LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 121-2 du code des assurances ;
Attendu que ce texte ne porte pas atteinte à la liberté des parties de convenir du champ d'application du contrat et de déterminer la nature et l'étendue de la garantie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un tribunal pour enfants a déclaré Lucas X... coupable d'agressions sexuelles sur ses deux frères mineurs ; qu'il l'a condamné, in solidum avec ses parents M. X... et Mme Y..., civilement responsables, à payer des dommages-intérêts à un administrateur ad hoc ; que M. X... et Mme Y... ont réclamé le remboursement de ces indemnités à la société Axa France IARD (la société Axa), auprès de laquelle ils avaient souscrit une assurance " responsabilité familiale et privée " les garantissant contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en cas de dommages causés à un tiers par eux-mêmes et leur entourage, incluant leurs enfants, définis par le contrat comme les personnes assurées ;
Attendu que, pour accueillir la demande de M. X... et de Mme Y..., l'arrêt retient que l'article L. 121-2 ne distingue pas selon la qualité du tiers lésé et qu'il n'applique aucune exclusion en cas de dommage causé par l'enfant d'un assuré à l'égard d'un autre enfant du même assuré ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat d'assurance ne garantissait pas les dommages causés aux personnes définies comme assurées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France IARD, ensemble l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Niciolay, de Lanouvelle et Hannotin ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Axa France IARD
Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR, en confirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint Etienne le 9 décembre 2008, condamné la SA d'assurance AXA FRANCE à garantir Éric X... ainsi qu'Hélène
Y...
civilement responsables des dommages causés par Lucas X... leur fils mineur né le 16 juin 1992 du paiement des indemnités de 5. 000 € allouées par le tribunal pour enfants de Saint Etienne le 25 septembre 2007 à Gaëtan et Jordan X..., au bénéfice de chacun d'eux ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes du contrat habitation souscrit pas Monsieur X... et Madame Y... l'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par le souscripteur et son entourage dont notamment les enfants vivant ou non au foyer en cas de dommages causés aux tiers ; qu'il est précisé que les tiers sont les personnes qui ne sont pas définis comme personnes assurées ; que la société AXA FRANCE déduit de ces éléments que les deux victimes étant des personnes assurées ne sont pas des tiers, de sorte qu'elle ne doit pas sa garantie ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du Code des assurances, l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du code civil quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ; que l'enfant Lucas et ses frères sont des personnes dont l'assuré, à savoir Monsieur X... et Madame Y..., sont civilement responsables ; que les victimes sont des tiers par rapport à l'auteur des faits ; que par ailleurs l'article L. 121-2 du Code des assurances ne fait pas de distinction en considération de la qualité du tiers lésé et n'applique aucune exclusion en cas de dommage causé par l'enfant d'un assuré à l'égard d'un autre enfant du même assuré ; qu'en outre en application des articles 1156 et suivants du code civil il y a lieu d'interpréter une clause imprécise en faveur de l'assuré ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré, sauf à majorer les sommes allouées aux enfants Gaëtan et Jordan des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'article 1384 du code civil dispose que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du code des assurances, l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ; que les dispositions impératives de l'un et l'autre de ces textes ne permettent pas d'établir de distinction en considération de la qualité du tiers lésé et d'exclure plus particulièrement la victime de dommages causés par un autre enfant dont les parents, communs aux deux mineurs sont civilement responsables par l'effet de la loi ; en l'espèce, Monsieur X... et Madame Y... ont été déclarés civilement responsables des dommages causés par leur enfant mineur Lucas à ses deux frères Gaëtan et Jordan, à chacun desquels il a été alloué 5. 000 € de dommages et intérêts, par le tribunal pour enfants de Saint Etienne le 25 septembre 2007 ; qu'aux termes des clauses relatives à la couverture du risque dénommé « Responsabilité Familiales et Privée », dans le cadre du contrat multirisques Habitation n° 1 souscrit par le s demandeurs auprès de la SA d'assurances AXA FRANCE, cette dernière garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par les souscripteurs, eux-mêmes et par d'autres personnes " de leur entourage " définies elles aussi comme assurées, notamment les enfants aussi bien ceux gui vivent en permanence au foyer des souscripteurs que ceux gui habitent en dehors... (paragraphe intitulé " personnes assurées " p 16 des conditions générales de la police d'assurance), et ce, à la suite de dommages causés aux tiers au cours de la vie familiale et privée des assurés (paragraphe " dommages garantis " p 17 des conditions générales) ; que néanmoins, il est expressément stipulé que seules peuvent être considérés comme des tiers lésés titulaires du droit à indemnisation, suivant l'économie des dispositions des articles L. 124-1 et suivants du code des assurances, les personnes qui ne sont pas définies comme personnes assurées ; que conformément aux principes d'interprétation des conventions énoncés aux articles 1156, 1157, 1162 et 1163 du code civil et dans une hypothèse où deux des enfants assurés couverts par la police d'assurance responsabilité civile sont devenus eux mêmes victimes de dommages occasionnés par un autre enfant de la même fratrie, il apparaissait seulement concevable d'écarter une demande de garantie en ce qu'elle serait présentée à l'assureur au titre de la responsabilité personnelle de l'enfant auteur des faits dommageables (spécialement s'il ne cohabite plus avec les parents titulaires de l'autorité parentale ou s'il est majeur) mais l'application extensive d'une stipulation restrictive ne peut être admise pour favoriser, implicitement mais nécessairement, une modification interdite par l'article L. 111-2 du code des assurances du régime légal de garantie institué à la charge de l'assureur par l'article L. 121-2 du même code, au détriment de toute victime de pertes et dommages dont les parents titulaires de l'autorité parentale doivent répondre de plein droit en vertu de l'article 1384 et en raison du simple fait, fût-il non fautif, de leur enfant mineur ; qu'il s'ensuit que la SA d'assurances AXA FRANCE doit bel et bien garantir Éric X... ainsi qu'Hélène
Y...
des dommages qui ont été causés à Gaëtan et Jordan X... par Lucas X... et dont les demandeurs étaient civilement responsables en vertu de l'article 1384 du code civil et aux termes d'un jugement rendu par le tribunal pour enfants de Saint Etienne le 25 septembre 2007 ; qu'en conséquence, alors que l'association Enfance et Partage n'a été désignée comme administrateur ad hoc que pour se constituer partie civile devant la juridiction des mineurs, en vertu de l'article 389-3 du code civil, que le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE a homologué la convention définitive réglant les conséquences du divorce prononcé entre Eric X... et Hélène
Y...
, spécialement un exercice en commun de l'autorité parentale sur leurs enfants nés le 2 juin 1994 et le 5 août 1995 respectivement, le versement des indemnités allouées à ces derniers ne peut s'opérer qu'entre les mains des deux parents, administrateurs légaux qui ont le pouvoir de recevoir les capitaux destinés aux mineurs mais doivent s'accorder sur le placement de ces fonds et solliciter l'arbitrage du juge des tutelles à défaut d'accord » ;
1° ALORS QUE l'article L. 121-2 du code des assurances ne porte pas atteinte à la liberté des parties de convenir du champ d'application du contrat et de déterminer la nature et l'étendue de la garantie ; que s'il interdit toute stipulation visant à exclure directement ou indirectement la garantie de l'assuré déclaré civilement responsable d'une faute intentionnelle commise par une personne dont il doit répondre, ce texte n'empêche pas, en revanche, de délimiter l'objet de la garantie de l'assureur en considération d'une circonstance indépendante du comportement ou de la nature de la faute de la personne dont l'assuré est civilement responsable ; qu'ainsi, est licite la clause excluant du champ de la garantie les dommages qui, bien qu'engageant la responsabilité civile de l'assuré ou des personnes dont il doit épondre, atteignent des personnes, qui, au sens de la police, ont la qualité d'assuré ; qu'en retenant, pour condamner la compagnie AXA à garantir Monsieur X... et Madame Y..., civilement responsables des dommages causés par leur fils mineur à leurs deux autres enfants, que la clause de la police, qui limitait l'objet de la garantie « responsabilité familiale et privée » à la garantie des dommages causés aux tiers, lesquels étaient définis au contrat comme les personnes « qui ne sont pas définies comme personnes assurées », était contraire aux dispositions de l'article 121-2 du code des assurance, quand cette clause se bornait à délimiter l'objet de la garantie en distinguant selon la qualité de la victime, indépendamment de toute considération tenant au comportement de l'auteur du dommage dont Monsieur X... et Madame Y... étaient civilement responsables, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2° ALORS QU'aux termes du contrat habitation souscrit par Monsieur X... et Madame Y..., l'assureur garantissait les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par le souscripteur et son entourage dont, notamment, ses enfants, vivants ou non au foyer, en cas de dommages causés aux tiers ; que la police définissait comme « personne assurée » les « enfants du souscripteur ou ceux de son conjoint », et qualifiait de « tiers » « les personnes qui ne sont pas définies comme « personnes assurées » (p. 16) ; qu'en considérant, pour condamner la compagnie AXA à garantir Monsieur X... et Madame Y..., civilement responsables des dommages causés par leur fils mineur Lucas X... du paiement des dommages et intérêts alloués par le tribunal pour enfants de Saint Etienne le 25 septembre 2007 à leurs deux autres enfants, Gaëtan et Jordan X..., que cette clause était imprécise et qu'il y avait lieu de l'interpréter, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QU'en énonçant que la clause limitant la garantie aux dommages causés aux tiers, définis comme étant « les personnes qui ne sont pas définies comme « personnes assurées » ne pouvait faire obstacle à la garantie de l'assureur, au motif que les victimes avaient, en l'espèce, la qualité de tiers par rapport à l'auteur des faits, la Cour d'Appel a ajouté au contrat une condition qu'il ne contient pas et a violé l'article 1134 du Code Civil.