La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0117.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 avril 2020, P.20.0117.N


N° P.20.0117.N
I., II. et III. S. D.V.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Wahib El Hayouni, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 (arrêt I) par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, l'arrêt rendu le 2 avril 2019 (arrêt II) par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, ainsi que l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 (arrêt III) par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au pr

ésent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait ra...

N° P.20.0117.N
I., II. et III. S. D.V.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Wahib El Hayouni, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 (arrêt I) par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, l'arrêt rendu le 2 avril 2019 (arrêt II) par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, ainsi que l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 (arrêt III) par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 243 du Code pénal, ainsi que du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt ne répond pas au moyen de défense, développé de manière exhaustive et précise par la demanderesse dans ses conclusions d'appel, qui était fondé sur le manque de précision de la législation applicable ; l'arrêt ne pouvait fonder le fait que la prévention de concussion a été déclarée établie sur la considération qu'il est peu probable que la demanderesse ne connaîtrait pas la réglementation spécifique concernant les malades mentaux et se référer à cette fin aux travaux préparatoires de la loi et à un commentaire juridique spécifique qui était accessible à la demanderesse.
2. L'article 243 du Code pénal punit comme coupable de concussion toute personne exerçant une fonction publique et ordonnant de percevoir ce qu'elle savait n'être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, contributions, deniers, revenus ou intérêts, salaires ou traitements, ou de les exiger ou de les recevoir. Il appartient au juge d'apprécier si les droits, taxes, contributions, deniers, revenus ou intérêts, salaires ou traitements n'étaient pas dus ou excédaient ce qui était dû.
3. L'arrêt fonde la considération que la demanderesse savait que les sommes d'argent visées aux préventions C.1 et C.2 n'étaient pas dues ou excédaient ce qui était dû non seulement sur les arguments du ministère public tels qu'exposés dans l'arrêt aux points 23 à 37 (arrêt, p. 51, point 52), mais également sur ce qui suit :
- le délit de concussion permet au justiciable de comprendre quand il est punissable. Les prévenus, et donc également la demanderesse, savaient qu'en demandant aux administrateurs provisoires de malades mentaux des frais de déplacement et en réclamant systématiquement dans chaque dossier, quelle que soit la distance, le tarif le plus élevé de 70,00 euro , ils demandaient des sommes qui n'étaient pas dues (arrêt, p. 39, point 30) ;
- la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux contient en ce qui concerne les frais de transport et de séjour des magistrats une référence claire au règlement général sur les frais de justice en matière répressive et ce, tant en ce qui concerne les avances que le montant des frais avancés. Ce sont les articles applicables de ce règlement que les prévenus, et donc aussi la demanderesse, n'ont pas respectés (arrêt, p. 45-46, points 42-44) ;
- sans se soucier de l'applicabilité de ces dispositions, les prévenus, et donc aussi la demanderesse, ont développé leur propre système de remboursement des frais. Cette attitude et cette façon d'agir communes ont eu pour effet qu'ils ont finalement ignoré complètement le règlement général, alors qu'il était et devait être clair pour tout le monde, et en particulier pour des magistrats et des greffiers, à la simple lecture de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux qu'il fallait agir comme le prescrit le règlement général (arrêt, p. 46, points 45-46) ;
- l'information et l'instruction ont montré que, dans d'autres justice de paix, cette disposition était bel et bien correctement appliquée. Le président des juges de paix et de police de Flandre orientale a déclaré que la thèse selon laquelle la réglementation du Code judiciaire n'était pas applicable aux frais de déplacement visés n'était nullement conforme à la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et constituait une interprétation contra legem, et qu'il existait un consensus dans le monde des justices de paix selon lequel tant pour la provision que pour l'estimation, le règlement général sur les frais de justice était applicable (arrêt, p. 46-47, point 47) ;
- la cour d'appel souscrit pleinement à ce point de vue puisqu'il s'agit tout simplement de l'application logique et rationnelle de la loi et de la volonté du législateur. Toute autre interprétation est hors de question et témoigne d'un manque de volonté manifeste d'appliquer correctement ladite loi du 26 juin 1990 et le règlement général, et ce pour la réalisation de projets personnels (arrêt, p. 47, point 48) ;
- la prétendue ignorance, confusion ou interprétation erronée de la part des prévenus et donc aussi de la demanderesse ne saurait avoir l'effet d'une cause de justification ou d'une cause d'excuse absolutoire. Il leur suffisait, en leur qualité de magistrat et de greffier, de s'informer préalablement auprès du parquet général ou du service des frais de justice à Bruxelles. Leur prétendue erreur ou ignorance résultait du choix de faire cavalier seul - contra legem - et, était en tant que telle, évitable. Le moyen de défense, qui se réfère à diverses instances qui ont fourni de prétendus avis sur l'application des dispositions légales en question, est artificiel et dépourvu de toute pertinence. La loi est en effet claire et aurait dû être appliquée strictement, conformément aux intentions du législateur (arrêt, p. 47-48, points 49-50) ;
- les prévenus, et donc aussi la demanderesse, n'ont pas tenu compte de la disposition claire relative au remboursement des déplacements et ont toujours imputé le tarif le plus élevé, quel que fût le nombre de kilomètres parcourus (arrêt, p. 51, points 53-54) ;
- ici aussi l'on peut se référer à l'attitude nonchalante, qui n'en est toutefois pas moins punissable, car résolument transgressive, des prévenus et donc aussi de la demanderesse. Toutes les remarques portant sur l'imprécision, l'incertitude et les différentes interprétations possibles sont artificielles et constituent une manifestation de cette attitude punissable, non conforme à la loi, des défendeurs, dont le but était de se faire attribuer le plus possible de remboursements en violation de la loi (arrêt, p. 51, point 55).
4. Par ces motifs, l'arrêt répond à la défense visée par le moyen.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
5. Sur le fondement de ces motifs, la décision que la demanderesse savait que les sommes visées aux chefs d'accusation C.1 et C.2 n'étaient pas dues ou excédaient ce qui était dû est régulièrement motivée et légalement justifiée, et ce indépendamment de la reprise des arguments développés par le ministère public, tels qu'exposés dans l'arrêt.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Examen d'office
6. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Erwin Francis, Sidney Berneman, Ilse Couwenberg et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit avril deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0117.N
Date de la décision : 28/04/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

L'article 243 du Code pénal punit comme coupable de concussion toute personne exerçant une fonction publique et ordonnant de percevoir ce qu'elle savait n'être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, contributions, deniers, revenus ou intérêts, salaires ou traitements, ou de les exiger ou de les recevoir; il appartient au juge d'apprécier si les droits, taxes, contributions, deniers, revenus ou intérêts, salaires ou traitements n'étaient pas dus ou excédaient ce qui était dû (1). (1) Voir en général V. DAUGINET, "Knevelarij", A.F.T. 1992, 3-16; F. VAN VOLSEM et D. VAN HEUVEN, "Knevelarij", in Comm. Sr., 2004, 40p.; I. DELBROUCK, "Knevelarij", in Postal Memorialis. Lexicon Strafrecht, strafvordering en bijzondere wetten, 2010, 6p.; J. COLLIN, "La concussion", in Droit pénal et procédure pénale, 2016, 20p.

CONCUSSION - Elément moral - Savoir que des taxes ou deniers ne sont pas dus - Appréciation - INFRACTION - GENERALITES. NOTION. ELEMENT MATERIEL. ELEMENT MORAL. UNITE D'INTENTION - Concussion - Savoir que des taxes ou deniers ne sont pas dus - Appréciation - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 243 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-04-28;p.20.0117.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award