déraisonnable. La preuve admissible n’a pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste en concluant que le restaurateur intimé s’est acquitté de son fardeau de prouver que les consommateurs éventuels ne sont pas susceptibles de tirer une conclusion erronée. Je suis donc d’avis de confirmer le caractère raisonnable de la décision de la Commission de permettre le dépôt de la marque de commerce de l’intimée et je rejetterais le pourvoi.

I. Les faits

11 C’est en 1992 que l’intimée a ouvert son premier restaurant Barbie’s à Montréal. Au fil des ans, elle en a ouvert deux autres (l’un d’eux a par la suite fermé ses portes). Il s’agit d’établissements à prix moyens qui combinent un bar et une grilladerie et servent surtout des mets préparés sur le barbecue (ou, comme l’indique le menu, sur le « barbie‑Q »), notamment des côtes levées, de la viande fumée, des souvlakis, des steaks, du poulet, des fruits de mer et de la pizza, ainsi que des boissons alcoolisées. On y offre également le petit‑déjeuner et le repas du midi. Leurs activités sont surtout axées sur le service à table. Le décor est conçu pour plaire aux adultes et le bar occupe une place importante dans chacun des emplacements. Les restaurants offrent un menu pour enfants et, un soir par semaine, ces derniers peuvent y manger « gratuitement », mais la Commission a conclu que les restaurants ciblaient une clientèle adulte. Si on la compare à celle de l’appelante, l’entreprise de l’intimée est modeste. Sur une période de six ans, soit de 1992 à 1997 inclusivement, le chiffre d’affaires total des restaurants s’est élevé à environ 11 millions de dollars. Les frais de publicité, incluant les annonces à la télévision, à la radio et dans les journaux, se sont établis à environ 616 000 $ pour la même période. En septembre 1993, une demande (que l’on attribue maintenant à l’intimée) a été présentée en vue de l’enregistrement de la marque de commerce BARBIE’S & Dessin, en liaison avec [traduction] « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet ». La marque de l’intimée est affichée bien en vue à l’extérieur des restaurants, et elle figure sur les menus, serviettes de papier, pochettes d’allumettes, reçus, bons de commandes et cartes d’affaires. Voici une représentation de la marque visée par la demande d’enregistrement actuelle :

12 De toute évidence, il existe des éléments de ressemblance entre les marques de commerce de l’appelante et celles dont l’enregistrement est demandé par l’intimée. Voici une représentation de la marque déposée de l’appelante :

BARBIE

13 Les marques de commerce de l’appelante jouissent d’une grande notoriété à l’échelle mondiale relativement à des poupées et à des accessoires destinés principalement au marché des fillettes de 3 à 11 ans. Certains adultes collectionnent les produits BARBIE. En 2001, les ventes, la promotion et la publicité des produits BARBIE au Canada généraient annuellement des recettes de vente d’approximativement 75 millions de dollars, des revenus de licence d’environ 5 millions de dollars et des dépenses de publicité d’à peu près 5 millions de dollars. L’appelante se décrit en l’espèce comme une entreprise dont les activités consistent à [traduction] « développer du capital‑marque ». Des licences sont couramment attribuées pour la marque de commerce BARBIE et les marchandises ou biens auxquels elle se rattache sont de plus en plus nombreux. L’appelante estime que la concession de licences pour les marques de commerce BARBIE constitue une activité lucrative en pleine croissance. À ce jour, ni l’appelante ni l’un des titulaires de licence n’ont employé la marque BARBIE pour des services de restaurant, des services de mets à emporter ou des services de traiteur et de banquet. J’utiliserai généralement l’expression « la marque BARBIE » pour désigner l’ensemble des marques de commerce de l’appelante.

II. Dispositions législatives pertinentes

14 Voir l’annexe.

III. Historique des procédures

A. Office de la propriété intellectuelle du Canada, Commission des oppositions des marques de commerce (le commissaire Herzig au nom du registraire des marques de commerce) (2002), 23 C.P.R. (4th) 395

15 La Commission a conclu que les deux marques possédaient un caractère distinctif inhérent relativement faible puisqu’elles pouvaient être perçues comme un surnom ou un diminutif du prénom Barbara. La marque de Mattel était très connue au Canada lorsqu’elle était employée en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées. La marque de commerce visée par la demande d’enregistrement du restaurateur s’était forgée une certaine notoriété dans les environs de Montréal, mais la période pendant laquelle les marques avaient été employées favorisait celles de Mattel. Les marchandises de l’opposante et les services de la requérante étaient « très différents ». Les enfants et, dans une certaine mesure, les adultes collectionneurs constituaient le marché cible de Mattel, alors que la requérante exerçait ses activités dans la restauration et que son marché cible était principalement composé d’adultes. Les marques étaient essentiellement les mêmes sur le plan du son et des idées qu’elles suggèrent, et il en était de même des impressions visuelles globales qu’elles laissaient si l’on ne tient pas compte des caractéristiques passablement non distinctives du dessin de la marque visée par la demande d’enregistrement.

16 Bien que l’opposante (maintenant l’appelante) en l’espèce ait tenté d’établir un lien entre la nourriture et les produits alimentaires vendus sous le nom de ses propres marques BARBIE et les services de restaurant offerts par la requérante, la Commission n’a pas retenu sa prétention voulant qu’il existe véritablement un lien entre les deux. Même si l’opposante n’était pas tenue de fournir des éléments de preuve établissant une confusion réelle, ce qu’elle n’a effectivement pas fait, cette absence de preuve constituait une circonstance pertinente parmi d’autres, mais sans plus.

17 Compte tenu des circonstances, la Commission a conclu que la marque de l’intimée n’était pas susceptible de créer de la confusion avec l’une des marques BARBIE de Mattel aux dates pertinentes. La Commission a rejeté l’opposition et fait droit à l’enregistrement.

B. Cour fédérale (le juge Rouleau), [2004] A.C.F. no 436 (QL), 2004 CF 361

18 Le juge des requêtes a fait remarquer que « [c]e n’est pas parce que la marque [BARBIE de Mattel] était célèbre qu’il fallait automatiquement présumer qu’il y aurait confusion » (par. 40). Il a estimé que le critère applicable était celui de la probabilité raisonnable de confusion et que la notoriété de la marque « ne saurait constituer un atout de commercialisation propre à éliminer complètement les autres facteurs » (par. 40). Il était nécessaire d’évaluer tous les facteurs énumérés au par. 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, et « [l]’un des facteurs clés en l’espèce est la différence frappante entre les marchandises » (par. 17). Il a ajouté que « la confusion est moins probable lorsque les marchandises sont sensiblement différentes, même lorsque la marque est bien connue » et que « lorsqu’elles sont sensiblement différentes, il faut accorder une importance considérable à ce facteur » (par. 17‑18). En l’occurrence, il a dit « [i]l y a donc une différence on ne peut plus significative entre le genre de marchandises ainsi que la nature du commerce des deux parties » (par. 21) et « rien dans ces restaurants n’évoque les jouets, les poupées ou le monde de l’enfance » (par. 20).

19 Le juge des requêtes a rejeté la requête de Mattel visant à produire un nouvel élément de preuve, soit un sondage destiné à démontrer la probabilité de confusion entre les marques, estimant que le sondage « comporte des lacunes flagrantes et déterminantes qui nuisent considérablement à sa pertinence » (par. 27). Le sondage n’a donc pas pu être utilisé pour établir l’existence d’une probabilité réelle de confusion. Il n’a servi qu’à démontrer que la marque de commerce BARBIE de Mattel était effectivement célèbre. Aucune preuve d’un quelconque cas de confusion n’a été établie malgré dix ans de coexistence entre les marques dans la région de Montréal. Le juge des requêtes a donc rejeté l’appel.

C. Cour d’appel fédérale (les juges Létourneau, Noël et Pelletier), [2005] A.C.F. no 64 (QL), 2005 CAF 13

20 La Cour d’appel a conclu que le juge des requêtes n’avait commis aucune erreur en rejetant la preuve par sondage à cause de la façon dont la maison de sondages avait formulé les questions. Les résultats du sondage auraient pu tout au plus démontrer l’existence d’une possibilité de confusion, ce qui n’est pas suffisant pour satisfaire à la norme de la probabilité raisonnable de confusion. En définitive, la cour a confirmé la conclusion du juge des requêtes. L’appel a été rejeté.

IV. Analyse

21 Les marques de commerce constituent en quelque sorte une anomalie du droit de la propriété intellectuelle. Contrairement au titulaire de brevet ou au titulaire du droit d’auteur, le propriétaire d’une marque de commerce n’est pas tenu de faire bénéficier le public d’une innovation pour jouir en retour d’un monopole. En l’espèce, la marque de commerce n’est même pas un mot inventé comme le sont « Kodak » ou « Kleenex ». L’appelante s’est simplement approprié le diminutif utilisé couramment pour les enfants prénommées Barbara. En revanche, le titulaire d’un brevet doit inventer quelque chose de nouveau et d’utile. Et quiconque souhaite obtenir un droit d’auteur doit enrichir le répertoire humain d’une œuvre expressive. Dans les deux cas, le public a décidé, par la voix du législateur, qu’il convenait d’encourager ces inventions et de faciliter ces nouvelles expressions par l’octroi d’un monopole protégé par la loi (c.‑à‑d. en empêchant quiconque d’exploiter sans autorisation l’invention ou l’expression protégée par le droit d’auteur). Par contre, le propriétaire de la marque de commerce peut simplement avoir utilisé un nom courant comme « marque » pour distinguer ses marchandises de celles de ses concurrents. Sa prétention à un monopole ne repose pas sur le fait qu’il confère un avantage au public, comme en matière de brevet ou de droit d’auteur, mais sur le fait qu’il sert un intérêt important du public en garantissant aux consommateurs que la source de laquelle ils achètent est bien celle qu’ils croient et qu’ils obtiennent la qualité qu’ils associent à cette marque de commerce en particulier. Les marques de commerce font donc en quelque sorte office de raccourci qui dirige les consommateurs vers leur objectif et, en ce sens, elles jouent un rôle essentiel dans une économie de marché. Le droit des marques de commerce repose sur les principes de l’équité dans les activités commerciales. On dit parfois qu’il sert à maintenir l’équilibre entre la libre concurrence et la juste concurrence.

22 L’équité exige bien sûr qu’on tienne compte des intérêts du public et des autres commerçants, des avantages d’une concurrence ouverte ainsi que du droit qu’a le propriétaire de la marque de commerce de protéger son investissement dans la marque. Il faut prendre soin de ne pas créer une zone d’exclusivité et de protection qui aille au‑delà de l’objet du droit des marques de commerce. Comme le fait observer le professeur David Vaver :

[traduction] D’un côté, les propriétaires de marques de commerce notoires affirment que ceux qui n’ont pas semé ne devraient pas récolter, que la mauvaise foi devrait être sanctionnée, que manœuvrer subrepticement pour profiter de la notoriété de leurs marques de commerce constitue une pratique commerciale malhonnête. Ces doléances ne mènent nulle part. On pourrait tout aussi bien dire que le propriétaire d’une marque de commerce notoire récolte ce qu’il n’a pas semé lorsqu’il empêche un commerçant d’utiliser la même marque ou une marque semblable, sans lui faire concurrence, dans une région géographique ou dans un marché éloignés de ceux qu’il exploite.

(D. Vaver, « Unconventional and Well‑known Trade Marks », [2005] Sing. J.L.S. 1, p. 16)

23 L’objet des marques de commerce est de créer des liens et de les représenter par un symbole. Comme nous l’avons vu, l’art. 2 de la Loi sur les marques de commerce définit ainsi l’expression « marque de commerce » :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres . . .

L’article 15 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l’Organisation mondiale du commerce, 1869 R.T.N.U. 332, va dans le même sens dans sa définition de « marque de commerce », dont voici un extrait :

Tout signe, ou toute combinaison de signes, propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises . . .

24 Ainsi que la Cour l’a formulé dans Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., [2005] 3 R.C.S. 302, 2005 CSC 65, la marque de commerce « devient un symbole du rapport entre la source d’un produit et le produit lui‑même » (le juge LeBel, par. 39). Si, comme l’a conclu la Commission, même les consommateurs occasionnels ne sont pas susceptibles d’établir un lien entre la source des poupées BARBIE et les restaurants de l’intimée, alors les marques de l’appelante ont reçu la protection à laquelle elles ont droit.

25 C’est à l’intimée qu’incombait pendant tout le processus le fardeau de prouver l’absence de probabilité, mais la Commission n’était tenue d’examiner que les sources possibles de confusion qu’elle estimait vraisemblables.

26 Il est bien sûr compréhensible que l’appelante défende vigoureusement la protection accordée à sa marque. Non seulement l’appelante cherche à exploiter le « capital‑marque » BARBIE qu’elle s’est employée à établir, mais à l’instar de tous les propriétaires de marques de commerce, elle doit, comme la loi l’y oblige, protéger ses marques de commerce contre le piratage ou contre le risque que celles‑ci perdent leur caractère distinctif et, éventuellement, leur protection légale : Aladdin Industries, Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd., [1974] R.C.S. 845; Breck’s Sporting Goods Co. c. Magder, [1976] 1 R.C.S. 527.

27 En common law, l’appelante aurait dû intenter une action pour « commercialisation trompeuse », qui tire ses origines du droit en matière de dol et avec laquelle la plainte de l’appelante a beaucoup en commun. Dans son mémoire, elle affirme que l’intimée n’a offert [traduction] « aucune explication crédible » quant au choix du nom Barbie pour ses restaurants, ce qui « éveille des soupçons » et devrait être considéré comme « une tentative de tirer profit de l’achalandage et de la réputation de la célèbre marque de commerce ». Dans une action pour commercialisation trompeuse, l’appelante aurait eu le fardeau de démontrer, d’une part, que le restaurateur intimé a induit les consommateurs en erreur, intentionnellement ou par négligence, en les amenant à croire que c’était l’appelante qui était à l’origine de ses services de restaurant et, d’autre part, qu’elle avait de ce fait subi un préjudice (Consumers Distributing Co. c. Seiko Time Canada Ltd., [1984] 1 R.C.S. 583, p. 601; Kirkbi, par. 68). Indépendamment de la question du préjudice, dans le contexte d’une action pour commercialisation trompeuse, la différence entre les poupées et les services de restaurant aurait représenté un obstacle, que l’appelante n’a même pas tenté de surmonter.

28 La portée de la protection commerciale dont bénéficie l’appelante sous le régime de la Loi sur les marques de commerce n’est cependant pas aussi limitée. Elle repose en particulier sur les modifications de 1953 et sur le rapport qui les a précédées, à savoir le Rapport de la Commission de révision de la loi sur les marques de commerce (20 janvier 1953), commission présidée par le redoutable Harold G. Fox, c.r. (le « rapport Fox »). L’appelante prétend que [traduction] « [l]a portée de la protection dont jouissent les marques célèbres au Canada était une justification importante de l’adoption et de la mise en vigueur [des modifications] par le Parlement », et elle signale le passage suivant du rapport Fox :

Certaines marques de commerce sont si bien connues que l’emploi de marques de commerce semblables ou similaires sur une marchandise quelconque porterait le grand public à croire que le premier usager et propriétaire de la marque de commerce était en quelque façon responsable des marchandises auxquelles l’emploi de cette marque avait été étendu. [Je souligne; p. 25.]

En 1953, le Parlement a reconnu la véracité de cet énoncé et, plus de 50 ans plus tard, l’expérience en a confirmé la sagesse. Le problème consiste à appliquer ce principe général à des situations particulières d’une façon qui soit équitable pour tous les intéressés.

29 J’estime, avec égards, que la thèse de l’appelante repose sur une généralisation excessive. Le fait que le Parlement ait reconnu que certaines marques de commerce sont si bien connues que leur emploi en liaison avec une marchandise ou un service quelconque créerait de la confusion ne signifie pas que la marque BARBIE ait un effet aussi transcendant. Comme le précise le rapport Fox :

Quand il y a lieu, la [nouvelle] portée de la protection pourra être étendue de façon à inclure tout le domaine du commerce ou être restreint[e] à un champ d’action limité par l’usage qu’on a fait de la marque de commerce ou nom de commerce, ainsi que par la réputation qu’elle s’est acquise. À l’avenir, la portée particulière de la protection, en ce qui concerne l’enregistrement, sera une question qu’il appartiendra au registraire, en première instance, et à la Cour d’échiquier, dans le cas d’appel, de décider en tenant compte de toutes les circonstances. [p. 29]

30 Il ne fait aucun doute que certaines marques célèbres possèdent un pouvoir protéiforme (on a prétendu, par exemple, que la marque de commerce distinctive rouge et blanche « Virgin » a jusqu’à présent été employée en liaison avec une telle diversité de marchandises et de services qu’elle ne connaît pratiquement aucune limite), alors que d’autres marques célèbres désignent clairement un produit spécifique. On dit de « Apple » qu’elle est une marque de commerce très connue associée simultanément, dans des marchés distincts, à des ordinateurs, à une étiquette d’enregistrement et à des glaces d’automobiles. La conclusion de la Commission selon laquelle la notoriété de BARBIE se limite aux poupées et aux accessoires de poupées ne signifie absolument pas que l’aura de BARBIE ne peut transcender ces produits, mais la question de savoir si elle est ou non susceptible de le faire dans le contexte d’une procédure d’opposition relative à des services de restaurant, de traiteur et de banquet est une question de fait qui dépend de « toutes les circonstances de l’espèce » (par. 6(5)). Nous ne sommes saisis ni du cas de « Virgin » ni de celui de « Apple » et je ne me prononce sur ni l’un ni l’autre, sauf pour signaler qu’ils ont été cités en exemple au cours de l’argumentation.

A. Le cadre juridique

31 L’intimée n’a pas droit à l’enregistrement de sa marque à moins qu’elle puisse démontrer que l’emploi des deux marques dans la même région n’est pas susceptible de créer de la confusion, c.‑à‑d. qu’elle n’amènera pas le consommateur à tirer des conclusions erronées. Si, selon la prépondérance des probabilités, la Commission a des doutes, la demande doit être rejetée.

B. Norme de contrôle

32 Selon la Commission, l’intimée a démontré que sa marque de commerce ne serait pas susceptible de créer de la confusion avec celle de l’appelante si sa demande d’enregistrement était accordée. Bien qu’il s’agisse essentiellement d’une question mixte de fait et de droit, l’appelante affirme que l’interprétation erronée attribuée à l’art. 6 de la Loi par la Cour d’appel fédérale dans Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534, et Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha c. Lexus Foods Inc., [2001] 2 C.F. 15 (« Lexus »), a fondamentalement vicié l’examen de la Commission.

33 Pour choisir la norme de contrôle appropriée parmi celles qui s’offrent à elle (la décision correcte, la décision raisonnable ou la décision manifestement déraisonnable), la Cour tient compte des éléments du test récemment énoncé dans Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19, et dans Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20. Ces éléments ont très peu changé depuis l’arrêt U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, alors que, s’exprimant au nom de la Cour, le juge Beetz a dit ceci, à la p. 1088 :

. . . la Cour examine non seulement le libellé de la disposition législative qui confère la compétence au tribunal administratif, mais également l’objet de la loi qui crée le tribunal, la raison d’être de ce tribunal, le domaine d’expertise de ses membres, et la nature du problème soumis au tribunal.

34 J’aborde maintenant les éléments du test établi dans l’arrêt Dr Q.

(1) La présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel

35 La Loi prévoit un droit absolu d’interjeter appel devant un juge de la Cour fédérale, qui est autorisé à admettre et à examiner de nouveaux éléments de preuve (par. 56(1) et (5)). Elle ne comporte aucune clause privative. Lorsqu’un nouvel élément de preuve est admis, il peut, selon sa nature, apporter un éclairage tout à fait nouveau sur le dossier dont était saisie la Commission et amener ainsi le juge des requêtes à instruire l’affaire comme s’il s’agissait d’une nouvelle audition fondée sur ce dossier élargi plutôt que comme un simple appel (Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., [1987] A.C.F. no 849 (QL) (C.A.)). L’article 56 laisse croire que le législateur voulait qu’il soit procédé à un réexamen complet, non seulement des questions de droit, mais aussi des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, y compris la probabilité de confusion. Voir en général Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), par. 46‑51; Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] A.C.F. no 1864 (QL) (C.A.F.), par. 4, et Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., [1999] A.C.F. no 1763 (QL) (1re inst.).

(2) L’expertise de la Commission

36 La détermination de la probabilité de confusion requiert une expertise que la Commission (qui procède quotidiennement à des évaluations de ce genre) possède dans une plus grande mesure que les juges en général. Il faut donc faire preuve d’une certaine retenue judiciaire à l’égard de la décision de la Commission, comme la Cour l’a souligné dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 200 :

[traduction] À mon avis, il faut attribuer beaucoup de poids à la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion et la conclusion d’un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien, doit rendre des décisions sur ce point et sur d’autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais comme l’a déclaré le juge Thorson, alors président de la Cour de l’Échiquier, dans l’affaire Freed and Freed Limited c. The Registrar of Trade Marks et al [[1951] 2 D.L.R. 7, p. 13] :

. . . le fait de se fonder sur la décision du registraire portant que deux marques se ressemblent au point de créer de la confusion ne doit pas aller jusqu’à décharger le juge qui entend l’appel de cette décision de l’obligation de trancher la question en tenant dûment compte des circonstances de l’espèce.

37 Cela signifie en pratique que la décision du registraire ou de la Commission [traduction] « ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles » : McDonald’s Corp. c. Silcorp Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.), p. 210, conf. par [1992] A.C.F. no 70 (QL) (C.A.). L’admission d’un nouvel élément de preuve pourrait évidemment (selon sa nature) affaiblir le fondement factuel de la décision rendue par la Commission et lui enlever le poids que lui confère l’expertise de la Commission. Toutefois, le pouvoir dont dispose le juge des requêtes d’admettre et d’examiner un nouvel élément de preuve n’empêche pas en soi que l’expertise de la Commission constitue un facteur pertinent : Lamb c. Canadian Reserve Oil & Gas Ltd., [1977] 1 R.C.S. 517, p. 527‑528.

(3) L’objet de la Loi sur les marques de commerce et, en particulier, du régime d’enregistrement des marques de commerce

38 Dans Dr Q, la Juge en chef a signalé qu’« [u]ne loi dont l’objet exige qu’un tribunal choisisse parmi diverses réparations ou mesures administratives, qui concerne la protection du public, qui fait intervenir des questions de politiques ou qui comporte la pondération d’intérêts ou de considérations multiples, exige une plus grande déférence de la part de la cour de révision » (par. 31). Or, l’examen de la probabilité d’une « conclusion erronée » ne fait pas appel à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. La Commission ne prend pas non plus ainsi une décision de politique générale d’intérêt public, ni ne répartit des ressources très limitées. Essentiellement, la Commission tranche un litige entre les parties dans le cadre d’une procédure qui s’apparente à une version informelle d’une instance judiciaire courante.

(4) Nature de la question en litige

39 Même si l’appelante formule son argument comme si elle contestait le bien‑fondé de l’interprétation attribuée à l’art. 6 par la Cour d’appel fédérale dans Pink Panther et dans Lexus, j’estime qu’en réalité, pour des motifs que je préciserai, sa contestation porte sur l’importance relative qu’il faut accorder aux facteurs énumérés au par. 6(5) et à ceux qui n’y figurent pas. La question de droit ne peut être clairement isolée de son contexte factuel, mais commande une interprétation qui relève de l’expertise de la Commission. En réponse à la question soulevée dans Bibeault (« Le législateur a‑t‑il voulu qu’une telle matière relève de la compétence conférée au tribunal? » (p. 1087)), je crois que la réponse est oui, dans des limites raisonnables. Voir aussi Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, p. 595; Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 43; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, par. 43; Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, 2002 CSC 11, par. 61.

(5) Conclusion sur la norme de contrôle

40 Compte tenu, en particulier, de l’expertise de la Commission et du rôle d’« appréciation » que lui impose l’art. 6 de la Loi, je suis d’avis que, malgré l’octroi d’un droit d’appel absolu, la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable. Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission ne commande pas la grande retenue dont il faut faire preuve, par exemple, à l’égard de l’exercice ministériel d’un pouvoir discrétionnaire, auquel s’applique habituellement la norme du caractère manifestement déraisonnable (p. ex. S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29, par. 157), mais la Commission n’est pas tenue non plus de satisfaire à la norme de la décision correcte, comme si elle tranchait une question de droit de portée générale qui peut être isolée (Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3, par. 26). Comme l’a expliqué le juge Iacobucci dans Ryan, par. 46, la norme intermédiaire (celle du caractère raisonnable) signifie qu’« [u]ne cour sera souvent obligée d’accepter qu’une décision est raisonnable même s’il est peu probable qu’elle aurait fait le même raisonnement ou tiré la même conclusion que le tribunal. » La question est de savoir si la décision de la Commission est étayée par des motifs qui peuvent résister « à un examen assez poussé » et si elle n’est pas « manifestement erronée » : Southam, par. 56 et 60.

41 L’analyse qui précède quant à la norme de contrôle applicable est conforme à la jurisprudence établie par la Cour d’appel fédérale : voir en particulier Molson c. Labatt, le juge Rothstein, par. 51; Novopharm, le juge Strayer, par. 4; United States Polo Assn. c. Polo Ralph Lauren Corp., [2000] A.C.F. no 1472 (QL), le juge Malone, par. 13, et le juge Isaac, par. 37; Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd., [2002] 3 C.F. 405, 2002 CAF 29, le juge Décary, par. 8, et Purafil, Inc. c. Purafil Canada Ltd., [2004] A.C.F. no 628 (QL), 2004 CF 522, le juge suppléant MacKay, par. 5.

C. Admission du sondage comme nouvel élément de preuve

42 Devant le juge des requêtes, l’appelante a demandé à présenter un nouvel élément de preuve, à savoir un sondage censé démontrer que

— 57 p. 100 des participants ont pensé aux poupées BARBIE lorsqu’ils ont vu le logo du restaurant Barbie’s.

— 36 p. 100 des participants croyaient que la société qui fabrique les poupées BARBIE pourrait avoir quelque chose à faire avec le logo du restaurant Barbie’s.

— 99,3 p. 100 des participants connaissaient les poupées BARBIE. (Le juge Rouleau, par. 10)

43 Jusqu’à une époque relativement récente, la preuve par sondage d’opinion était régulièrement jugée inadmissible parce qu’elle vise à répondre au volet factuel de la question précise dont est saisie la Commission ou la cour (c.‑à‑d., celle de la probabilité de confusion) et que, de par sa nature, il s’agit de ouï‑dire puisqu’elle consiste en une compilation des opinions émises par des répondants qu’il est impossible de contre‑interroger (voir p. ex. Building Products Ltd. c. BP Canada Ltd. (1961), 36 C.P.R. 121 (C. de l’É.); Paulin Chambers Co. c. Rowntree Co. (1966), 51 C.P.R. 153 (C. de l’É.)). La pratique observée plus récemment consiste à admettre la preuve par sondage d’opinion présentée par un expert compétent, dans la mesure où ses conclusions sont pertinentes quant aux questions en litige et où le sondage a été bien conçu et effectué avec impartialité.

44 En l’occurrence, le principal moyen de contestation de la preuve par sondage touche sa pertinence. La procédure d’opposition porte sur la probabilité de confusion. La question posée lors du sondage (« Croyez‑vous que la compagnie qui fabrique les poupées Barbie pourrait avoir quelque chose à faire avec le restaurant identifié par cette enseigne ou ce logo? » (je souligne)) porte sur un tout autre point, soit celui des possibilités. Si le sondage ne répond pas à la question qui est en litige, il n’est pas pertinent et devrait être exclu pour ce seul motif (comme l’a décidé la Cour d’appel fédérale).

45 Quant à l’utilité des résultats, en présumant qu’ils ont été générés par une question pertinente, les tribunaux se sont récemment montrés réceptifs à cette preuve, dans la mesure où le sondage est à la fois fiable (dans le sens où, s’il était repris, on obtiendrait vraisemblablement les mêmes résultats) et valide (à savoir qu’on a posé les bonnes questions au bon bassin de répondants, de la bonne façon et dans des circonstances qui permettent d’obtenir les renseignements recherchés). Voir Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.), p. 9; Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 454 (C.F. 1re inst.); Walt Disney Productions c. Fantasyland Hotel Inc. (1994), 20 Alta. L.R. (3d) 146 (B.R.). Ainsi, dans Cartier, Inc. c. Lunettes Cartier Ltée, [1988] A.C.F. no 266 (QL) (1re inst.), la cour a reconnu l’utilité d’un sondage qu’elle a estimé bien conçu et impartial et dont les conclusions étaient pertinentes quant à la probabilité de confusion. C’était également le cas dans Sun Life Assurance Co. of Canada c. Sunlife Juice Ltd. (1988), 22 C.P.R. (3d) 244 (H.C.J. Ont.).

46 Par ailleurs, des sondages ont été exclus dans les cas suivants :

(i) les répondants ne représentaient pas la population de référence, voir Joseph E. Seagram, p. 472; New Balance Athletic Shoes, Inc. c. Matthews (1992), 45 C.P.R. (3d) 140 (C.O.M.C.); National Hockey League c. Pepsi‑Cola Canada Ltd. (1992), 70 B.C.L.R. (2d) 27 (C.S.), par. 44; McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd., [1994] A.C.F. no 638 (QL) (1re inst.), par. 37, ou ne représentaient qu’un sous‑ensemble de la population de référence : Unitel Communications Inc. c. Bell Canada, [1995] A.C.F. no 613 (QL) (1re inst.), par. 116;

(ii) la marque de commerce employée dans le cadre du sondage n’était pas exactement celle qui était visée par la demande d’enregistrement : Canada Post Corp. c. Mail Boxes Etc. USA, Inc. (1996), 77 C.P.R. (3d) 93 (C.O.M.C.);

(iii) la question posée n’était pas la bonne, p. ex. un sondage effectué pour le compte de Coca‑Cola a été exclu parce qu’il ne portait pas sur la question de la confusion, mais qu’il cherchait à évaluer l’étendue de la reconnaissance publique du mot Classic compris dans des noms de boissons gazeuses : Coca‑Cola Ltd. c. Southland Corp. (2001), 20 C.P.R. (4th) 537 (C.O.M.C.). Voir aussi : Molson Companies Ltd. c. S.P.A. Birra Peroni Industriale (1992), 45 C.P.R. (3d) 28 (C.O.M.C.); Molson Breweries c. Swan Brewery Co., [1994] C.O.M.C. no 253 (QL); Toys “R” Us (Canada) Ltd. c. Manjel Inc., [2003] A.C.F. no 398 (QL), 2003 CFPI 283;

(iv) le sondage n’a pas été mené d’une manière impartiale et indépendante : Unitel Communications, le juge Gibson, par. 119.

47 En l’espèce, l’appelante a retenu les services d’une firme réputée et compétente pour réaliser le sondage. Toutefois, la preuve a démontré qu’on avait présenté aux personnes interrogées par les sondeurs le logo Barbie’s de l’intimée en l’absence de tout contexte, qu’on l’avait subséquemment soustrait à leur vue et qu’on leur avait finalement posé une série de questions, dont certaines étaient suggestives. La question déterminante, que la Cour d’appel fédérale a jugée non pertinente, était : « Croyez‑vous que la compagnie qui fabrique les poupées Barbie pourrait avoir quelque chose à faire avec le restaurant identifié par cette enseigne ou ce logo? » (je souligne). La question posée en anglais aux répondants de l’extérieur de Montréal était formulée ainsi : « Do you believe that the company that makes Barbie dolls might have anything to do with the restaurant identified by this sign or logo? » (Je souligne.)

48 Parmi les autres lacunes alléguées, mentionnons :

(i) le manque de renseignements fournis aux répondants du sondage;

(ii) le sondage excluait quiconque était ne serait‑ce qu’au courant de l’existence des restaurants Barbie’s de l’intimée. Il est précisé que ces personnes faisaient partie de la population de référence dans le marché visé par les services de l’intimée et qu’elles font donc potentiellement partie de celles qui peuvent être, ou non, « susceptibles » d’être induites en erreur par la marque de commerce visée par la demande. Le sondage ne devrait évidemment pas être limité à ces personnes, mais elles ne devraient pas non plus en être exclues. Une objection semblable a été retenue dans McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. et dans Fantasyland Hotel, qui cite avec approbation Safeway Stores, Inc. c. Safeway Insurance Co., 657 F. Supp. 1307 (M.D. La. 1985), à cet égard;

(iii) la méthode d’enquête incluait des questions qui suggéraient les réponses que l’appelante voulait apparemment entendre.

49 L’appelante n’a présenté aucune demande en vue de soumettre à la Cour la preuve par sondage ou les résultats de celui‑ci à titre de nouvel élément de preuve et j’estime que l’exclusion de cette preuve par le juge des requêtes ne constitue pas une erreur susceptible de révision étant donné le vaste pouvoir que lui confère le par. 56(5), qui prévoit :

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

L’emploi du mot « pourrait » (ou « might ») dans la question posée lors du sondage évoquait une simple possibilité, plutôt qu’une probabilité, de confusion. Ceux qui répondaient « oui » à cette question croyaient peut‑être simplement qu’il était possible que l’appelante ait eu quelque chose à faire avec le restaurant, plutôt que de conclure réellement qu’il était probable que les deux marques de commerce représentaient des marchandises ou des services émanant de la même source. La preuve est pertinente même si un pourcentage limité de la population interrogée se méprend, mais si elle établit qu’un grand nombre de personnes pourraient ou auraient pu éventuellement tirer une conclusion erronée, elle ne l’est pas. Les autres moyens d’opposition portaient sur le poids à accorder à la preuve par sondage plutôt que sur son admissibilité et, sous réserve de l’appréciation de sa force probante (ou de son absence de force probante), la preuve par sondage aurait pu être admise malgré les autres moyens d’opposition de l’intimée. Son manque de pertinence était cependant fatal.

50 Le sondage indiquait tout au plus que la marque de commerce BARBIE est notoire. Or, même sans le sondage, les juridictions inférieures ont accepté de procéder en tenant pour acquis que BARBIE est une marque « très connue » voire « célèbre » ou « renommée », et je ferai de même.

D. Le critère de la « confusion » prévu par la loi

51 La confusion entre deux marques est définie au par. 6(2) et elle survient si, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce (par. 6(5)), l’acheteur éventuel est susceptible d’être amené à conclure à tort

que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. [Je souligne.]

Cela ne signifie pas que le genre de marchandises ou de services n’est pas pertinent. L’alinéa 6(5)c) indique expressément que « le genre de marchandises, services ou entreprises » est l’un des facteurs pertinents. Les mots soulignés au par. 6(2) visent simplement à établir en termes clairs que la catégorie générale des marchandises et services, bien que pertinente, n’est pas déterminante.

52 Est aussi pertinent le fait que la marque de l’appelante symbolise des marchandises alors que celle dont l’intimée demande l’enregistrement vise des services. Il est possible qu’il y ait de la confusion entre la source de marchandises et la source de services (Building Products), mais cette distinction n’est elle aussi qu’une autre des circonstances qui peuvent être prises en considération.

53 L’appelante a soutenu que les instances inférieures ont eu tort d’examiner les activités réelles de l’intimée plutôt que les termes figurant dans sa demande d’enregistrement de la marque projetée. Il est vrai qu’il faut s’attacher aux termes employés dans la demande, parce que ce qui est en cause est ce que l’enregistrement permettrait à l’intimée de faire, et non pas ce qu’elle fait actuellement. L’appelante a tout de même présenté de nombreux éléments de preuve (comme le veut la pratique) concernant les activités véritables des restaurants de l’intimée, y compris plusieurs photographies, de nombreux échantillons de menus et des coupures d’annonces variées. Dans les circonstances, il n’est pas surprenant que la Commission et le juge des requêtes aient cru bon de formuler des observations sur les activités de l’intimée, à partir, en grande partie, de la preuve produite par l’appelante elle‑même. Cela dit, je ne crois pas que la Commission ou les tribunaux inférieurs aient mal apprécié la nature du litige. Les termes employés par l’intimée dans sa demande ([traduction] « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet ») ont été repris par la Commission et le juge des requêtes, et à la lecture de leurs motifs respectifs, considérés dans leur ensemble, je ne crois pas qu’ils aient mal compris la question qui leur était soumise.

54 Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion. Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ». Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte. Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.). Comme je l’ai déjà dit, dans le cadre d’une procédure d’opposition, c’est au requérant (en l’occurrence l’intimée) qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir.

55 La preuve d’une confusion réelle serait une « circonstance de l’espèce » pertinente, mais elle n’est pas nécessaire (Christian Dior, par. 19), même s’il est démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région pendant dix ans : Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] A.C.F. no 1123 (QL) (C.A.). Comme nous le verrons plus loin, une conclusion défavorable peut toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée.

(1) Le consommateur occasionnel plutôt pressé

56 Quel point de vue faut‑il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »? Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent. Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co‑Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117. C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13. Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693. Dans Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL), le registraire a dit :

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

Voir aussi American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co., [1972] C.F. 1271 (1re inst.), p. 1276, conf. par (1973), 14 C.P.R. (2d) 127 (C.A.F.). Comme l’a expliqué le juge Cattanach dans Canadian Schenley Distilleries, p. 5 :

Il ne s’agit pas de l’acheteur impulsif, négligent ou distrait ni de la personne très instruite ni d’un expert. On cherche à savoir si une personne moyenne, d’intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale peut être trompée. Le registraire des marques de commerce ou le juge doit évaluer les attitudes et les réactions normales de telles personnes afin de mesurer la possibilité de confusion.

57 Cela dit, je souscris entièrement à l’opinion formulée par le juge Linden dans Pink Panther selon qui, dans l’appréciation de la probabilité de confusion sur le marché, « il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen » (par. 54). Une idée semblable a été exprimée dans Michelin & Cie c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1982), 69 C.P.R. (2d) 260 (C.F. 1re inst.), p. 263 :

. . . on ne doit pas procéder en partant du principe que les clients éventuels ou les membres du public en général sont complètement dénués d’intelligence ou de mémoire, ou sont totalement inconscients ou mal informés au sujet de ce qui se passe autour d’eux.

58 De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention. Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678. Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur mythique, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails. Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.). Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat. Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.), ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661). La norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

(2) L’arrêt Pink Panther a‑t‑il faussé ce critère?

59 L’appelante allègue que, dans le cas d’une marque célèbre comme BARBIE, les termes « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » au par. 6(2) ont une importance accrue. Pink Panther, affirme‑t‑elle, a accordé un poids indu à la ressemblance ou à la dissemblance entre les marchandises et les services. Le commerce moderne est mené dans une large mesure par les marques célèbres. Selon l’avocat de l’appelante, le conglomérat Virgin a diversifié ses activités, passant des disques au transport aérien, puis aux assurances et aux magasins à grande surface. Sa stratégie commerciale prévoit que des services très différents bénéficieront de la vente croisée. Son message est le suivant : Ceux qui peuvent vous faire traverser l’Atlantique à bon prix peuvent probablement vous offrir des conditions avantageuses pour votre assurance‑habitation. L’avocat de l’appelante laisse entendre que cela vaut aussi pour BARBIE.

60 L’appelante a raison de dire qu’après l’entrée en vigueur de la modification de 1953, les « marques célèbres » ont bénéficié d’une protection beaucoup plus étendue. Dans certains cas, les tribunaux judiciaires ont précisé qu’une dissemblance importante entre les marchandises ou les services n’était plus fatale. Ainsi, dans Carson c. Reynolds, [1980] 2 C.F. 685 (1re inst.), la cour a statué que l’emploi de la marque « Here’s Johnny » en liaison avec des remorques d’aisance, des toilettes extérieures démontables et des cabinets de toilette laisserait supposer, pour « beaucoup de gens [. . .] au Canada » (p. 690), un rapport avec Johnny Carson et le Tonight Show. Dans John Walker & Sons Ltd. c. Steinman (1965), 44 C.P.R. 58, le registraire des marques de commerce a refusé une demande visant l’enregistrement de la marque « Johnny Walker » en liaison avec de l’équipement de sport à cause de l’enregistrement préalable de la marque « Johnnie Walker » en liaison avec du whisky. Dans James Burrough Ltd. c. Reckitt & Colman (Canada) Ltd. (1967), 53 C.P.R. 276 (Reg. M.C.), le propriétaire de la marque « Beefeaters » employée en liaison avec du gin s’est opposé avec succès à une demande visant l’enregistrement de la marque « Beefeater » en liaison avec des mélanges à sauce, des mélanges pour pudding Yorkshire, des épices et des condiments. Dans Leaf Confections Ltd. c. Maple Leaf Gardens Ltd., [1986] A.C.F. no 766 (1re inst.), conf. par [1988] A.C.F. no 176 (QL) (C.A.), la Cour fédérale, Section de première instance, a rejeté une demande visant à enregistrer comme marque le mot « leaf » imprimé sur une feuille d’érable en liaison avec de la gomme à claquer, à cause de la probabilité de confusion avec le club de hockey Toronto Maple Leafs. Le juge a conclu : « Je suis convaincu qu’en voyant de la gomme à claquer vendue dans un emballage dont la principale marque d’identification est la marque et le dessin LEAF de l’appelante, un jeune sera induit en erreur et croira que le produit est lié au club de hockey Toronto Maple Leafs et qu’il confondra la marque et le dessin de l’appelante avec ceux de l’intimée ». Dans Danjaq Inc. c. Zervas, [1997] A.C.F. no 1036 (QL) (1re inst.), le tribunal a refusé à une pizzeria le droit d’enregistrer les marques « 007 », « 007 Pizza & Subs et dessin » et « 007 Submarine et dessin » parce qu’elles étaient susceptibles de créer de la confusion avec la marque de commerce de l’intimée liée au célèbre et irrésistible James Bond.

61 Selon l’appelante, l’arrêt Pink Panther a rompu ce courant jurisprudentiel, en limitant à tort la portée de la protection offerte à une marque célèbre aux cas où il existe un « lien » ou une « ressemblance » entre les marchandises ou les services associés à la marque célèbre et les marchandises ou services du « nouveau venu ». L’appelante critique en particulier les extraits suivants de la décision Pink Panther (mémoire, par. 66) :

La protection accrue que confère la notoriété de la marque de l’appelante ne devient pertinente que lorsqu’on l’applique à un lien entre les commerces et services du requérant et ceux de l’opposante. Quelle que soit la notoriété de la marque, elle ne peut servir à créer un lien qui n’existe pas.

. . .

Dans chacune d’elles, la marque célèbre l’a emporté, mais chaque fois, on a conclu à l’existence d’un lien ou d’une similarité entre les produits ou les services. Faute d’établir un tel lien, il est très difficile de justifier toute extension des droits de propriété aux domaines du commerce qui ne touchent que de loin le titulaire de la marque de commerce. Si tel devait être le cas, ce ne sera que dans des circonstances exceptionnelles.

. . .

L’élément sur lequel il n’a pas suffisamment insisté est que non seulement les marchandises sont totalement différentes dans chaque cas, mais qu’en outre il n’existe aucune sorte de lien entre elles. Je le répète, lorsqu’un tel lien n’existe pas, on pourra rarement conclure à la confusion. [Souligné par l’appelante; par. 44, 46 et 51.]

62 Dans Pink Panther, les juges majoritaires de la Cour d’appel fédérale ont fait droit à l’enregistrement de la marque de commerce « Pink Panther » en liaison avec une gamme de produits de beauté et de soins capillaires malgré l’opposition du titulaire d’une marque de commerce existante, qui avait produit une série de films à grand succès du même nom mettant en vedette Peter Sellers dans le rôle de l’inspecteur Clouseau. Le juge McDonald, dissident, a fait valoir que « c’est précisément en raison de la notoriété et du renom associés au nom “Pink Panther” que l’appelante l’a choisi pour son entreprise » (par. 58). Son objection a toutefois été écartée par les juges majoritaires, lesquels ont fait remarquer ceci, au par. 50 :

. . . il ne s’agit pas de savoir à quel point la marque est célèbre, mais de déterminer s’il existe un risque de confusion, dans l’esprit du consommateur moyen entre la marque de United Artists et la marque que l’appelante projette d’employer en liaison avec des biens et services déterminés. Il faut répondre à cette question par la négative. Il n’existe pas de probabilité de confusion quant à la source des produits. Le facteur décisif en l’espèce est l’énorme différence qui sépare le genre de marchandises et la nature du commerce. Ce n’est pas un fossé, c’est un abîme.

63 Après avoir cité un certain nombre d’affaires dans lesquelles la marque de commerce célèbre l’avait emporté, le juge Linden a poursuivi :

. . . chaque fois, on a conclu à l’existence d’un lien ou d’une similarité entre les produits ou les services. Faute d’établir un tel lien, il est très difficile de justifier toute extension des droits de propriété aux domaines du commerce qui ne touchent que de loin le titulaire de la marque de commerce. Si tel devait être le cas, ce ne sera que dans des circonstances exceptionnelles. [par. 46]

Je conviens avec l’appelante que, « [s]i tel devait être le cas », le critère des « circonstances exceptionnelles » place la barre trop haut et peut être vu comme une tentative d’imposer une certaine rigidité alors qu’il n’en existe pas. Dans le cas où l’emploi de la nouvelle marque aurait pour effet de créer de la confusion sur le marché, son enregistrement devrait être refusé, « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » (par. 6(2)). Ce qu’il importe de dire au sujet des marques célèbres, c’est que la notoriété de la marque peut passer d’une gamme de produits à une autre alors qu’une marque moins connue serait limitée à ses marchandises ou services traditionnels. Le critère qu’il convient d’appliquer est celui exposé précédemment par le juge Linden, au par. 33 :

C’est l’ensemble des circonstances qui déterminera le poids à accorder à chacun de ces éléments.

64 L’appelante soutient qu’une approche aussi rigide que celle adoptée dans Pink Panther a été retenue dans Lexus. Dans cette affaire, la requérante a demandé l’enregistrement de la marque « Lexus » en liaison avec des aliments et des jus en conserve. Toyota a soutenu que cet enregistrement serait susceptible de créer de la confusion avec sa marque « Lexus » employée en liaison avec des automobiles. Le juge Linden a dit ceci, aux par. 7 et 9 :

L’emploi de la phrase « que ces marchandises ou services soient ou [ces] non de la même catégorie générale », apparaissant aux paragraphes 6(2), (3) et (4), ne signifie pas que la nature des marchandises n’est pas pertinente pour déterminer s’il y a confusion; cette phrase donne uniquement à penser que la confusion peut être engendrée par des biens qui ne sont pas de « la même catégorie générale », mais qui ont une certaine ressemblance ou un certain lien avec les marchandises en question.

. . .

La célébrité à elle seule ne protège pas une marque de commerce de façon absolue. Il s’agit simplement d’un facteur qui doit être apprécié en liaison avec tous les autres facteurs. Si la célébrité d’un nom pouvait empêcher toute autre utilisation de ce nom, le concept fondamental de l’octroi d’une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises perdrait toute sa signification. [Je souligne.]

65 Je crois que le juge Linden s’est mal exprimé dans la mesure où il suggère que, pour qu’il y ait confusion, il faut « une certaine ressemblance ou un certain lien avec les marchandises en question », c.‑à‑d. avec les marchandises visées par la demande d’enregistrement. La ressemblance n’est manifestement pas une exigence prévue à l’art. 6. Au contraire, en ajoutant à la loi les termes « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale », le législateur a exprimé son intention, non seulement de ne pas exiger une « ressemblance » avec les marchandises et services particuliers en cause, mais encore de ne pas exiger que les marchandises ou services commercialisés par l’opposante en liaison avec sa marque et les marchandises ou services commercialisés par la requérante en liaison avec la marque visée par sa demande appartiennent à la même catégorie générale.

66 L’International Trademark Association, qui est intervenue dans le pourvoi Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 R.C.S. 824, 2006 CSC 23, entendu en même temps, a dit à propos des décisions Pink Panther et Lexus que la Cour d’appel [traduction] « a commis la même erreur dans les deux cas, soit celle d’exiger un lien entre les marchandises et services alors que la véritable question sur laquelle porte l’analyse imposée par l’art. 6 est celle de la confusion chez le consommateur » (mémoire, par. 30).

67 Je conviens avec l’appelante et l’intervenante que la question soulevée par l’art. 6 est celle de la confusion chez le consommateur (ou, autrement dit, de la probabilité qu’il tire une conclusion erronée), mais je ne crois pas que les motifs déterminants des arrêts Pink Panther ou Lexus (par opposition aux remarques incidentes dont ils sont parsemés) dérogent au critère de toutes les circonstances. La conclusion du juge Linden dans Pink Panther était en fait la suivante :

La renommée mondiale de la marque de commerce de l’opposante ne pouvait constituer un facteur si important qu’il rende non pertinentes les différences entre les marchandises et les services.

. . .

. . . je ne vois pas comment la notoriété de la marque peut constituer un atout de commercialisation propre à éliminer complètement les autres facteurs. [Je souligne; par. 45 et 52.]

68 Dans Lexus, le juge Linden a dit ceci :

En conclusion, compte tenu de tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), je suis d’opinion que le juge de première instance a commis une erreur et que le registraire a eu raison de conclure que l’appelante s’était acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait et d’accorder l’enregistrement de la marque de commerce « Lexus » en liaison avec certains aliments en conserve. [Je souligne; par. 12.]

69 À mon avis, le juge Linden a contesté ce qu’il considérait être l’argument invoqué par le cinéaste et le fabricant de voitures, à savoir que la renommée constitue un « atout propre à éliminer » tous les autres facteurs. (Il est peut‑être intéressant de souligner que Toyota avait déjà plaidé avec succès aux États‑Unis que sa marque Lexus pouvait coexister avec la base de données juridiques Lexis sans créer de confusion : voir Mead Data Central, Inc. c. Toyota Motor Sales, U.S.A., Inc., 875 F.2d 1026 (2d Cir. 1989).) Le juge des requêtes en l’espèce a compris ainsi l’arrêt Pink Panther :

Ce n’est pas parce que la marque de la requérante était célèbre qu’il fallait automatiquement présumer qu’il y aurait confusion. Dans les circonstances, si on garde à l’esprit que le critère [auquel] satisfaire était la probabilité de confusion (et non la possibilité de confusion), la notoriété de la marque ne saurait constituer un atout de commercialisation propre à éliminer complètement les autres facteurs. [par. 40]

70 Peut‑être est‑il vrai que, comme le soutient l’appelante, [traduction] « le genre de marchandises ou services devrait avoir moins de poids parce que la marque célèbre est davantage susceptible de mener à la conclusion que la source des deux [marques] est la même » (mémoire, par. 70) et que [traduction] « . . . la renommée en soi peut créer et crée en fait un lien dans l’esprit du consommateur ordinaire qui voit pour la première fois une marque célèbre dans un nouveau contexte » (mémoire, par. 73 (souligné dans l’original)), mais dans Pink Panther, le juge Linden a dit clairement que « [l]e facteur décisif en l’espèce est l’énorme différence qui sépare le genre de marchandises et la nature du commerce » (par. 50 (je souligne)). Il ressort clairement de la jurisprudence que l’on peut accorder un poids différent aux différents facteurs dans des situations différentes. Ainsi, le professeur Mostert souligne :

[traduction] Ainsi, les collectionneurs de fusils de chasse gravés de très grande qualité sont peut‑être extrêmement peu nombreux dans un pays, quel qu’il soit, mais à l’intérieur de ce cercle restreint de connaisseurs, la marque PURDEY jouit indubitablement d’une notoriété exceptionnelle.

(F. W. Mostert, Famous and Well‑Known Marks : An International Analysis (1997), p. 26)

Pourtant, je doute que même ces connaisseurs soient portés à croire que la maison spécialisée en fusils de chasse de renommée mondiale est probablement associée au chocolatier bien connu de Vancouver, tant leurs marchandises et voies de commercialisation sont différentes.

71 Dans la mesure où le juge Linden a statué que la différence entre les marchandises ou les services constituera toujours un facteur dominant, je ne suis pas d’accord avec lui, mais compte tenu du rôle et de la fonction des marques de commerce, il s’agira en général d’une considération importante. L’appelante prétend que certaines des remarques incidentes formulées par le juge Linden peuvent pratiquement être interprétées comme exigeant une « ressemblance » entre les marchandises et services respectifs. À cet égard, ces remarques incidentes ne devraient pas être suivies.

72 De façon plus générale, il me semble que c’est l’appelante, et non la Cour d’appel fédérale, qui cherche à écarter le critère de « toutes les circonstances de l’espèce » dans le cas d’une marque de commerce célèbre et à accorder prépondérance à la notoriété. Je suis d’accord avec l’appelante qu’une différence entre les marchandises ou les services n’est pas fatale, mais la notoriété de la marque de commerce n’est pas décisive non plus. Il faut juger chaque situation en considérant l’ensemble de son contexte factuel.

73 Je reconnais que le résultat de l’arrêt Pink Panther a été quelque peu controversé au regard des faits. Les professeurs Gervais et Judge, par exemple, font remarquer ceci :

[traduction] Compte tenu des pratiques commerciales actuelles, comme l’accroissement du recours à des personnages pour la commercialisation d’une vaste gamme de biens qui sortent du domaine du divertissement traditionnel, les consommateurs peuvent en venir à penser qu’une même entreprise vend des produits complètement différents (comme du shampoing et des films) — ou du moins à ne pas s’en étonner — et la probabilité de confusion dans le cas où des marques semblables figurent sur des produits différents peut augmenter.

(D. Gervais et E. F. Judge, Intellectual Property : The Law in Canada (2005), p. 212)

Quoi qu’il en soit, le principe portant que « toutes les circonstances de l’espèce » doivent être prises en considération, mais que, dans certains cas, certaines circonstances (comme la différence entre les marchandises) auront plus de poids que d’autres, est bien fondé.

E. Application des facteurs énumérés au par. 6(5) aux faits de l’espèce

74 Il découle de l’analyse précédente que, même si la renommée de la marque BARBIE est une « circonstance de l’espèce » importante, l’étendue de sa protection est tributaire de toutes les circonstances, y compris les facteurs énumérés au par. 6(5). La Commission a conclu que la marque de commerce BARBIE est effectivement célèbre, mais que sa renommée au Canada est « en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées », et non avec les autres articles énumérés dans les enregistrements de l’appelante, notamment le café, la pizza et les autres produits alimentaires. Plus particulièrement, sa renommée n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque dont l’enregistrement est demandé par l’intimée pour symboliser « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet ». Il est important de se rappeler, comme le dit l’appelante, que ce qui est en cause, ce n’est pas l’étendue des activités actuelles de l’intimée, mais l’étendue de la protection qu’elle cherche à obtenir en demandant l’enregistrement de sa marque de commerce.

(1) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

75 Le caractère distinctif d’une marque de commerce [traduction] « est essentiel et constitue une exigence fondamentale » : Western Clock Co. c. Oris Watch Co., [1931] R.C. de l’É. 64, le juge Audette, p. 67. Le mot « Barbie » est une expression courante qui n’a pas été créée par l’appelante et qui, pour cette raison, bénéficierait normalement d’une protection moins étendue que la marque [traduction] « constituée d’un mot inventé, unique ou non‑descriptif » (comme Kleenex), comme l’a dit le juge Rand dans General Motors, p. 691, ce à quoi on pourrait ajouter que [traduction] « [p]ersonne n’a le droit de s’attribuer l’usage exclusif du vocabulaire général ni de s’approprier des mots courants pour couvrir un domaine étendu » : K. Gill et R. S. Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade‑marks and Unfair Competition (4e éd. (feuilles mobiles)), p. 8‑56. Je reconnais, comme nous l’avons vu, que le nom BARBIE possède maintenant un solide sens secondaire associé aux poupées de l’appelante et, pour cette raison, qu’il a acquis un très grand caractère distinctif. Bien que la marque déposée ne comporte que le mot BARBIE, celui‑ci est accompagné, dans la publicité et sur les emballages, de dessins et d’éléments graphiques distinctifs.

76 La marque visée par la demande de l’intimée est devenue passablement connue dans la région où les marques des deux parties sont employées. La marque qu’elle cherche à enregistrer n’est pas seulement le mot « Barbie’s » mais l’ensemble de l’effet produit, notamment le type d’écriture employée et le dessin qui l’encadre : Henry K. Wampole & Co. c. Hervay Chemical Co. of Canada, [1930] R.C.S. 336, et British Drug Houses, Ltd. c. Battle Pharmaceuticals, [1944] R.C. de l’É. 239. Dans l’examen de la question de la confusion, il faut porter attention aux différences ainsi qu’aux ressemblances qui existent entre les marques censées prêter à confusion. Toutefois, puisque aucune des circonstances énumérées au par. 6(5) ne constitue un « atout propre à éliminer » les autres, ce n’est qu’un des facteurs à soupeser parmi « toutes les circonstances de l’espèce ».

(2) La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

77 M. Fox a précisé que la [traduction] « [p]ériode d’emploi n’est importante que pour trancher une question de fait, soit celle de savoir si la marque de commerce est réellement et véritablement devenue distinctive » : H. G. Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition (3e éd. 1972), p. 133. Les marques de l’appelante ont été largement annoncées depuis le début des années 1960, alors que celle de l’intimée ne l’est que depuis 1992. La marque de l’appelante a des racines plus profondes et elle a bénéficié d’une publicité beaucoup plus importante dans un secteur géographique beaucoup plus étendu.

(3) Le genre de marchandises, services ou entreprises

78 La règle traditionnelle veut que si un fabricant [traduction] « ne fait pas le commerce du fer, mais de la toile, et imprime un lion sur sa toile, une autre personne pourra graver un lion sur du fer » : Ainsworth c. Walmsley (1866), L.R. 1 Eq. 518, p. 524‑525. Je conviens avec le professeur McCarthy, cité précédemment, qu’[traduction] « une marque relativement forte peut franchir d’un seul bond un écart considérable entre deux gammes de produits » (§ 11:74), mais son énoncé implique néanmoins que la « gamme de produits » représente généralement un obstacle important, même pour une marque célèbre. L’entreprise de fabrication de poupées et l’entreprise de restauration s’adressent aux goûts différents d’une clientèle très différente. Comme l’a conclu la Commission :

Les marchandises de l’opposante et les services de la requérante sont très différents. À cet égard, l’opposante a établi que sa marque est très connue au Canada, pour ne pas dire renommée, en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées. Les enfants et, dans une certaine mesure, les adultes collectionneurs constituent le marché cible de l’opposante. La requérante, par contre, exerce ses activités dans la restauration et son marché cible se compose d’adultes. [p. 400]

79 Rien ne prouve que les consommateurs adultes considéreraient un fabricant de poupées comme une source de bonne nourriture, et encore moins que la marque de commerce BARBIE serait vue comme une garantie « du caractère ou de la qualité » des marchandises, pour reprendre les termes du rapport Fox de 1953 (p. 29). L’appelante laisse entendre que la poupée BARBIE est un élément de la culture pop, ce qui comporte une certaine part de vérité, mais cela ne signifie pas qu’elle soit nécessairement une recommandation favorable pour tous les types de marchandises et de services :

[traduction] Poupée Barbie /[. . .]/ nom familier Femme aux charmes superficiels classiques, particulièrement aux yeux bleus et aux cheveux blonds, mais sans personnalité.

(The Macquarie Dictionary (3e éd. rév. 2002), p. 147)

En ce sens, l’association de la poupée BARBIE avec la nourriture pourrait être interprétée comme une mise en garde contre la fadeur.

80 L’appelante signale que certaines de ses licences ont une portée étendue et que BARBIE possède un potentiel de croissance dans certains nouveaux secteurs commerciaux, mais comme l’indique le rapport Fox :

. . . plusieurs personnes pourraient utiliser la même marque de commerce comportant bien des différences dans la qualité des produits ou des services fournis sous cette marque de commerce, ce qui tendrait à tromper le public et à semer la confusion. [p. 43]

81 L’appelante invoque le par. 50(1) de la Loi selon lequel, si le propriétaire de la marque contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi de la marque de commerce par le titulaire de la licence est réputé avoir le même effet que son emploi par le propriétaire. Si cela est vrai, il est aussi vrai qu’un emploi abusif par le propriétaire peut à lui seul détruire le caractère distinctif de la marque, et l’octroi de licences en trop grand nombre et de manière imprudente peut aggraver son problème. Toutefois, le fait établi dans notre société que des « marques célèbres » font l’objet de nombreuses licences pour des marchandises et des services qui ne sont pas traditionnellement associés à la marque est une autre « circonstance de l’espèce » qu’il ne faut pas non plus oublier.

82 La Commission n’a pas reconnu que la marque BARBIE est « célèbre » ou distinctive à l’égard d’autres marchandises que des poupées et des accessoires de poupées. On pourrait prétendre que la spécificité même des poupées BARBIE dans l’esprit du consommateur limite la capacité de croissance de la marque. Dans Joseph E. Seagram, l’appelante a soutenu que la tendance générale à la diversification des entreprises amènerait le consommateur à présumer que son entreprise de spiritueux était liée à l’entreprise de courtage immobilier de l’intimée. Le juge MacKay a rejeté cet argument, affirmant, aux p. 467‑468 :

Je ne suis pas d’accord avec cet énoncé : selon moi, l’avenir et les possibilités futures de diversification se limitent à l’expansion possible des activités courantes. Il ne faut pas tenir compte des spéculations quant à la diversification de l’entreprise dans des secteurs tout à fait nouveaux, qui supposent de nouvelles marchandises ou entreprises, ou encore de nouveaux services . . .

83 Ce qui importe, selon moi, c’est que le droit de marques de commerce est fondé sur l’emploi. Autrefois, il n’était pas possible d’enregistrer une marque en vue d’un emploi « projeté ». En l’espèce, l’expansion de la marque BARBIE dépasse la simple spéculation, mais si la marque BARBIE n’est célèbre qu’en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées dans une région où les deux marques sont employées, et si rien ne prouve que les titulaires d’une licence BARBIE, quels qu’ils soient, emploient sur le marché la marque BARBIE en liaison avec « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet », il est difficile de voir sur quel fondement la conclusion erronée est susceptible d’être tirée.

84 À ce sujet, la Commission a conclu ce qui suit :

. . . les dépenses publicitaires annuelles d’environ 3,5 millions de dollars [de l’appelante] pour la même période [de 1990 à 1995] ont été entièrement consacrées aux poupées et accessoires de poupées. Contrairement à [l’appelante], je ne pense pas qu’il existe vraiment un lien entre ses marchandises et les services de [l’intimée]. Selon moi, les liens qu’elle allègue sont si ténus qu’on ne peut faire autrement que de les qualifier de théoriques ». [Je souligne; p. 402.]

85 Cette conclusion est étayée par la preuve. En vérité, l’appelante se plaint de ce que l’opinion défavorable de la Commission sur ce point ait pesé trop lourd dans son « appréciation » de « toutes les circonstances de l’espèce ».

(4) La nature du commerce

86 Les parties empruntent des voies de commercialisation différentes et distinctes à l’intérieur desquelles leurs marchandises et services ne se chevauchent pas. Dans McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd., par. 32, le juge McKeown souligne que, même si les deux parties vendaient du café, le marché qu’occupe une boutique spécialisée dans le café est différent de celui qu’occupe un restaurant‑minute (conf. par [1996] A.C.F. no 774 (QL) (C.A.)). Le genre de clients susceptibles d’acheter les marchandises et services respectifs des parties est considéré depuis longtemps comme une circonstance pertinente : General Motors, p. 692; Gill et Jolliffe, p. 8‑38 à 8‑40.

87 Dans le présent pourvoi, indépendamment de la grande différence qu’il y a entre eux, les marchandises de l’appelante et les services de l’intimée empruntent des voies de commercialisation différentes et la possibilité accrue de confusion que leur chevauchement à l’intérieur d’une seule voie de commercialisation pourrait entraîner ne pose pas un problème sérieux.

(5) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

88 Les deux marques emploient le nom « Barbie », mais la marque dont l’intimée demande l’enregistrement est encadrée d’un dessin, ce qui n’est pas le cas de la marque déposée de l’appelante. Par ailleurs, si l’on tient compte de la marque que l’appelante emploie sur ses emballages et dans la publicité, il existe une très grande ressemblance entre les deux marques.

(6) Les autres circonstances de l’espèce

89 Il ne fait aucun doute qu’en principe, la marque de l’appelante est « célèbre » alors que celle dont l’intimée demande l’enregistrement ne l’est pas. Or, la question est de savoir s’il existe une probabilité de confusion (ou s’il y a eu confusion) sur le marché où les deux peuvent exercer leurs activités. À cet égard, la preuve d’une confusion réelle, même si elle n’était pas nécessaire, aurait été utile (ConAgra, Inc. c. McCain Foods Ltd., [2001] A.C.F. no 1331 (QL), 2001 CFPI 963; Matsushita Electric Industrial Co. c. Panavision, Inc., [1992] A.C.F. no 19 (QL) (1re inst.), mais elle n’a pas été produite. Le juge Décary a fait remarquer dans Christian Dior, par. 19 :

Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion.

Je suis d’accord. L’absence d’une preuve de confusion réelle (c.‑à‑d. que des consommateurs éventuels tirent la conclusion erronée) est une autre des « circonstances de l’espèce » à mettre dans la balance : Pepsi‑Cola Co. of Canada, Ltd. c. Coca‑Cola Co. of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17, p. 30; General Motors Corp. c. Bellows, [1947] R.C. de l’É. 568, p. 577, conf. par [1949] R.C.S. 678; Freed & Freed Ltd. c. Registrar of Trade Marks, [1950] R.C. de l’É. 431; Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée, [1988] A.C.F. no 1077 (QL) (1re inst.); Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A., [1994] A.C.F. no 382 (QL) (1re inst.), par. 26‑27.

90 L’appelante prétend en fait que l’intimée agit délibérément en profiteur et n’a aucune explication raisonnable à offrir pour avoir adopté sa marque de commerce. Selon elle, il faut de toute évidence conclure que l’intimée cherche à enregistrer une marque qui lui permette de s’approprier la plus grande part possible de l’achalandage attaché à la marque de l’appelante. Elle attire notre attention sur une demande d’enregistrement déposée subséquemment par l’intimée (aujourd’hui abandonnée) qui incluait dans son dessin la tête et les épaules d’une serveuse arborant le monogramme « B » sur son chemisier. Ce reproche me paraît justifié dans une certaine mesure, mais dans le cadre du par. 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, ce n’est pas le point de vue de l’intimée qu’il faut adopter, mais plutôt celui du consommateur mythique concerné. L’intention coupable n’est guère pertinente en ce qui concerne la confusion : Lexus. Il est établi depuis Edelsten c. Edelsten (1863), 1 De G. J. & S. 185, 46 E.R. 72, p. 78‑79, que le droit à une marque de commerce est un droit de propriété. Si, comme l’affirme l’appelante, les activités de l’intimée constituent une intrusion sur le territoire commercial protégé par ses marques de commerce BARBIE, il ne servirait à rien que l’intimée invoque en défense qu’elle n’avait pas l’intention de causer pareille intrusion. À l’inverse, si en fait il n’y a pas d’intrusion, la preuve qu’elle ait voulu en causer une n’établit pas qu’il y a confusion : Fox, p. 403. Historiquement, les tribunaux ont hésité à conclure que l’intention établie de pirater n’avait pas atteint son but, mais en l’espèce, la Commission n’a pas constaté l’existence d’une telle intention.

V. Conclusion

91 La Commission a conclu que, malgré la notoriété de la marque de commerce de l’appelante, l’intimée avait démontré qu’il n’existait pas de probabilité de confusion sur le marché compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce. En l’absence de nouveaux éléments de preuve qui nous éclaireraient davantage sur le bien‑fondé de cette conclusion, je ne suis pas prêt à affirmer que la décision de la Commission est déraisonnable.

92 Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Version française des motifs rendus par

93 Le juge LeBel — Je suis aussi d’avis que l’appel de Mattel devrait être rejeté. La Commission des oppositions des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada devait soupeser plusieurs facteurs pour évaluer le caractère distinctif des deux marques. Il faut alors faire preuve de retenue envers sa décision, mais celle‑ci doit être raisonnable. Au vu des faits de l’espèce, exposés dans l’analyse des questions de droit et de fait effectuée par mon collègue le juge Binnie dans ses motifs, je suis d’accord pour reconnaître que la décision de la Commission était raisonnable ((2002), 23 C.P.R. (4th) 395).

ANNEXE

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13

2. [Définitions] Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

. . .

— créant de la confusion — Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6.

. . .

6. (1) [Quand une marque ou un nom crée de la confusion] Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

(2) [Idem] L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

. . .

(5) [Éléments d’appréciation] En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

7. [Interdictions] Nul ne peut :

. . .

b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

c) faire passer d’autres marchandises ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

. . .

20. (1) [Violation] Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l’employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. . .

. . .

22. (1) [Dépréciation de l’achalandage] Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

(2) [Action à cet égard] Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d’ordonner le recouvrement de dommages‑intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre toutes marchandises revêtues de cette marque de commerce qui étaient en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Gowling Lafleur Henderson, Ottawa.

Procureurs de l’intimée : Desjardins Ducharme, Montréal.

* Le juge Major n’a pas pris part au jugement.


Synthèse
Référence neutre : 2006 CSC 22 ?
Date de la décision : 02/06/2006
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Propriété intellectuelle - Marques de commerce - Confusion - Restaurateur demandant l’enregistrement de la marque de commerce « Barbie’s » en liaison avec une petite chaîne de restaurants - Opposition à l’enregistrement par le fabricant des poupées BARBIE - L’emploi du nom « Barbie’s » en liaison avec des restaurants est‑elle susceptible de créer de la confusion sur le marché avec la marque de commerce BARBIE? - Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, art. 6.

Droit administratif - Contrôle judiciaire - Norme de contrôle - Commission des oppositions des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada - Rejet par la Commission de l’opposition à l’enregistrement de la marque de commerce - Norme applicable à la décision de la Commission.

L’appelante affirme que la poupée BARBIE est une icône de la culture pop. Elle s’oppose à la demande d’enregistrement par l’intimée de sa marque de commerce « Barbie’s » et de son dessin en liaison avec « des services de restaurant, des services de mets à emporter, [ainsi que] des services de traiteur et de banquet », au motif que certaines marques ont acquis une telle renommée que des marques telles que BARBIE ne peuvent dorénavant être apposées sur la plupart des services et des biens de consommation au Canada, sans que le consommateur moyen soit amené à inférer l’existence d’un lien commercial avec les propriétaires de ces marques célèbres. La Commission des oppositions des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (la « Commission ») a retenu l’argument de l’intimée selon lequel le fait qu’elle emploie le nom « Barbie’s » (depuis 1992) pour sa petite chaîne de restaurants dans la région de Montréal n’est pas susceptible de créer de la confusion sur le marché avec la marque de commerce BARBIE de l’appelante et elle a fait droit à l’enregistrement. La Commission a conclu que la notoriété de BARBIE était liée aux poupées et aux accessoires de poupées et que la marque visée par la demande d’enregistrement de l’intimée, utilisée en liaison avec des produits et services très différents, n’était pas susceptible d’être confondue avec l’une des marques BARBIE de l’appelante. La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux confirmé la décision de la Commission. Elles ont aussi rejeté la requête de l’appelante visant à produire un nouvel élément de preuve, soit un sondage censé démontrer la probabilité de confusion entre les marques.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish, Abella et Charron : Le pouvoir d’attraction des marques de commerce et des autres « noms commerciaux célèbres » est maintenant reconnu comme l’un des plus précieux éléments d’actif d’une entreprise. Or, peu importe l’évolution commerciale des marques de commerce, elles ont toujours pour objet, sur le plan juridique, leur emploi par leur propriétaire « de façon à distinguer les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres » (Loi sur les marques de commerce, art. 2). Une marque est une garantie d’origine et, implicitement, un gage de la qualité que le consommateur en est venu à associer à une marque de commerce en particulier. Rien n’empêche l’appelante d’utiliser sa marque BARBIE pour stimuler (si faire se peut) les ventes de n’importe quelle marchandise, des vélos aux produits alimentaires, mais reste à savoir si l’appelante peut invoquer le droit des marques de commerce pour empêcher d’autres personnes d’utiliser un nom aussi courant que Barbie en liaison avec des services (par exemple, des restaurants) à ce point éloignés des produits qui sont à l’origine de la renommée de BARBIE. [2] [4]

Selon le par. 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, la confusion survient si l’acheteur éventuel — l’acheteur occasionnel plutôt pressé — est susceptible d’être amené à conclure à tort « que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». La catégorie générale des marchandises et services, bien que pertinente, n’est pas déterminante. Il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au par. 6(5). Un poids différent sera attribué à différents facteurs selon le contexte. [51‑54]

Les décisions Pink Panther et Lexus de la Cour d’appel fédérale ne doivent pas être suivies dans la mesure où elles laissent croire que, pour qu’il y ait confusion, il faut « une certaine ressemblance ou un certain lien avec les marchandises en question », c.‑à‑d. avec les marchandises visées par la demande d’enregistrement d’une marque de commerce. La ressemblance n’est manifestement pas une exigence prévue à l’art. 6. Au contraire, en ajoutant à la loi les termes « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale », le législateur a exprimé son intention, non seulement de ne pas exiger une « ressemblance » avec les marchandises et services particuliers en cause, mais encore de ne pas exiger que les marchandises ou services commercialisés par l’opposante en liaison avec sa marque et les marchandises ou services commercialisés par la requérante en liaison avec la marque visée par sa demande appartiennent à la même catégorie générale. La notoriété d’une marque célèbre peut passer d’une gamme de produits à une autre alors qu’une marque moins connue serait limitée à ses marchandises ou services traditionnels. Il faut juger chaque situation en considérant l’ensemble de son contexte factuel. La différence entre les marchandises ou les services ne constitue pas un « atout propre à éliminer » les autres facteurs, mais la notoriété de la marque non plus. C’est l’ensemble des circonstances qui déterminera le poids à accorder à chacun des facteurs. Dans le cas où l’emploi de la nouvelle marque aurait pour effet de créer de la confusion sur le marché, son enregistrement devrait être refusé, « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » (par. 6(2)). [63‑65] [69‑72]

Le fait que le Parlement ait reconnu que certaines marques de commerce sont si bien connues que leur emploi en liaison avec une marchandise ou un service quelconque créerait de la confusion ne signifie pas que la marque BARBIE ait un effet aussi transcendant. En l’occurrence, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce et de la preuve soumise à la Commission, sa décision selon laquelle aucune confusion n’était susceptible de survenir sur le marché entre les deux marques était raisonnable. C’est à l’intimée qu’incombait pendant tout le processus le fardeau de prouver l’absence de probabilité, mais la Commission n’était tenue d’examiner que les sources possibles de confusion qu’elle estimait vraisemblables. Il ressort de la prise en compte des facteurs pertinents de la méthode pragmatique et fonctionnelle que la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission est celle du caractère raisonnable. L’expertise de la Commission et le rôle d’« appréciation » que lui impose l’art. 6 de la Loi sur les marques de commerce mènent à cette conclusion, malgré l’octroi d’un droit d’appel absolu. [25‑29] [40] [91]

Le nom BARBIE possède un solide sens secondaire associé aux poupées de l’appelante et, pour cette raison, il a acquis un très grand caractère distinctif. La marque BARBIE a aussi des racines profondes et elle a bénéficié d’une publicité importante dans un secteur géographique étendu. La marque visée par la demande d’enregistrement de l’intimée, qui n’est pas seulement le mot « Barbie » mais l’ensemble de l’effet produit, notamment le type d’écriture employée et le dessin qui l’encadre, est devenue passablement connue dans la région où les marques des deux parties sont employées. L’entreprise de fabrication de poupées et l’entreprise de restauration s’adressent aux goûts différents d’une clientèle très différente. [75‑78]

Contrairement à d’autres formes de propriété intellectuelle, le droit à une marque de commerce repose essentiellement sur son emploi véritable. En l’espèce, la Commission n’a pas reconnu que la marque BARBIE est « célèbre » ou distinctive à l’égard d’autres marchandises que des poupées et des accessoires de poupées. Cette conclusion est étayée par la preuve. Si la marque BARBIE n’est célèbre qu’en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées, et si rien ne prouve que les titulaires d’une licence BARBIE, quels qu’ils soient, emploient sur les marchés pertinents la marque BARBIE en liaison avec « des services de restaurant, des services de mets à emporter, [ainsi que] des services de traiteur et de banquet », il est difficile de voir sur quel fondement le consommateur plutôt pressé est susceptible de tirer une conclusion erronée. Indépendamment de la grande différence qu’il y a entre eux, les marchandises de l’appelante et les services de l’intimée empruntent des voies de commercialisation différentes et la possibilité accrue de confusion que leur chevauchement à l’intérieur d’une seule voie de commercialisation pourrait entraîner n’existe pas. [5] [82‑87]

Le sondage que l’appelante a voulu produire comme nouvel élément de preuve a été exclu à bon droit. La procédure d’opposition portait sur la probabilité de confusion. La question posée lors du sondage (« Croyez‑vous que la compagnie qui fabrique les poupées Barbie pourrait avoir quelque chose à faire avec le restaurant identifié par cette enseigne ou ce logo? ») porte sur un tout autre point, soit les possibilités, plutôt que la probabilité, de confusion. Un sondage qui ne répond pas à la question en litige n’est pas pertinent et devrait être exclu pour ce seul motif. [44] [49]

La preuve d’une confusion réelle serait une « circonstance de l’espèce » pertinente. Pareille preuve n’est pas nécessaire même s’il est démontré que les marques de commerce ont été exploitées dans la même région pendant une période importante parce que la question pertinente est la « probabilité de confusion » et non la « confusion réelle ». Une conclusion défavorable peut toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion était justifiée. [55] [89]

Le juge LeBel : Il faut faire preuve de retenue envers la décision de la Commission, mais celle‑ci devait être raisonnable. Au vu des faits de l’espèce, exposés dans l’analyse des questions de droit et de fait figurant dans les motifs majoritaires, la décision de la Commission était effectivement raisonnable. [93]


Parties
Demandeurs : Mattel, Inc.
Défendeurs : 3894207 Canada Inc.

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Binnie
Arrêts expliqués : Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534
Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha c. Lexus Foods Inc., [2001] 2 C.F. 15
arrêts mentionnés : Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., [2005] 3 R.C.S. 302, 2005 CSC 65
Aladdin Industries, Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd., [1974] R.C.S. 845
Breck’s Sporting Goods Co. c. Magder, [1976] 1 R.C.S. 527
Consumers Distributing Co. c. Seiko Time Canada Ltd., [1984] 1 R.C.S. 583
Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19
Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20
U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048
Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., [1987] A.C.F. no 849 (QL)
Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145
Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] A.C.F. no 1864 (QL)
Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., [1999] A.C.F. no 1763 (QL)
Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192
McDonald’s Corp. c. Silcorp Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207, conf. par [1992] A.C.F. no 70 (QL)
Lamb c. Canadian Reserve Oil & Gas Ltd., [1977] 1 R.C.S. 517
Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557
Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157
Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748
Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, 2002 CSC 11
S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29
Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3
United States Polo Assn. c. Polo Ralph Lauren Corp., [2000] A.C.F. no 1472 (QL)
Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd., [2002] 3 C.F. 405, 2002 CAF 29
Purafil, Inc. c. Purafil Canada Ltd., [2004] A.C.F. no 628 (QL), 2004 CF 522
Building Products Ltd. c. BP Canada Ltd. (1961), 36 C.P.R. 121
Paulin Chambers Co. c. Rowntree Co. (1966), 51 C.P.R. 153
Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1
Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 454
Walt Disney Productions c. Fantasyland Hotel Inc. (1994), 20 Alta. L.R. (3d) 146
Cartier, Inc. c. Lunettes Cartier Ltée, [1988] A.C.F. no 266 (QL)
Sun Life Assurance Co. of Canada c. Sunlife Juice Ltd. (1988), 22 C.P.R. (3d) 244
New Balance Athletic Shoes, Inc. c. Matthews (1992), 45 C.P.R. (3d) 140
National Hockey League c. Pepsi‑Cola Canada Ltd. (1992), 70 B.C.L.R. (2d) 27
McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd., [1994] A.C.F. no 638 (QL), conf. par [1996] A.C.F. no 774 (QL)
Unitel Communications Inc. c. Bell Canada, [1995] A.C.F. no 613 (QL)
Canada Post Corp. c. Mail Boxes Etc. USA, Inc. (1996), 77 C.P.R. (3d) 93
Coca‑Cola Ltd. c. Southland Corp. (2001), 20 C.P.R. (4th) 537
Molson Companies Ltd. c. S.P.A. Birra Peroni Industriale (1992), 45 C.P.R. (3d) 28
Molson Breweries c. Swan Brewery Co., [1994] C.O.M.C. no 253 (QL)
Toys “R” Us (Canada) Ltd. c. Manjel Inc., [2003] A.C.F. no 398 (QL), 2003 CFPI 283
Safeway Stores, Inc. c. Safeway Insurance Co., 657 F. Supp. 1307 (1985)
Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL)
Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1987] A.C.F. no 1123 (QL)
Morning Star Co‑Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113
Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12
Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677
Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL)
American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co., [1972] C.F. 1271, conf. par (1973), 14 C.P.R. (2d) 127
Michelin & Cie c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1982), 69 C.P.R. (2d) 260
General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678, conf. [1947] R.C. de l’É. 568
Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 139
Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657, conf. [1940] R.C.S. 17
Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709
Carson c. Reynolds, [1980] 2 C.F. 685
John Walker & Sons Ltd. c. Steinman (1965), 44 C.P.R. 58
James Burrough Ltd. c. Reckitt & Colman (Canada) Ltd. (1967), 53 C.P.R. 276
Leaf Confections Ltd. c. Maple Leaf Gardens Ltd., [1986] A.C.F. no 766 (QL), conf. par [1988] A.C.F. no 176 (QL)
Danjaq Inc. c. Zervas, [1997] A.C.F. no 1036 (QL)
Mead Data Central, Inc. c. Toyota Motor Sales, U.S.A., Inc., 875 F.2d 1026 (1989)
Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 R.C.S. 824, 2006 CSC 23
Western Clock Co. c. Oris Watch Co., [1931] R.C. de l’É. 64
Henry K. Wampole & Co. c. Hervay Chemical Co. of Canada, [1930] R.C.S. 336
British Drug Houses, Ltd. c. Battle Pharmaceuticals, [1944] R.C. de l’É. 239
Ainsworth c. Walmsley (1866), L.R. 1 Eq. 518
ConAgra, Inc. c. McCain Foods Ltd., [2001] A.C.F. no 1331 (QL), 2001 CFPI 963
Matsushita Electric Industrial Co. c. Panavision, Inc., [1992] A.C.F. no 19 (QL)
Freed & Freed Ltd. c. Registrar of Trade Marks, [1950] R.C. de l’É. 431
Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée, [1988] A.C.F. no 1077 (QL)
Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A., [1994] A.C.F. no 382 (QL)
Edelsten c. Edelsten (1863), 1 De G. J. & S. 185, 46 E.R. 72.
Lois et règlements cités
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, art. 2 « créant de la confusion », « marque de commerce », 6, 7, 20, 22, 45(3), 50, 56(1), (5).
Traités et autres instruments internationaux
Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, 1869 R.T.N.U. 332 (annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 1867 R.T.N.U. 3), signé le 15 avril 1994, art. 15.
Doctrine citée
Canada. Rapport de la Commission de révision de la loi sur les marques de commerce, par Harold G. Fox, président. Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1953.
Fox, Harold George. The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3rd ed. Toronto : Carswell, 1972.
Gervais, Daniel, and Elizabeth F. Judge. Intellectual Property : The Law in Canada. Toronto : Thomson/Carswell, 2005.
Gill, Kelly, and R. Scott Jolliffe. Fox on Canadian Law of Trade‑marks and Unfair Competition, 4th ed. Toronto : Carswell, 2002 (loose-leaf updated 2005, release 2).
Macquarie Dictionary, rev. 3rd ed. Sydney, Australia : Macquarie Library, 2002, « Barbie doll ».
McCarthy, J. Thomas. McCarthy on Trademarks and Unfair Competition, vol. 4, 4th ed. Deerfield, Ill. : Thomson/West, 1996 (loose‑leaf updated December 2005, release 36).
Mostert, Frederick W. Famous and Well‑Known Marks : An International Analysis. London : Butterworths, 1997.
Vaver, David. « Unconventional and Well‑known Trade Marks », [2005] Sing. J.L.S. 1.

Proposition de citation de la décision: Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 (2 juin 2006)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2006-06-02;2006.csc.22 ?
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