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05/11/2009 | FRANCE | N°08-16467

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 novembre 2009, 08-16467


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société France Télévisions de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 6 de la loi du 29 juillet 1982 et 3 du décret du 6 avril 1987 ;
Attendu que dans son émission "Envoyé spécial" du 5 avril 2007 la société France 2 a diffusé un reportage intitulé "Main basse sur vos comptes" qui dénonçait les pratiques de certaines banques auxquelles il était reproché de s'enrichir aux dépens de leurs clients en facturant des frais bancaires abusifs ; que dans ce

reportage le Crédit lyonnais était mis en cause par deux de ses clients ainsi que...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société France Télévisions de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 6 de la loi du 29 juillet 1982 et 3 du décret du 6 avril 1987 ;
Attendu que dans son émission "Envoyé spécial" du 5 avril 2007 la société France 2 a diffusé un reportage intitulé "Main basse sur vos comptes" qui dénonçait les pratiques de certaines banques auxquelles il était reproché de s'enrichir aux dépens de leurs clients en facturant des frais bancaires abusifs ; que dans ce reportage le Crédit lyonnais était mis en cause par deux de ses clients ainsi que par leur avocat ; qu'ils y exposaient qu'après avoir acquis un fonds de commerce de bar tabac en 1996 ils avaient été contraints de le revendre à perte dix ans plus tard en raison de déboires financiers qu'ils imputaient à la charge qu'auraient représentée les frais bancaires facturés pendant deux ans ; que le Crédit lyonnais a adressé le 17 avril 2007 une lettre demandant à la société France 2 l'insertion d'un droit de réponse dans laquelle il indiquait les imputations contestées ainsi que la réponse dont il sollicitait l'insertion ; que cette lettre énonçait notamment : Protestation et mise au point de LCL Le Crédit lyonnais "le 5 avril dernier, dans l'émission "Envoyé spécial", deux clients de LCL Le Crédit lyonnais, assistés de leur avocat ont, par leurs déclarations unilatérales, tenté de faire croire que leur banque, en raison de frais injustifiés qu'elle leur avait fait payer, était responsable de leur ruine et de la nécessité où ils s'étaient trouvés de revendre à perte le fonds de commerce de bar tabac qu'ils avaient acquis dix ans plus tôt.A l'appui de cette accusation, ils ont fait valoir que le Crédit lyonnais aurait reconnu sa responsabilité en leur remboursant 8000 euros de frais bancaires injustifiés .Ces affirmations, confortées par leur avocat, ont été développées dans un reportage tout entier défavorable aux pratiques bancaires.En ce qui le concerne, le Crédit lyonnais entend protester contre une présentation tendancieuse et gravement incomplète des faits.Il aurait suffi aux auteurs du reportage de consulter les lettres adressées au Crédit lyonnais par ses accusateurs pour constater que ceux ci ont toujours expliqué leurs difficultés financières ayant conduit à une vente à perte de leur fonds de commerce (perte de plus de 162000 euros, sans commune mesure avec les 8000 euros de frais prétendument indus) par un détournement de 45000 euros dont ils auraient été victime en 1998 et par la réduction drastique de leur chiffre d'affaires du fait de mesures anti tabac prises par les pouvoirs publics.Quant à la transaction invoquée, si elle a conduit le Crédit lyonnais à un nouvel effort en renonçant à 8000 euros de frais facturés et prévus dans les documents contractuels, c'est essentiellement pour permettre à ses clients en difficulté de pouvoir, par l'aménagement d'un calendrier adéquat, rembourser la totalité des emprunts dont ils reconnaissent être débiteurs, soit plusieurs dizaines de milliers d'euros.LCL Le Crédit lyonnais entend demander par voie judiciaire, réparation du préjudice qui lui a été causé par ce reportage."
Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé qui a déclaré irrecevable la demande en insertion forcée du droit de réponse dont le Crédit lyonnais avait saisi M. de X..., la cour d'appel a énoncé que dans sa lettre du 17 avril 2007 le demandeur ne précisait pas si "dans ce reportage" les faits qu'il dénonce constituent la totalité ou un ou plusieurs passages de l'émission considérée ; qu'il consacre douze lignes à l'évocation de ces faits qu'il décrit de façon générale en citant quatre termes utilisés au cours de l'émission entre guillemets ; que cette brève description générale pas plus que les termes cités pris hors de leur contexte, ne constituent la mention suffisante des passages prévue par le décret susvisé ;
Qu'en statuant ainsi, quand il résulte de la lettre précitée que les passages contestés y étaient mentionnés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société France Télévisions et M. de X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société France Télévisions et de M. de X..., ès qualités ; les condamne ensemble à payer à la société Le Crédit lyonnais à la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils, pour la société Le Crédit lyonnais.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue en matière de référés qui a déclaré irrecevable la demande en insertion forcée du droit de réponse dont le CREDIT LYONNAIS avait saisi Patrick de X..., par courriers en date des 17 et 19 avril 2007 ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le demandeur à l'exercice d'un droit de réponse doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu'il se propose d'y faire ; que le même article mentionne expressément qu'un décret en Conseil d'Etat « fixe les modalités d'application de cet article ; que le décret du 6 avril 1987 stipule en son article 3 « la demande (de droit de réponse) indique les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à disposition du public. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse souhaitée » ; qu'ainsi, ces dispositions de la loi et du décret étant indissociables, il appartient au demandeur d'un droit de réponse de mentionner les passages contestés pour préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre, ce qui suppose une identification précise, quant à leur contenu et à leur chronologie, des passages visés au sein de l'émission incriminée ; que cette exigence de mention des passages contestés a pour objet de permettre au destinataire de la demande de droit de réponse d'apprécier l'adéquation de la réponse qui lui est demandé de diffuser au regard des imputations énoncées, qui ne peuvent dès lors qu'être précisées par la mention des passages contestés ; que dans le cas d'espèce, et au surplus les parties s'accordent à dire que la demande de droit de réponse litigieuse tend à répondre non à l'ensemble des propos tenus au cours de l'émission considérée mais à une partie de ceux ci, relatifs à la situation spécifique d'un couple, clients du CREDIT LYONNAIS ; qu'ainsi, l'exigence réglementaire de la mention des passages contestés, à laquelle renvoie expressément la loi, s'imposait d'autant plus que devaient être identifiés ceux des passages auxquels le CREDIT LYONNAIS entendait répondre ; que l'appréciation de la recevabilité de la demande de droit de réponse, par le juge des référés ne suppose pas que ce dernier apprécie « l'impression d'ensemble susceptible de se dégager du reportage litigieux en son entier » ou dise « si ce reportage corrobore ou non l'imputation alléguée », mais qu'il examine la conformité de la dite demande au regard des textes précités ; qu'en l'espèce, dans sa lettre de trois pages du 17 avril 2007, seule à considérer pour apprécier la recevabilité de la demande, le demandeur au droit de réponse ne précise pas si, « dans ce reportage », les faits qu'il dénonce constituent la totalité ou un ou plusieurs passages de l'émission considérée ; qu'il consacre douze lignes à l'évocation de ces faits, qu'il décrit de façon générale, en citant quatre termes utilisés en cours d'émission, entre guillemets ; que cette brève description générale, pas plus que les termes cités, pris hors de leur contexte, ne constituent la mention suffisante des passages prévue par le décret susvisé, expressément destiné à fixer les modalités d'application de la loi ; que le reste de cette lettre, constitué de commentaires de désapprobation, d'explications relatives à la situation du couple de buralistes interrogés, de mise au point à cet égard et du texte du droit de réponse réclamé, ne constitue pas une telle mention ; que l'analyse précise, faite a posteriori par le CREDIT LYONNAIS des passages d'émission qu'il entendait dénoncer, fondée sur la production du script intégral de l'émission considérée, mentionne les passages incriminés en les situant dans le temps de cette émission, outre qu'elle démontre que la mention omise était possible, ne peut fonder, comme postérieure à la demande, l'appréciation de la régularité de cette dernière ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la demande d'exercice du droit de réponse, adressée par le CREDIT LYONNAIS, par lettre du 17 avril 2007, au directeur de la publication de France 2, Monsieur de X..., qui énonçait, en ses troisième, quatrième et cinquième paragraphes, que « Monsieur Y... et Madame Z... expliquent qu'après avoir acquis un fonds de commerce de bar-tabac en 1996, ils ont dû le revendre à perte en 2006 et ils imputent leur 'ruine', leur ‘torture psychologique' et le fait qu'ils soient aujourd'hui ‘quasiment rmistes' à la charge illégitime, selon eux, qu'auraient représenté des frais bancaires facturés ; ils auraient été ‘ rackettés' par le CREDIT LYONNAIS.
A l'appui de leurs dires, ils font état d'une transaction dans le cadre de laquelle le CREDIT LYONNAIS leur a remboursé 8.000 euros environ et y voient la reconnaissance par notre banque de tous les griefs par eux formulés au cours de l'émission, tant en ce qui concerne la nécessité où ils se sont trouvés de revendre leur fonds de commerce que de la rupture de leur couple après dix ans de vie commune.
Tout ceci est conforté par l'approbation explicite et les commentaires de leur conseil, par ailleurs spécialiste des contentieux à l'égard des banques », mentionnait précisément les propos contestés ; qu'en décidant cependant que la lettre du 17 avril 2007 ne comportait pas les mentions des passages contestés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application ;
ALORS, D'AUTRE PART ET, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'article 3 du décret du 6 avril 1987 impose seulement que la demande d'exercice du droit de réponse contienne « la mention des passages contestés » sans exiger que ces passages soient repris in extenso et littéralement dans la demande, si bien qu'en jugeant que l'évocation en style indirect des propos contestés tenus par le couple en cause et la citation de quatre termes utilisés en cours d'émission ne répondaient pas à l'exigence de l'article du décret du 6 avril 1987, la cour d'appel a violé ces dispositions.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-16467
Date de la décision : 05/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE - Droit de réponse - Conditions - Détermination - Portée

PRESSE - Procédure - Droit de réponse - Exercice - Conditions - Détermination

La loi du 29 juillet 1982 disposant que le demandeur au droit de réponse doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu'il se propose d'y faire, viole ce texte la cour d'appel qui pour le déclarer irrecevable énonce que dans sa lettre le demandeur au droit de réponse ne précisait pas si "dans ce reportage" les faits dénoncés constituaient la totalité ou un ou plusieurs passages de l'émission considérée, et se bornait à décrire brièvement et de façon générale les passages incriminés, alors qu'il résultait de cette lettre que les passages contestés y étaient mentionnés


Références :

Cour d'appel de Paris, 7 mai 2008, 07/21785
article 6 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

article 3 du décret n° 87-246 du 6 avril 1987

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 mai 2008

A rapprocher : 1re Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-15134, Bull. 2009, I, n° 202 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 nov. 2009, pourvoi n°08-16467, Bull. civ. 2009, I, n° 219
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 219

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Crédeville
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16467
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