N° P.20.0350.N
S. L.,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen,
demanderesse en cassation,
Me Lisa Nietvelt, avocat au barreau d'Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 mars 2020 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen : l'arrêt refuse, à tort, d'appliquer le motif de refus prévu par cette disposition ; une personne réside dans un État membre lorsqu'elle y a établi sa résidence effective, et elle y demeure lorsqu'elle a acquis, à la suite d'un séjour stable d'une certaine durée dans ce même État, des liens de rattachement avec ce dernier d'un degré similaire à ceux résultant d'une résidence ; ces liens doivent faire l'objet d'une appréciation globale basée sur plusieurs éléments objectifs ; la demanderesse vit déjà en Belgique depuis 2018, elle y a un domicile fixe et elle y est inscrite ; son fils, âgé de dix mois, est né en Belgique et son partenaire vit déjà en Belgique depuis dix ans ; l'arrêt ne pouvait donc considérer que la demanderesse n'a pas de liens permanents avec la Belgique.
2. Selon l'article 4, paragraphe 6, de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, l'autorité judiciaire d'exécution peut refuser d'exécuter un mandat d'arrêt européen si ce mandat d'arrêt a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l'État membre d'exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s'engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne.
3. Conformément à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, l'exécution du mandat d'arrêt européen peut être refusée si ce mandat d'arrêt a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, lorsque la personne concernée est belge, demeure ou réside en Belgique et que les autorités belges compétentes s'engagent à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à la loi belge.
4. Ces deux dispositions ont une portée identique.
5. Il résulte de l'arrêt C-66/08 du 17 juillet 2008 (Szymon Kozlowski) de la Cour de justice de l'Union européenne que, même lorsqu'il est satisfait aux deux conditions prévues à l'article 4, paragraphe 6, de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 et à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, la juridiction d'instruction n'est pas tenue d'appliquer le motif de refus concerné et de refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen. La juridiction d'instruction peut considérer qu'il n'existe aucun intérêt légitime justifiant que la peine infligée dans l'État membre d'émission soit exécutée sur le territoire de l'État membre d'exécution.
6. Par adoption des motifs des réquisitions du procureur général et de l'ordonnance entreprise, l'arrêt considère que la demanderesse n'a aucunement rendu admissible la réalité de ses liens avec la Belgique et de la vie sociale qu'elle y mène, mais que tout indique que son départ de la Slovaquie s'expliquait par la condamnation dont elle a fait l'objet dans ce pays. Ainsi, l'arrêt donne à connaître qu'il n'existe pas d'intérêt légitime justifiant que la peine prononcée en Slovaquie soit exécutée en Belgique. Cette considération fonde la décision de rejeter le motif de refus facultatif prévu à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003.
Le moyen, qui se borne à critiquer l'appréciation des termes « réside » et « demeure », ne saurait, même s'il était fondé, entraîner la cassation et est, dès lors, irrecevable.
Le contrôle d'office
7. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Ilse Couwenberg, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.