LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 08 43. 397 et N 08 43. 398 ;
Sur le moyen unique, commun aux pourvois :
Vu l'article 249 du traité instituant la Communauté européenne et l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les contrats de travail de MM. X... et Y..., employés par la société Open Cascade en qualité, respectivement, d'ingénieur chef de service et de technicien supérieur, ont été transférés à la société Siget le 1er octobre 2004 ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer aux salariés des dommages-intérêts pour défaut d'information préalable au transfert de leurs contrats de travail, les arrêts retiennent que selon l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ce texte, tel qu'interprété à la lumière de la directive n° 2001 / 23 / CE du 12 mars 2001, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, lorsque comme en l'espèce, il n'y a pas de représentants du personnel dans l'entreprise, les travailleurs concernés par le transfert doivent être informés préalablement, de la date fixée ou proposée pour le transfert, du motif du transfert, des conséquences juridiques économiques ou sociales du transfert pour les travailleurs et des mesures envisagées à l'égard de ces derniers ; que la non-information des salariés sur les modalités et les conséquences du transfert de leurs contrats de travail est constitutif pour eux d'un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 7, alinéa 6, de la directive susvisée, invoqué par les salariés, n'a pas été transposé en droit interne, de sorte qu'il ne pouvait créer d'obligation à la charge de la société Open Cascade, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 20 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Open Cascade ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit aux pourvois n° M 08 43. 397 et N 08 43. 398 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Open Cascade.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société OPEN CASCADE à verser à Monsieur Alain X... une somme de 10. 000 en raison d'un défaut d'information préalable au transfert de son contrat de travail sur les modalités et les conséquences de ce transfert ;
AUX MOTIFS QUE « comme l'a énoncé le conseil de prud'hommes, la cession litigieuse remplit en terme d'activité économique les conditions fixées par l'article L. 122-12 du Code du travail et que ce texte est donc applicable ; que selon ce texte, tel qu'interprété à la lumière de la directive CEE n° 2 001 / 23 du 12 mars 2001, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur telle que mentionnée au 2ème alinéa de l'article L. 122-12 du Code du travail, lorsque comme en l'espèce, il n'y a pas de représentants du personnel dans l'entreprise, les travailleurs concernés par le transfert doivent être informés préalablement : de la date fixée ou proposée pour le transfert ; du motif du transfert ; des conséquences juridiques économiques ou sociales du transfert pour les travailleurs ; des mesures envisagées à l'égard de ces derniers ; que contrairement à ce que soutient la Société OPEN CASCADE, Monsieur X... n'a jamais été informé préalablement sur les modalités et conséquences du transfert de son contrat de travail, l'échange de mails du 8 octobre 2004 entre le salarié et Monsieur DE Z... ne valant pas preuve d'une telle information ; que ce défaut d'information est sans incidence sur le transfert de plein droit du contrat de Monsieur X..., le salarié ne pouvant refuser le transfert ; qu'il convient donc de rejeter sa demande de réintégration et de ses demandes subsidiaires en paiement des indemnités légales ou conventionnelles de rupture ; que toutefois, la non information du salarié sur les modalités et conséquences du transfert de son contrat est constitutif pour le salarié d'un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 10. 000 euros » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier ; que si, en appliquant le droit national, le juge national appelé à l'interpréter est tenu de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci, cette obligation pour le juge national de se référer au contenu de la directive lorsqu'il interprète les règles pertinentes de son droit national trouve ses limites lorsqu'une telle interprétation conduit à opposer à un particulier une obligation prévue par une directive non transposée ; que pour condamner la Société OPEN CASCADE à verser diverses sommes à Monsieur X..., la cour d'appel a dit interpréter l'ancien article L. 122-12, devenu les articles L. 1224-1, L. 1224-2, L. 1234-7, L. 1234-10 et L. 1234-12, à la lumière de la directive 2001 / 23 CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements pour considérer que lorsqu'il n'existe pas de représentants du personnel dans une entité cédée, les travailleurs concernés par le transfert doivent être préalablement informés de la date fixée ou proposée pour le transfert, du motif du transfert, des conséquences juridiques économiques ou sociales du transfert pour les travailleurs, et des mesures envisagées à l'égard de ces derniers ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, loin d'interpréter le droit national, a en réalité opposé à l'exposante, simple particulier, une obligation d'information personnelle des salariés quant aux modalités et aux conséquences du transfert de leur contrat de travail en l'absence, pour des motifs indépendants de leur volonté, de représentants du personnel dans l'entreprise, prévue par l'article 7 alinéa 6 de la directive du 12 mars 2001, article non transposé en droit interne ; que ce faisant, elle a violé l'article 249 du traité instituant la communauté européenne et les articles L. 1224-1, L. 1224-2, L. 1234-7, L. 1234-10 et L. 1234-12 (anciennement article L. 122-12 alinéa 2) ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE devant la cour d'appel le salarié faisait uniquement valoir que le manquement de la Société OPEN CASCADE à la prétendue obligation qui aurait pesé sur elle d'informer les salariés des conséquences et des modalités de transfert de leur contrat de travail avait pour conséquence de rendre « nul » le transfert de son contrat de travail ; qu'aucune demande indemnitaire, même subsidiaire, n'était présentée de ce chef ; qu'en condamnant dès lors la Société OPEN CASCADE à payer à Monsieur X... une somme de 10. 000 en raison d'un défaut d'information préalable au transfert de son contrat de travail sur les modalités et les conséquences de ce transfert, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.