LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que courant 2005/2006 la société Kéolis, société de transports en commun, a confié à la société Actitudes, agence de publicité, la réalisation de l'ensemble de ses campagnes publicitaires ; qu'après rupture des relations contractuelles, la société Actitudes reprochant à l'annonceur d'utiliser les oeuvres réalisées sans que les droits d'exploitation en aient été cédés, a assigné celui-ci en paiement desdits droits ; qu'elle fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 12 juin 2008) de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu' il résulte de l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle que le contrat de commande de publicité n'entraîne cession au producteur des droits de l'exploitation de l'oeuvre que si ce contrat précise la rémunération due pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre, en fonction notamment de la zone géographique, de la durée d'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du support ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que la société Actitudes pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte et qu'aucun contrat n'avait été signé entre les parties, la cour d'appel a énoncé qu'aucun des documents contractuels (devis, commandes, factures) ne restreignait la possibilité d'exploiter des oeuvres clairement destinées à des campagnes publicitaires bien déterminées et que l'intention de cette société avait été de céder les droits d'exploitation sans rémunération supplémentaire ; qu'en se fondant ainsi sur le silence des documents contractuels, qui ne comportaient aucune mention relative à la rémunération due pour chaque mode d'exploitation des oeuvres publicitaires, pour considérer que la cession des droits d'exploitation de ces oeuvres avait été décidée d'un commun accord entre les parties, la cour d'appel a violé l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que la cession des droits d'exploitation d'une oeuvre publicitaire implique une contrepartie financière ; qu'en considérant pourtant que la société Actitudes avait cédé gratuitement les droits d'exploitation des oeuvres publicitaires, pour en déduire qu'elle ne pouvait prétendre à une rémunération, ni pour la période antérieure à la rupture des relations contractuelles, ni pour la période postérieure, la cour d'appel a violé l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ qu'à titre subsidiaire, qu'une cession des droits d'exploitation ne peut être consentie que pour une durée limitée ; que dès lors en l'espèce, même à supposer qu'il ait eu cession des droits d'exploitation, cette cession était nécessairement limitée quant à sa durée à la période des relations contractuelles, faute de stipulation contractuelles sur la durée d'exploitation, qu'en retenant pourtant qu'aucune rémunération n'était due pour l'exploitation des oeuvres de publicité, postérieure à la rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que si l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle ne s'applique pas aux rapports entre l'annonceur et l'agence de publicité, ces dispositions régissant les seuls contrats consentis par l'auteur, personne physique, dans l'exercice de son droit d'exploitation et non ceux que peuvent conclure, avec des sous-exploitants, les cessionnaires ou les personnes investies par la loi sur les oeuvres collectives de ce droit, la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur la présomption de cession instaurée par ce texte ; qu'ayant, par une appréciation souveraine de la volonté des parties, estimé que les droits d'exploitation, au profit de l'annonceur, sur les oeuvres réalisées pour son compte, avaient été cédés par l'agence de publicité, elle a, au regard du droit commun régissant les relations contractuelles en cause, légalement justifié sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Attendu que la quatrième branche du moyen qui s'attaque à un motif erroné mais surabondant est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Actitudes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Actitudes.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les droits d'exploitation des oeuvres réalisées par la société ACTITUDES avaient été cédés à la société KEOLIS et d'avoir débouté cette première société de sa demande en paiement de la somme de 132.500 €.
AUX MOTIFS QUE la société ACTITUDES comme personne morale est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle. Il est constant qu'aucun contrat n'a été signé entre les deux parties, ni avant, ni au cours de leur collaboration, et les seuls documents contractuels existants sont les devis, les commandes et les factures, dont aucun, à l'exception d'une facture du 31 mars 2006, ne restreint la possibilité d'exploiter des oeuvres clairement destinées à des campagnes publicitaires bien déterminées. La commande du 6 mars 2006, mentionnant une cession des droits d'exploitation, se rapportait à une communication interne de la société KEOLIS. Cette cession en vue de l'exploitation des oeuvres pour un autre usage confirme que la cession avait été, en ce qui concerne les campagnes publicitaires, décidée d'un commun accord entre les parties. La société ACTITUDES n'ignorait ni la nature ni la destination des campagnes publicitaires : abonnements City Pass, Pass Hebdo, Campus, Parc Relais, navettes Fête des Lumières, Pleine Lune, campagne Montée Porte Avant, Charte Qualité Client, guides tarifaires, …, pour lesquelles au vu de son devis une commande lui était passée, en exécution de laquelle elle concevait et réalisait une oeuvre, une maquette, une affiche, un encart de presse, ou tout autre document, qu'elle livrait à l'annonceur, et qu'elle facturait, en précisant sur les factures, de manière générale, les diverses tâches effectuées, à savoir : la création, la conception et la réalisation. Elle connaissait nécessairement l'affectation des oeuvres commandées sur le territoire du GRAND LYON, sur tous types de supports (presse, affichage, véhicules, brochures, …), parfois précisés dans la commande, notamment quand il s'agissait de supports presse ou des panneaux Decaux, l'Agence s'étant même chargée une fois de transmettre directement les annonces à la presse (facture n° 12K 10-3590 du 31 octobre 2005 de 580 € HT). Elle n'a pu ignorer non plus la forme et l'importance de ces diverses campagnes réalisées pendant les dix-huit mois de collaboration. Or à aucun moment, pendant cette période, elle n'a émis de réserves, ni de protestation sur une prétendue absence de droit d'exploitation des oeuvres livrées à la société KEOLIS, ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire s'il n'avait pas été son intention de céder les droits sans rémunération supplémentaire, ou si ces campagnes s'étaient déroulées dans des conditions autres que celles que les commandes laissaient prévoir. Du reste, dans le projet de contrat proposé à la société KEOLIS, la cession des droits d'exploitation était incluse dans le prix, ce qui ressort de la clause qui prévoyait qu'ils ne seront payés que dans le cas où l'annonceur, après résiliation du contrat continuerait d'utiliser les oeuvres de la société ACTITUDES, et seulement pour la période d'exploitation postérieure à la résiliation du contrat. Cela signifie que pendant l'exécution du contrat, la cession était incluse dans le prix, et correspond tout à fait à la pratique suivie jusque là par les parties. La société KEOLIS a refusé de signer le contrat cadre qui lui a été proposé, ne voulant pas se lier exclusivement avec la société ACTITUDES. Son refus, dont il n'est pas allégué, et encore moins établi, qu'il était abusif, ne pouvait entraîner l'exigibilité de droits d'exploitation des créations de la société ACTITUDES, ni pour la période antérieure, ni pour la période postérieure d'exploitation. La solution contraire aboutirait à subordonner la cession gratuite des droits d'exploitation à une condition, l'exclusivité, qui n'a jamais été acceptée par KEOLIS. La société ACTITUDES n'est donc pas fondée à soutenir que celle-ci savait parfaitement que la contrepartie de la cession des droits était l'exclusivité. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé, et la société ACTITUDES déboutée de l'ensemble de ses demandes.
1) ALORS QU'il résulte de l'article L. 132-31 du Code de la propriété intellectuelle que le contrat de commande de publicité n'entraîne cession au producteur des droits de l'exploitation de l'oeuvre que si ce contrat précise la rémunération due pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre, en fonction notamment de la zone géographique, de la durée d'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du support ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que la société ACTITUDES pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte et qu'aucun contrat n'avait été signé entre les parties, la Cour d'appel a énoncé qu'aucun des documents contractuels (devis, commandes, factures) ne restreignait la possibilité d'exploiter des oeuvres clairement destinées à des campagnes publicitaires bien déterminées et que l'intention de cette société avait été de céder les droits d'exploitation sans rémunération supplémentaire ; qu'en se fondant ainsi sur le silence des documents contractuels, qui ne comportaient aucune mention relative à la rémunération due pour chaque mode d'exploitation des oeuvres publicitaires, pour considérer que la cession des droits d'exploitation de ces oeuvres avait été décidée d'un commun accord entre les parties, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-31 du Code de la propriété intellectuelle ;
2) ALORS QUE la cession des droits d'exploitation d'une oeuvre publicitaire implique une contrepartie financière ; qu'en considérant pourtant que la société ACTITUDES avait cédé gratuitement les droits d'exploitation des oeuvres publicitaires, pour en déduire qu'elle ne pouvait prétendre à une rémunération, ni pour la période antérieure à la rupture des relations contractuelles, ni pour la période postérieure, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-31 du Code de la propriété intellectuelle ;
3) ALORS et à titre subsidiaire QU'une cession des droits d'exploitation ne peut être consentie que pour une durée limitée ; que dès lors en l'espèce, même à supposer qu'il ait eu cession des droits d'exploitation, cette cession était nécessairement limitées quant à sa durée à la période des relations contractuelles, faute de stipulation contractuelles sur la durée d'exploitation, qu'en retenant pourtant qu'aucune rémunération n'était due pour l'exploitation des oeuvres de publicité, postérieure à la rupture des relations contractuelles, la Cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 132-31 du Code de la propriété intellectuelle ;
4) ALORS et à titre encore plus subsidiaire QUE la Cour d'appel a constaté que le projet de contrat de collaboration, qui prévoyait le paiement d'une rémunération en cas d'utilisation des oeuvres publicitaires postérieurement à la rupture du contrat, correspondait tout à fait à la pratique suivie jusque là par les parties ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher si le projet de contrat de collaboration ne reflétait pas la commune intention des parties quant au paiement d'une rémunération pour la période d'exploitation postérieure à la rupture des relations contractuelles, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.