LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 10 mai 2011), qu'invité par les enfants des époux X... à se baigner dans la piscine de leur propriété, Rolland Y..., alors âgé de 17 ans, a escaladé un muret pour atteindre la toiture de l'abri de piscine, d'où il voulait plonger ; qu' il s'est empalé sur une tige de fer à béton plantée au milieu d'un bosquet situé au pied du muret ; qu'il est décédé des suites de ses blessures ; que ses père et mère, M. et Mme Y... ainsi que ses frères M. Simon Y..., M. Nathaniel Y... et M. Timothée Y... (les consorts Y...) ont assigné les époux X... en responsabilité et réparation de leurs préjudices ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité de plein droit du gardien d'une chose est engagée dès lors qu'il est établi que cette chose a été l'instrument du dommage ; qu'en refusant néanmoins de faire droit à la demande des consorts Y... tendant à obtenir réparation du préjudice causé par le décès de Rolland Y..., après avoir pourtant constaté que ce dernier s'était empalé sur une tige de fer utilisée comme tuteur d'un arbuste situé au pied du muret d'où il avait chuté, ce dont il résultait que cette tige de fer avait été l'instrument du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;
2°/ qu'une chose inerte est l'instrument du dommage subi par une personne à son contact dès lors qu'elle présente un caractère anormal ou dangereux ; qu'en affirmant néanmoins, pour exclure toute participation causale de la barre en fer à béton sur laquelle Rolland Y... s'était empalé, que le seul fait de se servir d'une tige en fer comme tuteur d'un arbuste ne caractérisait pas une position anormale, bien qu'un tel objet, n'ayant pas vocation à être utilisée comme tuteur de jardin, n'eût pas à se trouver dans un bosquet, ce dont il résultait que cette tige en fer, de par son caractère anormal et dangereux, avait été l'instrument du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;
3°/ qu'une chose inerte est l'instrument du dommage subi par une personne à son contact dès lors qu'elle présente un caractère anormal ou dangereux ; que les consorts Y... faisaient valoir que la tige en fer sur laquelle Rolland Y... s'était empalé ne remplissait plus la fonction de tuteur à la date du dommage, en l'absence de toute attache la liant à l'arbuste ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter toute participation causale de cette barre en fer dans l'accident, que cette tige-tuteur n'occupait pas une place anormale ni dangereuse dès lors qu'elle se trouvait au milieu de l'arbuste depuis la plantation de celui-ci, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'arbuste était tenu par la tige comme il doit l'être par un tuteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;
4°/ que la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de la chose que si elle constitue une force majeure ; qu'en considérant néanmoins qu'en escaladant les pieds mouillés un muret sur lequel était placée une chaise en plastique pliante pour se hisser sur le toit de l'abri piscine d'où il plongeait, Rolland Y... avait commis une faute de nature à exonérer de toute responsabilité les gardiens de la tige métallique sur laquelle il s'était empalé en chutant, bien qu'un tel comportement n'eût pas été, pour des enfants s'amusant en groupe, d'une imprudence imprévisible et irrésistible, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute de la victime constitutive d'une force majeure, a violé l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la tige de fer sur laquelle la victime s'est empalée a été installée pour servir de tuteur à un arbuste au milieu duquel elle était implantée ; qu'il résulte de l'enquête de gendarmerie que celle-ci était rigide, enfoncée dans le sol de 20 cm, laissant émerger 1,06 mètre, d'une hauteur inférieure à celle de l'arbuste ; que par ses propriétés de solidité et de rectitude, comme par ses dimensions et par son emplacement au pied d'une plante à soutenir, elle remplissait comme tuteur l'office attendu d'une tige métallique, ou en quelqu'autre matière rigide que ce soit, implantée dans un jardin ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, répondant aux conclusions par une décision motivée, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que la tige métallique plantée verticalement dans le sol pour servir de tuteur n'était pas en position anormale et n'avait pas été l'instrument du dommage ;
D'où il suit que le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Patrick, Simon, Nathaniel et Thimothée Y... et Mme Marie-Jacqueline Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté les demandes des consorts Y... tendant à voir condamner solidairement Monsieur et Madame X..., sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du Code civil, à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices causés par le décès de Rolland Y... ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 1384 al 1er du Code civil, "on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde". En matière de fait des choses, l'application de ce texte est subordonnée à la preuve que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage ; comme à bon droit énoncé par le Tribunal, une chose inerte ne peut être l'instrument du dommage que si la preuve est rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état. La charge de la preuve incombe à la victime. En l'espèce, la tige de fer sur laquelle la victime s'est empalée a été installée pour servir de tuteur à un arbuste au milieu duquel elle était implantée. Il résulte de l'enquête de Gendarmerie que la tige était rigide, enfoncée dans le sol de 20 cm, laissant émerger 1,06 cm, d'une hauteur inférieure à celle de l'arbuste. Le Tribunal a pertinemment relevé que le seul fait de se servir de cette tige, rigide et de mêmes caractéristiques qu'un tuteur de jardin, comme tuteur d'un bosquet ne caractérise pas une position anormale. Il ressort des constatations des gendarmes et des photographies prises dans le cadre de l'enquête pénale que la tige-tuteur se trouvait au milieu de cet arbuste depuis la plantation de celui-ci et n'occupait pas une place anormale ni dangereuse ; elle n'est donc pas l'instrument du dommage. Surabondamment, s'agissant de la cause d'exonération invoquée par les intimés consistant dans la faute de la victime âgée de 17 ans et demi et capable de discernement, la Cour relève qu'il ressort de l'enquête de Gendarmerie que Rolland Y... s'amusait avec d'autres jeunes à escalader un muret sur lequel ils avaient placé une chaise en plastique pliante, pour se hisser sur le toit de l'abri piscine d'où ils plongeaient. Le Tribunal a retenu à juste titre que ce comportement imprudent revêtait pour les gardiens de la tige métallique un caractère imprévisible et irrésistible dès lors qu'ils ne pouvaient prévoir ni empêcher que le muret servirait de support d'accès au toit de l'abri piscine ni que celui-ci serait utilisé comme plongeoir alors qu'il n'était pas accessible à hauteur d'homme ni même en montant sur une chaise et qu'il n'a été atteint par la victime qu'après escalade du muret et utilisation d'une chaise placée sur le sommet de celui-ci ; si les enfants des époux X... ont déclaré aux enquêteurs qu'ils avaient l'habitude de plonger du muret, ce fait est totalement différent de celui consistant à plonger du toit de l'abri piscine après être monté sur l'appareil de climatisation, puis avoir escaladé ce muret et s'être hissé sur une chaise pour accéder au toit du préau ; qu'au surplus, cette chaise pliante en plastique a été placée en équilibre sur le muret et la victime y est montée avec les pieds mouillés après avoir déjà plongé. Une telle imprudence extérieure aux gardiens ne pouvait être prévue ni empêchée par ces derniers, étant observé que tenant l'âge de la victime, à quelques mois de la majorité, et les circonstances de l'accident, il ne peut être fait reproche aux propriétaires des lieux de n'avoir pas exercé de surveillance. Le Tribunal a donc à bon droit débouté les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes » ;
1°) ALORS QUE la responsabilité de plein droit du gardien d'une chose est engagée dès lors qu'il est établi que cette chose a été l'instrument du dommage ; qu'en refusant néanmoins de faire droit à la demande des consorts Y... tendant à obtenir réparation du préjudice causé par le décès de Roland Y..., après avoir pourtant constaté que ce dernier s'était empalé sur une tige de fer utilisée comme tuteur d'un arbuste situé au pied du muret d'où il avait chuté, ce dont il résultait que cette tige de fer avait été l'instrument du dommage, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1384, alinéa 1, du Code civil ;
2°) ALORS QU'une chose inerte est l'instrument du dommage subi par une personne à son contact dès lors qu'elle présente un caractère anormal ou dangereux ; qu'en affirmant néanmoins, pour exclure toute participation causale de la barre en fer à béton sur laquelle Rolland Y... s'était empalé, que le seul fait de se servir d'une tige en fer comme tuteur d'un arbuste ne caractérisait pas une position anormale, bien qu'un tel objet, n'ayant pas vocation à être utilisée comme tuteur de jardin, n'eût pas à se trouver dans un bosquet, ce dont il résultait que cette tige en fer, de par son caractère anormal et dangereux, avait été l'instrument du dommage, la Cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1, du Code civil ;
3°) ALORS QU'une chose inerte est l'instrument du dommage subi par une personne à son contact dès lors qu'elle présente un caractère anormal ou dangereux ; que les consorts Y... faisaient valoir que la tige en fer sur laquelle Rolland Y... s'était empalé ne remplissait plus la fonction de tuteur à la date du dommage, en l'absence de toute attache la liant à l'arbuste ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter toute participation causale de cette barre en fer dans l'accident, que cette tige-tuteur n'occupait pas une place anormale ni dangereuse dès lors qu'elle se trouvait au milieu de l'arbuste depuis la plantation de celui-ci, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'arbuste était tenu par la tige comme il doit l'être par un tuteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1, du Code civil ;
4°) ALORS QUE la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de la chose que si elle constitue une force majeure ; qu'en considérant néanmoins qu'en escaladant les pieds mouillés un muret sur lequel était placée une chaise en plastique pliante pour se hisser sur le toit de l'abri piscine d'où il plongeait, Rolland Y... avait commis une faute de nature à exonérer de toute responsabilité les gardiens de la tige métallique sur laquelle il s'était empalé en chutant, bien qu'un tel comportement n'eût pas été, pour des enfants s'amusant en groupe, d'une imprudence imprévisible et irrésistible, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute de la victime constitutive d'une force majeure, a violé l'article 1384, alinéa 1, du Code civil.