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31/03/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0093.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 mars 2020, P.20.0093.N


N° P.20.0093.N
S. D.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Maarten Vandermeersch, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. INNO, société anonyme,
2. BRACHT DECKERS EN MACKLEBERT, société anonyme,
parties civiles,
défenderesses en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric Van Dooren a fait

rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pou...

N° P.20.0093.N
S. D.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Maarten Vandermeersch, avocat au barreau de Flandre occidentale,
contre
1. INNO, société anonyme,
2. BRACHT DECKERS EN MACKLEBERT, société anonyme,
parties civiles,
défenderesses en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric Van Dooren a fait rapport.
L'avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Le pourvoi n'a pas été signifié aux défendeurs comme le requiert pourtant l'article 427 du Code d'instruction criminelle.
Dans la mesure où il est également dirigé contre la décision rendue sur l'action civile, le pourvoi est irrecevable.
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
2. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 33 à 37 et 40 du Code judiciaire, 203, § 1er, du Code d'instruction criminelle : l'arrêt considère, à tort, que l'appel du demandeur est tardif et que la signification au procureur du Roi du jugement rendu par défaut le 13 février 2017 était régulière ; le ministère public aurait dû signifier le jugement au lieu du domicile ou de la résidence du demandeur en France dès lors qu'il le connaissait ou aurait dû le connaître s'il avait consenti des efforts adéquats à cette fin, ainsi qu'il en avait l'obligation ; en particulier, le ministère public aurait dû examiner si le demandeur était toujours en prison à Longuenesse (France).
3. La signification au procureur du Roi doit être considérée comme non avenue lorsque la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait ou devait connaître le lieu du domicile ou de la résidence du signifié.
4. Le juge apprécie souverainement, à la lumière des éléments de fait propres à l'espèce, si le ministère public connaissait ou aurait dû connaître le lieu du domicile ou de la résidence du demandeur au moment de la signification du jugement par défaut. La Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui y sont étrangères ou qu'elles ne sauraient justifier.
5. L'arrêt (...) considère que :
- il ne ressort d'aucune pièce du dossier répressif que le ministère public savait ou aurait dû savoir que le demandeur a séjourné de manière ininterrompue à la prison de Longuenesse jusqu'au 12 mai 2017 ;
- la prison étrangère où le demandeur aurait séjourné pendant une longue période n'est pas une résidence au sens des articles 36 et 40, alinéa 2, du Code judiciaire ;
- l'exécution hors du territoire du Royaume d'une peine privative de liberté, même de longue durée, ne permet pas de présumer que des prisons constituent le lieu de résidence de ceux qui y sont détenus ;
- il existe un doute sur le fait que le demandeur purgeait une peine d'emprisonnement de longue durée à la prison de Longuenesse, dès lors qu'il a lui-même déclaré, lors de son audition du 10 septembre 2014, que la date prévue pour sa libération était le 1er février 2015, déclaration d'ailleurs confirmée dans une large mesure par des informations policières ;
- en omettant de prendre les mesures nécessaires pour que les actes de procédure lui parviennent, le demandeur s'est mis lui-même dans l'impossibilité d'avoir connaissance de ces actes et de respecter les délais.
L'arrêt pouvait déduire de ces motifs que le ministère public ne connaissait pas ou n'aurait pas dû connaître le lieu du domicile ou de la résidence du demandeur au moment de la signification du jugement par défaut. Ainsi, la décision est légalement justifiée.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
6. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 203, § 1er, du Code d'instruction criminelle : bien qu'au vu du procès-verbal du 10 septembre 2014, le demandeur ait indiqué quel serait son lieu de résidence effectif lorsqu'il aurait terminé de purger sa peine et qu'il n'apparaisse pas que le jugement par défaut ait été signifié à cette adresse, l'arrêt ne peut considérer que la signification au procureur du Roi n'est pas non avenue, que la signification est régulière et que l'appel du demandeur est donc tardif ; la motivation de l'arrêt est, à tout le moins, contradictoire.
7. La Cour ne perçoit pas la contradiction invoquée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
8. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, lors de son audition du 10 septembre 2014, le demandeur ait indiqué quel serait son lieu de résidence lorsqu'il aurait terminé de purger sa peine.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
9. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : compte tenu de la remise du demandeur par les autorités belges aux agents pénitentiaires de la prison de Longuenesse pour qu'il y exécute sa peine et du fait que le demandeur, lors de son audition du 10 septembre 2014, a indiqué quel serait son lieu de résidence effectif lorsqu'il aurait terminé de purger sa peine d'emprisonnement, l'arrêt ne pouvait légalement considérer que le demandeur a omis de prendre les mesures nécessaires pour que l'acte de procédure lui parvienne ; s'il y avait eu une signification régulière, le demandeur aurait eu connaissance de la citation et, à tout le moins, du jugement par défaut ; ses droits de défense ont donc été méconnus ; la possibilité de former opposition dans le délai extraordinaire est sans incidence à cet égard.
10. Ainsi qu'il ressort de la réponse apportée au moyen, en sa deuxième branche, il n'apparaît pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, lors de son audition du 10 septembre 2014, le demandeur ait indiqué quel serait son lieu de résidence lorsqu'il aurait terminé de purger sa peine.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est irrecevable.
11. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est déduit de l'illégalité vainement alléguée à ce moyen, en sa première branche, et est irrecevable.
Quant à la quatrième branche :
12. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt déclare l'appel du demandeur irrecevable du chef de tardiveté malgré que le ministère public ait reconnu, devant la juridiction d'appel, que le jugement par défaut n'avait pas été régulièrement signifié ; la procédure n'a donc pas permis de statuer sur la validité de cette signification ; la juridiction d'appel aurait dû donner l'occasion au ministère public et au demandeur d'apporter la preuve que le ministère public connaissait le lieu du domicile ou de la résidence du demandeur au moment de la signification du jugement par défaut.
13. Il ne résulte d'aucune disposition que la juridiction d'appel qui doit se prononcer sur le caractère tardif ou non de l'appel d'un jugement par défaut, soit liée par le point de vue du ministère public près cette juridiction d'appel selon lequel la signification de ce jugement par défaut est irrégulière. Il appartient en effet à la juridiction d'appel de prendre une décision sur ce point, à la lumière de tous les éléments de fait de la cause.
En outre, aucune disposition n'oblige la juridiction d'appel selon laquelle il n'apparaît pas que la signification ait été irrégulière, à donner au prévenu et au ministère public l'occasion d'en apporter la preuve. En effet, la question de la régularité de la signification du jugement par défaut et du caractère tardif ou non de l'appel, fait nécessairement partie des débats devant la juridiction d'appel et doit être prise en compte par les parties dans leur défense.
Le moyen qui, en cette branche, procède d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
Le contrôle d'office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Ilse Couwenberg, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un mars deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0093.N
Date de la décision : 31/03/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

La signification au procureur du Roi doit être considérée comme non avenue lorsque la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait ou devait connaître le lieu du domicile ou de la résidence du signifié; le juge apprécie souverainement, à la lumière des éléments de fait propres à l’espèce, si le ministère public connaissait ou aurait dû connaître le lieu du domicile ou de la résidence du demandeur au moment de la signification du jugement par défaut, et la Cour se borne à vérifier si le juge ne déduit pas de ses constatations des conséquences qui y sont étrangères ou qu’elles ne sauraient justifier (1). (1) Cass. 4 novembre 2009, RG P.09.0972.F, Pas. 2009, n° 640, RABG 2010, 425 ; Cass. 29 avril 2009, RG P.09.0107.F, Pas. 2009, n° 285, R.W. 2010-11, 1053 ; Cass. 13 décembre 2000, RG P.001100.F, Pas. 2000, n° 686 ; Cass. 14 février 1995, RG P.93.1431.N, Pas. 1995, n° 89. Voir également F. VAN VOLSEM, « Over de wijzen van betekening in strafzaken in het algemeen en aan een in een buitenlandse gevangenis opgesloten beklaagde in het bijzonder », R.A.B.G., 2010, 427-436 ; T. TOREMANS, « De nietigheid van de betekening aan de procureur des Konings wegens kennis van de woon- of verblijfplaats van de geadresseerde », R.W. 2013-14, 163-169 ; A. BAILLEUX, Afstand van recht in de strafprocedure, Intersentia, 2019, p. 341-343.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Appel principal. Forme. Délai - Caractère tardif de l’appel - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Appréciation de la régularité de la signification - Conditions - SIGNIFICATIONS ET NOTIFICATIONS - ETRANGER - Recevabilité de l'appel - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Appréciation de la régularité de la signification - Conditions - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Recevabilité de l'appel - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Appréciation de la régularité de la signification - Conditions - MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Appréciation souveraine par le juge du fond [notice1]

Il ne résulte d’aucune disposition que la juridiction d’appel qui doit se prononcer sur le caractère tardif ou non de l’appel d’un jugement par défaut, soit liée par le point de vue du ministère public près cette juridiction d’appel selon lequel la signification de ce jugement par défaut est irrégulière; il appartient en effet à la juridiction d’appel de prendre une décision sur ce point, à la lumière de tous les éléments de fait de la cause.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - EN CAS DE DEPOT DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Régularité de la signification - Appel - Délai - Recevabilité - Régularité de la signification - Point de vue du ministère public - Liberté d'appréciation du juge - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Matière répressive - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Séjour de l'appelant en prison à l'étranger - Régularité de la signification - Appel - Délai - Recevabilité - Régularité de la signification - Point de vue du ministère public - Liberté d'appréciation du juge - MINISTERE PUBLIC - Matière répressive - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Appel - Délai - Recevabilité - Régularité de la signification - Point de vue du ministère public - Liberté d'appréciation du juge [notice5]

Aucune disposition n’oblige la juridiction d’appel selon laquelle il n’apparaît pas que la signification ait été irrégulière à donner au prévenu et au ministère public l’occasion d’en apporter la preuve; en effet, la question de la régularité de la signification du jugement par défaut et du caractère tardif ou non de l’appel fait nécessairement partie des débats devant la juridiction d’appel et doit être prise en compte par les parties dans leur défense.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Appel principal. Forme. Délai - Signification du jugement par défaut au ministère public - Caractère tardif de l’appel - Appréciation par le juge du fond - Preuve - Débats devant le juge d'appel - Information préalable des parties - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Procédure en appel - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Caractère tardif de l’appel - Appréciation par le juge du fond - Preuve - Débats devant le juge d'appel - Information préalable des parties - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Jugement par défaut - Signification au ministère public - Caractère tardif de l’appel - Appréciation par le juge du fond - Preuve - Débats devant le juge d'appel - Information préalable des parties - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice8]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 203 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 32 et 40 - 01 / No pub 1967101052

[notice5]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 203 et 204 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 32 et 40 - 01 / No pub 1967101052

[notice8]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 203 et 204 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 32 et 40 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-31;p.20.0093.n ?

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