Vu les procédures suivantes :
1° M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par un jugement n° 1504364 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions correspondant au montant dégrevé par l'administration et rejeté le surplus des conclusions de M. B....
Par un arrêt n° 17LY03174 du 6 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 426850 les 7 janvier et 8 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° La société Le Saint'E a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012. Par un jugement nos 1504362, 1504359 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17LY03182 du 6 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Le Saint'E contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le numéro 426857 les 7 janvier et 8 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Saint'E demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... B... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Le Saint'E ;
Considérant ce qui suit :
1. Les deux pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... était l'un des deux gérants de la SARL Saint'E, qui exploite un bar-restaurant. Il a racheté la part de son associé le 17 juin 2009. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2010 à 2012, l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires de la société Saint'E après avoir écarté sa comptabilité comme non probante et mis à la charge de celle-ci des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices vérifiés. Des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ont été mises à la charge de M. B... au titre des années 2010 à 2012, à hauteur des résultats de la société Saint'E qui ont été regardés comme des revenus distribués entre ses mains sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. La société Le Saint'E et M. B... se pourvoient en cassation contre les arrêts du 6 novembre 2018 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leurs appels contre les jugements du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leurs demandes de décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge.
Sur le moyen commun aux pourvois :
3. L'article 8 du code général des impôts prévoit que, à moins d'une option en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, est assujetti à l'impôt sur le revenu, pour les bénéfices qu'il en retire, l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique. Aux termes du 3 de l'article 206 du même code : " Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ; (...) ". Aux termes de l'article 239 du même code : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. (...) / L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, en cas de transformation d'une société de capitaux en une des formes de société mentionnées au 3 de l'article 206 ou en cas de réunion de toutes les parts d'une société à responsabilité limitée entre les mains d'une personne physique, l'option peut être notifiée avant la fin du troisième mois qui suit cette transformation ou cette réunion pour prendre effet à la même date que celle-ci. Dans tous les cas, l'option exercée est irrévocable. " Aux termes de l'article 22 de l'annexe IV au code général des impôts, applicable eux exercices en litige : " La notification de l'option prévue à l'article 239 du code général des impôts est adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société ou du groupement qui souhaite exercer cette option. / La notification indique la désignation de la société ou du groupement et l'adresse du siège social, les nom, prénoms et adresse de chacun des associés, membres ou participants, ainsi que la répartition du capital social ou des droits entre ces derniers. Elle est signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. Il en est délivré récépissé (...) ".
4 Aux termes de l'article R. 123-1 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " Les centres de formalités des entreprises reçoivent le dossier unique, prévu à l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle et comportant les déclarations relatives à leur création, aux modifications de leur situation ou à la cessation de leur activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l'article 1er de la même loi. " Aux termes de son article R. 123-3 : " 1° Sous réserve des dispositions des 2° et 3°, les chambres de commerce et d'industrie créent et gèrent les centres de formalités des entreprises compétents pour : (...) b) Les sociétés commerciales. (...) ". Aux termes de son article R. 123-5 : " (...) Toutefois, lorsque la déclaration comporte une demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, d'inscription modificative ou de radiation, le déclarant a la faculté de déposer le dossier de déclaration directement auprès du greffe du tribunal compétent pour y procéder. Dans ce cas, le greffe, qui conserve la demande d'inscription, transmet sans délai le dossier au centre de formalités des entreprises compétent. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-17 du même code : " La déclaration présentée ou transmise au centre de formalités des entreprises compétent vaut déclaration auprès de l'organisme destinataire, dès lors qu'elle est régulière et complète à l'égard de ce dernier. (...) ".
5. En application des dispositions citées aux points 3 et 4 ci-dessus, pour exercer valablement leur option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l'article 239 du code général des impôts et de l'article 22 de l'annexe IV à ce code, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent à l'occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l'exercice de leur option. Si les dispositions de ces articles n'ont ni pour objet, ni pour effet de dispenser de ces formalités les sociétés ou groupements mentionnés au 3 de l'article 206 du code général des impôts qui opteraient pour leur assujettissement à cet impôt alors qu'ils n'y étaient pas précédemment soumis, il en va autrement dans l'hypothèse où une société à responsabilité limitée décide, au moment de la réunion de toutes ses parts entre les mains d'un associé unique, de demeurer assujettie à l'impôt sur les sociétés. Une telle entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée est réputée avoir régulièrement exercé l'option offerte au 3 de l'article 206 si elle a opté dans ses statuts, dans le délai prévu à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 239, pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, et si elle a, au titre du premier exercice clos après la réunion des parts dans une même main, déclaré ses résultats sous le régime de l'impôt sur les sociétés.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, qu'à la suite de la réunion de l'ensemble de ses parts entre les mains d'un seul associé le 17 juin 2009, la société Le Saint'E a modifié ses statuts pour y mentionner qu'elle optait pour l'impôt sur les sociétés avant de les enregistrer au greffe du tribunal de commerce et, d'autre part, que depuis sa transformation en EURL, elle a spontanément et constamment déposé auprès de l'administration fiscale ses déclarations d'impôt sur les sociétés. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus qu'en déduisant de ces circonstances que la société requérante devait être regardée comme ayant exercé l'option prévue par l'article 239 du code général des impôts pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le moyen soulevé dans le pourvoi de la société Le Saint'E :
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour ne s'est pas fondée sur l'apparence qu'aurait créée la société requérante en souscrivant une déclaration de résultats soumis à l'impôt sur les sociétés pour juger qu'elle avait opté à l'impôt sur les sociétés. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en lui opposant de telles apparences ne peut qu'être écarté comme inopérant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la société Le Saint'E ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêts qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de M. B... et de la société Le Saint'E sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société Le Saint'E et au ministre de l'action et des comptes publics.